AÏN EL TURCK

1.- AIN-EL-TURK

Ce qu'il est convenu d'appeler la " région d'Ain-el-Turck " forme une plaine nettement limitée par le djebel Santon, la chaîne de Mudjardo, au Sud et à l'Est ; par la mer, au Nord et à l'Ouest. Pendant longtemps, les divers territoires qu'elle comprend conservèrent un caractère d'unité ; mais le développement de la colonisation et les nécessités administratives l'ont fait diviser en trois communes: El-Ançor, Bou-Sfer et Aïn-el-Turck. !

Jusqu'en 1906, on ne possédait que des renseignements imprécis tant sur la géologie de ce pays, sur son passé historique et, même le croirait-on, sur son histoire depuis l'occupation française. Les savants travaux et les recherches intéressantes de M. Blanché, directeur d'école à Aïn-el-Turck, actuellement à Bel-Abbès, ont permis de combler cette grave lacune : son ouvrage, Monographie d'Aïn-el-Turck, constitue une source précieuse des documents qu'il faut toujours consulter quand on veut étudier ces questions. M. Blanché a lui-même trouvé des indications sûres dans les découvertes géologiques de MM. Doumergue et Pallary.

L'ouverture de la nouvelle route eut un contrecoup imprévu. Tout d'abord, les visiteurs, séduits, devinrent de plus en plus nombreux ; l'on découvrait, presque avec surprise, qu'il existait, aux portes d'Oran, une plage ravissante, une vraie plage, digne de rivaliser avec les plus renommées de la Manche et de l'Océan. L'excursion, elle seule, constitue un attrait. Après avoir dépassé le fort de Mers-el-Kébir, le voyageur gravit une côte abrupte qui le conduit rapidement à une première tranchée, taillée dans le bloc granitique. Là, l'horizon borné se découvre ; une belle échappée de vue se déroule sous ses yeux ravis, un panorama d'une beauté imposante, avec, comme toile de fond, le cap Falcon qui se dresse fièrement, doré par le soleil dont les rayons ne l'abandonnent qu'au crépuscule.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1925. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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Afrique illustrée du 27-6-1925 - Transmis par Francis Rambert
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AÏN EL TURCK
AÏN EL TURCKAÏN-EL-TURK

Ce qu'il est convenu d'appeler la " région d'Ain-el-Turck " forme une plaine nettement limitée par le djebel Santon, la chaîne de Mudjardo, au Sud et à l'Est ; par la mer, au Nord et à l'Ouest. Pendant longtemps, les divers territoires qu'elle comprend conservèrent un caractère d'unité ; mais le développement de la colonisation et les nécessités administratives l'ont fait diviser en trois communes: El-Ançor, Bou-Sfer et Aïn-el-Turck. !

Jusqu'en 1906, on ne possédait que des renseignements imprécis tant sur la géologie de ce pays, sur son passé historique et, même le croirait-on, sur son histoire depuis l'occupation française. Les savants travaux et les recherches intéressantes de M. Blanché, directeur d'école à Aïn-el-Turck, actuellement à Bel-Abbès, ont permis de combler cette grave lacune : son ouvrage, Monographie d'Aïn-el-Turck, constitue une source précieuse des documents qu'il faut toujours consulter quand on veut étudier ces questions. M. Blanché a lui-même trouvé des indications sûres dans les découvertes géologiques de MM. Doumergue et Pallary.

L'ouverture de la nouvelle route eut un contrecoup imprévu. Tout d'abord, les visiteurs, séduits, devinrent de plus en plus nombreux ; l'on découvrait, presque avec surprise, qu'il existait, aux portes d'Oran, une plage ravissante, une vraie plage, digne de rivaliser avec les plus renommées de la Manche et de l'Océan. L'excursion, elle seule, constitue un attrait. Après avoir dépassé le fort de Mers-el-Kébir, le voyageur gravit une côte abrupte qui le conduit rapidement à une première tranchée, taillée dans le bloc granitique. Là, l'horizon borné se découvre ; une belle échappée de vue se déroule sous ses yeux ravis, un panorama d'une beauté imposante, avec, comme toile de fond, le cap Falcon qui se dresse fièrement, doré par le soleil dont les rayons ne l'abandonnent qu'au crépuscule. La route est dominée à gauche par des escarpements rocheux d'une âpreté sauvage ; à droite, elle surplombe la mer à une grande hauteur. La côte se présente comme une succession infiniment variée de sinuosités, de dentelures, de promontoires et d'anses minuscules. Le spectacle y est toujours varié : tantôt, la mer s'étale comme une nappe liquide, lapis-lazuli, d'une horizontalité et d'une immobilité absolue ; la marée, imperceptible, meurt en petites vagues qui viennent lécher doucement, presque amoureusement, le pied des rochers escarpés ; tantôt, surtout si le vent du Nord souffle, le roc subit de plein fouet l'assaut de la mer, de ses bourrasques, de ses vagues furieuses qui viennent se briser, jaillir en écume argentée et retomber en myriades de cascatelles. Au bout de quatre kilomètres, une nouvelle tranchée, celle du rocher de la " Femme Sauvage ". La plage apparaît, c'est la " Faucille d'Or ", selon le nom si caractéristique qui lui a été donné. La forme rappelle, en effet, celle d'une faucille gigantesque dont le manche commence à Saint-Roch et s'étend, à six kilomètres, jusqu'au rocher de la Bretonne et dont la faux, élégamment arrondie, vient se terminer en pointe Une, sous le village de Falcon, à l'Aïn-Ouzel. Elle mesure huit kilomètres de longueur sur une largeur moyenne de trente mètres, d'un sable très fin, très doux qui rappelle celui des Sables-d'Olonne : presque pas de galets ; deux petits promontoires l'interrompent, faciles à franchir par des sentiers taillés dans le roc. Lorsque la mer est calme, ce qui arrive souvent, on peut les contourner à pied. A partir de Saint-Roch, la route ne suit plus la côte; elle prend la plaine jusqu'au " chef-lieu ", route banale, sans originalité.

Le contre-coup imprévu de la création de la route fut d'abord, avons-nous dit, que la plage devint un lieu d'excursion qui s'est rapidement transformé en " station balnéaire et climatique ". Qui en a été l'initiateur ? Beaucoup revendiquent jalousement ce titre ; plusieurs y ont droit. Pour ménager des susceptibilités justifiables, nous décrirons les divers points de la " station " en suivant l'ordre logique que nous indique l'itinéraire. Saint-Roch est due à l'initiative d'un homme d'affaires, avisé, M. Reisdorff. L'emplacement qu'il a choisi se trouve à 800 mètres du rocher de la " Femme Sauvage ". Dans un ravin qui descend doucement à la mer, certaines parties ont été nivelées, de grandes routes et l'emplacement d'une place ont été tracés ; des villas, quelques-unes fort coquettes, se sont élevées. Mais ce qui doit attirer plus particulièrement l'attention et qui assure l'avenir de cette petite station, c'est l'existence d'une source thermale, située en bordure de la mer, près de la " Grotte aux Pigeons ". L'eau y sort à la température de 50° ; elle contient 5 grammes de sel fixe par litre (sels de chaux, de magnésie, soude, à l'état de chlorures et de sulfates). Elle peut être rapprochée, dit M. Blanché, de l'eau " Bourbon-Lancy " (Saône-et-Loire). L'indication thérapeutique la recommande pour le traitement de rhumatismes sous toutes ses formes. L'établissement d'une station thermale s'imposera certainement.

Trouville : Ne vous attendez pas aux hôtels, casinos, palaces qu'invoque le nom ! Il y a près de trente ans, M. Rognon, secrétaire général de la Préfecture, achetait, dans un ravin semblable à celui de Saint-Roch. des terrains incultes, sur lesquels fleurissait le palmier nain. Nouveau Lamoignon fuyant les bruits de la ville, il venait passer ses jours de loisir dans une modeste baraque en bois ; il semait, aux alentours, des graines de pins maritimes. Quelques amis l'imitèrent bientôt. Aujourd'hui, les modestes cagnas ont fait place à d'élégantes villas et les graines de pins ont donné naissance à des forêts ombreuses, aux émanations saines et pures. Dans ces thébaïdes discrètes règne le calme profond et reposant, troublé seulement par le chant des oiseaux et le bruit éternel de la mer.

Bouisseville
, sur un large plateau, sur trois kilomètres, des villas ont surgi de terre quand le créateur. M. Bouisse, mit en vente des lots de terrains. Certes, les snobs ne trouvèrent pas les alignements géométriques des grandes stations. Chacun a construit selon ses moyens, sa fantaisie ; mais, de la plus luxueuse à la plus modeste, chaque habitation est entourée de jardins que le manque d'eau fait beaucoup souffrir. Lorsque la question d'alimentation en eau potable sera résolue, l'aspect de la région sera fort heureusement changé. Un vaste et confortable hôtel, celui de M. Garret, attire, chaque saison, une grande quantité d'estiveurs ; ils y trouvent, à côté d'une cuisine raffinée, de soins empressés, le plaisir des bains, le charme de la plage qui, à cet endroit, est très étendue et dont l'accès est facilité par de larges escaliers. Ceux que l'ascension effraie ont à leur disposition une vaste véranda d'où ils jouissent d'une vue admirable et d'une fraîcheur continuelle. Sur la plage, des cabines de bains confortables. Le Syndical d'Initiative organise un poste de secours, avec tous les perfectionnements modernes. Le charme du pays, la salubrité du climat ont séduit des directeurs d'établissements d'enseignement : une école de garçons et un magnifique pensionnat de jeunes filles y ont été créés ; les enfants y trouveront, avec les bienfaits de l'instruction, la vie libre du grand, air et les effluves vivifiantes de la mer.

A Claire-Fontaine, joli nom, qui séduirait un poète, mais que séduiraient, encore davantage de belles plantations de palmiers qui entourent une vaste exploitation agricole. L'eau y est en abondance, l'irrigation assurée. De la ferme, on descend à la mer dans une oasis fraîche, luxuriante et pleine de charme. Là, se crée une nouvelle station appelée à un brillant avenir : Albert- Plage.

Encore un kilomètre et nous voici à Aïn-el-Turck. Le village, tout en ayant conservé sa physionomie primitive, séduit par un large boulevard qui va de l'ancienne église jusqu'à la mer. A droite et à gauche, de spacieux trottoirs, dallés en ciment, complantés de vigoureux palmiers et ficus, donnent l'impression des grandes avenues urbaines. Les villas, dont quelques-unes ne dépareraient ni Deauville, ni Royan, sont enfouies dans la verdure. Elles forment le quartier Saint-Maurice qui s'étend et s'étage le long de la plage. Cinq escaliers descendent jusqu'à la mer. Un grand hôtel, dirigé par M. Salanon fils, reçoit une foule de clients dont beaucoup y passent tout l'été. La grande salle peut contenir plusieurs centaines de personnes ; toutes y sont à l'aise et, de leur table, jouissent de la vue de la rade, depuis le cap Falcon à la pointe d'Arzew. Elles peuvent assister, sans aucun dérangement, aux ébats des baigneurs et passer les longues heures de l'après-midi dans un doux farniente, rendu plus agréable par la douceur incomparable de la brise marine, qui y souffle doucement depuis le lever du soleil. M. Salanon est entouré d'un personnel de choix et d'un chef dont la réputation n'est plus à faire.

En suivant la plage, sur le sable fin et, si nous en goûtons le plaisir, les pieds nus, noyés par le flot mourant, nous arrivons au cap Falcon. C'est un large promontoire, long d'un mille trois quarts et dont la hauteur est de 70 mètres environ. Très abritée des vents d'Ouest, la rade qu'il forme est propice aux pêcheurs qui peuvent, par tous les temps, se servir de leurs embarcations ; aussi, les quelques villas qui s'accrochent au coteau appartiennent-elles à des fervents du palangre. La colline est dominée par un phare de première classe, construit en 1868 sur les plans de MM. Robin et Denamiel, ingénieurs des Ponts et Chaussées. Sa hauteur, au-dessus de la haute mer est de 104 mètres. Sa portée lumineuse est de 21 à 34 milles et sa puissance de 20.000 becs Carcel. Il est à éclipses et converge avec les phares des î]es Habibas et de la pointe de l'Aiguille. Le phare est doublé d'un poste sémaphorique.

Au pied de la colline sur laquelle est construit le phare, on a découvert des gisements de fer oligiste et d'hématite rouge contenant une proportion de 48 à 75 % de fer. Un commencement d'exploitation a donné près de 5.000 tonnes. L'exploitation est aujourd'hui abandonnée ; elle sera vraisemblablement reprise par une Compagnie possédant l'outillage et les capitaux suffisants.

On revient à Aïn-el-Turck par une route tracée dans la plaine. A un kilomètre et demi avant d'arriver au village, sur la droite, est établi un poste radiotélégraphique, dont l'action peut s'étendre jusqu'à 7.000 kilomètres.

Une série de petites villas sur la route est terminée par une petite chapelle qui remplace aujourd'hui l'église du village. Cette chapelle a été construite par souscriptions, sur un terrain concédé par M. Debaix, grâce aux efforts persistants du vénérable curé, M. Delmas.

Aïn-el-Turck est considérée comme station estivale ; elle peut l'être, à autant de titres, comme station hivernale. En trois ans, de 1910 à 1913, il n'y a pas eu 100 jours de pluie; pendant ce même laps de temps, la température n'a été inférieure à 14°, ni supérieure à 20°. C'est donc, un climat extrêmement favorable pour les malades. La station n'est qu'à l'état embryonnaire ; la guerre et ses conséquences économiques en ont arrêté le développement.

Cependant, un maire dévoué que les difficultés n'effraient pas, M. Vassas, a compris que le développement de la station était pour tous les habitants, propriétaires ou agriculteurs, une source de richesse. Le nombre des estiveurs, celui des Oranais qui viennent passer le dimanche sur la plage, s'accroît sans cesse, grâce à de nombreux moyens de locomotion en tête desquels il faut placer une ligne de tramways qui sera continuée jusqu'à Bou-Sfer et El-Ançor. Les nombreux services d'été sont encore insuffisants pour satisfaire, dès le mois de juin, le flot des voyageurs.

Avec un modeste budget, grâce à des économies prudentes et persistantes, M. Vassas a beaucoup fait pour le village et la station. L'eau est en abondance. Des escaliers, dont nous avons parlé, facilitent l'accès de-la plage. Enfin, le 1er juillet 1924, l'éclairage électrique jette partout sa vive lumière, non seulement dans le village, mais encore dans toutes les villas.

M. Vassas voit grand ; l'avenir le préoccupe passionnément. Le problème qui s'impose à son activité est celui de l'alimentation en eau de toute la région, depuis Saint-Roch à Falcon, et, par surcroît de l'irrigation qui permettrait de donner à la culture des primeurs une extension considérable. Un projet est à l'étude. Il consiste essentiellement à construire près de l'ancienne église, à une altitude d'environ 50 mètres, un vaste bassin dans lequel seraient concentrées à l'aide d'une puissante machine élévatoire, les eaux de la source actuelle et celles d'une immense nappe d'eau qui alimente en ce moment les bassins des propriétés Livérato. On conçoit aisément que pour réaliser un tel projet, il faille, tout d'abord, contracter un emprunt d'au moins deux millions. Les gages de cet emprunt ne sauraient être demandés au budget qui suffit à peine aux dépenses courantes de première nécessité. M. Vassas et son Conseil municipal ont demandé la reconnaissance officielle d'Aïn-el-Turck en station climatique, ce qui permettrait l'établissement d'une taxe de séjour dont le produit certain permettrait d'engager les négociations pour un gros emprunt. Les pouvoirs publics imposent les conditions qu'ont acceptées les stations balnéaires de France, notamment la création d'égouts. C'est une grave erreur administrative. Les stations de France n'existent, en général, que sur un périmètre restreint ; celle d'Aïn-el-Turck s'étend sur plus de 2.000 hectares ; en outre, comme l'a fait remarquer judicieusement le Conseil municipal, ce réseau coûterait plusieurs millions et si les égouts se déversaient à la mer, puisqu'il est manifestement impossible de faire autrement, ce serait, à tous les points de vue, la destruction de la plage. Les représentants de la région dans les diverses assemblées, saisis de la question, sauront sûrement vaincre les difficultés que des règlements trop étroits et trop absolus opposent en ce moment.

La réalisation sans doute prochaine des projets de M. Vassas permettra des améliorations et des créations qui donneront à la station d'Aïn-el-Turck son plein épanouissement. Il sera secondé dans sa tâche par le Syndical d'Initiative, qui a la bonne fortune d'avoir à sa tête un homme entreprenant, d'une volonté tenace, aux conceptions hardies. M. Poulin. Son programme, établi de plein accord avec la Municipalité, a placé au premier rang de ses préoccupations l'hygiène et l'aménagement de la plage.

Bientôt aurons-nous, sinon les trains bleus de M. Cornuché, mais nos tramways bleus du dimanche. Le nombre des villas aura décuplé, et nos hôtes se compteront par milliers.

Qu'on ne crie pas à l'invraisemblance ; qu'on ne nous accuse pas d'idéalisme généreux : ceux qui ont vu, il y a trente ans à peine, la plaine d'Aïn-el-Turck, presque nue, en partie livrée à la viticulture, et qui la contemplent aujourd'hui avec plus de deux cents villas, des hôtels, un casino presque achevé, ne doutent pas de l'avenir et ne désespèrent pas de voir se réaliser des métamorphoses surprenantes.