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-Les Pachas et les Deys
Soliman, la peste, premier siège d'Oran- 2-
pnha n°73, novembre 1996

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-----Troublantes alliances et mésalliances entre les princes régnants de l'Empire Ottoman, de l'Empire Européen, de l'Afrique, de la France et de la Papauté.

Ambitions de Soliman le Magnifique et des chefs européens

-----Charles V, dit Charles Quint, fils de Philippe le Beau, archiduc d'Autriche, et de Jeanne la Folle, reine de Castille a été élu, en 1519, à la tête du Saint-Empire après avoir reçu le gouvernement des Pays-Bas, les couronnes de Castille, d'Aragon, de Naples, de Sicile dont dépendaient d'immenses colonies en Amérique. Il était le rival de François Ier , roi de France, qui briguait la couronne impériale.
-----Trois guerres les opposèrent entre 1521 et 1544 marquées par le désastre de Pavie où François Ier fut fait prisonnier (1525) et le sac de Rome, en mai 1527, par les troupes impériales commandées, après sa trahison, par le Connétable de Bourbon qui fut tué pendant le siège. Cette conquête impériale marqua le retournement des alliances du pape Clément VII qui fut fait prisonnier.
-----Depuis la mort de Barberousse en 1547, Charles-Quint qui luttait contre l'expansion ottomane avait signé une trêve avec le sultan Soliman. Celle-ci n'empêcha pas le pillage dans la Méditerranée des navires espagnols et la capture de leurs équipages. Le corsaire Dragut était l'auteur de ces brigandages dont les vaisseaux trouvaient refuge dans le port de Méhdia. Les habitants de cette ville, jaloux de leur liberté, s'étaient organisés en République lors de la prise de Tunis, en 1535, par Charles-Quint. Pour faire rentrer cette citadelle portuaire sous la domination du sultan, Dragut mit à profit les luttes intestines qui déchiraient la cité. Il se la fit livrer, en 1556, par Ibrahim Brambarac, l'un de ses principaux magistrats. Après l'avoir payé à prix d'or et installé dans la place une garnison, forte de quatre cents Turcs, il fit tuer ce traître àsa patrie.
-----Méhdia fut reprise sur ordre donné à Doria, amiral génois, par Charles-Quint qui lui fournit une force espagnole, sous les ordres de Don Garcia de Tolède, fils du vice-roi, embarquée sur une cinquantaine de vaisseaux. A ceux-ci, sous le commandement de Doria, s'étaient joints des galères du grand-duc de Toscane et du pape Clément VII, son nouvel allié, une flotte sicilienne sous le commandement de Alvarez, fils de Don Juan de Véga vice?roi de Sicile, et quatre navires équipés par l'ordre de Malte qui fournit, outre ses chevaliers, quatre cents combattants. Cette armada fut complétée par quelques navires des forces de La Goulette sous les ordres de son Gouverneur, Pérez de Vargas qui laissa sa vie au cours d'une escarmouche précédant, deux mois avant, l'assaut de Méhdia.
-----La perte de ce port-refuge exaspérera Soliman. Voulant reconquérir le littoral africain il réunit, en 1551, dans la rade de la capitale ottomane et métropole de l'islam, Constantinople, cent douze galères et trois galions com mandés par Sinan-Pacha qui avait sous ses ordres le fameux corsaire Dragut. Cette flotte se porta d'abord sur l'archipe composé des îles de Malte, Gozo et Comino qui étaient une ancienne possession romaine, occupée et islamisée par le arabes en 870, reprise en 1090 par Roger de Sicile avan d'être cédée, en 1530, par Charles-Quint, aux Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à condition qu'ils s'opposent
l'avance ottomane. Ces îles devaient servir de base stratégique pour les attaques ultérieures des ports africains. La bravoure des Chevaliers de l'Ordre fit rembarquer les troupe ottomanes qui avaient pris pied à Malte. Toutefois trouvant moins de résistance, elles obligèrent le Gouverneur de l'île d Gozo située à quelque deux lieux marines au Nord-Ouest d Malte, à capituler.
-----Tripoli était l'une des villes les plus importantes du littoral africain. Elle fut donc la première cible des Ottomans qui la conquirent sur les Espagnols. Ceux-ci en avaient fait la conquête, en 1510, sur les Arabes, de dynasties égyptienne ou maghrébines, qui s'en étaient rendu maîtres en 643 après les Romains. Ces derniers s'étaient substitués au Carthaginois en l'an 106 av. J. C.
-----Sûr de ses victoires, Soliman le Magnifique tourne alors ses regards vers l'Europe dont il veut s'emparer. Après avoir vassalisé la Transylvanie, la Serbie, le Kossovo et la Vojvodine Soliman a des visées sur Vienne, siège du Saint-Empire et la Hongrie. Il fait fi de ses ressentiments à l'égard des Chrétiens dont il était un farouche ennemi et chercha un allié européen Henri II, fils et successeur de François 1er , après s'être uni aux protestants allemands pour s'emparer des "Trois Evêchés" : Metz, Toul et Verdun, cherchait un allié pour. mener à bien la même politique que son père et poursuivre la lutte contre Charles-Quint puis son successeur, Philippe II.
-----Le roi de France projetait de se rendre maître du golfe de Gênes. Mais le chemin maritime, à partir de Marseille vers la Toscane et Naples, passait par l'île de Corse sous l'admnistration de Gênes qui avait relayé, en 1284, celle de Pise confiée en 1077 par le pape qui accroissait alors son influence sur l'île. C'est alors que la France monarchique, nation très chrétienne, fit cause commune avec l'Islamisme voyant en Soliman le Magnifique un allié de poids contre la maison d'Autriche et les velléités de l'empereur Charles Quint qui, tout à la fois, luttait contre l'expansion ottomane. -----Le roi de France ordonna au baron Polin de la Garde de rejoindre avec ses vingt-six galères sous son commandemer la flotte ottomane commandée par Dragut qui venait de ravager l'île d'Elbe.
------C'est alors que, pour le compte du royaume de France, le corsaire Dragut, à la tête de la flotte turque, en 1555, attaqua Bonificio qui résista aux assauts causant moult pertes dans le camp ottoman, pendant que la population de Bastia, encore sous l'effet de la révolte populaire contre Gênes écrasée en 1347, se rendait sans résistance aux Français. Mais Dragut obtint, toujours par la ruse, que les portes de Bonifacio soient ouvertes en promettant aux habitants la protection de la France. Sous cette condition Bonifacio capitula. Cette soumission privait les Turcs du butin auquel leur intervention victorieuse aurait donné droit.

 

----------Ils saccagèrent et pillèrent alors la ville, dès l'ouverture des portes, massacrant au hasard les habitants et une partie de la garnison. Cette violation au droit des capitulards fut l'origine d'une division entre Turcs et Français, ce qui conduisit Dragut et ses forces navales à se séparer des forces françaises et à l'échec de leur expédition.
-----Henri II se plaignit auprès du Sultan à qui il demanda de remplir les conditions du traité qui les liait. Soliman ne manqua pas de l'ordonner fermement à Dragut qui s'exécuta. Mais les forces navales ottomanes auxquelles s'étaient jointes celles de la marine de l'odjédac d'Alger, commandées par Salah-Reis, n'agirent que mollement aux côtés des Français car il n'y avait point de butin à l'issue de la victoire.
-----La Corse demeura sous domination française jusqu'en 1559 ; par le traité de Cateau-Cambrésis elle fit retour à Gênes jusqu'à ce que celle-ci transféra ses droits à la France, en 1768.

La lutte en Berbérie - la peste

-----En l'an 1555 (963 de l'Hégire), nous l'avons dit, Bougie fut prise aux Espagnols par Salah-Reis, roi d'Alger. Les Turcs s'étaient emparés de Fez alors que les Espagnols étaient les maîtres d'Oran qui avait à la tête de son gouvernement le comte Don Martin d'Alcaudète.

Premier siège d'Oran

-----Les Turcs forts de leur victoire à Bougie sur les espagnols qui en furent chassés, décidèrent de faire le siège d'Oran.
-----Philippe II avait succédé à son père Charles-Quint qui, malade avait abdiqué.
-----La peste sévissait à Alger en ce mois de Juin 1556, Salah-Reis, le roi d'Alger en meurt. Son lieutenant, Hassan Corso, renégat Corse, fut élu pour lui succéder, dans l'attente de la décision de Soliman qui d'ailleurs ne le confirma pas mais nomma un Turc, Tekerli, Beylerbey d'Alger. A la tête d'une troupe, forte de 12 000 Turcs, de 30 000 Kabyles, Maures et Arabes dont 3 000 cavaliers Hassan Corso, se dirige sur Oran. Le matériel et l'artillerie sont transportés par les vaisseaux qui touchent terre près de Mostaganem, fief turc, lieu du rendez-vous. Corso arrive devant Oran le 14 août et s'installe devant ses remparts et près de la source de Ras-el-Aïn qui ravitaillait en eau la ville. Il met en place ses batteries d'artillerie sur les flancs de la montagne dominant la ville, près des Planteurs, et fait ouvrir le feu contre la porte de Tlemcen et la Casbah, causant peu de dégâts et peu de victimes : 13 Espagnols sont tués.
-----Le gouverneur d'Oran réclama au gouvernement espagnol des renforts qui ne vinrent pas du fait de l'inimité qui régnait entre le comte d'Alcaudète et le capitaine général d'Espagne, Don Bernadino de Mendoza qui plutôt que de secourir Oran préféra rallier les galères de Naples, de Sicile et de Gênes. Mais les assiégés d'Oran eurent le secours de la Providence, le sultan Soliman, pour de multiples raisons, décida de ne plus soutenir les forces assiégeantes, rappelant même la flotte turque.
-----Les prétextes avancés par Soliman d'après certains historiens furent que les vaisseaux de l'amiral Doria commandant la flotte française, causaient des dégâts importants à la flotte ottomane, aux villes des côtes de la presqu'île de Morée (Péloponnèse actuelle) et à celles, turques, de l'Archipel. Pour d'autres historiens, Soliman se méfiait de Hassan Corso dont il ne voulait à aucun prix comme Beylerbey d'Alger et qu'une victoire à Oran risquait de consacrer aux yeux de ses sujets.
-----La levée du siège est une victoire célébrée à Oran par les Espagnols qui voient les Turcs et leurs mercenaires, après deux jours d'attaque, regagner Alger alors que la flotte ottomane s'éloigne des côtes d'Oran et Mers-el-Kébir, sans avoir débarqué les forces d'interventions turques qu'elle amenait.
-----Certains historiens rapportent que le commandant de la flotte ottomane aurait jugé l'opération de débarquement difficilement réalisable. Les populations des douars et villes qui ont aidé les Turcs sont châtiées par le comte d'Alcaudète. Pour mieux défendre Oran, il fit construire les forts San Bernardo (Bordj Ras-el-Aïn) et le tort Sainte Thérèse sur le front de mer.
-----Mais la victoire est ternie par une épidémie de peste terrible, amenée d'Alger par les janissaires. Elle dura plus de six mois et les femmes et les enfants en furent les principales victimes. Une lutte s'engage entre le Beylerbey Tekerli et les janissaires qui ont une influence grandissante à Alger. Après l'assassinat de Tekerli, La Porte nomme, pour la seconde fois, à la tête du gouvernement d'Alger, Hassan Pacha, le fils de Keir?-ed-dine avec mission de s'opposer aux ambitions du chérif marocain Mohammed-el-Mehdi, maître de Fez et de Tlemcen, qui aura, par traîtrise de sa garde à la solde de Hassan Pacha, la tête tranchée. Celle-ci sera adressée à Constantinople, pour satisfaire à la demande de Soliman.
-----Mais il lui fallut aussi neutraliser l'influence des janissaires. Pour cela il fit alliance avec les Kabyles et les Arabes, ne les traitant plus avec le dédain dont faisaient montre habituellement les Turcs à l'égard des indigènes ; il les autorise même à acheter des armes à Alger. Bien qu'ami d'Abd-el-Aziz, il le combat après que celui-ci lui eut refusé sa fille qu'il avait demandé d'épouser. Il épousa alors une fille du sultan de Koukou dont il fera un allié contre son ami.
(à suivre?)

Colonel Gaston Bautista.