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-Qu'était l'Armée d'Afrique
pnha n°43 février 1994

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------L'armée d'Afrique (1) tire son nom du corps expéditionnaire qui débarque à Sidi Ferruch le 14 juin 1830 et s'empare d'Alger le 5 juillet. A l'époque, on ne parle pas encore d'Algérie, entité créée par la colonisation.
------Partout en Europe, la victoire française sur les Turcs du bey d'Alger a été accueillie avec satisfaction et soulagement. Depuis l'échec de CharlesQuint devant Alger, en 1551, jamais les Européens n'avaient pu nettoyer ce nid de piraterie barbaresque qui semait l'(insécurité en Méditerranée.
------Pourtant le gouvernement de 1830 ne songe nullement à étendre sa conquête. Celle-ci se fera de proche en proche, par une sorte d'automatisme, pour assurer la sécurité des premiers territoires pacifiés, jusqu'à l'absorption finale de la Tunisie et du Maroc.
Zouaves et "Turcos"
------Dès sa victoire, le maréchal de Bourmont a pris langue en kabylie avec la tribu des Zouaouas qui, traditionnellement, fournissaient des soldats aux Turcs. Son successeur, le général Clauzel constitue avec eux le corps des Zouaves qui leur doit son nom (ler octobre 1830).
------Officialisés par une ordonnance du 21 mars 1831, les zouaves qu'encadrent d'excellents officiers français, se distinguent dès le 3 juillet 1831 au col de Mouzaïa, au sud de Blida. Un décret du ler février 1852 porte les effectifs à trois régiments. Un quatrième régiment, celui des zouaves de la Garde impériale sera constitué en 1855. Les zouaves prouvent leur valeur en Crimée (1854-1856). Cependant, ils ont
perdu à cette époque leur caractère de troupe indigène. Depuis plusieurs années, le recrutement accorde une place de plus en plus importante à des engagés volontaires français. Après l'insurrection kabyle de 1871, on jouera des aversions traditionnelles entre musulmans et juifs, en ouvrant à ces derniers l'accès aux zouaves dont l'heure de gloire est passée.
------Edouard Detaille écrit en 1889 qu'ils ne sont plus que l'ombre d'eux-mêmes.
------En 1841, pour reconstituer des troupes vraiment indigènes, le général Bugeaud lève trois bataillons de tirailleurs, ancêtres de toutes les unités de tirailleurs indigènes, qu'il soient algériens, marocains, tunisiens, sénégalais, malgaches, annamites ou tonkinois. Ils proviennent en partie d'anciennes unités d'Infanterie "turque" passées au service de la France après 1830. D'où le surnom de "turcos" donné aux tirailleurs algériens. Le 10 octobre 1855, trois régiments de tirailleurs algériens sont constitués. Leur nombre sera augmenté par la suite. Ils ne disparaîtront qu'en 1962, lors de l'Indépendance de
l'Algérie. Cette troupe solide participe à d'innombrables campagnes hors d'Algérie
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Chasseurs d'Afrique et Spahis
------Par une ordonnance du 17 novembre 1831, deux escadrons de Chasseurs Indigènes et trois escadrons des 12è et 17è chasseurs à cheval ayant participé au débarquement de 1830, donnent naissance aux deux premiers régiments de Chasseurs d'Afrique. Quatre autres seront créés jusqu'en 1887. Européens et musulmans y servent ensemble jusqu'à la création des spahis en 1834. Dès lors, le recrutement sera exclusivement européen. Ils interviendront sur tous les théâtres extérieurs et dans les deux guerres mondiales.
------Les spahis, nom d'origine persane donné aux cavaliers de l'armée ottomane, sont créés le 6 septembre 1834. Le corps des spahis est alors strictement indigène avec encadrement français. Il est formé de deux détachements. L'un aux ordres du célèbre Yusuf, Italien de l'île d'Elbe, enlevé tout jeune par les Barbaresques et devenu officier de spahis du bey d'Alger, avant de passer au service de la France. Le 16 mai 1843, à la tête de ses spahis, sous les ordres du jeune duc d'Aumale, il sabre la smala d'Abd- el-Kader.

 

------Légion étrangère et "Bat' d'Af"
------Par une ordonnance du 10 mars 1831, Louis-Philippe crée en Algérie une Légion formée de volontaires étrangers, avec quartier général à Sidi bel Abbès. Cédée à l'Espagne au début de 1835, pour la guerre contre les carlistes, la Légion étrangère est reconstituée le 16 décembre 1835. Elle se distinguera dans toutes les campagnes outre mer et gagnera pendant la campagne du Mexique, au combat de Camerone (30 avril 1863), sa réputation justifiée de troupe sacrifiée, recours ultime des situations désespérées.
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-----Un régiment étranger de cavalerie (REC) sera formé en 1921 en Tunisie avec une forte proportion d'engagés russes, rescapés des Armées blanches. Le REC se distinguera bientôt en Syrie contre les Druses, comme le rappellent les paroles de son célèbre chant.
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Les bataillons d'infanterie légère d'Afrique (BIL) autrement appelés "Bat' d'Af", sont créés en Algérie le 4 juin 1832. La troupe provient de compagnies disciplinaires formées de condamnés des tribunaux civils et militaires, tandis que l'encadrement est soigneusement choisi. La valeur au feu des "Bat' d'Af" sera appréciée autant que sera redoutée leur conduite dans les cantonnements. Au combat de Mazagran, près de Mostaganem, en février 1840, la stupéfiante résistance des "zéphyrs" ou des "joyeux" comme on appellera les
"bataillonnaires", prouvera que ces réprouvés peuvent se comporter en héros.
-----Les chasseurs à pied, malgré leur rôle important dans la conquête, ce dont témoigne l'épisode fameux du combat désespéré de Sidi Brahim (24 au 26 septembre 1845), n'ont jamais appartenu à l'armée d'Afrique, bien qu'ils aient fait carrière en Algérie jusqu'à leur rappel en 1874.

Sahariens et goumiers
-------L'armée d'Afrique comprend en revanche trois Compagnie méharistes, créées le 30 mars 1902 à l'Instigation du commandant Laperrine, avec siège à Adrar. Le recrutement s'opéra au sein de la grande tribu des Chaambas hostiles aux Touareg Hoggar. Les méharistes indigènes, engagés pour deux ans, subviennent eux?mêmes à la fourniture et à l'entretien de leur monture, équipements et nourriture. Une poignée de nomades, commandée par des officiers d'élite, acquis à la magie du désert, vont assurer le contrôle d'immensités jusqu'alors inviolées.
-------Nommé haut-commissaire pour les confins algéro-marocains, en 1908, le général Lyautey a l'idée de constituer, sur le même principe, des goums, formations supplétives levées par tribu, sous les ordres de leurs chefs naturels, avec un encadrement léger d'officiers français. Les goums se révéleront précieux durant toute la pacification du Maroc et, beaucoup plus tard durant la campagne d'Italie, en 1943 et 1944.

Dominique Venner.
(Issus d'Enquête sur l'Histoire n°8 Automne 93 avec leur aimable autorisation)
(1) Offciellement, n'existe que le 19è corps d'armée (décret du 28 septembre 1873).