Biskra, et les Zibans
BISKRA, VILLE DU SOLEIL

BISKRA, VILLE DU SOLEIL

Située en plein Midi et au centre d'un vaste hémicycle de monts chauves, riches de leurs seules couleurs, Biskra doit être considérée comme idéalement propice à l'hivernage.

Les nuages, pourchassés par les vents marins, ne dépassent presque jamais les sommets de l'Aurès ; dans les années les plus pluvieuses on n'enregistre même pas vingt chutes d'eau et il faut comprendre, dans ce nombre, celles qui ne durent que quelques minutes. Chaleur, siccité atmosphérique, telles sont les heureuses caractéristiques de l'endroit et les minimas atmosphériques n'ont jamais accusé de température inférieure à + 4°. Il est évidemment superflu de lui comparer les autres stations hivernales d'Europe et même du Nord de l'Afrique, car si Mogador, Gabès et Djerba ont, comme les rivages de Madère et des Açores, leur minima légèrement moins accusé, les pluies y sont fréquentes et il faut tenir compte de l'intense humidité marine si préjudiciable à tant de tempéraments.

Effectivement, Biskra attire, chaque année et davantage cet hiver, par suite du mauvais temps, qui sévit sur toute l'Europe, de nombreux hiverneurs.

La cité européenne, régulièrement tracée, avec ça et là d'heureuses perspectives sur le désert, répond à toutes les exigences de la vie moderne. Hôtels confortables, magasins achalandés, cafés, casinos, etc..

Mais le voyageur épris de pittoresques paysages et d'horizons nouveaux trouvera aussi, devant lui, deux routes: l'une menant au cœur de l'oasis ; l'autre, à gauche, allant au lit desséché de l'oued, puis au parc Landon, et, ici, nous ne saurions mieux faire que citer les admirables impressions fixées par Louis Bertrand dans le Jardin de la Mort :
" L'horizon qui s'encadre entre les baies de ces arcades est d'une immensité et d'une beauté extraordinaires. La vue rayonne par-dessus Biskra jusqu'à la crête lointaine de l'Aurès, jusqu'aux entassements vermeils de la Porte-d'Or et des montagnes d'El-Karitara. Mais le soir tombe.

... Je reprends les allées de sable fin, où la nuit s'amasse lentement, sous les frondaisons des lauriers et des belombras et, après m'y être égaré comme dans un labyrinthe, j'arrive enfin à la terrasse qui se déploie du côté de l'Est, sur tout le mur d'enceinte du jardin. C'est un autre balcon sur le désert.

Devant moi, la mer des sables se déroule à l'infini sous son voile de couleurs changeantes. L'enchantement crépusculaire développe ses mouvants prestiges. L'harmonie des teintes suaves se décompose lentement dans des ondes grises et lumineuses, d'une transparence divine, au milieu d'un apaisement, d'une douceur inexprimables...
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Afrique illustrée du 12-1-1924 - Transmis par Francis Rambert

sur site :aout 2021

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BISKRA, VILLE DU SOLEIL
BISKRA, VILLE DU SOLEIL

Située en plein Midi et au centre d'un vaste hémicycle de monts chauves, riches de leurs seules couleurs, Biskra doit être considérée comme idéalement propice à l'hivernage.
Les nuages, pourchassés par les vents marins, ne dépassent presque jamais les sommets de l'Aurès ; dans les années les plus pluvieuses on n'enregistre même pas vingt chutes d'eau et il faut comprendre, dans ce nombre, celles qui ne durent que quelques minutes. Chaleur, siccité atmosphérique, telles sont les heureuses caractéristiques de l'endroit et les minimas atmosphériques n'ont jamais accusé de température inférieure à + 4°. Il est évidemment superflu de lui comparer les autres stations hivernales d'Europe et même du Nord de l'Afrique, car si Mogador, Gabès et Djerba ont, comme les rivages de Madère et des Açores, leur minima légèrement moins accusé, les pluies y sont fréquentes et il faut tenir compte de l'intense humidité marine si préjudiciable à tant de tempéraments.
Effectivement, Biskra attire, chaque année et davantage cet hiver, par suite du mauvais temps, qui sévit sur toute l'Europe, de nombreux hiverneurs.
La cité européenne, régulièrement tracée, avec ça et là d'heureuses perspectives sur le désert, répond à toutes les exigences de la vie moderne. Hôtels confortables, magasins achalandés, cafés, casinos, etc..
Mais le voyageur épris de pittoresques paysages et d'horizons nouveaux trouvera aussi, devant lui, deux routes: l'une menant au cœur de l'oasis ; l'autre, à gauche, allant au lit desséché de l'oued, puis au parc Landon, et, ici, nous ne saurions mieux faire que citer les admirables impressions fixées par Louis Bertrand dans le Jardin de la Mort :
" L'horizon qui s'encadre entre les baies de ces arcades est d'une immensité et d'une beauté extraordinaires. La vue rayonne par-dessus Biskra jusqu'à la crête lointaine de l'Aurès, jusqu'aux entassements vermeils de la Porte-d'Or et des montagnes d'El-Karitara. Mais le soir tombe.
... Je reprends les allées de sable fin, où la nuit s'amasse lentement, sous les frondaisons des lauriers et des belombras et, après m'y être égaré comme dans un labyrinthe, j'arrive enfin à la terrasse qui se déploie du côté de l'Est, sur tout le mur d'enceinte du jardin. C'est un autre balcon sur le désert.
Devant moi, la mer des sables se déroule à l'infini sous son voile de couleurs changeantes. L'enchantement crépusculaire développe ses mouvants prestiges. L'harmonie des teintes suaves se décompose lentement dans des ondes grises et lumineuses, d'une transparence divine, au milieu d'un apaisement, d'une douceur inexprimables...
Le silence éternel des étendues désertes semble devenir plus profond avec la nuit qui descend. Rien ne bouge. Tout s'efface. Une mélancolie sereine m'envahit tandis que je cherche au firmament la scintillation de la première étoile. Je me souviens d'une minute d'angoisse, toute pareille à celle-ci, lorsque du haut des rochers de Bou-Saâda, je vis s'éteindre les dernières lueurs sur la grande houle indistincte des dunes ; et je me dis que ce beau jardin, dont les ombrages mystérieux m'environnent, ce jardin de volupté et d'oubli, ressemble étrangement au " Jardin de la Mort " que j'ai visité là-bas... "
Le touriste aura, enfin, avec la place du Marché, et surtout le quartier des Ouled-Naïls, deux aspects curieux et suggestifs de la vie indigène, dans un décor très simple.
Ces femmes, de la tribu des Ouled-Naïls, tribu d'une région qui s'étend au Sud de Bou-Saâda et Djelfa, ont l'habitude d'aller exercer la profession de danseuses dans les villes du Sud et leur réputation est légendaire. A les voir pourtant, dans la journée, le visiteur est désillusionné. Le visage vulgaire, sans fards ni khôl, accuse, en pleine, lumière, la lassitude de leurs fatigues nocturnes et sa banalité, la lourdeur de leurs étoffes leur enlève, par surcroît, toute grâce et tout attrait. Nonchalamment assises ou accroupies devant leurs portes, elles se laissent aller à une indifférence absolue, semble-t-il, pour toute coquetterie.
Mais le soir, les Ouled-Naïls revêtent leurs beaux atours et toutes ces femmes, qui, le jour, avaient paru si banales et presque misérables, retrouvent, avec leurs coiffures alourdies de bijoux et de piécettes, leurs fards, leurs khôl, leurs voiles de couleur et leurs écharpes éclatantes, une beauté qu'on ne soupçonnait pas chez elles.
Ressuscitant cet aspect hiératique, qui caractérise tout l'Orient, la fascination légendaire de leur race se révèle dans la fixité lumineuse de leurs regards, l'étrange sourire triangulaire de leurs lèvres peintes, la souplesse de leurs corps.
En même temps, leurs attitudes si veules ont disparues. Avec des gestes harmonieux, elles évoluent dans la grâce mouvante de leurs écharpes et la science du rythme se manifeste dans leur démarche.
Les tambourins et les flûtes préludent et la danseuse pénètre à petits pas dans l'enceinte, qui lui est réservée Elle agite, au-dessus de sa tête, deux foulards, un de chaque main et se met à danser presque sur place. Les notes aiguës des instruments pressent le mouvement et l'ardeur de la danseuse redouble ; ses bras ont des contorsions plus vives et, sous la ceinture dorée, son ventre s'agite en saccades étranges. Quand elle s'arrête, épuisée par cet exercice, auquel la plupart d'entre elles mettent une véritable passion, une autre prend sa place, encore une autre. Dans le café chantant, où dansent les Ouled-Naïls, c'est la cohue des hommes de la ville, des nomades et des soldats. Les assistants fixent éperdument les mouvements de la danseuse ; une atmosphère tiède, surchargée de fumée, emplit toute la salle et, par la porte entr'ouverte, les échos de la musique troublent, aigus et répercutés dans le silence, le sommeil de l'oasis.