Ben Aknoun - Châteauneuf, El-Biar
PETIT LYCÉE DE BEN-AKNOUN
Afrique du nord illustrée du 2-7-1921 - Transmis par Francis Rambert

 

Nous avons tous, vivace au fond de notre mémoire, l'image de nos premiers éveils et l'époque où il commence à prendre conscience du monde extérieur laisse toujours dans le cœur de l'homme une impression durable et profonde.

Heureuse, l'enfance qui n'a pas souffert, heureux celui qui, plus tard, peut réveiller sans amertumes la petite momie aux bandelettes bleues de sa lointaine adolescence.

J'ai visité Ben-Aknoun avec une certaine émotion, avec le regret surtout de n'avoir pas eu sur mes sensations enfantines l'ombre de ces jardins et de ces murs riants. Cette maison d'éducation est bien née du rêve d'un poêle délicat, d'un lettré, d'un homme de goût, et l'on ne s'étonne plus lorsque l'on apprend qu'elle est l'œuvre, une des œuvres, de M. Charles de Galland.

Située à sept kilomètres d'Alger, à une altitude toujours éventée,c'est une charmante solitude au milieu d'un parc ombreux et, sans les vigoureuses couleurs de notre terre africaine, on pourrait se croire sous ces ombrages élyséens. dans quelque poème de M. de Noailles ou dans un paysage de l'Île de France, ce qui, n'est-ce pas, est la même chose.

Au débouché d'une allée boisée, presque un sous-bois, la façade, son vieux clocheton, son horloge font songer aussitôt à quelque alumnat de Seine-et-Oise.

On ne pouvait rêver, pour entourer l'enfance studieuse, cadre plus calme, sylve plus reposante, plus sereine.

Mais le Petit Lycée de Ben-Aknoun cache sous des apparences bien françaises un cœur africain.

Nous l'avons compris en pénétrant dans cette cour mauresque qui. dans le plus secret de cette maison à la française, en symbolise l'âme ardente.

Il n'y a rien surtout de scolaire ici. Ces galeries ensoleillées et ces cours lumineuses n'évoquent nullement, dans notre pensée, les tristes casernes d'autrefois où tant d'enfances s'étiolaient aux rigueurs d'une discipline presque militaire.

Nous nous promenons, étonnés, à travers cette maison claire et spacieuse où l'esprit comme le corps se sentent vraiment à l'aise.


*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1921. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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mise sur site fév.2021

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AU PETIT LYCÉE DE BEN-AKNOUN

Nous avons tous, vivace au fond de notre mémoire, l'image de nos premiers éveils et l'époque où il commence à prendre conscience du monde extérieur laisse toujours dans le cœur de l'homme une impression durable et profonde.

Heureuse, l'enfance qui n'a pas souffert, heureux celui qui, plus tard, peut réveiller sans amertumes la petite momie aux bandelettes bleues de sa lointaine adolescence.

J'ai visité Ben-Aknoun avec une certaine émotion, avec le regret surtout de n'avoir pas eu sur mes sensations enfantines l'ombre de ces jardins et de ces murs riants. Cette maison d'éducation est bien née du rêve d'un poêle délicat, d'un lettré, d'un homme de goût, et l'on ne s'étonne plus lorsque l'on apprend qu'elle est l'œuvre, une des œuvres, de M. Charles de Galland.

Située à sept kilomètres d'Alger, à une altitude toujours éventée,c'est une charmante solitude au milieu d'un parc ombreux et, sans les vigoureuses couleurs de notre terre africaine, on pourrait se croire sous ces ombrages élyséens. dans quelque poème de M. de Noailles ou dans un paysage de l'Île de France, ce qui, n'est-ce pas, est la même chose.

Au débouché d'une allée boisée, presque un sous-bois, la façade, son vieux clocheton, son horloge font songer aussitôt à quelque alumnat de Seine-et-Oise.

On ne pouvait rêver, pour entourer l'enfance studieuse, cadre plus calme, sylve plus reposante, plus sereine.

Mais le Petit Lycée de Ben-Aknoun cache sous des apparences bien françaises un cœur africain.

Nous l'avons compris en pénétrant dans cette cour mauresque qui. dans le plus secret de cette maison à la française, en symbolise l'âme ardente.

Il n'y a rien surtout de scolaire ici. Ces galeries ensoleillées et ces cours lumineuses n'évoquent nullement, dans notre pensée, les tristes casernes d'autrefois où tant d'enfances s'étiolaient aux rigueurs d'une discipline presque militaire.

Nous nous promenons, étonnés, à travers cette maison claire et spacieuse où l'esprit comme le corps se sentent vraiment à l'aise.

Celui qui a conçu cette œuvre s'est constamment et profondément inspiré du noble souci de reconstituer autour de l'enfant, avec le plus de douceur possible. l'atmosphère familiale, dans un ensemble à la fois de simplicité et de confort. Les salles de classe et d'étude, d'art d'agrément, de bains, les réfectoires et les dortoirs, tout est vaste, clair, aéré.

Nous assistons à une partie de tennis, puis à une joyeuse baignade dans la piscine de plein air, enfin à une série de jeux sur ce stade dont l'ovale harmonieux est encadré d'un cirque de beaux arbres. On ne saurait rêver autour de l'enfant séparé des siens une solitude plus maternelle. Ben-Aknoun est à la fois la maison d'éducation et la maison de famille par excellence.

Autour d'elle, s'étend une nature aux joyeuses couleurs. Voici une orangerie de deux hectares, un vignoble de quatorze hectares - l'Université coiffe ici le chapeau virgilien des Bucoliques et fait, elle-même, chanter ses pressoirs, - voici encore un verger aux fruits savoureux, une prairie en fleurs, des futaies aux milliers d'oiseaux.

Ainsi, dans cette retraite reposante, l'esprit et le corps se sentent lentement pénétrés de sérénité et de lumière.

Sans aucun doute, plus tard, ces enfants que nous voyons grandir librement dans ce beau cadre d'élection éprouveront toute la bienfaisante action d'une nature et d'une éducation l'une et l'autre maternelles. Ils auront eu, mêlée à leurs premières sensations, à leurs impressions les plus neuves, cette grande méditation des arbres, dans une retraite d'ombre, de silence et de clarté où se seront librement épanouis à la fois et leur intelligence et leur chair.

Nous n'avons pas l'intention de rédiger ici un prospectus, de donner, dans son ordre rigoureux et son horaire, l'emploi du temps au Petit Lycée de BenAknoun.
Disons aussitôt que la plus grande cordialité préside à l'instruction et à l'éducation des enfants. L'enseignement y est en accord étroit avec le décor. Et de même que celui-ci est plein de charme reposant, de même celui-là est empreint d'égale douceur.

J'ai vu évoluer petits et grands élèves de Ben-Aknoun dans leur cadre familier.

Partout, j'ai pu remarquer l'indulgente sollicitude des moniteurs et des professeurs pour leurs petits élèves.

Rien dans leur formation intellectuelle et sportive n'a été négligé. M. Laizé, le maître d'armes bien connu à Alger, professeur d'escrime au Grand Lycée, dispense à Ben-Aknoun son précieux enseignement, parallèlement aux cours de gymnastique et d'éducation physique, dans un milieu essentiellement propice et favorable.
Et les fréquentes visites de M. Paul Despiques, proviseur du Grand Lycée d'Alger, qui a sous sa haute surveillance les Petits Lycées de Mustapha et de BenAknoun ; l'administration vigilante de M. Brenet, directeur de Ben-Aknoun ; la compétence d'un personnel de choix assurent à cet établissement de premier ordre une juste renommée.

Nous quittons à regret cette délicieuse retraite. Malgré les rigueurs de la saison, une fraîcheur surprenante règne autour de cette maison que les trembles argentés, les jeunes chênes, les noyers d'Amérique, les eucalyptus protègent de leurs hauts ombrages.

De la route poudreuse, plus rien n'apparaît.

Ben-Aknoun poursuit son rêve, enfoui dans la verdure et abritant sous ses ailes maternelles les enfances studieuses qui conserveront à jamais, mêlé aux premiers éveils de l'intelligence, le souvenir profond de ce ciel adouci et de ces ombres bienfaisantes.