Musique à Birkadem, près Alger
Quand les "Birkadémois" jouaient de la musique
extrait de la revue AEA, n°43, sept 1993
Remarqué par Georges Bouchet

sur site le 4-08-2005

19 Ko / 10 s
 
retour
 

------------Le petit village de Birkadem fut un véritable creuset de bons musiciens dont certains s'illustrèrent brillamment au Grand concours international de musique en juin 1930. En effet, la célébration du centenaire de l'Algérie fut l'occasion de multiples manifestations culturelles et sportives dont Alger, Oran et Constantine furent le théâtre. Gaston Doumergue, le président de la République vint en faire l'inauguration.
------------Le Grand concours international de musique (voir photo) où les sociétés musicales, orchestres et choeurs les plus huppés d'Europe, de France et d'Algérie s'étaient engagés, obtint un succès considérable. Pendant presque tout le mois de juin, les défilés de cliques et fanfares, les retraites aux flambeaux, les concerts, les aubades animèrent les places, boulevards et rues d'Alger. Les algérois se pressaient sur leurs passages, avides d'entendre les plus belles partitions de l'époque. Cliques, fanfares, orchestres et choeurs revenaient souvent devant le siège du journal : l'Écho d'Alger, pour donner l'aubade ou faire la sonnerie en interprétant leur morceau favori. Nous retrouvons dans l'Écho d'Alger du 10 juin l'article suivant :
------------"Les sociétés musicales suivantes, que nous remercions de leur attention, sont venues hier donner aubade à l'Écho d'Alger :
------------- L'Harmonie bônoise, avec ses 97 exécutants, accompagnés de M. Charles Bussutil, président et dirigée par M. Condom, chef et Viano, sous-chef ;
------------- l'Harmonie des enfants d'Assi-Ben-Okba avec M. Fromentel, président et M. Jacquemard, chef ;
------------- La Sté Belford Estudiantina, présidée par M. Alcaraz ;
------------- Le foyer municipal d'Oran, avec M. Gaspar Agullo, adjoint au maire et M. Joseph Pasteur, chef ;
------------- Les amis de Perreguaux, avec M. Joseph Simo, le président ;
------------- L'Harmonie de l'amicale bouliste de Birkadem, avec M. Truchet, maire et M. Antoine Tudury, chef.
------------"Enfin, à la tombée du jour, le Rallye Sellois de Selles-sur-Cher est venu exécuter, sous nos fenêtres, ses plus belles sonneries."
------------Arrêtons-nous un instant sur l'Harmonie de l'amicale bouliste de Birkadem qui va s'illustrer brillamment pendant le concours. Le groupe était composé de 35 musiciens, plus la clique, soit en tout presque 45 exécutants. Il y avait même un choeur formé essentiellement d'éléments féminins, une vingtaine environ. Le président était M. Marty que l'on distingue sur la photo, en bas, à gauche, canotier à la main. Antoine Tudury en était le chef ; il se trouve en bas, à droite, sur la première marche, devant le groupe (le petit garçon juste à côté : Marcel Humbert). A. Tudury conduisit au succès l'harmonie en glanant deux médailles : premier prix du concours de lecture à vue et prix d'excellence pour l'orchestre. Outre les épouses et les accompagnateurs, on retrouve sur la photo, les musiciens suivants
------------- clarinettistes : Léon Cachet, Antoine Pallissier, Joseph Sintes, Albert Fossati, Désiré Sintes, M. Llorens (le père), Robert Capo ;
------------- trompettistes : Édouard Gachet, Fernand Fossati, Barthélémy Tuduri, Louis Ruitort, Gabriel Humbert, Maurice Tudury (absent sur la photo) ;
------------- aux trombones : Antoine Sabater, Georges Rossi ;
------------- saxophonistes : Henri Cambou, Camille Moncho et M. Cardona ;
------------- au tuba : Léon Gachet (le père) ;
------------- aux barytons : Pierre Ruitort, Barthélémy Tudury (le cousin), Marceau Llorens, Jojo Sintes, M. Castagne dit "Mitous" et Michel Sabater (le cousin) ;
------------- flûtiste : M. Torres ;
------------- au tambour : M. Milio et à la grosse caisse : Lucien Vadel. Après la guerre de 14-18, deux sociétés de musique concurrentes furent opposées. En plus de la musique dite "des vieux" (celle de l'amicale bouliste), existait aussi celle dite "des jeunes" avec comme chef : M. Compan, récompensé également au concours international de 1930 avec un prix, c'était "L'avenir Musical de Birkadem". Le kiosque à musique de ce village, sur la place, fut à l'époque l'objet de convoitise de ces deux sociétés musicales. Ardente et passionnée concurrence où tout se terminait pacifiquement, en musique. Ces deux sociétés se fondirent, plus tard, en une seule et formèrent "l'Harmonie Municipale de Birkadem" qui fut alors placée sous la baguette de M. Sainto, un excellent musicien jouant de la clarinette.les birkadémois

  -----------Les répétitions avaient lieu, deux fois par semaine, dans l'arrière salle du café tenu par M. Doumergue, situé en face de la place et les murs résonnent encore des envolées des trompettes, des roulements des tambours et des "pom-pom" du tuba. L'harmonie de l'amicale bouliste avait un répertoire varié, allant du morceau classique tel : les saltimbanques, passant par la musique de genre : carnaval de Venise. Antoine Tudury, le chef, aimait donner libre cours à son talent en exécutant l'une des partitions très difficiles pour un trompettiste, le célèbre "Nora Staccato" de Heifetz fait d'accélérations, de variations où le souffle et le "coup de langue" du soliste sont essentiels.
------------Le concert se poursuivait ensuite avec une sauterie car les amateurs de danse étaient nombreux, à Birkadem. C'était l'époque du quadrille avec ses figures accomplies par des couples de danseurs ; venaient ensuite polkas, mazurkas et valses en vogue. Le fameux air d'Alexandre Petit, "Myrto", était joué.
------------Antoine Tudury avait été formé très jeune, à Birkadem, par M. Joseph Henry qui était le chef de musique, au début du siècle, de "L'Union des enfants de Birkadem" où, sur la photo du groupe prise en 1906, on peut mettre quelques noms : en partant du porte-drapeau, à gauche, Jean Henry, le frère du chef ; à son côté, Augustin Borderie (père de Gustave Borderie, le dernier maiîre du groupe et tenant sur ses genoux son fils : Octave)... Le président de l'Union, M. Mazella qui a, à sa droite, le second frère du chef : Louis-Henry, est debout, juste derrière le chef de musique. Enfin, sur la rangée du chef, à sa droite et encerclé, Antoine Tudury qui deviendra, plus tard, le chef de musique de Birkadem.
La chorale féminine birkadémoise, formée d'une vingtaine d'éléments, était composée de : Renée Capo, Madeleine Colona, Lucie Colona, Renée Joly, Andrée Llorens, Jeanne Palisser, Sylvie Perrot, Simone Ruitort, Céline Sastre, Jeanne Yvars...
------------Au concours international de musique, le 8 juin à Alger, l'Harmonie de Birkadem dirigée par A. Tudury, va se trouver en compétition directe avec :
------------- La Fanfare de Saint-Germain-du-Plain, dirigée par M. Briard-Mollard ;
------------- La Fanfare de saint-Jeoire-en-Faucigny (Hte-Loire) conduite par M. A. Broisin.
------------Ce sont deux gros "morceaux" pour nos "vieux de Birkadem".
------------Le concours a lieu, rue de Constantine, à la manutention militaire ; les trois groupes doivent interpréter un morceau imposé en l'occurrence "Au pays Limousin", une fantaisie de D. Regent. Ensuite, chacun exécute le morceau de son choix et nos birkademois ont choisi "L'étoile du bonheur" une fantaisie de N. Labole. Sous la baguette de leur chef, ils font une réalisation sans faute. C'est l'explosion de joie lorsque le président du jury : M. Paul Breda (président d'honneur de la fanfare "La sirène de Paris") annonce qu'ils ont gagné le premier prix.
------------A l'inverse de ce qui se pas-sait souvent, dans ce genre de manifestation, les organisateurs et mélomanes de l'époque s'accordèrent pour dire que le Concours international de musique fut d'un haut niveau et d'une parfaite tenue ; que nos sociétés algériennes de musique méritèrent, à ce propos, les plus vives félicitations. A côté de partitions faciles, du genre "Monte là-dessus" ou de "Vous n'aurez plus l'Alsace ou la Lorraine" ou encore de pas-redoublé, les morceaux symphoniques et classiques choisis par les participants marquèrent d'indéniables progrès et une volonté de mettre en évidence la plus belle musique.

Guy Tudury
Remerciements à : Mmes Mathilde Servant ; Segni, Maryse Fedelich et à Maurice Tudury.
la chorale féminine