sur site le 1/1/2003
-Alger, ses alentours : Birkadem

-------C'est en grande partie grâce à des notes écrites par l'abbé Roman, curé de Birkhadem, en 1929, que cette brève monographie a pu être rédigée. Mais il nous faut aussi remercier Mlle Louise Bagur qui avait recopié et conservé précieusement ces textes, ainsi que M. Maurice Bagur et Madame, née Simone Ruitort, qui nous les ont transmis.(extrait de " aux échos d'alger,numéro 34-35)

par Gaston Palisser

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----Laissant derrière lui la Colonne Voirol et longeant ensuite le Bois de Boulogne, le promeneur venu d'Alger atteignait Birmandreïs (corruption de Bir Mourad Reïs, "Le Puits du Reïs Mourad ") puis, poursuivant sa randonnée, il empruntait la route Alger-Laghouat, ouverte dès 1832 par le Génie militaire. Une côte assez raide suivie d'une longue descente terminée par un virage prononcé, une ultime montée le conduisaient enfin à Birkhadem (1), randonnée effectuée au milieu des cultures, des vergers, des jardins verdoyants parmi lesquels se détachaient, çà et là disséminées, de blanches maisons mauresques et de coquettes fermes.
------"Le Puits de la Négresse " devait ce nom à une tradition orale remontant aux XVIe et XVIIe siècles selon laquelle, à cette lointaine époque, une vieille femme noire avait coutume de venir s'accroupir auprès de la source qui s'épanchait en ce lieu pour y rouler le kousksoû (couscous) familial. Depuis les temps anciens, cette fraîche et agréable fontaine naturelle avait servi, tout comme celle de Bir Touta (" Le Puits du Mûrier ", à dix kilomètres plus au sud, de point d'arrêt pour les nomades et les troupes en campagne qui y dressaient leurs campements. Mais bien avant les Arabes et les Turcs, les Romains avaient reconnu et apprécié le site, comme ils surent le faire excellemment partout ailleurs dans la zone qui entourait alors Icosium (Alger) de nombreux vestiges en témoignaient encore, en 1830 et, de nos jours, les restes d'une voie romaine, visibles au km 9, 500, attestaient toujours de cette antique présence.
------À partir du XVIIe siècle, les frais et verdoyants vallons du " Puits de la Négresse " attirèrent à eux les dignitaires turcs et les riches négociants maures d'El jezaïr qui, durant la canicule, étouffaient dans la moiteur et la puanteur de la capitale, enfermée entre ses vieux remparts sarrazins. Ils furent alors nombreux à y élever des maisons de campagne et, jusqu'à la venue des Français, Birkhadem ne constituait qu'une agglomération de blanches villas mauresques éparpillées dans cette riante contrée. Le dey Hassan, notamment, y séjournait souvent l'été et l'endroit lui était si agréable qu'il fit coiffer la source d'une élégante fontaine de marbre qui subsiste aujourd'hui encore, recelant, sous sa coupole, une plaque de marbre gravée de caractères arabes, comportant la dédicace qui date cette érection de l'an 1212 de l'Hégire, soit 1797 de notre ère. Un bosquet de saules et de pins qui subsistait encore en 1830 ombrageait le petit monument et, face à lui, le dey avait fait élever une mosquée qui servit de mairie de 1840 à 1899, tandis qu'il installait un haouch et un moulin à grains au bas des pentes du Sahel, à proximité et sur l'Harrach.

SENTINELLE AVANCÉE DANS LE SAHEL

------Plusieurs de ces maisons de campagne édifiées avant la conquête existaient encore, plus ou moins bien conservées, telle la villa du Cheikh e! Bled (" chef municipal d'El Djezaïr ", située à droite en venant d'Alger, au km 9, 500, puis Ben Négro, à quelque distance de la précédente, ancienne propriété du chef de province.( Françoise Bernard Bries précise:« Je vous signale que la maison turque que vous mentionnez dans votre page sur Birkhadem, du nom de Ben Negro, avait été achetée dans les années 1850/60 par mon arrière grand père, Aristide Bonifay...Elle fut vendue à sa mort et donc ne resta pas dans la famille...Vous en verrez une jolie peinture sur :
http://www.pages-tambour.com/bonifay/index.html
) Toujours avant de pénétrer dans le centre, en retrait sur la Nationale 1, à gauche, s'élevait l'Haouch Ben Siam, domaine séculaire de cette famille de notables maures dont les ancêtres avaient été les contemporains des frères Barberousse. Un bois de pins d'Alep entourait alors les importants bâtiments dont ne subsistait plus, de nos jours, qu'un seul et magnifique exemplaire, vieux de plusieurs siècles, qui passait pour avoir servi à la pendaison des criminels, car les Ben Siam avaient autrefois droit de justice. De nombreux crochets de fer, noyés dans les couches de l'écorce, auraient servi à ces exécutions. Ensuite, dans l'agglomération, on trouvait la résidence du Caïd el Bab, ancien gouverneur des portes d'El Djezaïr. Décorée d'une collection unique de faïences Persanes et hispano-mauresques, cette villa possédait encore les pierres provenant de l'ancien porche de la Bab Azoun, démolie en 1846. Puis, à la sortie sud, à droite et en retrait sur la route de Blida, on pouvait apercevoir la Khazna Dar ou Maison du trésorier du dey. On trouvait aussi le Djenan ben Abd-el-Kader, demeure de l'ancien chef de la police, ainsi que le Djenan Safar, ou villa de l'orfèvre du dey.
------Durant les premières années de la Conquête, Birkhadem demeura un point avancé de l'armée dans la défense d'Alger. Le 12 décembre 1831, le commandant Duvivier demandait et obtenait Ben Négro. Ben Siam et Cheikh el Bled, chacune pour deux compagnies, tandis que le Khazna Dar était occupé par le 6e de ligne. Ben Siam fut occupé par un escadron de spahis réguliers, constitué de cavaliers indigènes et français mêlés. En 1836, les diverses constructions composant cet haouch abritaient 6 officiers, 137 hommes et 118 chevaux ; en 1840, le grand pavillon fut attribué à un maréchal de camp (général de brigade), ses officiers étant installés dans des annexes construites exprès; le futur maréchal de Saint-Arnaud y séjourna quelque temps. Cette propriété revint à ses légitimes possesseurs en 1845 et, plus tard, fut aménagée en pénitencier militaire. Le 18 septembre 1839, Birkhadem, l'un des seize camps retranchés créés autour de la capitale, voyait partir une unité de zouaves, sous les ordres du chef de bataillon Laflo, au secours du poste du Fondouk attaqué par les hordes d'Abd-el-Kader, opération menée conjointement avec des troupes basées à la Maison-Carrée. De continuelles et sanglantes escarmouches tinrent en éveil, en cette première décennie de la Conquête, les troupes installées à Birkhadem, sentinelle avancée face aux Hadjoutes de la Mitidja qui attaquaient sans relâche les postes isolés et même les camps implantés sur le pourtour du Sahel, Douéra (" la Petite Maison ") constituant leur cible préférée. De nombreuses fois, " le Puits de la Négresse " eut à recueillir des colons fuyant la plaine, chassés de leurs exploitations agricoles à peine naissantes par les égorgeurs d'Abd-el Kader notamment après la rupture du traité de la Tafna (1837). Il servit aussi de point de concentration aux troupes expéditionnaires dans leurs marches au secours vers Chebli, Boufarik et Blida.

UN AUTRE ENNEMI A VAINCRE : LE PALUDISME

------La "Ferme modèle ", implantée au sud-est de Birkhadem, subit elle aussi de fréquents assauts des Hadjoutes et nombreuses furent les vies de colons sauvées par ses vieux murs crénelés derrière lesquels ils avaient trouvé refuge avec femmes, enfants et domestiques. La construction de cette " Ferme expérimentale " avait été décidée dès la fin de l'année 1830 par le général Clauzel qui, comprenant le parti qui pouvait être tiré de la plaine de la Mitidja, voulut tenter une expérience qui servît aux futurs colons. Il choisit l'haouch Hassan Pacha, au bas des pentes du Sahel, à dix kilomètres des marais des Ouled Mendil et cette ferme modèle inaugura ainsi la longue liste des victimes que devait faire la Mitidja avant de devenir saine et prospère. Car la petite garnison installée dans ce premier établissement colonial français dans ce qui ne s'appelait pas encore l'Algérie, y découvrit avec effroi un ennemi encore plus terrible que les Hadjoutes : le paludisme, qui la décima rapidement. Dès lors, les dépêches officielles à destination de Paris sont remplies de longues plaintes sur l'état sanitaire de la troupe. Par exemple : "Les postes de la Maison Carrée et de la Ferme Modèle sont tellement malsains que, dans l'espace d'un mois, le 30e de ligne se trouve presque réduit à rien (Berthezène à Soult, 1e juillet 1831 ". Et le 8 août de la même année "L'état sanitaire de l'armée empire tous les jours et devient véritablement effrayant; il n'y a pas de jour où il n'entre 100 et jusqu'à 150 hommes à l'hôpital ". Pour tenter de remédier à ce désastreux état de choses, on fit relever les hommes de la Ferme Modèle tous les dix jours, puis tous les cinq jours et enfin tous les jours, mais en vain. Au contraire, en quelques semaines, presque toute l'armée se trouva impaludée, jusqu'à 18.000 hommes en 1830 et plus de 10.000 en 1831. Situation qui ne fit que s'aggraver au cours des années suivantes. 20 août 1837 "Le chiffre des malades continue à augmenter... Il a fallu renforcer le 2e de ligne, qui était insuffisant pour le service, par 200 hommes de la Légion étrangère et suspendre les travaux ".
------Les petites garnisons qui s'y succédèrent laissèrent un souvenir de leur passage en ces lieux l'inscription Cabaret du 23, gravée sur une plaque de schiste, elle-même apposée sur la fontaine turque qui avoisinait l'haouch. Les moulins d'Hassan Pacha, sur l'Harrach, furent réutilisés, devenant plus tard les moulins Morhing et Marchand avant d'être désaffectés. En 1913 encore, la Ferme Expérimentale, devenue domaine privé, fit parler d'elle : sa propriétaire Mme de Félieu, y fut assassinée par un jeune indigène qu'elle avait élevé comme son propre fils et le meurtrier expia son crime sous la guillotine. Enfin la propriété devint le Domaine de Kéroulis, bien connu des Birkhadémois.

UNE PÉRIODE D'INSÉCURITÉ

------Cependant durant cette décennie 1830-1840, la pacification était loin d'être achevée et les Hadjoutes et Ben Salem qui infestaient la Mitidja ne laissèrent guère de repos aux défenseurs de Birkhadem. Ainsi, en 1834, le 3è bataillon du 4è régiment de ligne qui effectuait une tournée de surveillance vers l'oued Kherma fut surpris au beau milieu des massifs épais qui bordent l'oued par un ennemi très supérieur en nombre. Chargeant furieusement à la baïonnette, les lignards, succombant à la pression numérique, durent lâcher pied, laissant de nombreux morts derrière eux. Sur ces lieux, une borne fut dressée au bord de la route, en hommage aux malheureuses victimes. Elle portait l'inscription : " 3e bataillon, juillet 1834 ". Le 7 septembre 1838, alors que des pillards en nombre cherchaient à razzier une tribu soumise, dans le voisinage de Birkhadem, le poste de gendarmerie se portait à leur rencontre et le brigadier Disseaux était tué d'un coup de poignard au cours d'une charge. Son corps emporté par les pillards disparut dans les épaisses frondaisons de l'oued Kherma et ne fut jamais retrouvé. Le 7 septembre 1838, le gendarme Bidart fut grièvement blessé d'un coup de yatagan au cours d'une patrouille et le 27 avril 1840, deux maisons étaient brûlées et trois personnes enlevées dans les environs de la Ferme Modèle; le 30 octobre de la même année, nouvelle incursion des Hadjoutes : les gendarmes les attaquent et, bien qu'inférieurs en nombre, les contraignent à battre en retraite, mais le gendarme Labourdette est tué d'un coup de poignard et son corps ramené à la brigade. Le ler novembre 1867, la brigade de gendarmerie de Birkhadem prenait possession de sa nouvelle caserne, dans les locaux de l'ancien pensionnat Sainte-Jeanne-d'Arc dont une statue se voyait encore dans une niche aménagée sur la façade. Pour quelles raisons cet établissement scolaire avait-il dû fermer ses portes ? L'explication pourrait se trouver dans le dépeuplement provisoire du centre, en ces années 1840, qui virent le départ de nombre des premiers colons installés là dès 1833 : les insuccès, la maladie, joints à l'insécurité les ayant découragés et contraints à l'abandon. Le 3 décembre 1924, fut apposée, dans les locaux de la brigade et en présence de plusieurs personnalités, dont les maires des localités voisines, une plaque de cuivre commémorant la mort des gendarmes Disseaux et Labourdette.

CLIMAT, GÉOLOGIE ET GÉOGRAPHIE DE BIRKHADEM

------Situé à 105 mètres d'altitude, Birkhadem jouit d'un climat tempéré et salubre. Environné par les hauteurs qui l'enserrent, le centre lui-même est assez chaud et humide l'été, climat cependant corrigé par les brises marines qui soufflent de la Méditerranée proche, tandis que les habitations placées à flanc ou sur les crêtes des collines subissent de plein fouet les vents d'est et de sud. Sous le sable rouge qui constitue une terre légère très propice aux cultures maraîchères, celles des primeurs et de la pomme de terre, notamment, s'étendent les marnes sahariennes recouvrant une molasse calcaire tendre, avec des grès par endroits, et ces argiles renferment de nombreuses poches d'eau qui ont fait la richesse de la commune. Car, au début, le centre était peu fourni en eau.


------On rapporte à ce sujet, qu'au XVIIè siècle, alors que l'esclavage constituait encore, avec la piraterie maritime, l'industrie principale de la Régence turque d'Alger, un riche Maure d'El Djezair occupait de nombreux esclaves dans ses jardins du " Puits de la Négresse ". Comprenant qu'il fallait de l'eau pour que ses terres devinssent plus productives, le Maure proposa à une équipe d'Espagnols qu'il utilisait de leur rendre la liberté contre la découverte et l'amenée jusque dans ses jardins du précieux liquide. Marché aussitôt accepté par les Ibériques qui se mirent sans tarder au travail, sous la conduite de l'ancien officier qui les dirigeait habituellement. Si puissant était le désir qui animait ces malheureux de recouvrer leur liberté, qu'ils accomplirent le miracle d'alimenter Birkhadem en eau, en moins de six mois, grâce à leur travail forcené. Ayant capté la source de Kaddous, trois kilomètres plus haut, ils l'endiguèrent, la canalisèrent et l'amenèrent ainsi jusque sur les terres de leur maître, ayant ouvert jour après jour d'innombrables tranchées creusées à force d'énergie et d'obstination. Cette histoire n'a jamais été authentifiée, mais il n'en demeure pas moins vrai que le village reçoit encore l'eau légère de Kaddous pour tous ses besoins et, selon toutes apparences, ce sont toujours les mêmes conduites du XVIIe siècle qui, modernisées et agrandies continuent de lui apporter la prospérité. A partir des années 1850, la fécondité des terres de Birkhadem s'accrut encore, grâce aux nombreux puits forés dans la région, des centaines de norias déversant en abondance l'or liquide dans les jardins maraîchers du "Puits de la Négresse ".

-----Un précieux instantané du village à ses débuts nous est livré par un jeune sous-officier de spahis réguliers cantonné à Birkhadem dans une lettre datée du 6 octobre 1837, et adressée à sa famille en France: " Mon cantonnement est un des plus beaux que les spahis occupent. Ben Siam est situé dans un vallon à deux lieues d'Alger. Quelques colons hardis y ont élevé quelques maisons qui forment un petit village à la française. La culture y est facile, la terre est couverte d'arbres fruitiers, de vignes et il y a une ou deux petites forêts, ici la chasse est bonne et Dieu merci on ne vit que de gibier... Quatre jours après notre arrivée dans ce beau séjour, je prends mon fusil, je bats les broussailles, les figuiers et j'avais déjà trois perdrix et un merle.
------La peste et le choléra sont à Alger, tous les colons désertent la ville et viennent camper dans la plaine. Le choléra a commencé par l'hôpital du Dey où il y avait 2.000 hommes... Nous quittons demain Ben Siam pour aller cantonner à Ben Imred, tout près du mont Atlas (2)". C'est que l'histoire de Birkhadem est intimement liée à la conquête de l'Algérie et à la mise en valeur de la Mitidja.
------Louis de Baudicourt (La colonisation en Algérie) a vu Birkhadem en 1856: avec lui, découvrons-le tel qu'il était à cette époque: " Au-delà de Birmandreis, la route de Blida est bordée de belles plantations çà et là des caroubiers ou de gros oliviers sauvages viennent marier leur feuillage aux lignes d'ormeaux et de platanes; plus loin, des groupes de pins étalent à l'horizon le parasol de leurs cimes élevées ; à droite et à gauche de la route, on rencontre de belles exploitations agricoles qui se succèdent sans interruption jusqu'à une fontaine aux arcades de marbre appelée Bir-Khadem. Un café maure y est établi ; quelques industriels, aubergistes, épiciers, boulangers, maréchaux-ferrants se sont installés alentour à l'ombre du clocher d'une petite église." Ajoutons que, après l'exode des premiers colons, dans les années 1840, le centre vit l'arrivée progressive de nombreux immigrants espagnols, originaires des îles Baléares le plus souvent et qu'il doit en grande partie sa prospérité au labeur opiniâtre et à la science maraîchère des Sintes, Fédélich, Tixidor, Ruitort, Fabrer, Bagur, etc

------Depuis 1842, le centre possédait une église. Érigéen commune par décret royal du 22 avril 1833, les offices du culte catholique avaient jusque-là été célébrés par le vicaire forain de Dély-Ibrahim dans une tour de défense désaffectée. Le 26 décembre 1842, Mgr Dupuch, nouvel évêque d'Alger, posait la première pierre de l'édifice. Confiée au Génie militaire, la construction en était achevée en 1843 et, au mois de juillet de la même année, le prélat consacrait l'église, la dédiant à sainte Philomène. Une cloche fondue à Lyon était placée dans le beffroi. Elle reçut le même jour son nom de baptême : Marie-Caroline-Philomène, la marraine étant Mme Marie-Caroline Darciaux et le parrain M. Albin, ex-maire de la commune.
------À l'intérieur, la chapelle possédait un maître-autel de marbre vert et noir construit sur le modèle de celui de l'église du saint suaire de Turin.
-------C'était un don du roi de Naples, père d'une fillette elle aussi prénommée Philomène. Deux tableaux de quatre mètres de hauteur en ornaient le chœur, don de l'empereur Napoléon III, lors de son passage à Birkhadem, le 6 mars 1865, alors qu'il allait inaugurer l'exposition agricole de Boufarik. Plus laid, en 1928, le clocher et son beffroi furent reconstruits en même temps que l'intérieur était remanié, tandis qu'une horloge était enchâssée dans le fronton de l'édifice religieux dont les servants furent les curés Pons, Raffat, Salles, Roman et Martin, secondés dans leur tâche paroissiale par les Sœurs missionnaires de Notre-Dame d'Afrique et les Sœurs Blanches.
-----En 1865, le Nouveau Guide Général du Voyageur en Algérie nous dépeint notre village : "Birkhadem a acquis une certaine importance qu'il doit à sa proximité d'Alger, ainsi qu'à la beauté de son site et à la fertilité de ses terres. Les habitations, groupées autour de l'église, ne sont pas très nombreuses : maison commune, écoles, salle d'asile, hôtel-café-restaurant, mais au-dehors du village on trouve, éparpillées dans la campagne, une centaine de fermes qui présentent l'aspect le plus riant. Le territoire, couvert d'arbres fruitiers, de mûriers et de vignes, produit en abondance des céréales et du tabac." Et en 1882, les itinéraires de l'Algérie ajoutaient: "Birlkhadem, agglomération de fermes et de villas mauresques et françaises, constitue, avec Saoula, une commune de 2.054 habitants (408 Français, 5 Israélites, 1.020 indigènes et 621 étrangers").
------La place est ornée, en face de l'église, d'une fort jolie fontaine mauresque alimentée par un aqueduc, mais qui, comme celle de Birmandreïs, est gâtée par des constructions parasites. Près du village, se trouve un pénitencier pour quatre ou cinq cents militaires. Birkhadem possède encore un orphelinat de jeunes filles indigènes fondé par Mgr Lavigerie après la grande famine de 1866-67."

ORGANISATION ADMINISTRATIVE

------Érigée en commune de plein exercice le 17 décembre 1843, Birkhadem incluait d'abord, dans son territoire, les centres de Birmandreïs et Saoula. Mais Ces deux annexes se développant rapidement, la première fut érigée en commune le 17 décembre 1863 et la seconde le 12avril 1894. Depuis, Birkhadem a vu ses 1591 hectares de territoire limités au nord par Bizmandreïs, à l'est par Kouba, et au sud par Saoula.
------Birkhadem était placé sous l'autorité d'un maire assisté de vingt et un conseillers dont deux adjoints. Depuis 1840, la mairie était logée dans l'ancienne mosquée construite par Hassan Pacha ; en 1889, elle vint installer ses services dans l'ancienne école. Quelques noms de ces magistrats municipaux: MM. Truchet, Alexandre, Berthier, Borderie. En 1860, la commune se dotait d'abattoirs, tandis que s'amorçait la construction des égouts collecteurs, terminée en 1913. En 1932, la salle des fêtes apparaît à son tour. La première école fut ouverte en 1843. Elle occupait le premier étage d'un immeuble appartenant à Mme Aymes et située à l'entrée du village, à droite, en venant d'Alger. En 1863, elle était transférée sur la place, dans l'immeuble qui servit plus tard de mairie. Un nouveau groupe scolaire la reçut en 1889 et, dans le jardin curial y attenant, une école indigène fut édifiée en 1928, Elle devint ensuite école de filles exclusivement. Quelques noms d'enseignants dont les Birkhadémois se souviennent encore : Mlle Marage, M. et Mme Alexandre, M. et Mme Lacrampe, Mmes Maumy et Didier. Dans les années 1960, les écoles communales abritaient plusieurs cours primaires et complémentaires.
------Passées les difficiles années du début, Birkhadem s'étoffa graduellement, devenant, grâce au labeur incessant de ses habitants, une petite cité florissante. En 1870, en 1914-18 et en 39/45, la commune paya son tribut humain aux guerres nationales. Une plaque de marbre apposée dans la nef de l'église rappelait les noms de ceux qui avaient offert leur vie au pays en 14/18. Gachet Charles, Mol Honoré, Tosiano Joseph, Sintès Joseph, Voger Charles, Fédélich Antoine, Lesch Pierre, Moréra Joseph, Camdona Simon, De Serroux Jean, Ganourgue Julien, Bay Marcel, Courmontagne Marcel, Prady Désiré, Cortès Antoine, Cardona Antoine, Moréra Pierre, Moréra Francois, Sintès Jacques, Fédélich Damien, Battarel Jean, Prady Louis, Monjo Joseph, Sintès Barthélemy, Tur Marius, Beuffe Jean, Llorens Raphaël, Gomila Gabriel, Colt Barthélemy, Bérenguer Michel, Pérez François.
------Jusqu'en 1962 la vie économique de la commune était active et prospère. Outre une importante cave coopérative agricole, de nombreuses exploitations maraîchères et fruitières, entreprises de transport ou de conditionnement, conserveries, import-export, Birkhadem pouvait utiliser les services de multiples professionnels : médecins, pharmaciens, dentistes, architectes, avocats, banquiers, commerçants en denrées ou en produits divers, artisans en tous genres, bref, notre village ne souffrait alors d'aucune carence sur presque tous les plans. Ses 8.402 habitants y vivaient heureux. Ajoutons qu'ils n'étaient pas isolés de la capitale, grâce aux services d'autocars qui fonctionnaient, rapides et fréquents, entre Birkhadem et Alger: Autocars Blidéens et Cars Seyfried notamment.
------De nombreuses activités de loisirs contribuèrent longtemps à souder une population heureuse de vivre dans le calme et la douceur du "Puits de la Négresse". Deux sociétés de musique se partagèrent même, un temps, les faveurs des mélomanes du centre. Finalement, subsista seule l'harmonie municipale dirigée, en dernier lieu, par M. François Pérez. Pour toutes les générations, le boulisme fut le sport et la distraction favoris. La Société Bouliste fut plusieurs fois championne d'Algérie et envoya des finalistes au championnat de France. S'y illustrèrent les Llopis, Combes, Sorabella dont les noms étaient alors sur toutes les lèvres. Une société de football, I'Olympic de Birkhadem, et le Racing Club de Birkhadem, société de basket-bal! virent longtemps leurs couleurs dignement portées par leurs jeunes athlètes.
------Les Birkhadémois, aujourd'hui en exil dans leur propre patrie, ressentiront sans doute un pincement au coeur à l'évocation de ces lieux où ils naquirent et vécurent les moments les plus heureux de leur existence, ce milieu familier dont les moindres recoins leur étaient connus, connivence qu'ils partageaient avec celles et ceux qu'ils avaient fréquentés à l'école, à l'église, à la salle des fêtes, au club, au stade ou sur le terrain de boules. Et le souvenir de ce bonheur simple ne s'effacera jamais de leur esprit et de leur cœur...

Gaston PALISSER

(1) Nous reprenons ici l'orthographe ancienne la plus logique "Le Puits (bîr) de la Négresse (khadem)".

(2) Le maréchal des logis-chef Eugène Cèdre, originaire du Doubs fut nommé sous-lieutenant dans le même corps des spahis en 1838 et mourut le 5 septembre 1840, à l'âge de 31 ans, à Alger où il fut emporté par le choléra qui sévissait alors dans la colonie.