Batna, la porte du Sud

-Batna, comme toutes les villes d'Algérie, a eu une longue et glorieuse histoire. C'était une ville de garnison. Le 5è bataillon du 3ème zouave y avait son cantonnement. Batna partage avec toutes les autres cités d'Algérie, le bonheur des années heureuses,...


pnha n°48 juillet 1994
sur site le /2002...un + , le 21-03-2005, déplacé ici en nov. 2012

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-------Batna, comme toutes les villes d'Algérie, a eu une longue et glorieuse histoire. C'était une ville de garnison. Le 5è bataillon du 3ème zouave y avait son cantonnement. Batna partage avec toutes les autres cités d'Algérie, le bonheur des années heureuses, le malheur de la période néfaste, la honte et l'abandon. Elle restera pour ceux qui l'ont connue une ville agréable où il faisait bon vivre et où l'amitié, la fraternité et la bonne humeur avaient les mêmes couleurs.

LES PREMIÉRES ANNÉES DE BATNA

-------Le 20 février 1844, sous le commandement du Duc d'Aumale, les troupes françaises, grossies d'un fort contingent Indigène, rassemblées sur le Mansourah, aux portes de Constantine, traversent le Rhummel et se dirigent vers la fontaine du Bey (Aïn-el-Bey). Le soir même, l'armée bivouaque aux environs de la source de M'Lila (Aïn M'Lila). Le lendemain, la colonne se met en route et atteint la source de Yagout (Aïn Yagout). Nouveau bivouac et le jour suivant 12 février 1844 elle s'arrête auprès d'un point d'eau important situé près de l'endroit qui sera plus tard l'embranchement des routes des Batna-Bemelle et Batna-Condorcet.

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Le Duc d'Aumale réunit son état-major et décide de créer un camp provisoire à cet endroit. Les chefs indigènes ne comprenant rien au discours du commandant en chef se tournent vers les interprètes et leur demandent : "Qu'est-ce qu'il a dit ?" Les interprètes répondent simplement : "N'ber Hena !" (Nous passons la nuit ici. Ce qui se traduit en termes militaires "Nous bivouaquons ici).

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Les agents de liaison partent pour transmettre l'ordre "N'bet Hena" "N'ber Hena", les français entendant cela de la bouche des indigènes, crurent entendre "Batna" "Batna" et pensèrent que c'était le nom du lieu.

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Pourtant, cet emplacement accusait un inconvénient majeur. II était situé dans un bas-fond. Le camp s'organisa et des mesures de sécurité furent prises comme il convenait. Dans les jours qui suivirent, les nombreuses reconnaissances effectuées autour du camp déterminèrent un point plus favorable à deux kilomètres à l'est et que les indigènes appelaient Ras-el-Atour, à cause des nombreuses sources qui se trouvaient là ; de plus, sa situation élevée permettait une surveillance plus étendue et donc une défense facile.

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Deux mois plus tard, au début d'avril, l'armée s'installait sur cette éminence et commençait l'établissement d'un camp permanent. On le nomma Rasel-Ayoun-Batna.

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C'est auprès de ce camp que se construisirent, par la suite, les premières maisons de ce qui allait devenir une ville de vingt-six mille habitants. Mais il fallait donner un nom français à cet embryon de ville.

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Les Romains avaient déjà compris l'importance de ce point stratégique, et, non loin de là, s'était établie la IIIè` Légion qui édifia la ville de Lambessa. En 1848, les Français abandonnèrent l'appellation de Ras-el-Ayoun-Batna et baptisèrent leur ville : Nouvelle-Lambèse. Les indigènes, comme ce fut toujours le cas, se regroupèrent autour de l'agglomération et continuèrent à l'appeler Batna. En 1849 ce nom prévalut et la ville prit le nom définitif de Batna (le bivouac).

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Entre-temps, le duc d'Aumale et son armée avaient assuré la conquête de Biskra. Mais ceci est une autre histoire.
Comme la plupart des villes d'Algérie, Batna est de construction française, entièrement française.

UNE VILLE EN PLEIN ESSOR

-------L'oeuvre militaire est terminée et désormais les intérêts de la ville sont confiés à l'administration civile, à un commissaire civil d'abord, à une municipalité plus tard. Examinons rapidement si cette oeuvre militaire est bien née viable et si elle a reçu tous les organes nécessaires à son existence.

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La situation actuelle de Batna le prouve surabondemment. C'est aujourd'hui une coquette ville, aux rues larges et droites, bien aérées, par conséquent dans les meilleures conditions d'hygiène possible.

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Des canaux de ceinture reçoivent les eaux ménagères et les déversent au nord de la ville, dans un champ d'épandage des plus fertiles. De nombreux jardins, de belles prairies, de magnifiques allées plantées d'arbres entourent Batna sur les faces N.O. et S.O. et font de ce coin de la ville un site délicieux de verdure, bien ombragé, où les habitants vont se promener volontiers pendant les chaudes journées d'été, en même temps qu'ils contribuent puissamment à l'assainissement.

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Au point de vue hygiène, Batna ne laisse donc rien à désirer ;BATNA située à une altitude très élevée, 1 050 mètres, elle jouit d'un climat privilégié en Algérie. La chaleur de l'été n'y est jamais lourde, ni suffocante mais légère et rafraîchie constamment par les vents qui soufflent en permanence tantôt au nord tantôt au sud. Les vents sont le seul désagrément de Batna, mais par contre, ils maintiennent la température à un degré très supportable.

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Située au sommet du col qui sépare le bassin saharien du bassin méditerranéen, la ville subit l'action constante des courants aériens.

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Le Sirocco n'y est pas brûlant comme sur la côte ; il tombe du reste au coucher du soleil et la fraîcheur de la nuit permet de le supporter facilement.

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La mortalité y est faible et Batna est considérée par les gens du sud comme une station estivale à l'approche de l'été ;les européens et les arabes de Biskra s'empressent de venir s'y installer.

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La transition de la température étant assez brusque au moment où le soleil disparaît derrière le massif de Touggourt, il y a lieu de s'en prémunir et de ne pas craindre de s'habiller plus chaudement le soir.

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Les fièvres paludéennes y sont bénignes.

Les environs, bornés par les massifs boisés de l'Aurès, du Bélezma, du Bou-arif ne présentent pas cette monotonie désagréable que l'on trouve en certains endroits des hauts plateaux. La plaine qui s'étend entre ces massifs est bien cultivée et produit en quantité du blé et de forge. Les résultats seront plus grands encore lorsque la culture européenne aura remplacé les procédés rudimentaires arabes.

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De nombreuses et belles fermes européennes aux murs crénelés, des gourbis arabes isolés ou agglomérés, sont parsemés çà et là. On ne peut que regretter l'absence d'arbres tant autour des fermes que le long des oueds. Leur présence ajouterait beaucoup à l'agrément des environs.

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Telle est la situation actuelle de Batna, 60 ans après l'arrivée du Duc d'Aumale. Là où en 1844 on ne voyait aucune habitation, s'élève aujourd'hui une petite ville de 5 000 habitants, siège d'une sous-préfecture, d'un tribunal et d'une subdivision militaire.

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Chef-lieu du département des Aurés, Batna est situé à 1 050 m. d'altitude. Elle comptait 26 000 habitants, avec pour sous-préfectures : Biskra, Tebessa, Khenchela, Corneille et Amis. Le département occupait une superficie de 38 482 km2. Cent vingt communes se partageaient ce territoire et comptaient ensemble 610 000 habitants.

ARTS ET CULTURE

-------Batna, n'était pas une ville qui somnolait. La ville vivait de culture, sous l'égide d'Arts et Loisirs, des Jeunesses Musicales de France, des Mouvements de Jeunesse et d'Education Populaire et surtout d'une troupe renommée, les Compagnons de la Scène, qui de 1952 à l'indépendance, contribua grandement à donner au Théâtre amateur ses lettres de noblesse.
-------Présidés par un esthète distingué et érudit, peintre de grand talent, Mr Jean Bel, les Compagnons de la Scène bénéficièrent au départ d'un quatuor solide Mme Gazzeri Lucette, Melle Garnier Sylviane, Mr Cerruti Jean et Mr Cianfarani Marc que seconderont peu à peu d'autres acteurs talentueux comme Mmes Lamoure et Rivière, Melle Brahami Dina, Mm. Gazzeri Georges, Doumandji Abdelsem, Lucien Girard, Daniel Celce, Roger Frecon ou les Frères Cauro ; sans oublier André Fitoussi, le play-boy de la troupe, tué accidentellement à l'âge de 27 ans.
-------Bien sûr, les Compagnons de la Scène ne se hasardaient pas à jouer "Andromaque", "Le Soulier de Satin" ou "L'Aigle à deux têtes". Ils se spécialisaient dans le Théâtre de Boulevard. Ce n'était pas déchoir en vérité car comme l'écrivait si bien l'inégalable Pierre Fresnay : "Le Théâtre a ses lettres de noblesse, "Le Menteur" qu'est-ce sinon de l'excellent Théâtre de Boulevard ? Et "La Place Royale" ? Et "Les Plaideurs" ? Et Molière ? Et Marivaux ?"
-------Au bout de quelques années, les Compagnons de la Scène disposaient d'un vaste local meublé transformé en scène de théâtre, de matériel sophistiqué (magnétophones, projecteurs, sports, trousses de maquillage, bibliothèque théâtrale, discothèque spécialisée, etc).

------Voilà, en résumé, la belle histoire d'une troupe de Théâtre amateur en tous points exemplaire. Du talent à revendre, une équipe de régisseurs remarquables, de Maurice Bedok le cinéaste-bruiteur à Michel Honorin le décorateur, ce dernier profitant d'ailleurs de cette collaboration fortuite pour remplacer comme délégué à l'ORTF Marc Cianfarani, après moults assistances de ce dernier, et connaître en quelques années la consécration et l'étiquette de grand reporter à la Télévision Française.
-------L'on ne dira jamais assez l'incomparable esprit d'équipe qui animait les Compagnons et cette solide amitié convertie au fil des ans en affection profonde, et pour finir, l'éclatement aux quatre coins de France, de tous ces santons du Bonheur ! De tout cela, il reste des souvenirs que l'on se plaît à évoquer au cours de réunions annuelles. Les photos sont toujours là, parlant au coeur plus éloquemment qu'un long discours. Si les tempes ont blanchies, il reste dans le regard une petite étincelle qui traduit l'émotion de ce retour sentimental au passé.

TOUS DERRIERE L'AS BATNA ET SON PRÉSIDENT-MAIRE MALPEL

-------La ville vivait intensément, par le sport bien sûr avec le football surtout et les autres sports d'équipe, avec son célèbre Challenge, légitime fierté de son club doyen, l'AS Batna si chère au Président Malpel, qui, chaque année à Pentecôte, attirait les meilleurs athlètes d'Algérie. A Batna, le sport est compris intelligemment
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-------Aussi les résultats sont-ils là :les athlètes, les footballeurs de Batna sont de beaux gars, bien découpés, bien musclés, sains, des hommes enfin pratiquant le sport sans exagération, avec mesure.
-----Par ailleurs, après l'éclatante victoire de l'A.S.B. sur l'U.S. Tunis, la Dépêche de Constantine du 11 février 1953 écrivait : "Il faut avoir suivi la vie et l'effort des clubs provinciaux pour connaître les difficultés nombreuses auxquelles se heurtent nos dirigeants. Parmi tous ceux qui se sont illustrés dans cette tâche ingrate et de longue haleine, est-il d'exemple plus magnifique que celui de notre ami Malpel, animateur infatigable et capitaine valeureux, digne d'être cité aux jeunes générations. En cette mémorable journée du 10 février, il a mis tout en oeuvre pour le triomphe de son équipe qui est faite autant de sa prudente et compétente autorité que de la valeur des joueurs qu'il a formés. Si l'harmonie règne en maîtresse au sein du grand club batnéen, nous le devons au distingué président, au dévouement et à la droiture duquel nous rendons hommage".
-------A la tête de la Municipalité, son idéal sportif se retrouve partout, et bien des réalisations sont marquées de son empreinte : Stade Municipal ; Stade Scolaire, Piscine Municipale. Le Stade de l'A.S.B. a délaissé sa vieille parure et des tribunes vastes et modernes sont en voie d'achèvement. Une salle de 45 mètres, sous les tribunes, sera aménagée en vestiaires, avec douches et gymnase attenant. Les terrains de basket vont être modernisés, avec tribunes spacieuses et confortables. Quant aux cours de tennis et au coquet Club House, ils font l'admiration de tous les visiteurs.
-------Notre article serait incomplet si nous passions sous silence le fameux Challenge de Batna qui, chaque année, à Pentecôte, rassemble dans la capitale des Aurès, l'élite de l'Athlétisme Algérien. Là encore, il serait vain de souligner la magistrale organisation du club doyen et la richesse invraisemblable des prix distribués.

ZENATTI, JOUEUR DE L'A.S. BATNA, SE SOUVIENT

-------Voici une histoire réelle, peu commune, en réalité pas très sportive, mais qui mérite d'être racontée.
Notre Club l'A.S. Batna, par un malheureux hasard de la Coupe d'Afrique du Nord, eut la malchance d'être
opposée à un adversaire de classe, la meilleure équipe d'Oranie, l'U.S.M.O. qui possédait des éléments de grande valeur. D'avance, on n'avait aucune possibilité de réussite, tellement ils étaient supérieurs.
-------Notre seul et grand avantage à l'époque était de jouer sur notre terrain, lorsque ce dernier était boueux. Toutes les équipes du Département nous craignaient lorsque notre terrain était sérieusement mouillé. Il se transformait en un véritable bourbier, et le ballon de 250 grammes arrivait facilement à faire plus de trois kilos.
Il faut reconnaître qu'à l'époque, notre football était très primaire. M. Malpel, notre extraordinaire Président, malgré ses nombreuses charges, dont celle de Maire de la ville, nous apprenait surtout à jouer avec cran et détermination. Pour lui, il fallait surtout aimer son club, mouiller son maillot et avoir le Guelb (coeur). Très angoissés et alarmés à l'idée de recevoir cette redoutable équipe d'Oran, on essaya d'étudier la manière efficace de tenter de résister à cet adversaire, qui nous était supérieur dans tous les compartiments de jeux. C'était l'inégalable combat de Goliath avec David... Ayant longuement réfléchi à ce dilemme, j'ai fini par proposer à M. Malpel de faire appel à ses pompiers municipaux, pour inonder de nuit le terrain... Le Président suffoqué, ahuri, croyait que je plaisantais. Devant ma farouche détermination, il refusa de m'écouter, me traita de fou avec sa franchise habituelle...
-------Nullement découragé de cet accueil, à chaque rencontre et toujours en tête à tête, je lui faisais ressortir les nombreux avantages de cette ruse, de cette stratégie de bonne guerre. Excédé, très difficilement, il accepta sous certaines conditions, dont celle dégageant sa responsabilité.
-------Sans attendre, un comité secret fut formé. Il était composé du Président, de quatre vieux et fidèles pompiers supporters acharnés de l'A.S.B., du gardien du stade Ahmen El-Houari et de votre serviteur, soit 7 personnes... Comme par hasard, le chiffre est celui de mon porte bonheur, à l'avance je savais qu'on allait réussir cet invraisemblable stratagème. La veille du match, vers 23 heures, nos pompiers, sans aucun bruit, firent des merveilles, pour inonder tous les compartiments du terrain à une profondeur telle, que jamais la nature n'aurait pu les égaler. Le dimanche avant le match, je me faisais une joie d'observer nos dirigeants, nos supporters, les nombreux spectateurs, et même nos joueurs, heureux de constater sans aucune arrière pensée, que le terrain était terriblement mouillé grâce à une providentielle pluie tombée au cours de la nuit. Personne ne fit attention, que de toute la ville, seul le stade était mouillé... Comble de l'ironie, ce jour-là le ciel était très dégagé avec un réel soleil printanier, dont les malicieux rayons semblaient prendre plaisir à observer cet immense manège de gens passablement crédules.
-------Que dire de ce match ? Il fut gagné normalement dans les règles du jeu, par 2 à 0, sans aucune peine. L'arbitre eut le mérite de ne pas écouter les dirigeants oranais qui exigeaient l'arrêt du match, pour terrain impraticable. Il leur répondait en toute franchise : "il ne pleut pas, il y a du soleil, le terrain est jouable pour les 22 joueurs" .
...Inutile d'ajouter que le fameux football élégant, technique, déroutant et plein de savoir de nos adversaires s'avéra ce jour-là inutile, terriblement dépassé par nos robustes joueurs, transformés en véritables laboureurs, dans ce match unique dans les mémoires de sportifs.
-------Des regrets, aucun, sinon un vivifiant sourire de satisfaction d'avoir, à l'image de David, ou du fameux cheval de Troie d'ülysse,conçu et réussi un plan audacieux, ambitieux, pas très sportif, pour vaincre d'une manière certaine un plus fort que soi... Un seul but, une seule idée : le but lui-même ou les buts à marquer coûte que coûte... Mission remplie sur toute la ligne... Plus de 40 ans après, on a droit à l'amnistie !

QUELQUES PERSONNALITÉS

-------On ne saurait terminer sans citer les personnalités nées à Batna comme le Général Pozzo di Borgo Alexis, le Général Foata Jean, le Ministre plenipotentiaire Sanviti Noël (ex directeur administratif et financier d'RFO), Jean-Noël Pancrazi (Prix Medicis, Prix EDJ pour "Quartiers d'Hiver"), Muscat Georges (notre centenaire), Marcel Melki (plus grand salon de coiffure d'Europe à Boussy St Antoine) et Malpel Jean, bâtonnier de l'ordre des avocats de Melun, ancien maire de Melun, conseiller régional qui fils de l'ancien maire de Batna a accepté d'être le Président des anciens de Batna.

Amicale des anciens de Batna et sa région
Marc Antoine Cianfarani,
1 square des Ecrivains
91370 Verrières le Buisson