
          
        Au cours de grandioses 
          cérémonies sous la présidence de S. Em. le cardinal 
          LIENART,
          de l'épiscopat d'Algérie et des plus hautes autorités 
          de la région
        Bône a célébré 
          le centenaire de sa cathédrale
        Parlant de l'uvre 
          réalisée par la France en Algérie, le cardinal 
          déclare : " Cette prospérité matérielle 
          doit s'accompagner d'un développement moral dans lequel j'ai 
          confiance parce que croyants musulmans, israélites, chrétiens, 
          nous élevons nos regards vers Dieu "
        Libérée de 
          ses soucis matériels et de ses occupations quotidiennes, la population 
          de Bône a donné samedi, et surtout dimanche, la mesure 
          de sa foi ardente, digne du grand saint Augustin. Par la route et la 
          voie ferrée, d'innombrables fidèles sont venus assister 
          aux ceremonies et acclamer le cardinal Líénart.
          Bône a adopté l'évêque de Lille, parce que 
          lui-même a conquis les Bônois de toutes confessions et de 
          toutes tendances par sa paternelle bonté et son exquis sourire, 
          comme il a conquis depuis longtemps les travailleurs du Nord de la France 
          et en particulier les travailleurs nord-africains, si nombreux dans 
          son diocèse. L'hommage émouvant que lui ont rendu les 
          notabilités musulmanes du département de Constantine est 
          certainement le plus beau témoignage de gratitude qui pouvait 
          être offert au doyen des cardinaux de France pour l'uvre 
          sociale qu'il a entreprise.
        Les cérémonies 
          de la consécration de la cathédrale
          Samedi matin, tous les évêques d'Afrique et les dignitaires 
          de l'église étaient présents lorsque le cardinal 
          Liénart, après une courte procession, commença 
          à 8 h. 30 les cérémonies de la consécration 
          de la cathédrale. Il bénit d'abord l'extérieur 
          de l'édifice, puis, accompagné des membres de l'Épiscopat 
          et du Clergé seulement, il entra dans le sanctuaire au chant 
          du " Veni Creator ", dirigé par l'abbé Helfer, 
          tandis qu'une croix de Saint-André était tracée 
          au milieu de la nef avec des cendres, sur lesquelles le cardinal écrit 
          l'alphabet grec et l'alphabet latin symbolisant l'union des peuples 
          par Jésus-Christ. Ce fut ensuite la bénédiction 
          des deux autels latéraux, dont celui de Notre-Dame de Lourdes, 
          que Son Éminence consacra en même temps que S.E. Mgr Pinier 
          consacrait l'autre autel dédié à St-Paul. Quelques 
          instants après, le cardinal procéda à l'onction 
          de chacune des croix gravées sur les douze colonnes de l'édifice 
          qui recevait enfin sa dédicace.
          Les cérémonies de la consécration des autels se 
          poursuivirent après qu'on eut porté en procession jusqu'aux 
          autels les reliques qui devaient être déposées dans 
          de petits tombeaux. Ces reliques sont celles de saint Victor et de saint 
          Fulgence, martyrs d'Afrique. Quand les mèches, placées 
          en forme de croix et alimentées par des grains d'encens, brûlent 
          sur les autels, on entend en même temps que les cloches le chant 
          de l'" A1leluia " : " Esprit Saint, remplissez les curs 
          de vos fidèles et allumez en eux le feu de votre amour ".
        La messe solennelle
          Il est près de midi. Le peuple est alors admis dans le sanctuaire 
          où il assistera à la messe célébrée 
          par Mgr Perrin au maître-autel. Son Éminence préside 
          au trône où figurent ses armoiries et sa devise : " 
          Miles Christi Jesu ".
          Mgr Duval adresse alors publiquement ses souhaits de bienvenue à 
          Son Éminence, doyen des cardinaux français, grand apôtre 
          de l'évangile et ardent défenseur des travailleurs.
          Rappelant les paroles de Mgr Dupuch : " Une cathédrale se 
          constuit dans la peine et une dédicace dans la joie ", l'évêque 
          de Constantine fit l'historique de cet édifice évoqua 
          les heures sombres de la guerre avec ses bombardements et ses innocentes 
          victimes pour dire la joie que Bône ressentait en accueillant 
          le cardinal Liénart à l'occasion de la consécration 
          de la cathédrale et les raisons que ses fidèles avaient 
          d'espérer.
        La réception à 
          l'Hôtel de Ville
          L'après-midi, après la visite de la basilique et des ruines, 
          une grande réception fut organisée à l'Hôtel 
          de Ville en l'honneur du cardinal. M. Pantaloni, député-maire 
          de Bône, saluent Son Éminence, déclara : " 
          Vous venez en représentant de l'épiscopat français, 
          dont nous savons la courageuse position prise lors de l'occupation de 
          notre pays et son action en faveur des martyrs de
          toutes confessions, victimes d'une idéologie barbare et dont 
          la voix sest toujours élevée pour la défense des 
          faibles, des opprimés, de la morale et de la famille. Votre présence 
          est pour nous un symbole et un réconfort ". En termes délicats, 
          et choisis le Cardinal remercie M. Pantaloni et la population sans distinction 
          de race,. ni de religion, qui l'ont si chaleureusement accueilli.
          " J ai constaté l'effort qui a été fait et 
          les réalisations dont la France est à l'origine. Cette 
          prospérité matérielle doit s'accompagner d'un développement 
          moral dans lequel j'ai confiance parce que croyants musulmans, israélites 
          et chrétiens nous élevons nos regards vers Dieu. A l'exemple 
          de saint Augustin, nous pratiquerons cette fraternité et cet 
          amour qui est le précepte du Seigneur : " Aimez-vous les 
          uns les autres comme il nous a aimés. "
          A cette manifestation, nous avons également noté MM. Tucci, 
          sénateur ; Munck, Aloï, Bèghain et Boutaleb. délégués 
          à l'Assernb1ée algérienne ; Fadda, Vernede, Maurin, 
          Perrin, Bussutil et Cusin, conseillers généraux.
        Les cérémonies 
          de dimanche
          Mais c'est dimanche que la foi et l'enthousiasme attinrent le summum. 
          A toutes les messes il y eut
          foule et les communions furent extrêmement nombreuses. A 10 h. 
          15, le cardinal fit son entrée solennelle å la cathédrale 
          et dit la messe pontificale. En cette fête du centenaire, S. Ex. 
          Mgr Leynaud, archevêque d'Alger, flt une remarquable synthèse 
          des leçons de saint Augustin et souligna la portée du 
          message de ce grand martyr d'Afrique. Après avoir salué 
          le cardinal et félicité le chanoine Houche de ses réalisations, 
          il déclara ; " Que de fois, aux heures douloureuses de la 
          guerre, notre pensée s'est reportée vers saint Augustin, 
          car lui-même avait passé par des épreuves plus terribles 
          encore. Mais sa puissante intersession a certainement hâté 
          la résurrection de cette grande et belle cité, une des 
          plus florissantes de notre Afrique, où les musulmans eux-mêmes 
          gardent son souvenir, comme l'écrivait le cardinal Lavigerie, 
          il y a 66 ans. "
          Évoquant les sentiments de fraternité de saint Augustin, 
          Mgr conclut : " C'est dans ces conditions que régnera la 
          paix après laquelle nous soupirons tous et dont nous devons donner 
          l'exemple. La paix vraie et durable qui est ici-bas le tranquille présage 
          de la paix éternelle dans la patrie du ciel. "
          Au cours de l'office, les chants, accompagnés par un imposant 
          orchestre, furent exécutés par les chorales paroissiales 
          et de Saint-Louis, sous la direction de M, Petitpoisson.
          Outre les personnalités déja citées à la 
          manifestation de la veille. Nous avons reconnu Mgr Baron, archiprêtre 
          de Saint-Louis-des-Français à Rome ; l'abbé Declercq, 
          aumônier militaire de la X° Région, et l'abbé 
          Catrice. du diocèse de Lille, conseiller de l'Union française.
        L'immense procession
          Après un repas intime offert par le conseil paroissial au cardinal, 
          à sa suite, au clergé et à la presse,
          réunion au cours de laquelle prirent la parole M. le chanoine 
          Houche, archiprêtre ; MM. Seydre, président du comité 
          d'organisation ; Fadda, adjoint au maire ; Mgr Duval, puis le cardinal 
          Liénart, ce fut, à 16 heures. la, véritable apothéose 
          de ces mémorables fêtes. Une immense procession fit le 
          tour du cours Bertagna. Les groupements d'enfants, la jeunesse sportive 
          d'Hippone, les uvres féminines, les statues de sainte Lucie, 
          de Notre-Dame du Mont-Carmel, puis celle de la Vierge précèdent 
          le cardinal en " capa magna ". Suivent les archevêques, 
          les évêques, les abbés mitrés, les prélats 
          et le clergé, les hommes de l'Action catholique et la foule des 
          fidèles.
        20.000 fidèles .
          Ceux-ci, au nombre d'environ vingt mille, se groupèrent ensuite 
          devant le parvis sur lequel était dressé un autel et au 
          bas duquel les autorités ecclésiastiques s'étaient 
          groupées, tandis qu'une fanfare accompagnait les chants. Mgr 
          Duval donna alors lecture du télégramme adressé 
          au Saint Père à cette occasion, l'assurant de l'hommage 
          de filial attachement de Bône et de l'Église d'Afrique 
          et implorant sa bénédiction apostolique
        L'émouvante allocution 
          du cardinal LIENART
          Puis le cardinal prononça une émouvante allocution. " 
          En vous inclinant, avec respect devant la relique de saint Augustin, 
          dit-il, vous avez, héritiers et fils de son esprit et de son 
          cur, rendu hommage a un homme de votre sol et dont le génie 
          a éclairé la Sainte Église.
          Messager divin, il a donné au peuple la vérité 
          au milieu de toutes les erreurs et a lutté pour cela jusqu'à 
          la mort, Ses enseignements sont d'actualité. Son message de charité 
          et d'amour doit nous faire comprendre l'étendue de nos responsabilités, 
          aujourd'hui surtout où la haine sépare les peuples, s'installe 
          à l'intérieur même des pays et des familles. Il 
          est temps de remettre la charité dans le monde et Dieu à 
          sa vraie place, car dans son commandement le Christ vous a donné 
          une mission ; alors il convient d'appliquer le précepte, car 
          là où la charité se répand, la haine recule.
          Or cette charité fraternelle peut se réaliser, puisque 
          musulmans, juifs et chrétiens possèdent ce trésor 
          commun qui est la croyance en Dieu. Si le monde reste encore divisé 
          entre ceux qui ont la foi et ceux qui ne l'ont pas, nous devons vivre 
          de cette charité. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner 
          sa vie pour ceux qu'on aime. "
        Bénédiction
          Après avoir imploré la protection divine sur Bône, 
          l'Afrique et son peuple, le cardinal a béni la foule avec la 
          relique de saint Augustin, puis il a célébré la 
          cérémonie du Très Saint Sacrement, Son Éminence 
          regagna le presbytère sous les ovations de l'assistance. Bône 
          a montré une fois de plus qu'elle demeure inébranlablement 
          attachée au souvenir de saint Augustin, premier évêque 
          d'Hippone.