sur site le 7/04/2002
-Historique des Tirailleurs Algériens de 1939 à 1964
P.P.LAUGIER
pnha n°54 février 1995

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-------Les Tirailleurs depuis leur création en 1842, n'ont cessé de s'illustrer pendant un siècle dans le monde entier. Présents dans toutes nos expéditions Outre-Mer, ils participent avec quelle gloire, mais aussi au prix de combien de pertes, aux deux grands conflits Franco-Allemands de 1870 et de 1914. En 1939, ils sont à la veille d'une période de vingt années chargées de lauriers et de douleurs. Cette époque verra leur apogée, leur déclin, et leur mort. Ils éprouveront la joie de libérer la Mère Patrie, combattront en retraite en Indochine, puis connaîtront en Algérie un drame plus douloureux encore que le nôtre.
-------En 1939, il y a 28 régiments de Tirailleurs, (16 Algériens, 4 Tunisiens, et 8 Marocains). Ils représentent 38,6 % de l'infanterie française. La proportion d'Indigènes aux Français est de 73,4 %. Le personnel de carrière compte pour 70%. Ce sont des troupes de métier dont les caractéristiques sont : ardeur, résistance physique exceptionnelle, discipline, et allégeance au chef.
-------Le régiment s'articule, en un état-major, une compagnie régimentaire d'engins, (C.R.E.), une compagnie hors-rang, (C.H.R.), et trois ou quatre bataillons.
-------Les régiments Algériens et Tunisiens sont stationnés, en France, en A.F.N., et au Levant.
-------En France stationnement dix régiments
:- les 13è, 14è, 15è, 21è, 22è, 23è ', 25è, 27è R.T.A.
- les 24è, 28è R.T.T.

-------En Algérie et Tunisie se trouvent
- les 1è, 2è, 3è, 5è, 6è, 7è, 9è, 11è R.T.A. ?

-------Au levant
-le 16° R.T.T.
-------A la mobilisation, d'autres régiments sont créés.
-------Régiments d'active et de réserve, composent les divisions d'infanterie Nord-africaines, (D.I.N.A.) et les divisions d'infanterie d'Afrique, (D.I.A.) ce sont:

-------En France les
- 1er D.I.N.A. : 27è R.T.A., 28è R.T.T., (5èR.T.M.)
- 2è D.I.N.A. : 13è et 22è R.T.A., (6èR.T.M.)
- 3è D.I.N.A. : 14è et 15è R.T.A., 24è R.T.T.
- 4° D.I.N.A. : 21è 23èR.T.A et 25èR.T.A.

-------En A.F.N., les réservistes, Français et Indigènes, sont rappelés pour former de nouveaux régiments et compléter ceux d'active.
-------Ils forment les
- 81è D.I.A. : Iè, 5è, 9èR.T.A.
- 8è D.I.A. : 6è R.T.A. (Ier R.Z. et 4è R.T.M.)
- 83è D.I.A. : 3è, 7è, 1 1è R.T.A.
- 84è D.I.A. : 4è R.T.T. et 8è R.T.T., (4è R.Z.).
- 85è D.I.A. : 19 R.T.A. et 20è R.T.T., (3è R.Z.)
- 86è D.I.A. : 2è et 29è R.T.A., (2è R.Z.).
- 87è D.I.A. : 17è et 18è R.T.A., (9è R.Z.)
- D.I. de Mareth : 32è R.T.T. et 35 èR.T.A. C'est une division de forteresse.
Les 81 , 82 et 83è D.LA., sont des divisions de première catégorie à 40% de réservistes , les 84 , 85 et 86è divisions sont de deuxième catégorie à 60% de réservistes, et les deux dernières de troisième catégorie à 80% de réservistes.

-------Se battront en France
- les quatre D.LN.A., et les 82, , 84 , 85 et 87è D.LA.
-------Demeureront en A.F.N
-les 82 et 83 D.I.A. ainsi que la division de Mareth.
-------Sera envoyée au Levant : la 86 D.LA.
-------Après la "drôle de guerre", les régiments engagés en France et en Belgique, comme en 1914, ne se ménageront pas. Dans la brève mais rude campagne de 1940, la plupart d'entre eux se distingueront bien qu'un silence immérité couvre encore leurs exploits. En particulier, s'illustrèrent : le 4è à Ablis, le 6è en Argonne, le 11è à Beauvais, le 13è à Gembloux et à Lille, le 14è au Bois d'Innor, le 15 è en Argonne, le 19è sur l'Oise.
Trois d'entre eux seront cités à l'ordre de l'armée : les 14è, 15 et 19è ; le 13è obtiendra pour son drapeau, l'inscription "Flandres 1940".
-------Disposant à peu près toutes d'un armement complet, les divisions nord-africaines ne possèdaient aucune mobilité stratégique ou tactique. Elles furent jetées dans la bataille souvent au gré des événements. Tronçonnées par une armée blindée très mobile, elles se sacrifièrent sans le moindre profit, leur courage suppléant à la carence du commandement.
-------Leurs pertes attestèrent qu'elles ne s'enfuirent pas.
Après l'armistice, et de nombreuses dissolutions, les régiments survivants sont tous stationnés en A.F.N. ou au Levant comme suit
- 1er Blida - 3è Bône - 5è Maison-Carrée - 7èSetif - 9è Miliana - 16è Levant - 29è Levant - 2è Mostaganem - 4è Sousse- 6è Tlemcen - 8è Camp Serviere - 11è° Fès - 22è Levant

-------Débute alors une période, où une intense activité d'instruction essaie de pallier, . au doute qui
découle de la défaite et à une grande pénurie matérielle.
-------Au Levant, lors des affrontements de 1941, les pertes subies sont importantes. Les 16è R.T.T, 22è et 29è R.T.A., sont rapatriés à Philippeville, Koléa et Boghar. Huit cents officiers, sous officiers et tirailleurs, rallient les F.F.L. où ils forment un bataillon, le 22è B.M.N.A.

-------Le 8 novembre 1942, les Alliés débarquent,
et les hostilités contre l'Axe reprennent. Les tirailleurs reparaissent sur les champs de bataille, sur lesquels, ils représentent la majeure partie de l'infanterie française. Ils vont écrire en lettres de sang, une épopée à nulle autre pareille, et qui, les ménera, de la Tunisie au Danube, en passant par l'Italie et la France.
-------Dès le débarquement des Allemands en Tunisie, les troupes du Protectorat, puis le 19è C.A. combattent sur la dorsale tunisienne afin de couvrir la concentration alliée. Palliant par leur ardeur et leurs sacrifices la vétusté de leur armement ils contribueront largement au succès des armées de la liberté.
-------Se sont distingués : le 1er R.T.A. à Pichon, le 2è au col du Faid, le 3è à Medjez el Bab, le 7è à Fondouck el Okbi, le 6è` et le 9è au djebel Zaghouan.
-------A l'arrière, la mobilisation générale, plus intense que celle de 1914-18, est décrétée en A.F.N. Mais malgré ces mesures, aucun nouveau régiment n'est créé. Le nombre des grandes unités, en effet, dépend du plan de réarmement imposé par les Américains.
-------Une seule division, la 3è D.LA., représentera donc au feu les Algériens et les Tunisiens. Elle est composée, des 3è et 7è R.T.A. ainsi que du 4è R.T.T. D'autres régiments prendront part au conflit comme renfort des régiments Marocains.
-------La 3è D.LA. fut transportée et engagée en Italie, au sein du célèbre corps expéditionnaire français. Elle marque ses premiers pas par la prise du Belvédère, où fut tué le Colonel Roux commandant le 4è R.T.T. Le 13 mai 1944, elle enfonce la porte de Castelforte sur la ligne Gustave, puis, mène l'offensive du Garigliano à la Ville Eternelle. Au sortir de Rome, elle continue une poursuite acharnée à travers l'Ombrie jusqu'à Sienne.
-------Le 3è R.T.A. obtint pour son drapeau les inscriptions "Abruzzes 1944", "Rome 1944" ; le 4è R.T.T. "Le Belvédère 1944", "Garigliano 1944", le 7è R.T.A, "Rome 1944".
-------Les régiments qui combattent avec les Marocains sont
- le II/9 R.T.A. avec le 2è R.T.M.
-le III/9 R.T.A. avec le 6è R.T.M.
Le 2è R.T.A. vient renforcer la 2è D.LM. et est dissous.
Ses bataillons remplacent leurs homologues au sein des 5è, 6è et 8è R T M.

-------Mais un autre théâtre allait s'ouvrir, celui de France. Regroupée dans la région de Naples, la 3è D.I.A allait débarquer en Provence. Elle va entrer la première dans Toulon, libérer Marseille, manoeuvre dans laquelle les 3è et 7è R.T.A. forment l'avant-garde. Elle poursuivra l'ennemi battu à travers les Alpes et le Jura, jusqu'au seuil de l'Alsace. Là, le dos au Rhin, la 7è Armée Allemande fait face.

 

-------Ce sera la difficile bataille de l'hiver 1944 dans la boue et dans la neige. Cet affrontement fut marqué, par la lutte dans les Vosges, la prise de Mulhouse, et la défense de Strasbourg.
-------Un autre régiment allait se distinguer dans les Vosges, le vieux Premier, venu renforcer la 4è division Marocaine. Entre le 15 décembre 1944 et fin janvier 45, le 1er Algériens, laissera 1800 des siens, tués ou blessés, dans les combats pour Orbey, Thann et Cernay.
-------A l'issue de l'hiver, certains régiments très éprouvés, vont rentrer en Algérie et donner leur matériel et leurs spécialistes à des corps métropolitains.

-------Mais il reste à achever l'ennemi en portant la guerre sur son territoire. La 3è Algérienne donne l'assaut à la ligne Siegfried, franchit 1e Rhin à Spire et prend Stuttgart.
----------La capitale du Wurtemberg marquera le terme de sa chevauchée héroïque. La route, depuis Naples, aura été jalonnée de 4000 tués et de 12000 blessés. Chrétiens et Musulmans fraternellement unis, ils sont morts et ont souffert pour la libération. Ils appartenaient en rnajorité aux unités de combat des régiments de tirailleurs, qui furent pratiquement renouvelées à 100% après la campagne d'Italie.
-------Après l'armistice, comme après la Grande Guerre, la situation est très confuse et ce, pour les même raisons. Maintes dissolutions et créations sont prescrites et finalement la situation se stabilise comme suit
- en Allemagne : le 7è R.T.A., unités régimentaires, (U.R.) et 3è bataillons ; il partira en Indochine en 1953 et sera remplacé par le 13è R.T.A. reformé à cette époque.
- en France : le 22è R.T.A., U.R. et 3è bataillons.
-en A.F.N.
- le 1er R.T.A. : U.R. et Ier B.T.A. Blida, 5è B.T.A. Dellys, 9èB.T.A Miliana, 17è B.T.A. Laghouat.
- le 2` R.T.A. : U.R. et 2è B.T.A. Mostaganem, 6è B.T.A. Tlemcen, 14è B.T.A : U.R. et 3è B.T.A. Bône, 11è B.T.A. Pascal, 15è B.T.A. Tocqueville.
-------La guerre terminée en Europe, une autre débute en Indochine dès le débarquement du corps expéditionnaire en 1945. Le gouvernement n'ayant pas l'intention d'engager le contingent outre-mer, les troupes de métier forment donc des bataillons de marche, (B.M.)
-------Au printemps 1947 débarquent à Saigon, les B.M. des 1er, 2è, 3è, 7è R.T.A. et du 4è R.T.T. puis les 25è , 23è et 27è B.T.A., soit huit bataillons. Ces troupes sont rapatriées au bout de 24 à 30 mois de séjour. D'autres viennent prendre leur place.
-------En 1953 sont en Extrême-Orient les
- II et III/V R.T.A.., IIè et III/2è R.T.A., II et III/4è` R.T.T, II/3è R.T.A., IV et V/7è R.T.A., le B.M./6è bataillons, que rejoindront en 1953 deux régiments, à un état--major et trois bataillons : les 7è et 22è R.T.A. Les bataillons ayant été renouvelés trois fois, c'est la valeur de cinquante- quatre bataillons qui sont passées sur ce théâtre d'opération entre 1947 et 1954. Ils combattent partout, la plupart dans les groupes mobiles, comme le groupe mobile Nord-Africain, (G.M.N.A.), qui se distinguera à Vinh Yen. Trois d'entre eux disparaitront à Dien Bien Phu : les II/1èR.T.A. sur Isabelle, le 111/3è R.T.A sur Béatrice, le V/7è R.T.A, sur Gabrielle. Le dernier régiment sera rapatrié en octobre 1955.
-------Des bataillons combattront aussi à Madagascar en 1947. Ce sont les bataillons de marche des 6è , 9 è , puis du 2è R.T.A.
-------En Indochine confrontés à un milieu physique et à une population très spécifiques, les tirailleurs ont été maintes fois désorientés. En outre, le système de relève a pour conséquence de rompre les liens très torts qui les unissent à leur chef. L'encadrement, par ailleurs, provenait de toute l'infanterie métropolitaine et éprouvait parfois quelques difficultés à s'adapter. Le jugement émis sur leur rendement et sur leur valeur est donc souvent contradictoire. D'autre part la propagande et l'endoctrinement Viet Minh, comme la défaite finale, ont troublé de nombreux esprits. Les troupes Nord - Africaines rentrent d'Indochine, pour se trouver confrontées à la fin du protectorat en Tunisie et au conflit Algérien naissant...
-------Une période troublée va commencer pour les tirailleurs, contraints de choisir entre leur fidélité aux trois couleurs, et l'appel à la libération de leur pays. Ce flottement va durer jusqu'au printemps 1956. Il est caractérisé par un courant de désertions assez élevé et par des incidents plus importants, comme le passage à la rébellion d'une compagnie du 3è B.T.A. Mais les mesures prises : envoi en Métropole des suspects, accélération de l'avancement, augmentation de la proportion d' Européens, amènent une très nette amélioration du climat psychologique. Jusqu'en 1962, si on excepte la tentative de désertion du 11è B.T.A. au début 1957, dans l'ensemble, les tirailleurs resteront fidèles, et combattront avec leurs vertus traditionnelles. Cette fidélité peut aller jusqu'au sacrifice, comme le prouvent les vingt-deux tirailleurs du 9èB.T.A. qui choisissent la mort plutôt que de suivre leur chef de section à l'ennem en novembre 1956.
-------Cette guerre fut très particulière. Elle présenta un caractère cyclique, alternant de longues périodes de calme et de très courtes périodes d'affrontement intenses, menés le plus souvent au corps à corps dans des terrains très difficiles.
-------En Algérie combattirent le 1er R.T.A. avec les 1er 5è 9è 17èB.T.A. et un Commando de chasse, partisan 40.
- le 2è R.T.A. avec les 2è 5è l4è 29è B.T.A.
- le 3è R.T.A avec les11è 15è B.T.A
- le 7è R.T.A. à 3 bataillons
- le 21è R.T.A. à 3 bataillons
-le 22è R.T.A à 2 bataillons
-le 4è R.T. venu de Tunisie.
- En 1958 ils deviennent régiments de tirailleurs, le "A" disparaissant.
-------Le commandement leur réserva le plus souvent, les secteurs les plus défavorisés, l'action sociale généralement les ignora... Ils furent utilisés comme unités de réserve ou en secteur. Beaucoup parcoururent une grande partie de l'Algérie. A titre d'illustration est donné l'itinéraire du 1er B.T.A. : 1954 Aurès, 1955 Nementchas, 1956 Petite-Kabylie, 1957 Hodna, 1958 Novi, 1959-1962 Bou Saada.
-------Le recrutement tut toujours satisfaisant. Par exemple le 1er R.T.A., en 1959 sur un effectif total de 6000 hommes, ne comptait aucun appelé Musulman.
-------Malheureusement, 1962 arrive. Le gouvernement décide l'indépendance de l'Algérie. C'est la fin, les régiments éclatent, ou disparaissent, quelques uns gagnent la France. Beaucoup de tirailleurs se firent démobiliser en Algérie, d'autres passèrent dans la force locale, certains choisirent de rester dans l'armée française. Contrairement aux Harkis, ceux d'entre eux restés en Algérie ne furent pas maltraités par le nouveau pouvoir.
-------Les régiments subirent les sorts suivants
- le 1er R.T. est dissous et forme le 1er B.T.A. à Niort.
- les 2è , 3è , 4è , 21è , 29è , sont dissous.
- le 7è et le 22è` R.T. sont envoyés à Epinal et à Amiens.
- le 13è forme le 16è, et sont maintenus en Allemagne.
-------En 1964 les Tirailleurs sont liquidés, et à leur place, on forme des bataillons de chasseurs ou des régiments d'infanterie.
-------Pendant 130 ans les "enfants du feu" ont servi la France sur tous les continents. Ils se sont illustrés, de Laghouat en 1852 au Tonkin en 1954, pour mourir comme l'Empire en 1962.
-------Leur route est jalonnée de milliers de morts et d'innombrables souffrances, mais aussi, de combien de gloire et d'espérance.
-------Grâce à ces sacrifices, et plus généralement à ceux de l'Armée d'Afrique toute entière, la France a pu retrouver son rang de grande puissance. En 1994, où a été célébré avec faste le cinquantième anniversaire du débarquement, il était juste que leur souvenir soit ravivé et exalté.

P.P.LAUGIER