sur site le 03/06/2002
-l'Afrique du Nord, son histoire (texte n°8) :
Organisation politique et économique de la Berberie par les romains
(31 avant J.C. - 429 de J.C.)
Nous savons que la civilisation romaine s'est effondrée au cours du Vè siècle. Cela a eu une influence sur l'Afrique du Nord qui en avait été largement imprégnée par la politique de romanisation. Pour tenter de comprendre cette décadence, il nous faut remonter l'Histoire jusqu'à la fin du IIè siècle, début du Illè alors qu'une grave crise économique et une, aussi grave, crise politique frappaient l'Empire qui avait atteint une extension immense.

pnha n°57 mai 1995

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-------Nous savons que la civilisation romaine s'est effondrée au cours du Vè siècle. Cela a eu une influence sur l'Afrique du Nord qui en avait été largement imprégnée par la politique de romanisation. Pour tenter de comprendre cette décadence, il nous faut remonter l'Histoire jusqu'à la fin du II' siècle, début du Ill' alors qu'une grave crise économique et une, aussi grave, crise politique frappaient l'Empire qui avait atteint une extension immense.
-------En effet, en plus des trois Italie, septentrionale, centrale et occidentale, l'Empire comportait les provinces de la Gaule narbonnaise, aquitaine et lyonnaise. En Europe, il dominait la Sicile, la Sardaigne, la Corse, l'Espagne, la Grande Bretagne, la Belgique qui n'était autre que la Germanie inférieure et supérieure, la Thrace et la Macédoine. En Asie, l'Empire gouvernait la Phrygie, la Mysie, la Lydie et la Carie qui étaient l'ancien royaume de Pergame, la province de Pont qui était l'ancien royaume de Mithridiate fameux par les richesses de son sous-sol, la Bithynie, la Galatie, la Cappadoce qui est la région d'Anatolie désignant aujourd'hui la Turquie d'Asie, la Lycie, la Pamphylie, la Cilicie, la Syrie, sa voisine l'Arabie Pétrée qui est une portion de l'immense Arabie, l'Arménie, et la Mésopotamie.
-------En Afrique, rappelons-le, l'Empire gouvernait l'Egypte, la Libye, la Tripolitaine, l'Africa de Carthage, la Numidie, la Maurétanie Césarienne et la Maurétanie Tingitane.
-------Ceci exposé, rappelons que l'empereur romain Marc Aurèle avait renforcé durant son règne la centralisation administrative. Mais ce règne fut dominé par les guerres ; après avoir battu les Parthes par l'intermédiaire de Verus qu'il avait associé à l'Empire, il combattit, sur le Danube, les Germains qui atteignirent l'Italie.
-------En 192, Commode, fils de Marc Aurèle lui succéda au trône des Antonins ; il s'identifiait à Hercule, folie qui engendra de telles cruautés qu'elles lui valurent d'être assassiné et c'est l'avènement de l'Empire militaire des Sévères.
-------Les difficultés économiques allaient grandissantes et un danger se profilait à la frontière de Germanie, à l'Est de laquelle les tribus barbares manifestaient un esprit guerrier et conquérant. Les guerres extérieures se développaient, l'Empire se décomposait malgré la tétrargie de Dioclétien qui partagea l'Empire en deux, l'empire d'Orient (Valérien) et l'empire d'Occident (Gallien). Des réformes entraînèrent des dépenses considérables aggravant la crise économique qui engendra des troubles, prémices des guerres de religion qui verront la victoire de Constantin, prince chrétien qui fit de Byzance la capitale de l'Empire d'Orient et qui prit le nom de Constantinople d'où rayonne la pensée chrétienne nourrie par l'hellénisme et par le judaïsme ;
-------C'est la fin de la civilisation romaine matérialisée par le concile oecuménique de Nicée qui condamna l'arianisme, doctrine du prêtre Arius qui niait la divinité du Christ, origine d'une des plus graves crises de l'Eglise chrétienne.
-------Voilà, grosso modo, l'histoire de la décadence de Rome et de sa civilisation qui se termina sous une dictature militaire depuis 238.
-------Je pense que cette digression devait être faite eu égard à l'immense territorialité de l'Empire dont la gestion avait de grandes répercussions sur l'Afrique du Nord.
-------Cette civilisation qui respectait les coutumes et les nombreux dialectes, ne pénétra pas les montagnards qui préféraient leurs huttes, ou gourbis, aux maisons de pierres des cités, tout comme leur vie pastorale à celle des cultivateurs sédentaires.
-------Les rivalités des divers chefs des armées conduisirent à la faillite du Régime. Les indigènes étaient au courant des luttes entre l'empereur Valérien et son rival, Emilien, originaire d'Afrique. Ils étaient informés des attaques des Perses, des Germains et autres Goths sur les frontières de l'Empire. Alors, ils se révoltèrent non seulement contre les Romains qu'ils considéraient comme des oppresseurs, mais contre les Berbères romanisés dont les propriétés furent pillées.
-------L'insurrection débuta dans la partie orientale de la Maurétanie césarienne, dans les hautes plaines situées entre le fleuve Moulouya et la grande Kabylie ainsi qu'au Sud de Sétif. Elle s'étendit à la Numidie et de grandes batailles défirent des tribus coalisées et se soldèrent par un grand nombre de prisonniers chrétiens qui durent être rachetés. Ces rencontres eurent lieu à Auzia (Aumale), dans la vallée de l'ouest Lekkal, à Altova (Lamoricière), Miler (Mita) entre 255 et 262. Elles furent suivies d'une période de calme, jusqu'à ce que les invasions barbares parvinrent en Espagne et que des tribus franques ravagèrent les côtes de la Maurétanie. Les tribus de Numidie et de l'Aurès se firent alors, plus menaçantes. L'agitation se poursuivit dans le Sahel, la Kabylie et, dans le Sud, jusqu'au Hodna. L'empereur Maximilien, lui-même, à la tête de l'armée mit un terme à la révolte, en 297. L'Afrique recouvre la Paix. Mais cette paix romaine est une paix armée pour assurer la protection du territoire contre les attaques. Les fermes isolées, tout comme les villages et villes sont fortifiées.
-------Dioclétien, Empereur, avait entrepris une grande réforme administrative qui vit le regroupement des quatre provinces en huit diocèses. De plus l'Afrique proconsulaire est divisée en trois parties
- la Tripolitaine,
- la Byzacène (Tunisie centrale et méridionale), capitale Hadrumetum (Sousse),
- la Zeugitane qui s'étendait sur le Nord de la Tunisie et le Nord?Est de la Numidie, capitale Carthage.
-------La Numidie avait été divisée en deux provinces ?
- La Numidie du Nord, capitale Cirta,
- La Numidie du Sud, province militaire, capitale Lambèse
-------Plus tard, l'Empereur Constantin les réunit à nouveau et donna à Cirta, le nom de Constantine en son propre honneur.
-------La Maurétanie césarienne fut également scindée en deux
- la Maurétanie sétifienne, capitale Sétif,
- la Maurétanie césarienne demeura avec sa capitale, Tlemcen.
-------La Maurétanie tingitane fut conservée dans son intégralité, mais rattachée au diocèse des Espagnes, pour son administration.

ORGANISATION MILITAIRE DE L'AFRIQUE DURANT L'EMPIRE

-------Les corps militaires d'occupation de tout l'Empire subirent des transformations et partant, celui de l'Afrique à qui les mêmes furent appliquées : les Gouverneurs n'eurent plus le commandement des armées qui fut confié à des généraux ou des ducs (duces).
-------Les troupes s'installèrent le long des frontières des limes et dans les forts. D'autres, organisées en formations mobiles se portaient, à la demande, sur les points les plus menacés. Les limites des provinces militaires ne coincidaient pas avec celles des provinces administratives.
-------Le Commandant en chef de l'Armée d'Afrique résidait à Carthage. I1 ne couvrait pas la Maurétanie tingitane qui était commandée par un comte dont le commandement s'étendait sur les territoires des Espagnes. Les frontières du Sud étaient défendues par des soldats-colons et des indigènes qui furent, contre une solde, enrôlés dans les contingents militaires de l'Empire.
-------L'Armée d'Afrique n'avait pas de vigueur car elle n'avait presque plus d'engagements volontaires et, de ce fait, le recrutement se fit par la contrainte, ce qui enleva à la troupe l'esprit de combativité dont elle avait besoin.

ORGANISATION DE L'ÉGLISE D'AFRIQUE

-------L'Eglise d'Afrique a subi de grands bouleversements après un long et paisible développement.
-------Elle souffrit de persécutions et, comme cela a été précédemment dit, du schisme donatiste. Alors qu'elle avait un grand prestige dans toute la chrétienneté, son organisation comprenait au IVè siècle six provinces ecclésiastiques correspondant aux six provinces civiles réorganisées par l'Empereur Constantin, sans, tout comme les provinces militaires, que les frontières ne coïncidassent. Il y avait donc
- la Maurétanie césarienne qui englobait, du point de vue religieux, la Maurétanie tingitane,
- la Maurétanie sétifienne,
-la Numidie du Nord et la Numidie du Sud,
-la Tripolitaine,
- la Byzacène,
- la Zeugitane avec Carthage qui, seule, avait un Métropolitain ayant autorité sur tous les évêques de la province, puis sur toute l'Afrique.

 

--------Les Eglises possédaient des chapelles, des baptistères, des basiliques de grande valeur architecturale et sculpturale.
Le clergé était distinct dans chaque région et l'Eglise d'Afrique fut déchirée par de nombreux schismes. Seul le donatisme perdura et coupa en deux l'Eglise ; il résista aux répressions soulevant des passions révolutionnaires dans les masses populaires. L'Eglise de Carthage et de Numidie s'opposa à l'Eglise officielle de métropole.
-------C'est alors que Constantin se convertit et mis hors la loi les donatistes, ce qui eut un effet contraire tant son extension fut extraordinaire ; un mouvement social se développe dans le prolétariat agricole. Les donatistes furent réduits par la force et une alliance entre l'Eglise d'Afrique et l'Etat, en résultat, ce qui eut pour conséquence une alliance des donatistes avec les ciconcellions qui furent considérés comme rebelles et traités comme tels. La Berbérie basculait dans le donatisme lorsqu'apparut Augustin, fils d'un païen africain et d'une chrétienne africaine, né à Thagaste (Souk-Ahras), en Numidie. Je vous conterai plus longuement sa vie, mais sachez qu'après des études à Carthage, il devint un grammairien, s'adonna au néoplatonisme qui lui ouvrit la porte du christianisme. Il écrit, notamment ses Confessions, la Cité de Dieux, les premiers catéchèses, fonda un monastère. Ses dialogues témoignent que pour atteindre la vérité par le raisonnement humain, un effort était nécessaire. Il avait un tempérament combatif et la carrure d'un chef qu'il mit à la disposition de l'Eglise pour combattre les schismatiques. C'est grâce à Augustin que les catholiques sortirent vainqueurs de la lutte contre le terrorisme qui suscita la répression de l'Eglise officielle. Pour atteindre ces résultats, Augustin qui fut canonisé, ainsi que Monique, sa mère, multiplia ses écrits et ses discours ; pour les rendre plus accessibles au peuple, il fixa ses formules par un abécédaire qui, par le nombre fixe de syllabes, la césure, la rime et l'assonance, annonçait la poésie romane.
------Saint-Augustin formula une "utile terreur" pour ramener les hérétiques à l'orthodoxie et empêcher les faibles de s'en écarter. Il ne ménagea ni la religion judaïque ni les païennes. Après avoir été un adepte du manichéïsme, il le dénonça, après sa conversion et exposa les doctrines orthodoxes sur la Trinité dans un ouvrage, véritable somme. Il fut sévère pour l'Etat mais il voyait en lui le défenseur de l'Homme contre l'anarchie et ses préférences allant à l'Etat chrétien qui met son épée au service de l'Eglise contre les hérésies.
------Grâce à Augustin, l'Eglise avait acquis tout à la fois un prestige et une autorité incontestables. Elle rejeta l'autorité de" l'Empereur - pape" en matière de juridiction et de discipline ; chacune des églises devint un lieu d'asile et l'Eglise suppléa les municipalités défaillantes. Mais le monde romain était gangréné et le triomphe de l'Eglise ne put le sauver.
------En Afrique, il en est de même ; l'aristocratie déserte les cités. L'administration romaine n'était plus adaptée aux provinces ruinées. Malgré cela et bien que l'Afrique paraissait être à l'abri des Barbares, ceux-ci la convoitèrent.
------En l'an 423, à la mort de l'Empereur d'Occident, Honorius, les troubles qui se manifestèrent eurent des répercussions en Afrique où le général Boniface fut déclaré, en 427, "ennemi public" et combattu par un Goth, Sigivult, comte d'Afrique. Les Berbères profitèrent de cette situation pour se soulever. Le gouverneur de l'Afrique tendait vers une indépendance.
------Les Vandales tentèrent à plusieurs reprises de débarquer sur les côtes des Maurétanie, mais en vain. La situation créée par la décomposition romaine encouragea le roi Vandale Genséric à envahir l'Afrique, après avoir assuré ses arrières dans les îles de la Méditerranée occidentale. A la tête des Germains, suivi des Alains et des Suèves, soit 80 000 personnes dont 15 000 soldats aguerris, Genséric traverse le détroit d'Hercule (Gibraltar) et aborde les côtes africaines à Ad Fratres (Nemours) ainsi qu'à Tanger. La conquête et l'occupation de l'Afrique romaine par les Vandales débutent. Ils fondèrent un royaume, fondé sur la piraterie et qui dura jusqu'à la conquête Byzantine de l'Afrique, en 533.

L'ACTUALITÉ

------L'actualité conduit à une constatation : l'Afrique se trouve, présentement, en 1995, dans une situation identique à celle qui vient d'être exposée. En effet, hormis, pour l'heure, la piraterie, tout ce qui concourt à l'insécurité, renaît et croît exponentiellement, notamment les rivalités des chefs de tribus berbères et la propre opposition de chacun d'eux aux responsables de partis politiques afin de conserver ou de s'approprier le pouvoir sur le territoire qu'il convoite pour l'administrer selon soit les us et coutumes de leurs ancêtres soit leur bon vouloir, refusant de se soumettre à un pouvoir central, quel qu'il soit. Ils s'opposent tout particulièrement à celui dirigé par ces intellectuels révolutionnaires issus du FLN qui ne leur apportèrent, par sa terreur, que malheurs et misères, à l'époque où ils bénéficiaient de la citoyenneté française et vivaient dans la Paix avec leurs frères de souche européenne.
------Le peuple leur reproche la folle gestion du pays depuis le lâche abandon par le gouvernement de la France des deux cinquièmes de son territoire national à la suite des honteux accords d'Evian. Ceux-ci ne rappellent-ils pas étrangement le pacte funeste que Boniface, ce général romain auquel un fatal ressentiment, nonobstant l'éloquence de Saint-Augustin, faisait trahir son pays et sa religion. Il avait contracté avec le roi des Vandales, Gonderic, la cession de la partie la moins civilisée du pays. L'application du traité par Genséric qui succéda à Gonderic, fut fatale aux Romains et décida la ruine de leur puissance en Afrique.
------Les Français d'Algérie, de souche berbère, s'appliquaient à suivre avec une nécessaire mais, par faute de communications, pas toujours comphéhensible lenteur, l'évolution difficile de leurs provinces pour parvenir au but à atteindre à cause ou grâce, au melting-pot qui résultait de ses divers éléments démographiques et religieux.
------L'aboutissement de cette action n'était pas si lointain ; il devait être la consécration définitive de l'unité du Maghreb dont la construction avait été entreprise avec opiniâtreté par la France pour parvenir à une civilisation franco-africaine qui devait résulter de celles d'Orient et d'Occident. C'était aussi la consolidation du pont naturel qu'est l'Afrique du Nord entre l'Europe et l'Afrique noire. Quel bel exemple c'eût été pour notre monde en proie à de si cruels déchirements. Hélas nos gouvernants ont préféré se décharger lâchement de la mission civilisatrice que la France éternelle, s'était fixée.
------Les luttes fratricides, conséquences de l'attrait du pouvoir, affectent ceux-là même, et leurs descendants, qui se croyaient aptes, après avoir bénéficié de l'action civilisatrice de la France métropolitaine, à conduire le pays dans une indépendance
totale, tout en feignant d'ignorer le caractère politique de la religion islamique. Seule la présencede la France pendant, hélas, trop peu d'années, 130 seulement, eu égard à celles des divers conquérants précédents, avait permis de réaliser cette unité si longtemps cherchée. L'Afrique du Nord - tout particulièrement l'Algérie Française - avait retrouvé une richesse économique et une Paix, jalousées des puissances étrangères qui encouragèrent et aidèrent, non sans arrières pensées avec l'aide de Français félons contre leur patrie, la funeste rébellion sous le fallacieux prétexte des Droits et des Libertés fondamentales de l'Homme.

Gaston Bautista