Monseigneur Pavy - 1805-1866
extraits du numéro 49, 3è et 4è trimestres 2011, de "Mémoire vive", magazine du Centre de Documentation Historique de l'Algérie, avec l'autorisation de son président.
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L'article comprend plusieurs illustrations reproduites ici

Ici, le 28-12-2011

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Monseigneur Pavy - 1805-1866

Au musée Joseph Déchelette, à l'occasion de la préparation d'une exposition, nous avons retrouvé un tableau intéressant, remarquable de qualité et de conservation, concernant l'histoire du clergé en Algérie. Il s'agit du " Portrait de Louis Antoine Auguste Pavy ", évêque d'Alger peint par François-Claudius Compte-Calix ( 1813-1880 ), auteur également de grandes décorations aux cathédrales d'Alger et d'Oran. Cette œuvre de dimensions impressionnantes ( 260 x 137 cm ) est le don de Francisque Rué et Antoine Faubert, religieux, légataires universels de l'abbé Louis-Claude Pavy, frère de Mgr. Pavy, au musée de Roanne, ville natale du modèle, il porte la date de 1889.

C'est sans doute l'oncle du peintre, un des deux religieux formant la suite du nouvel évêque, qui mit en relation les deux hommes. Au Salon de 1847, Compte-Calix avait présenté un portrait de son oncle qui était alors chanoine supérieur du petit séminaire d'Alger.

En 1869, le sculpteur Fulconis avait lui aussi fixé les traits de Mgr Pavy dans un buste conservé dans le patio de l'archevêché.

Portrait de Louis-Antoine-Auguste Pavy, évêque d'Alger par François-Claudius Compte-Calix, musée Joseph Déchelette, Roanne
Portrait de Louis-Antoine-Auguste Pavy, évêque d'Alger par François-Claudius Compte-Calix, musée Joseph Déchelette, Roanne

Louis Pavy naît à Roanne le 18 mars 1805 dans une famille de patrons de gabares(1) sur la Loire. Il entreprend ses études au petit séminaire de Lyon, puis en 1829, est ordonné prêtre. Vite remarqué pour son éloquence, il devient doyen de la faculté de théologie en 1842. C'est un proche de Mgr. Bonald, remarquable figure du catholicisme sous la Monarchie de Juillet. Le 26 février 1846, le ministre des Cultes annonce à l'abbé Pavy sa nomination comme évêque d'Alger ; ce choix est suivi de près par Louis-Philippe. Souhaitant donner l'Algérie en apanage à un de ses fils, Aumale, le roi souhaite que le nouvel évêque soit capable de soutenir des relations avec le gouvernement. En mai 1846 Mgr Pavy, succède à Mgr. Dupuch, premier évêque d'Alger.

C'est avec un état d'esprit de missionnaire que Louis Pavy comprend son sacerdoce. Le nouveau prélat, fin et disert, beaucoup plus diplomate que son prédécesseur, considérait comme un devoir de battre en brèche le coran qu'il tenait pour une " ineptie " et le prestige de Mahomet qu'il jugeait comme " un imposteur, un copiste maladroit de Jésus ". Il s'emploiera, sous la IIème République et le Second Empire, à évangéliser les campagnes et à lutter contre le rationalisme des colons. Mgr. Pavy espérait amener, tôt ou tard, les indigènes au partage de la " fraternité religieuse ". Dans ce dessein, la papauté sollicitait depuis sept ans la création d'évêchés à Oran et Constantine.

L'empereur, qui n'était pas partisan du prosélytisme, croyait que, dans un pays où se pratiquaient plusieurs cultes, il fallait accroître le prestige du culte catholique, aussi accepta-t-il la fondation de deux diocèses nouveaux ce qui permit à Mgr. Pavy de devenir archevêque. Là encore, selon Charles-Henri Julien, " il ne tint pas compte de l'esprit laïc de la population qui se maintenait notamment dans les anciennes colonies de 1848 et qu'entretenaient les déportés, parmi lesquels se recrutaient la plupart des journalistes, au point que dans certains centres " il n'était pas rare qu'on menaçât le prêtre à coups de pierre à son arrivée. "(2)

Mgr. Pavy, qui s'occupait d'orphelins, demanda à les installer dans le Palais d'Eté de Mustapha-Pacha. Ce palais, après la conquête d'Alger, avait été habité par les troupes françaises jusqu'en 1848. " Quelque temps avant le départ des soldats, ce domaine est demandé par les orphelins que l'Évêque Pavy avait installés dans l'ancien consulat du Danemark au Télemly, où ces derniers ne pouvaient plus demeurer, l'Évêque se trouvant dans l'impossibilité de payer le loyer de leur asile.


" Un grand évêque ou vingt ans de l'Église d'Afrique sous l'administration de Monseigneur Pavy " par Mgr Ribolet
" Un grand évêque ou vingt ans de l'Église d'Afrique sous l'administration de Monseigneur Pavy " par Mgr Ribolet

La requête du clergé est accueillie favorablement et le 5 novembre de la même année, les orphelins sont installés dans l'immeuble devenu vacant, sous la surveillance des Soeurs de Saint-Vincent de Paul "(3).

Mgr Pavy transforma le palais en orphelinat ( Mustapha-Supérieur ).

En mars 1848 sur la Place du Gouvernement, l'évêque assiste en compagnie du Gouverneur Cavaignac au banquet civique ; il officiait aux brillantes célébrations de la Fête-dieu qui se déroulait le 14 juin. L'évêque, sous un dais écarlate, arrivait entouré et suivi des dignitaires du Chapitre, accompagné des magistrats en toge, des officiers brillamment décorés. À l'élévation, cent tambours et six orchestres, dont quatre musiques militaires, se faisaient entendre. Se rendant ensuite auprès de la balustrade, qui jadis limitait d'un côté la place, le prélat bénissait la mer tandis que tout un peuple impressionné fourmillait à l'entour, sur les terrasses étagées et dans les rues avoisinantes.

La Fête-dieu de 1848 fut reproduite par le peintre Régis. L'oeuvre après avoir figuré à la cathédrale disparut, sans doute concédée à une autre chapelle.

Le 8 août 1850 l'évêque Pavy inaugurait l'Oratoire de l'Amirauté.


Buste de Monseigneur Pavy réalisé par Louis Fulconis ( 1869 )
Buste de Monseigneur Pavy réalisé par Louis Fulconis ( 1869 )



Le 14 août 1852, le jour de l'inauguration du bronze du Maréchal Bugeaud duc d'Isly sur la Place du même nom, l'évêque Pavy ( qui vient d'être nommé Commandeur de la Légion d'Honneur ) procéda au pied de la statue devant un autel improvisé, au mariage de deux orphelins de l'Assistance religieuse : Antoine Boulet et Victorine Dijou, pour la dot desquels le Président de la République avait envoyé 500 francs, le préfet et le général Ferray chacun 200 francs.

Une " concession " dans le village de Castiglione fut en outre octroyée aux jeunes époux. " La présidence de ce mariage est donc le dernier acte officiel de l'illustre Maréchal ! " (4).

Obligé par sa santé de rentrer à Forcalquier, Mgr. Pavy tient une place considérable parmi l'élite des félibres. L'oeuvre de prédilection de ses dernières années fut consacré à des travaux à la basilique Notre-Dame d'Afrique, où une chapelle lui est consacrée ainsi qu'un pèlerinage.
Mgr. Pavy éducateur des âmes, constructeur de la nouvelle cathédrale d'Alger, rédacteur du premier catéchisme du diocèse d'Alger en 1855, est également l'auteur d'une histoire de l'Algérie en quatre volumes (1858). Mgr Lavigerie succédera à Mgr. Pavy.

Élisabeth Cazenave.

Notes :
- Le savant préhistorien Joseph Déchelette lègue à la ville de Roanne, pour construire un musée, une somme d'argent, remplacée en 1919 par le don de son hôtel particulier de la fin du XVIllème siècle dans lequel les collections sont installées en 1923.

- Exposition : Brigitte Boulet, Elisabeth Cazenave, Albert Marquet et ses amis en Algérie, Roanne 2004.

1) Gabare : grande cm)arcation pour le ransport des marchand i-es sur les rivières et ;stuaires.
2) Charles-André Julien, :Iistoire de l'Algérie ontemporaine, tome remier, La conquête et es débuts de la colonisa-ion, Presses Universiaires de France, 1964.
3) Henri Klein, Feuillets l'El-Djezaïr, Imprimerie =eontana, 1937, p.217.
4) Ibid, p.263.

Bibliographie : Joseph Déchelette, musée de Roanne et ses objets d'art, 1894 ; Exposition, Salon de 1848, n° 965 ; Audin, Vial, 1918, tome I p. 209 ; Brou, Valence, Le Portrait dans les collections des Musées Rhône-Alpes. ; Élisabeth Cazenave, L'Afrique du Nord révélée par les musées de province.
Association les Abd-el-Tif, Bernard Giovanangelli Éditeur, Nancy, 2005, p. 194 ; Klein, Feuillets d'El Djezaïr, p. 289

Note de la rédaction du CDHA :
C'est Mgr. Pavy qui oeuvra auprès du pape Pie IX pour faire déclarer vénérable le Saint martyr Géronimo, sans passer par la longue série de formalités nécessaires en pareil cas. Il obtint, très rapidement, le décret signé de Pie IX et organisa une grande cérémonie en présence de nombreuses personnalités civiles et religieuses. Les saints ossements furent déposés dans une chasse à la cathédrale d'Alger.
( Extrait de l'ouvrage de Mgr. Riboulet " Un grand évêque ou 20 ans de l'Eglise d'Afrique. Monseigneur Pavy )