sur site le 31/01/2002
-Quand l'Armée d'Afrique libérait la France
pnha n°42 janvier 1994

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-------Ainsi l'Algérie était de nouveau en guerre. Les jours suivants des avions allemands bombardaient le port et la ville d'Alger, faisant nombre de victimes : la gigantesque D.C.A. des Alliés interrompit leurs raids assez vite. Par contre, ceux-ci n'ayant pas occupé la Tunisie en même temps que l'Algérie et le Maroc, les Allemands contrôlèrent aussitôt les aéroports tunisiens et y déversèrent des troupes, bientôt rejointes par l'Afrikakorps lequel, talonné par Montgomery mais supérieurement entraîné, conservait une grande puissance de combat.
-------Une des divisions préparées par Weygand dut partir en hâte couvrir la frontière de l'Est. Ce fut le début d'une épopée digne des plus belles traditions guerrières françaises, durant trente mois, en Corse, en Italie, en France où l'armée nord-africaine participa à la libération du Sud-Est et de l'Alsace, en Allemagne jusqu'au Danube.
-------Sur les 175 500 Européens d'Afrique du Nord mobilisés, les neuf dixièmes venaient d'Algérie (20 classes, 1 sur 6 habitants)', combattant au coude à coude avec 230 000 Indigènes des trois pays du Maghreb. N'est-il pas choquant que les hauts faits de cette armée franco-musulmane, grâce à laquelle a été réhabilité l'honneur militaire de la France, aient tenu si peu de place dans l'information des Métropolitains et dans leur gratitude, comparés à la gloire partout remémorée des 3 600 combattants de Bir Hakeim sous les ordres des généraux Koenig et de Larminat, ou des hommes de Leclerc parvenus du Tchad à Tripoli en passant par le Fezzan(2) ainsi que celle des "soldats de l'ombre" ?
-------Onze jours après le débarquement allié, dans le Nord de la Tunisie à Medjez el Bab, 12 600 hommes des divisions de Tunisie, de Constantine et d'Alger, très pauvrement armés et équipés, sans chars ni canons antichars efficaces, arrêtaient la poussée allemande. Alors que l'état-major américain envisageait froidement un repli dans le Constantinois, Juin s'y opposa : tirailleurs et 9è zouaves, spahis et chasseurs d'Afrique tinrent héroïquement sur la "dorsale tunisienne", notamment autour de Pont du Fahs.
-------Dans le Sud les troupes de Rommel, après avoir poussé vers Tébessa en direction de Constantine et contenu passagèrement l'armée de Montgomery sur la ligne Mareth, durent décrocher, cependant que les forces franco-américaines reprenaient Kasserine, Fériana, Gafsa. Passées sous le commandement de von Arnim, elles refluaient vers le nord. Le 7 mai Tunis était occupée par les Britanniques ; 4 000 volontaires des corps francs du général de Monsabert et 500 tabors marocains participaient à la prise de Bizerte. Acculés au cap Bon, 200 000 hommes, 27 généraux devaient se rendre. La Tunisie était reconquise, au prix de 20 000 morts, disparus et blessés dans la seule Armée d'Afrique.
-------De 1942 à 1944, l'Algérie a été "la place forte de la Libération" (M.-E. Naegelen). Le 15 septembre 1943, un commando de 110 hommes était transporté en Corse par le sous-marin Casabianca suivi, à bord de contre-torpilleurs, de quelques milliers de tirailleurs et de goumiers. Le 4 octobre, après d'âpres combats, la Corse était libérée.
-------Devant la valeur des troupes françaises et sur la pressante intervention du Général Giraud aux U.S.A., les Américains s'étaient décidés à les armer et les équiper à l'égal des leurs. C'est pendant la campagne d'Italie que la stratégie du général Juin, conjuguée aux qualités guerrières de son armée, va réaliser l'exploit le plus mémorable. A partir de décembre le corps expéditionnaire français, fort de 200 000 hommes dont 20 000 métropolitains, est engagé. Il enlève de haute lutte le Belvédère, mais les Anglo-Américains butent sur l'imprenable couvent-forteresse du Monte Cassino.
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------ -------Manoeuvre conçue par Juin, irréalisable selon le commandement allié, le 11 mai les tabors marocains avec leurs mulets de bât, ainsi que la division algérienne escaladent les montagnes et, progressant plusieurs jours sans discontinuer, tournent les défenses invincibles que les Allemands, coupés dès lors de leurs communications, doivent abandonner. Victoire décisive : franchi le Garigliano, percée la ligne Gustav, le chemin de Rome est ouvert. Les Africains y font leur entrée le 3 juin, poussant le 5 juillet jusqu'à Sienne. Ils ont perdu plus de 10 000 tués ou disparus (1 officier pour 10 hommes) et 21 000 ont été blessés.

-------Réformés dans le Sud de l'Italie, ils débarquent le 16 août 1944 avec les Américains sur les plages du Var, à Cavalaire et Agay. Commandés par les généraux de Monsabert et de Gonzalès de Llinarès, le 21 ils arrivent devant Toulon par les hauteurs, le 23 à Marseille. Malgré les formidables ouvrages défensifs de ces deux villes, Toulon tombe entre leurs mains le 27 et Marseille est reconquise le 28 par le 7° tirailleur algérien, le 2° cuirassiers et quelques F.F.I. peu armés(3). Remontant le long du Rhône, Lyon est occupée le 4 septembre puis, sous le nom de Première armée, commandée par de Lattre de Tassigny, ils forcent l'obstacle de Belfort et le 1erzouaves arrive le premier sur le Rhin, le 19 novembre.
-------Alors que la France était presque tout entière délivrée, cette armée allait affronter encore un rude hiver et des combats meurtriers, notamment en février 1945 autour de Colmar, puis le Rhin franchi précédée des spahis elle s'emparait de Stuttgart, atteignait le Danube à Ulm. Si au cours de cette longue route elle s'était grossie de F.F.I. et de volontaires métropolitains.
-------Elle était restée jusqu'à la fin, pour la plus grande part de ses effectifs, l'Armée d'Afrique dont chaque corps méritait les termes de la citation du 9` zouaves
"Splendide régiment à la folle bravoure...". Grâce à elle, la France pouvait s'asseoir à la table des vainqueurs. (P. Gaxotte).
1-Proportion supérieure à celle de la Métropole pendant la guerre de 14-18. Les Musulmans mobilisés représentaient moins de 2% de la population indigène.
2- Parmi lesquels est mort au combat, dans un raid audacieux, le colonel Colonna d'Ornano, d'Alger.
3 - Roger Audibert : Libération de Marseille. Prise de Notre Dame de la Garde, Imp. Pensée Universitaire, Aix en Provence, 1982.

Pierre Goinard
Algérie, l'oeuvre française
Ed. Robert Laffont