sur site le 19/12/2002
-Déroute de l'armée espagnole dans son combat contre Hassan Pacha
pnha n°74, dé 1996

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-----L'assassinat du Chérif marocain modifia la stratégie des Espagnols qui voulaient chasser les Turcs de toute la Berbérie avec l'aide des Marocains alors que le chérif Mohammed Abdallah-el-Ghaleg b'Illah venait de succéder à son père, Mohammed-el-Mehdi.
-----Alors que Charles-Quint était sur son lit de mort, le comte d'Alcaudète se rendait, par la voie terrestre à la rencontre des troupes turques, kabyles et maures commandées par Hassan Pacha. Les navires ravitailleurs partis d'Oran furent interceptés par la flotte turque qui captura quatre brigantins ou galères alors que le seul vaisseau de la flotte dut rebrousser chemin pour échapper également à la capture. Le corps expéditionnaire espagnol privé d'intendance, le comte d'Alcaudète ordonna la retraite alors que son avant-garde était entrée dans Mostaganem. Le décrochage ordonné dans la nuit se fit en désordre car l'infanterie espagnole venait, dans la journée d'être sérieusement battue par la cavalerie turque. C'est une déroute qui va suivre, les blessés abandonnés sont décapités par les Turcs sur le champ de bataille. Le 26 Août 1558, malgré les efforts du comte d'Alcaudète et de son fils pour retenir les fuyards de leur troupe et aussi pour sauver l'honneur castillan en tentant d'arrêter la déroute, celle-ci est totale. Au milieu d'une terrible panique, le comte est blessé à mort, écrasé par son cheval qui le renversa en se cabrant. Son fils Don Martin qui commandait l'arrière-garde est fait prisonnier devant Mazagran après avoir reçu une balle d'une arquebuse. L'armée, composée d'une majorité de jeunes recrues insuffisamment aguerries et épuisées, capitule, ce qui entraîne l'égorgement d'environ huit cents Espagnols et le reste enchaîné comme esclave. Hassan Pacha garda prisonnier Don Martin mais rendit le corps de son père, le Capitaine-Général comte d'Alcaudète qu'il échangea contre 2 000 ducats après l'avoir fait escorter jusqu'à Oran. Cette ville, habitée que par des vieillards, des femmes, des enfants et quelques hommes jeunes mais malades ou blessés, n'avait plus de défenseurs et aurait pu être prise sans coup férir par Hassan Pacha qui décide de rentrer à Alger pour préparer une nouvelle offensive sur la ville, les victoires qu'il venait de remporter, l'artillerie prise aux Espagnols et le nombre important de captifs qu'il ramenait, suffisaient à sa gloire.
-----Don Alonzo de Cordoba, après la mort de son père était devenu comte d'Alcaudète. A ce titre il fut nommé Capitaine-Général des places d'Oran et de Mers-el-Kébir après que celles-ci furent secourues par le deuxième fils de Don Martin, Don Francisco de Cordoba commandant de l'escadre d'Espagne.
-----Les années qui suivent voient Hassan Pacha et Abd-el-Aziz s'opposer, malgré leur amitié initiale, dans des luttes incessantes. Ce dernier dont la puissance grandissait alors que son territoire dominait la plaine de part et d'autre de la route reliant Alger à Constantine. Hassan se méfiant de la puissance de son ami, attaque les Béni-Abbès et prend les villes de M'Sila, Bou-Arreridj et Zemmora. Il est harcelé dans son repli par Abd-el-Aziz qui refuse ses offres de paix et reprend les fortins, les garnisons turques de la Kabylie sont faites prisonnières. Mais au cours d'un dernier combat Abd-el-Aziz est tué en protégeant son camp retranché.
-----Hassan Pacha épouse une fille du sultan de Koukou, El-Haoussine qui met à sa disposition ses combattants.
-----En Méditerranée, à Djerba, les Espagnols subissent également une cuisante défaite après que le vice-roi de Sicile, duc Madina Celi, se soit emparé, sur ordre de Philippe II, de l'île à l'entrée du golfe de Gabès. Averti par le corsaire Dragut, Soliman y envoie une troupe de débarquement composée de 86 galères qui couleront 16 galères et 14 bâtiments de transports espagnols, faisant environ 5 000 prisonniers et massacrant la garnison dont les corps furent empilés. Leurs ossements formaient une pyramide qui subsista, semble-t-il jusqu'en 1886.
Alors que Si Ahmed Amokran impose la paix à Alger après avoir soumis le territoire de Koukou, il est reconnu comme Sultan dépendant de Constantinople. Hassan Pacha prépare une nouvelle expédition contre le Chérif du Maroc et constitue les premières "zouaouas" avec des fantassins Kabyles de qui viendra, plus tard le nom de Zouave.
-----Mais les janissaires se sentent humiliés par les Berbères qui les contrecarrent. Jaloux des prérogatives de Hassan Pacha qu'ils soupçonnent de vouloir, avec l'appui des Berbères et des Arabes, créer un Etat indépendant, ils s'emparent de sa personne et l'envoient au Sultan, à Constantinople, enchaîné. Ils nomment deux de leurs agha, gouverneurs d'Alger : Hassan, un homonyme et Coussa Mohammed. Tous deux, ramenés à Constantinople par Hamet Pacha, cousin du Sultan, auront la tête tranchée. Le Sultan, pour la troisième fois nomme Hassan Pacha au pachalik d'Alger.

Premiers comptoirs français

-----Fin de l'an 1560, Soliman le Magnifique donne à la France la concession du commerce de certains ports, places et havres de la côte méditerranéenne en Afrique du Nord.
-----C'est en 1561 que le premier établissement français dans l'Afrique est créé par deux armateurs, Linche et Didier, de la Compagnie Marseillaise du Corail qui avait reçu du Sultan de Constantinople, Soliman, le droit d'exploitation du Cap Roux à la Seybouse : les côtes de La Calle, de Collo, du Cap Rose et de Bône.
-----Le droit d'exploitation, des côtes précitées, contre une redevance annuelle de 1500 écus d'or à payer par ladite société marseillaise à la Régence d'Alger, comportait, outre les comptoirs, la permission d'y élever des forts, de mettre en place des pièces d'artillerie et de pêcher le corail reconnaissance du privilège exclusif à la France d'alors ; les armateurs provençaux possédaient cette pêche depuis 1478, possession reconnue par Sélim en 1518 et confirmée par les Capitulations de 1535.

Deuxième siège d'Oran par les Turcs

-----A la fin de l'année 1561, Don Alonso de Cordoba, nouveau comte d'Alcaudète, Capitaine Général des places d'Oran et Mers-el-Kébir, rachète son frère, Don Martin, prisonnier des Turcs depuis l558. Ce rachat dont le montant s'élevait à 23 333 ducats se fit grâce au produit d'une razzia d'où il revint avec de nombreux esclaves et butins repris aux Maures. En 1562, ces derniers, notamment les Bent-Arax de l'ancienne province romaine Régioe, royaume de Sidi-Soliman le long de l'oued Ilabra, devenu Arbal par la suite, demandèrent aux Turcs d'Alger de venir assiéger les villes de leur royaume et places tenues par les Espagnols et d'installer des garnisons turques, particulièrement à Mascara. Ils les assurèrent pour cela de la coopération de leurs gens. Si Amokran s'appuya sur les Hacheur, tribu Hilalienne des environs de Mascara, pour en faire sa garde personnelle. Il les installa au pied du djebel Oum er Rissan et les exemptant d'impôts, s'en servit de tribu maghzen pour agrandir son pouvoir sur la vallée de l'oued Rir, sur Touggourt et sur le pays des Ouled Naïl, de Bou Saada à Djelfa.
-----En février 1563, Hassan Pacha, après avoir confié, par intérim, le gouvernement d'Alger à Ali Chirivi, alla s'installer à Mostaganem et à Mazagran. D'après le général L. Didier, le chroniqueur Walsin Estherazy nous dit qu'à partir de ces villes, il ne laissa, sans trêve ni relâche les Espagnols. Ceux-ci étaient harcelés par d'incessantes incursions des cavaleries turque, maure, kabyle et arabe. La flotte, turco-algéroise, commandée par le capitan Pacha Cochupare (ou Cochupari) était composée de 32 galères et de trois caravelles françaises. Après avoir rallié Mostaganem et y avoir débarqué de l'artillerie, des munitions et du matériel destinés aux sièges des places fortes, la flotte rallie le port d'Arzew à partir duquel le blocus, par mer, de Mers-el-Kébir et Oran sera mis en place.

 

-----Les contingents dont disposait Hassan Pacha étaient formés de 1 000 Spahis et de 15 000 janissaires Turcs, dont un grand nombre envoyé par le sultan de Constantinople, et des renégats d'Alger. Mais ils étaient en quantité insuffisante pour bouter les Espagnols hors des places-fortes d'Oran et de Mers-el-Kébir. Ils furent donc renforcés par 12 000 kabyles, Zouaouas et Béni-Abbès, mis à la disposition d'Hassan Pacha par Ahmed ben el-Cadi, roi de Koukou et Si Ahmed Amokran, chef des Béni-Abbés. Il avait contracté avec tous deux une alliance contre les Espagnols. Ces effectifs s'augmentèrent de ceux des tribus qui, par haine du chrétien, s'enrôlèrent lors du passage, sur leur territoire, des troupes qui, par voie terrestre, rejoignaient Mostaganem depuis A1ger.Le caïd de Tlemcen est installé sur la Macta pour couper les liaisons des Espagnols avec l'intérieur du pays et protéger les arrières des troupes assiégeantes de Hassan Pacha.
-----La stratégie d'Hassan Pacha consiste, afin que la flotte turque puisse s'y réfugier, à attaquer et conquérir, dans une première phase de l'opération, Mers-el-Kébir, port-forteresse, dont le gouverneur était Don Martin de Cordoba ; le chevalier Don Fernando de Carcamo, son ami qui l'avait suivi en captivité, était gouverneuradjoint et le remplaçait alors qu'il était absent, au début du siège.
-----Hassan s'installe avec ses forces en amont de la source qui alimente Oran, à l'emplacement qui devint le quartier d'Eckmühl, lance des assauts infructueux sur la Tour des Saints, au Sud-Est de la porte de l'Alcazaba (porte de Tlemcen), à mi-distance des chemins de Tlemcen et de Mostaganem. Ces échecs le firent décider de transporter l'essentiel de ses forces à l'Ouest de la colline d'Oran appelée "El Cerro Gordo" par les Espagnols. La cavalerie poursuivra le blocus terrestre du sud.
-----Bien que son artillerie ne fut pas encore installée en raison du retard des navires qui la transportaient, il lance une attaque contre le fort San Salvador (ou Saint-Michel suivant certains historiens) de Mers-el-Kébir. attaque repoussée par Don Francisco de Ribero qui dispose de 32 pièces d'artillerie et de 200 hommes d'armes. Les Maures sont défaits à chacune des attaques suivantes, au cours de ce mois d'Avril 1563.
-----Des troupes de l'artillerie et des munitions sont enfin débarquées, avec du retard sur les prévision d'Ilassan en raison du mauvais temps, sur la plage des Aiguades, qui s'étend des villages côtiers qui prirent le nom de "Trouville" et "Aïn-el-Turk". Les galères s'embossent ensuite autour de Mer-el-Kébir pour poursuivre le blocus. L'artillerie maure se déchaîne alors avant une nouvelle et violente attaque qui est à nouveau repoussée. Le fils du sultan de Koukou est tué, Hassan blessé mais leurs troupes parviennent aux pieds des murs de fortification, encerclant la garnison commandée par Don Martin de Cordoba qui avait rejoint la place avec une compagnie de renfort. Il refuse de se rendre, nonobstant la reconnaissance qu'il avait envers Hassan Pacha qui l'avait bien traité lors de sa captivité et qui avait fait rendre les honneurs au corps de son père, tué. Il continua donc à repousser les assauts malgré les brèches faites dans les murs par l'artillerie des assaillants. Du 15 mai au 7 juin les assauts successifs sont repoussés ; au cours du sanglant dernier qui dura plus de cinq heures, Don Martin et son adjoint Don Fernando de Carcamo sont blessés. Mais la garnison apprend que la flotte espagnole commandée par Doria venait au secours des assiégés ; la force de résistance de ceux-ci en est décuplée.
-----Hassan écume de rage car lui aussi apprend par ses espions que Doria arrive et que ses objectifs ne seront plus atteints avant l'arrivée de la puissante flotte espagnole. A l'issue de la dernière attaque, le 7 juin, alors que ses janissaires se replient, il leur crie : "Comment chiens, 4 hommes vous arrêtent devant une misérable bicoque".
-----Un autre historien rapporte qu'il aurait interpellé ses janissaires battus en criant : "O Musulmans ! se peut-il que 4 coquins de chrétiens tiennent contre vous dans un pareil chenil ?"
-----Il s'élança alors à leur tête, élevant son cimeterre en hurlant
: "Je mourrai pour votre éternel déshonneur".
-----Mais il est retenu par les siens et, le 9 juin 1653, il ordonne la levée du siège, fait replier ses troupes sur Mostaganem et rejoint Alger ; il aura perdu 4 000 hommes et presque la totalité de son artillerie. Sa flotte ne perd que quatre galères et les caravelles françaises de transport. Le second siège d'Oran aura duré, affectivement, deux mois et quatre jours.
-----La reconstruction de la forteresse de Mers-el--Kébir dont la garnison n'était plus que de 130 hommes à l'issue du siège, sera aussitôt entreprise par les Espagnols. Don Martin de Cordoba eut sa bravoure récompensée par l'institution d'une rente perpétuelle de 3 000 ducats.

Création du Beylik de Mazouna.


-----Les Turcs s'installent fortement, à Mascara où ils tiendront garnison avec de l'artillerie car Hassan craint que l'influence espagnole ne s'étende dans l'arrière pays après leur héroïque résistance dans la défense d'Oran et Mers-el-Kébir.
-----Mais les pouvoirs dans cette province occidentale étaient partagés entre les gouverneurs de chacun des trois grands caïdats qu'étaient ceux de Mostaganem, de Ténès et de Mascara. Les effectifs turcs ne pouvaient à eux seuls suffire pour tenir le pays sous la domination de Constantinople. Hassan eut recours aux populations indigènes organisées, par castes, en tribus éternellement divisées par des haines qui attisaient les rivalités de leurs chefs. Il décida de créer le Beylik de l'Ouest et nomma à sa tête Bou Krédidja, un Turc de sa milice qui lui était tout dévoué, homme d'entrain et d'intelligence dira de lui, Walsin Esterhazy. Le siège devait être situé hors d'atteinte des Espagnols chrétiens, toujours aussi honnis du renégat Corso, pacha d'Alger, et au centre de gravité des territoires des trois caïdats afin d'agir sans longs délais sur les populations, à l'intérieur du pays. Mazouna, petite ville ruinée par les guerres entre les Béni Zian et les Béni Mérün, fut choisie car elle était située à égale distance de Mostaganem et de Ténès. Ses habitants passaient pour de mauvais musulmans et la région située sur les contreforts des montagnes du Dahra était un foyer d' insurrection.
-----Les caïds nommés par le bey Bou Krédidja étaient Arabes ; responsables vis-à-vis de lui des prélèvements sur leurs administrés, ils étaient astreints à payer une redevance annuelle au bey de province dont le montant était fixé proportionnellement à la richesse connue des villes et villages. Les mahgzen qui sillonaient la province et l'administration solidement fondée, établirent la puissance turque dans cette province.
-----Premier consulat de France à Alger; premier incident diplomatique. A la demande pressante des marseillais, Charles IX, roi de France, décide de créer un consulat à Alger et nomme à cette charge, le 15 septembre 1564, Monsieur Bertholle de Marseille. Bien qu'ayant prêté serment entre les mains du Comte de Tende, gouverneur de Provence, notre premier Consul de France à Alger ne prend pas possession de son poste car il n'est pas admis par Alger.
(à suivre)

Gaston Bautista