Alger - l'Algérie

COMMUNES ET VILLAGES FRANÇAIS DU SAHEL D'ALGER - 1830-1962

Auteur : Georges Bouchet

mise sur site le 17-2-2008

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Carte des communes du Sahel
Carte des communes du Sahel
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PRESENTATION GENERALE


Le mot Sahel désigne une région en bordure soit de la mer, soit d'un désert. On peut trouver sur les cartes d'Afrique trois Sahel. Le mot est employé pour les régions steppiques proches de la lisière sud du Sahara, pour le centre de la Tunisie proche du littoral et pour la région de collines proches d'Alger.

Je me propose d'évoquer le sort du Sahel d'Alger qui est entré dans notre histoire le 14 juin 1830 avec le débarquement des troupes du Général de Bourmont en 1830, et qui en est sorti le 3 juillet sans gloire, mais avec l'approbation de plus de 90% des votants métropolitains, ou plus de 65% des inscrits.

Le Sahel est une région de collines s'étirant de la baie d'Alger qu'elles surplombent de 200 à 400m, jusqu'au massif du Chenoua près de Tipaza. Cette longue bande de collines, large de plus de 20km près d'Alger, se rétrécit vers l'ouest jusqu'à moins d'un kilomètre. Au-delà du territoire de la commune de Koléa sa largeur fut insuffisante pour la création de villages de colonisation ; les hauteurs du Sahel furent alors rattachées à des communes littorales, comme Castiglione, ou à des communes de la Mitidja, comme Attatba.

Je limiterai donc mon survol des territoires des villages de colonisation du Sahel à ceux situés entre le hameau de Berbessa et la ville d'Alger.

Cette petite région proche de la capitale a, pour les Français, une place symbolique tout à fait à part, tant au point de vue historique qu'au point de vue géographique.

Présentation générale historique

C'est dans le Sahel, dans la presqu'île de Sidi-Ferruch plus précisément, que l'armée française a commencé son débarquement le 14 juin 1830 vers 4 heures du matin.

C'est au lieu-dit Staouéli que les Français ont remporté leur première victoire sur l'armée turque le 19 juin.

C'est en traversant le Sahel parallèlement à l'oued Beni Messous, mais en se tenant à l'écart du talweg, que l'armée française a atteint à El Biar les collines dominant Alger.

C'est là, entre Sidi-Ferruch et El Biar que les troupes du Génie ont tracé la première route carrossable, avec tous les kilomètres, une redoute pour surveiller et protéger cet axe indispensable au ravitaillement en munitions et en vivres du corps d'occupation d'Alger.

C'est là, qu'avec le plan Guyot de 1842, a été mise en place une colonisation de peuplement officielle qui n'a pris fin qu'en 1928 avec le village de Médrissa en Oranie.

En effet au début, l'installation de civils européens a été tolérée par les autorités, et pas du tout encouragée. Elle fut d'initiative privée. Ce sont d'ailleurs rarement des agriculteurs qui s'établissent près des postes militaires, mais des aubergistes, des cabaretiers ou des charretiers. Les premiers agriculteurs, minoritaires, destinaient leurs surplus de récoltes à une clientèle très proche, la seule alors accessible. La principale production était celle des fourrages pour les chevaux de l'armée.

Il a fallu attendre plus de 10 ans après la prise d'Alger pour que le Gouvernement décide de mettre en place, après les désastres de décembre 1839, un réseau de villages peuplés d'agriculteurs européens. Ce long délai mérite une explication. En réalité la France de Louis-Philippe ne savait que faire de la conquête de Charles X et se contentait d'occuper durablement quelques villes, côtières le plus souvent. Ce n'est que le 22 juillet 1834 qu'une ordonnance royale confirma la souveraineté française sur ces points d'appui isolés les uns des autres.

En même temps les Gouvernements de Paris essayaient de s'entendre avec les chefs des tribus de l'intérieur, et singulièrement avec un jeune chef reconnu en Oranie comme l'Emir des combattants du djihad (amîr el mudjahîdîn) dès 1832 et qui s'appelait Abd el-Kader. On doit rappeler qu'Abd el-Kader avait réussi à négocier et signer des traités de paix avec des officiers français et notamment avec les Généraux Desmichels en février 1834 et Bugeaud en mai 1837. Ce dernier, par la convention de la Tafna (nom de la rivière d'Oranie près de laquelle Bugeaud avait établi son camp) renforça nettement l'émir en lui laissant les mains libres de la frontière marocaine jusqu'à l'oued Kheddara qui limite la Mitidja du côté de la Kabylie (art.3) ; en lui abandonnant nommément le Titteri (art.3) et Tlemcen (art.9). Nous ne gardions que quelques zones littorales et nous l'engagions même à acheter en France " la poudre, le soufre et les armes dont il aura besoin "(art.7).

Mais les versions arabe et française n'étaient pas semblables et permettaient d'interpréter de 2 façons diamétralement opposées l'expression " jusqu'à l'oued Kheddara et au-delà ". Pour nous c'est Abd el-Kader qui ne doit pas aller plus loin vers l'est (où nous occupons Constantine en octobre 1837) ; pour lui ce sont les Français qui ne doivent pas sortir de la Mitidja et pénétrer en Kabylie.

Ce désaccord sur ce texte ambigu fournit à Abd el-Kader le prétexte qu'il attendait pour proclamer le djihad lorsque le Gouverneur Général Sylvain Valée relia Sétif à Alger, avec 2500 soldats, entre le 25 octobre et le 2 novembre 1839. Le 20 novembre Abd el-Kader écrivit à Valée pour lui notifier la reprise des hostilités. Le même jour les Hadjoutes (tribus maghzen passées du service des Turcs à celui d'Abd el-Kader) massacrent par surprise un convoi militaire français au centre de la Mitidja ; malheur aux colons isolés dans toute la plaine ! Toutes les garnisons de la Mitidja sont évacuées, sauf 4. Le tocsin sonne aux portes d'Alger ; on signale des cavaliers arabes près de Kouba et d'Hussein-Dey : le Sahel paraît menacé. La panique saisit le territoire français, et l'espoir de chasser les Français gagne quelques tribus du Sahel qui s'en vont avec l'idée de revenir bientôt avec les vainqueurs.

Le Gouvernement français hésite : faut-il évacuer, ou faut-il résister ? La décision est prise par le roi le 23 décembre 1839 : il faut riposter et consolider la présence française en commençant par le Sahel afin d'assurer une meilleure défense d'Alger. C'est Thiers, chef du Gouvernement, qui songe à envoyer le Général Bugeaud à Alger, mais c'est son successeur Guizot qui le nomme officiellement Commandant en Chef, puis Gouverneur Général avec la double mission de battre Abd el-Kader et de coloniser. Le nouveau chef a les mains libres pour mener ces deux missions comme il l'entend.

Bugeaud est nommé le 19 décembre 1840
Il débarque à Alger le 22 février 1841
Il quitte Alger le 5 juin 1847, missions accomplies

A Alger il y a depuis 1838 un Directeur de l'Intérieur et de la colonisation très efficace et très motivé : le comte Guyot. Bugeaud lui demande de réfléchir à un plan de colonisation civile dirigée par l'Etat. Guyot est favorable à ce projet et se met au travail aussitôt ; son plan est prêt en mars 1842. Les historiens ont retenu comme date de début de la colonisation systématique du Sahel le 12 mars 1842 qui est la date de l'envoi du texte au Ministre de l'Intérieur à Paris. Même si quelques villages avaient été créés auparavant, c'est bien ce texte qui inaugure un siècle de colonisation de peuplement voué, dès les origines, à l'échec car les populations locales n'ont été ni éliminées, ni refoulées, ni submergées par les colons, ni assimilées.

Il s'agit d'un texte de 34 pages, sans les annexes, consultable au CAOM (cote 5 M2). Je le résume en respectant autant que faire se peut le texte originel dont je reproduis certains passages en italique. Les titres des encadrés sont ceux de Guyot.

Du choix des emplacements des villages
Les motifs déterminants sont pour tous l'existence de l'eau, la salubrité, pour beaucoup la nature de la propriété des terres. A mérite égal la préférence sera donnée aux territoires que l'émigration a rendu libres et fait entrer aux Domaines de l'Etat.

Le mot émigration fait allusion aux tribus qui sont parties à l'automne 1839, à l'occasion du djihad proclamé par Abd el-Kader. Elles espéraient se mettre à l'abri des combats probables entre les troupes de l'Emir et les soldats français, puis revenir après la victoire. Ces terres, arch pour la plupart (collectives) ont été saisies par la France. C'est la version 1839/1840 de ce que le Gouvernement de Ben Bella en 1962/1963 nommera Biens Vacants.

Du choix des noms de village
Il faut garder les noms de lieux en usage car ils ne laissent à craindre aucune équivoque avec d'autres noms en Europe. Ils facilitent l'entente avec les indigènes restés avec nous.


Dans la Sahel il n'y a que trois exceptions à cette règle : Sainte-Amélie, Saint Ferdinand et Guyotville.
Saint Ferdinand, dans le plan Guyot, s'appelait Boukandoura, Guyotville a été créé au lieu-dit Aïn Benian.
On doit noter qu'ailleurs en Algérie, ce fut nettement l'inverse car on donna presque partout des noms de généraux (Duvivier, Galbois…), de victoires, (Marengo, Mondovi…), de personnages illustres à divers titres (Masqueray, Pasteur, Corneille…) ou de Saints. Quelquefois cette greffe a tout de suite échoué (Colmar pour Oued Amizour ou Metz pour El Kseur), mais ces échecs furent rares. Le plus souvent, le nom choisi par les Français s'est maintenu jusqu'à l'indépendance, mais pas au-delà.

Comment trouver les terres nécessaires ?
Y-aurait-il lieu d'hésiter à demander à des propriétaires plus ou moins sérieux le sacrifice de leurs terres, dans un intérêt vital pour le pays, de leurs terres surtout dont ils ne tirent aucun parti, soit par suite du défaut de sécurité, soit à cause du manque de bras ou de fonds ? Evidemment Non et je déclare que, bien convaincu que presque dans tous les cas, en prenant aux propriétaires du Sahel les ¾ d'un bien dont ils ne tirent aucun profit… je leur rendrai, en même temps qu'au pays, un immense service. Je n'hésiterai pas à proposer au Gouvernement de s'en emparer moyennant les indemnités voulues par les arrêtés.
On occupera par priorité les terres des Domaines ou les terres abandonnées par les tribus ; soit plus de 6000 hectares. Quant aux 6000 autres il s'agira au moment de l'expropriation de vérifier les titres des propriétaires ou soi-disant tels.
Le comte Guyot précise qu'il prévoit le cadastrage précis de 90 000ha et la vérification des limites des propriétés jusqu'à présent si confuses
Pour conclure, il signale : je ne serais pas étonné que le chiffre des indemnités à payer ne dût devenir très minime..

Les indemnisations furent refusées aux tribus qui avaient fui en décembre 1839 et que l'on soupçonnait, non sans raison, d'espérer la défaite de la France. Elles furent très difficiles à établir en l'absence de documents notariés ou simplement écrits établissant à coup sûr les limites des terres arch. Ces terres, qui servaient surtout de terrains de parcours pour les moutons et quelques vaches, nous paraissaient incultes ou mal utilisées. On n'a pas attendu la fin des interminables opérations de cadastrage et de vérification des titres, pour occuper les terres.

Le régime des concessions gratuites avait été déterminé par l'arrêté du 18 avril 1841. Il prévoit que le concessionnaire doit posséder une somme disponible, à son arrivée en Algérie, de 1200 à 1500 francs. Il reçoit un titre provisoire pour un lot de terres pouvant aller de 2 à 12ha. La moyenne s'établit à 8ha ; le minimum de 2ha ne constitue qu'un appoint pour ceux qui s'établiraient comme artisans. Tous ont droit, au village, à un lot à bâtir avec jardin attenant. Le titre provisoire ne devient définitif que lorsque la terre a été défrichée et qu'une maison a été bâtie au village. Le délai le plus fréquent est de l'ordre de 5 ans ; un Inspecteur de la Colonisation se déplace pour vérifier que les engagements ont été tenus.

Jusqu'au 20 juillet 1845 c'est Bugeaud seul qui accorde les concessions ; ensuite c'est Guyot, par délégation du Ministre de l'Intérieur.

Des chemins
Il est indispensable de faire entreprendre rapidement les travaux de route. On privilégiera les anciens tracés arabes en opérant quelques améliorations quand la pente est trop forte.

Ces chemins furent effectivement aménagés en urgence, par le Génie, et le réseau n'a été que très peu retouché par la suite. Ils furent systématiquement établis sur les crêtes chaque fois que c'était possible. Mais il fallait bien, parfois, traverser un talweg au prix de quelques tournants. Les routes ne suivaient que très rarement le lit d'un oued, et jamais lorsqu'il était très encaissé.

Des enceintes de sécurité
Il faut des villages pour offrir aux exploitations aide et protection. Ces villages doivent être revêtus d'ouvrages de défense derrière lesquels, en cas de danger, à force ouverte ou par surprise, on puisse résister. Deux moyens ont été mis en avant ; l'un par le Génie militaire, ce sont des murailles ; l'autre par moi, c'est le fossé avec parapet de terre garni de plantes épineuses et flanqué de 2, 3 ou 4 tours. La paysanne, avec le parapet entouré d'une ou deux rangées d'arbres, ne perd pas de vue la campagne et peut veiller de loin sur le chef de famille et les enfants travaillant aux champs. Le village est gai et riant, l'air y circule librement.
L'entretien sera facile et sans frais par des prestations en nature. Cet aménagement coûtera 8 francs le mètre, au lieu de 30 pour les murailles.

Guyot admettait tout de même deux exceptions avec murailles pour les centres de Douéra (à créer) et de Koléa (ville ancienne avec garnison turque). A Douéra nous avions établi dès 1834 un important camp militaire pour surveiller la Mitidja et la première route d'Alger à Blida. En 1845 cette route fut détrônée par celle, plus courte et plus commode, passant par Birmandreis et Birkhadem.

Des églises et des presbytères
Le pays est encore en cet état sauvage, la population que nous y appelons, au contraire jouissait ailleurs de tous les avantages de la civilisation.. Si donc nous voulons la fixer, faisons lui trouver tous les avantages sociaux qu'elle quitte…
Le culte se présente en première ligne. Quoi de plus propre que la religion à établir l'union entre les colons, à leur inspirer la patience, la résignation, le courage ? Il faut des prêtres et des églises. Mais il n'est pas possible d'établir une église par village ; il faut les répartir de manière à ce qu'elles puissent servir à plusieurs localités.

Guyot ne prévoyait d'église à construire qu'à Birkhadem, Draria, Douéra et Sidi-Ferruch. A Dély-Ibrahim elle existait déjà (mais pas le presbytère). Guyot espérait trouver " une mosquée ou un autre grand bâtiment qu'il ne s'agira que de disposer convenablement ", notamment à Sidi-Ferruch et à Koléa.

En réalité tous les villages eurent leur église assez rapidement.

On peut s'étonner de ce que Guyot passe sous silence le cas des Protestants ; il est vrai qu'ils n'étaient nombreux que chez les immigrants allemands.

Des casernes de gendarmerie
Par suite de sa fixité et de son rayonnement perpétuel, le gendarme a appris à connaître tous les individus européens et indigènes de sa circonscription. Il connaît le ravin, le sentier, le buisson, la grotte qui servent de passage et de retraite à l'ennemi ; aussi acquiert-il en peu de temps la confiance du colon.
Les gendarmes encadrent les colons organisés en milice, ce qui permettra de diminuer les garnisons militaires dans le Sahel et rendra les troupes disponibles pour être postées dans l'intérieur.

En 1842 il y avait déjà 4 brigades, à Birkhadem, Dély-Ibrahim, Douéra et Kouba.
Guyot souhaitait en créer 4 nouvelles à Draria, Mahelma, Sidi-Ferruch et Ouled Mendil.(ce dernier village ne fut jamais créé).

Cette politique de colonisation de peuplement s'engage donc dans une ambiance d'insécurité et d'inquiétude qui expliquent que les impératifs stratégiques soient déterminants, même si un autre problème est évoqué par Guyot ; celui de l'eau.

Des fontaines
La question des eaux si importante partout, est en Algérie de la plus haute gravité. Je ne parlerai pas des soins des anciens dominateurs du pays. Il est assez connu.
Sur 19 localités, 8 ont des fontaines à restaurer, 2 sont alimentées par des eaux courantes,3 auront des sources jaillissantes qu'il faudra recueillir, 2 ne seront alimentées que par des puits, enfin 4 ont des fontaines en bon état.

Les anciens dominateurs sont les Romains.

Parmi les fontaines en bon état, celle de Birkhadem est la plus belle.

Ce plan Guyot a été mis en application rapidement, à l'exception, on l'a déjà dit, des deux villages d'El Hadjar et d'Ouled Mendil. Les premiers villages " Guyot " furent fondés dès 1842 ; les suivants le furent le plus souvent en 1843 ou 1844, bien avant le départ de leur promoteur en 1847. Le plus tardif, Staouéli, établi il est vrai près de la côte et dans une zone où les impératifs de sécurité étaient moins prégnants, n'est créé qu'en 1853 sous le Second Empire et non sous la Monarchie de juillet.

Le réseau des chemins carrossables fut un peu plus long à construire, mais l'essentiel était achevé avant 1845 grâce aux soldats du Génie. Ces derniers furent mis à contribution également pour l'acheminement des matériaux de construction des maisons des colons ainsi que pour l'aménagement de la voirie dans les villages.

Les dispositifs de sécurité, parapet, fossé et tours de guet, ont perduré jusqu'aux années 1870, puis ont cessé d'être entretenus ou ont été détruits. En 1962 ils avaient disparu du paysage et même des mémoires.

Chaque village est au centre d'un territoire offert à la colonisation de l'ordre de 1000ha, surface du village compris, et est prévu pour recevoir entre 50 et 64 familles. Douéra et Koléa sont les exceptions qui confirment la règle en raison de leur rôle militaire. Elles ont des murailles, une grosse garnison et on envisage d'y installer plus de 200 familles sur les collines ou le plateau dominant la plaine de la Mitidja. La taille des communes était bien supérieure à celle des seules terres destinées aux colons. La carte de la page un souligne les différences de taille entre communes ; les plus petites sont au centre, El Achour et Baba-Hassen ; les plus étendues à la périphérie. Certaines débordent s d'ailleurs sur la Mitidja, surtout Koléa.

En 1959, lors de la création du " Grand Alger " les communes les plus proches d'Alger furent transformées en arrondissement du nouvel ensemble :
-------------------------Bouzaréa et Saint-Eugène furent réunies dans le 6ème arrondissement
-------------------------El Biar, Air de France et Dély Ibrahim dans le 7ème arrondissement
-------------------------Birmandreis et Kouba dans le 8ème arrondissement.
Les communes voisines de Guyotville, Chéragas, Draria et Bitkhadem conservèrent leur autonomie municipale.


Présentation générale géographique

Le Sahel est un bourrelet anticlinal d'âge pliocène (5 à 2 millions d'années) qui sépare de la côte la plaine de la Mitidja. Le paysage naturel, celui de 1830, à peu de choses près, est fait de collines hautes de 250 à 350m d'altitude et recouvertes de broussailles à palmiers doum ou palmiers nains (chamaerops humilis), diss (ampelodesma mauritanicum), lentisque (pistacia lentiscus) et sur les basses dunes littorales drinn. Ces collines dominent de façon assez abrupte la Mitidja au sud ainsi que la mer entre Alger et Guyotville, au droit de Bouzaréa et de la forêt de Baïnem. Elles culminent à 407m dans le massif de Bouzaréa. Au delà de Guyotville vers l'ouest, les pentes sont plus modérées et il s'intercale entre les collines et la mer de très bas plateaux qui offrent au regard un relief de plaine.

Des rangées d'arbres ou de verdure soulignent les creux sinueux des talwegs encaissés, les plus longs étant l'oued Beni Messous vers l'ouest et la mer, et l'oued Kerma vers le sud et la Mitidja. Ces vallées étroites parcourues par des oueds aux crues brutales et dangereuses n'ont pas offert de sites commodes pour l'implantation des villages, ou ont exigé de gros travaux. C'est ainsi que l'oued Kniss, celui des ravins d'Hydra et de la femme sauvage, a dû être recouvert pour la traversée du centre de Birmandreis.

Le cas de la vallée du Mazafran est tout à fait différent. Il s'agit d'une vallée alluviale à fond plat et large de 500 à 1000m, parcourue par une rivière pérenne aux méandres divagants, formée par la confluence des oueds Chiffa et Fatis. C'est le résultat d'une " percée antécédente " aux mouvements pliocènes : cela signifie que le Mazafran a creusé son lit en même temps que le bourrelet du Sahel se soulevait. L'alluvionnement est plus récent car il s'est produit lors des transgressions marines liées aux périodes interglaciaires, la dernière en date, la post-würmienne remontant à 10 000 ans environ. Le tracé actuel du littoral n'a été stabilisé que vers le XIIIè siècle de notre ère à la fin de la transgression flandrienne supérieure. A l'est de Guyotville il est rocheux et assez découpé, à l'ouest il est sableux, avec de toutes petites dunes, et rectiligne à l'exception des rochers auxquels s'accroche la presqu'île de Sidi-Ferruch.

Le climat est un climat méditerranéen classique à hiver doux (moyenne 10 à 12°) et été chaud de l'ordre de 25° en moyenne. Le sirocco peut faire monter la température à plus de 35°, mais ça ne dure pas. Il pleut surtout en automne et hiver, et très peu en été. Le total des précipitations est de l'ordre de 750mm par an, mais avec de grandes variations selon les années. Il gèle et il neige rarement : 1935 est restée dans les mémoires pour un grosse chute de neige humide qui démolit quelques fils téléphoniques.

Même les années sèches il tombe assez d'eau pour les cultures, malgré la légèreté de sols hamris (rouges) assez sablonneux, avec l'exception de la zone de Bouzaréa et de Dély Ibrahim aux sols plus argileux, plus sombres et plus lourds ; et moins favorables à la viticulture. Sur le littoral les hivers particulièrement doux sont bien adaptés aux cultures maraîchères.

En 1830 quelques grands domaines turcs ou arabes étaient disséminés dans un paysage de broussailles et de terrains de parcours. En 1935, année de la carte que j'utiliserai pour illustrer les monographies communales, les paysages de " notre " Sahel sont une pure création française : le voyageur attentif pourrait, selon l'endroit, se croire dans le Gers avec ses vignobles, ou en Toscane avec ses cyprès, ou en Alentejo avec les alignements d'eucalyptus le long des routes. Les rangs de vigne dominent le paysage tout comme le vin domine l'économie de la région. Tous les 4, 5 ou 6 km apparaissent, généralement sur une crête, les toitures de tuiles rouges et le clocher de l'église d'un village français. Un peu à l'écart quelques cyprès indiquent l'emplacement des cimetières chrétiens de nos familles, toujours entourés d'un mur de clôture avec un portail métallique presque jamais fermé à clé. Dans chaque village une mairie, une poste, le bâtiment des écoles primaires de filles et de garçons, en général attenantes ; et après 1918 le monument aux morts de la guerre. Il y a le plus souvent un square central avec l'église, plus rarement une fontaine ou un bassin remontant à la fondation du village dans les années 1840/1850. Ces villages ont un plan en damier chaque fois que le relief le permet, et des maisons très basses avec un toit à deux pentes lorsqu'elles sont anciennes. Les rues ont toujours des trottoirs avec des arbres bien alignés : micocouliers, faux poivriers, acacias ou ficus.

Entre les villages, au milieu des champs, des fermes intercalaires de toutes tailles, datant, pour les plus anciennes, de la fin du XIXè siècle ; parfois au bout d'une allée de palmiers pour les plus grandes.

Depuis la route on ne voit que rarement les mechtas arabes ; et les mosquées sont peu visibles ou absentes. On pouvait traverser tout le Sahel sans voir d'autres traces de la majorité musulmane que les burnous, les gandouras et les haïks blancs aperçus dans les villages ou sur les chemins. On aurait pu se croire en Europe.

Mais dans ce paysage de vignobles avec caves et clochers, la population est très majoritairement musulmane. Lors de leur création, les villages étaient sans doute européens à 100% ou presque, mais pas les territoires communaux, car les tribus d'avant 1839 n'avaient pas toutes fui, ou étaient revenues. Sur les cartes de 1935 nombreux sont les toponymes, douar, haouch, mechta, ouled sans oublier les deux villages arabes ou arabo-kabyles de Kaddous et de Tixeraïne dans les communes de Draria et de Birkhadem.

Un aspect du Sahel d'Alger dans la commune de Saoula avec ses rangées de vigne. En bas le cimetière chrétien.

C'est le Sahel français.

Pourtant dans cette commune les Européens ne représentent que 15% de la population en 1954.

Un aspect du Sahel d'Alger dans la commune de Saoula
 
Répartition des populations du Sahel entre non-musulmans et musulmans
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Répartition des populations du Sahel entre non-musulmans et musulmans

Chaque colonne " vaut " 100%. La part de la population européenne est en jaune.
Les chiffres en gras sont ceux des Européens en haut de la colonne, et des musulmans en bas.
Le pourcentage est celui des musulmans par rapport à la population communale totale.

Ces chiffres se trouvent sur l'un des Documents Algériens, Série sociale N° 50 publié le 15 mai 1958
Les pourcentages d'Européens, en 1954, sont partout au dessous de 50% sauf dans deux communes de la banlieue d'Alger.
Sur 22 communes une a moins de 10% d'Européens ; 6 entre 10 et 20% et 6 entre 20 et 30%,5 entre 30
et 40 % et 2 entre 40 et 50%.

El Biar et Birmandreis doivent leurs pourcentages exceptionnels à leur appartenance de fait à l'agglomération algéroise du côté le plus européen, avec les quartiers d'Hydra et de la Colonne Voirol.