les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Autres Bâtiments Militaires
Casernes de Janissaires

Cercle militaire
sur site, ici, le 11-3-2009

30 Ko
retour
 
En cliquant sur les mots ou groupes de mots en rouge, soulignés en rouge, vous accédez à la page correspondante.

Autres Bâtiments Militaires
Casernes de Janissaires

Ces casernes étaient au nombre de sept. Cinq d'entre elles furent construites en 1650.

Les seuls Janissaires célibataires les habitaient. Les Janissaires mariés demeuraient en ville.

Ces Casernes, que les esclaves entretenaient en parfait état de propreté, étaient toutes pourvues d'une cour spacieuse entourée de galeries à arcades avec au centre, une fontaine de marbre à jet d'eau. Au long des murs étaient des banquettes émaillées et ausssi des jarres d'eau pourvues d'un quart à long manche, où les hommes venaient se désaltérer.

L'entrée de la caserne était ordinairement décorée d'un navire en miniature placé sous le porche.

La caserne la plus voisine de la porte d'Azoun était "M'ta Labendjia": caserne des Buveurs de petit lait, devenue Lycée. Cette dénomination vient de la coutume qu'avaient les soldats de ce bâtiment de prélever, chaque matin sur les laitiers arrivant de la banlieue, une partie de leur marchandise.

La caserne, en 1838, fut transformée en Collège et en 1848, en Lycée (voir à l'Ancien Collège).(voir site, par B.Venis : http://lycee-bugeaud.fr)

La "Revue Africaine" et M. Ch. de Galland qui fut là élève, signalèrent, en cet établissement, la chambre occupée par le Khasnadji Ismaêl, parée de colonnes de marbre et toute tapissée d'émail (elle devint le cabinet du Proviseur).

La chambre habitée par Hassan-Pacha, dont on fit le salon particulier du même fonctionnaire universitaire.

La chambre d'Ibrahim-Agha (gendre d'Hussein), où, après 1848, fut installé le cabinet de physique, et que signalait une inscription datant de 1826.

La chambre de Yahia-Agha, qu'on transforma à la même époque en chapelle. Il y avait aussi, en cet édifice, les chambres de Mustapha-Agha et d'Ali-Omar.

Entre les rues Boza et de l'Aigle :
La Caserne Kherratine : M'ta-Kherratine (des Tourneurs), ainsi nommée de la présence de nombreux ouvriers de cette profession établis dans le voisinage. Là furent successivement, la pharmacie militaire, l'hôpital civil et, en 1855, la Poste et le Trésor, antérieurement rue Jean-Bart (renseignements déjà donnés).

Dans cette caserne bâtie, croit-on, par Kheir-ed-din, Mohammed-Pacha, Ali- Pacha et Baba-Ali firent leur service militaire.

Près de la Mosquée d'Abdy-Pacha : la Caserne Macaron, M'ta-el-Makaroun qu'habita Hassen-Khodja ben Youb, devenu Khasnadji en 1815 (détruite en 1934).

La Caserne des Consuls M'ta-Deroudj (des Escaliers) ( Ces escaliers accédaient antérieurement du port, à la maison de la rue la Marine, que remplaça plus tard la Caserne Lemercier, et où descendaient les Pachas relevés de leurs fonctions (Haëdo).) près du quartier des Douamès (rue de la Banque), où servit Omar-Pacha.

La Caserne Lemercier : M'ta-Moussa, qui eut, au nombre de ses Janissaires, le maître andalou Moussa, constructeur présumé des aqueducs du Hamma et du Télemly. Cette caserne était aussi appelée M'ta Bab-el-Djezira (de la porte de l'lle). Une plaque, datant de 1817 y rappelait que Yahia-Agha l'avait habitée.

Sur la pente longée par le rempart Bab-Azoun se trouvait, au quartier Khoddarin (des Marchands de fruits), actuellement rue Médée : M'ta Khoddarin Kedima, la caserne ancienne des fruitiers, et M'ta Khoddarin Djedida, la caserne nouvelle des fruitiers (cette dernière, en contre-bas de la précédente). En ces bâtiments fut installé le Cercle Militaire (Pour la description, voir à " Cercle Militaire).

Le Cercle Militaire
(suite des casernes turques)

Par la disposition pittoresque de ses bâtiments, par le caractère original de chacune de ses parties, le Cercle Militaire d'Alger ne ressemble, on peut le dire, à aucun établissement de cette catégorie.

Quel curieux et joli coup d'oeil offre, du dehors, ce monument avec ses terrasses à balustres parées de verdure, s'élevant en gradins en face de la coquette Place de la République ! Et au-dedans, quel charme présentent aux divers étages, ces frais jardins, ces blancs et silencieux portiques mauresques émaillés dont les lignes et la solennité éveillent l'idée d'un cloître. C'est près du Théâtre que se trouve l'entrée principale.

Dans l'escalier d'honneur, qui conduit à la première terrasse, ou voit une plaque commémorant en ces termes la création du Cercle :

Réunion des officiers d'Alger.
Au Général de Division Wolff; fondateur,
Les officiers reconnaissants,
15 juin 1878

Au-dessous de cette inscription, une délicieuse fontaine mauresque finement ciselée en marbres polychromes. C'est ensuite, sur un socle, une effigie de cette grande figure militaire, maintes fois rappelée en cette enceinte, du légendaire Maréchal Bugeaud. Puis, c'est le jardin du premier étage, charmant avec ses palmiers, son jet d'eau et son vieux cyprès géant " qui vit arriver les Français ". A l'entour du jardin, disposés en deux étages : la buvette, les salles du restaurant, de billard, de réception. C'est dans ce jardin que les soirs de musique, se réunissent les officiers avec leurs familles ( Le Cercle reçut maintes visites de marque. Le 18 avril 1922, y vint le président Millerand. En outre des conférences militaires sont données là, depuis quelques années, les conférences de la "Société de Géographie". Le Comité du Vieil Alger y a, à plusieurs reprises, ainsi qu'en d'autres monuments, évoqué le passé.).

En arrière de la buvette : une petite cour à ogives, ce sont les cuisines.

Au bas de l'escalier, conduisant au deuxième étage, apparaît une cloche chinoise. C'est un souvenir rapporté du Pays Jaune en 1887. Dans le haut, c'est la Grande Cour mauresque, de très beau caractère architectural, et à qui donnent tant de séduction ces majestueux ficus au travers desquels filtre une lumière verte. Au centre, un bijou artistique, précieuse pièce historique à la fois. C'est une fontaine toute de marbre, à quatre colonnes torses, couronnée d'une coupole. Cette fontaine se trouvait jadis au Palais de la Casbah sous le porche d'entrée. Ce fut sur le rebord de sa vasque que, sur l'ordre du Dey, fut décapité en 1830, comme il a été dit, l'interprète militaire, Georges Garoué, Syrien de naissance, autrefois trésorier du Pacha de Damas, et qui, malgré les représentations de ses amis, se rendit (muni d'une autorisation du général en chef) parmi les contingents arabes qu'il espérait amener à faire cause commune avec les Français contre les Turcs. Sa tête, ainsi que celle d'autres victimes, fut exposée sous le porche de la Casbah.

Tout autour des portiques de la cour se remarquent des bandeaux de faïence aux jolis tons bleus, des grilles de cuivre travaillé, des portes à compartiments multicolores.

A l'étage supérieur la Bibliothèque, riche d'environ 30.000 volumes, dont un grand nombre de haute valeur. Dans les salles de lecture, divers tableaux représentant des généraux de la Conquête de l'Algérie. Citons les portraits du prince de Nemours, des maréchaux de Bourmont, Bugeaud, Saint-Arnaud, Randon, Canrobert (avec autographe); des généraux Létang, d'Arbonville, Levasseur, Bosquet, Gentil, Cavaignac, Lamoricière, Mustapha ben Ismaël, le Flô, de la Hitte; des lieutenants- généraux Négrier, Daumas, Le Pays, de Bourjolly, Bedeau; du colonel Ladmirault; du lieutenant-colonel Eynard. Mentionnons encore le portrait du capitaine de Géreaux avec inscription relatant le fait d'armes de Sidi-Brahim. A signaler, également une inscription arabe sur bois, surmontant autrefois la porte de Tazza, ville prise par les troupes que commandaient le général Baraguay-d'Hilliers et le duc d'Aumale. En voici la traduction :

"Louange à Dieu, la bénédiction et le salut soient sur l'apôtre de Dieu. Cette ville de Tazza a été relevée, bâtie et peuplée par l'Emir des Croyants, notre seigneur El- Hadj Abd-el-Kader (que Dieu l'assiste). Lorsqu'il fit son entrée, il prit Dieu à témoin de ses actes et de ses intentions; il dit : "Dieu sait bien que ceci n'est point de ma part, l'indice de longues espérances, certes, la mort est prochaine et bientôt je serai couché misérablement sous la terre. Le comble de mes voeux est d'être agréable à Dieu et de laisser après moi une oeuvre durable et utile aux hommes."
                                   "Année hégirienne 1255 (1839)
."

Citons encore deux tableaux avec autographes, don du Comte de Paris, représentant : l'un, le passage des Portes-de-Fer (18 octobre 1838); l'autre, le combat du Tenia de Mouzaïa (12 mai 1840).

Voici maintenant la Salle d'Honneur, dite "des Maréchaux" qui est en quelque sorte le sanctuaire de ces lieux. C'est là qu'ont lieu les grandes réunions, certaines cérémonies, que se donnent aussi les conférences.

Au pourtour : une galerie surélevée, bordée d'une balustrade orientale, d'un fin travail. C'est en cette partie que se tiennent, au cours des séances, le Chef du XIXème Corps, les généraux, les officiers subalternes. Une élégante coupole vitrée éclaire la salle.

Tout autour, appendus aux murs, de grands tableaux à l'huile représentant les différents gouverneurs militaires : le duc d'Aumale, Bugeaud, Randon, Lamoricière, Pélissier, etc..., puis l'Amiral Duperré, chef de la flotte de 1830. Signalons encore deux toiles : le "Passage du Guadarrama" par Napoléon, en 1808 (de Béranger) et "L'Arrivée du duc d'Aumale à Alger", en 1846, avec la physionomie ancienne du pavillon de l'Amirauté dont le balcon apparaît couvert de toilettes pittoresques de l'époque.

Des trophées d'armes, des panoplies complètent la décoration de ce magnifique Musée d'Histoire. Cette salle reçut, en 1878, le buste de Duperré. En 1880, celui du Dr Baudens (de L. Guibert). En 1876, le Ministre des Beaux-Arts lui avait envoyé les bustes de Charles X (de Ravio) et du duc d'Aumale. S'y trouvent encore, entre autres souvenirs, les bustes en marbre de Louis-Philippe (de Desprez, auteur de l'effigie du Général Foy, de la Chambre des Députés); du duc de Nemours (de A. Barré); le buste en bronze du Maréchal de Bourmont (de J. Roux).

Il faudrait encore décrire d'autres salles telles que celles de chimie, d'escrime, les logements des officiers de passage, du Trésorier du Cercle (qu'habita, en 1890, le général Roger, alors commandant), puis les bâtiments réservés à la Gérance, aux hommes de service; nous nous contenterons d'en faire mention, ayant encore à parler du passé de cette maison.

Il y eut là, pendant bien des années, de la troupe, des soldats du Génie, dans la partie supérieure, des ouvriers d'Administration dans la partie inférieure.

Les deux portes sculptées, surmontées d'inscriptions, qui donnent dans la rue Médée, correspondent aux deux casernes d'autrefois qu'on dénommait : "Médée- Supérieure" et "Médée-Inférieure".

Dans le mur extérieur de ces casernes étaient encastrées des échoppes d'artisans que l'Autorité Militaire respecta. Le morcellement de la propriété indigène a produit de nombreuses curiosités de ce genre à Alger. Nous citerons comme autre exemple : la pharmacie de l'angle des rues Philippe et Bab-el-Oued qui se trouve enclavée dans un bâtiment du Génie.

Le luxe des Casernes Médée n'était assurément pas celui du Cercle actuel. La Cour mauresque et la terrasse du bas étaient alors pavées en grès bleu. Celle-ci, dégagée aujourd'hui, était entourée d'une galerie à ogives. Le cyprès qui s'y trouve avait, à cette époque, un frère dans la Cour mauresque, non encore complantée de ficus.

Près de cette cour s'élevait une mosquée dite "d'Ali-Pacha" (voir à "Monuments Religieux Occupés"), mosquée sur l'emplacement de laquelle se trouve la Salle des Maréchaux.

Dans ces casernes, de 1859 à 1860, furent logés des soldats autrichiens faits prisonniers pendant la campagne d'Italie. Ajoutons que dans la suite, en 1870, une école religieuse ( Le collège St-Louis que dirigea l'abbé Dusserre.) fut, sous les auspices de l'Archevêque Lavigerie, installée dans une partie des locaux de l'établissement devenus vacants après le départ des troupes qu'on avait logées en,des casernes nouvelles. Ce ne fut qu'en 1878 que l'on établit là, le Cercle Militaire.
Voilà pour la période française.

A l'époque turque il y avait, en ce groupe d'édifices, deux casernes de Janissaires (déjà mentionnées) : "El-Foukania", la supérieure et "Esfelania", l'inférieure. Toutes deux étaient désignées sous le nom de "Casernes des Janissaires des Marchands de Légumes", en raison de la proximité d'un marché de produits potagers.

Les soldats de la première étaient surnommés "Daïlaren" (gens de bien). Sous le porche, nous dit Berbrugger, étaient exposés, un canon, un vaisseau en miniature et de grandes côtes que l'on attribuait à des géants païens et qui n'étaient en réalité que des côtes de cétacés. Des chaînes pendaient devant la porte. Un criminel, poursuivi qui parvenait à les saisir, s'écriant : "Cher'a illa ia soultan !" (voir "Casbah") était sauvé. Chaque caserne était en effet un lieu d'immunité. Les soldats de l'autre caserne avaient le surnom de " Jeteurs de balles d'argent" à cause de leur adresse au tir qui leur valait, à l'exercice de la cible, de nombreuses récompenses en numéraire. Ce tir s'exécutait à Rahbat-el-Fham, (Marché au Charbon), sur une élévation rasée aujourd'hui, à la place de laquelle s'élève le Théâtre Municipal.

Chacun des embellissements de ces casernes fut pompeusement célébré par l'épigraphie. Voici quelques échantillons de cette prose lapidaire dont nous devons la traduction à M. le professeur Colin.

Pour la construction d'une porte à la caserne supérieure par le Pacha Mustapha, gouverneur en 1595 :

"Que Dieu comble en tous temps le désir de Mustapha-Pacha, le fasse parvenir à son but. Il a construit une porte pour les guerriers de la religion. Il n'est rien de semblable pour offrir un sujet d'admiration si parfait. Une voix mystérieuse a dit : "Allons regarde, toi qui demandes quelle est la date. Le nom de celle-ci est : Porte de l'Assistance de Dieu !" (chonogramme).
(
Pour la création d'une fontaine :

"L'abondance de cette fontaine est due à Ali-Pacha, O notre Maitre, fais que ses efforts soient l'objet des éloges ! Bois de son eau et lis la date. Une boisson pure rend la vie agréable." 1174 (1760-61).
Ces inscriptions ont été déposées au Musée d'Alger.

Les deux suivantes sont encore en place, rue Médée, au-dessus des portes d'entrée.

Caserne du bas :

"La construction d'une maison, au nombre des plus belles, a été achevée avec bonheur et prospérité par les nobles soldats à l'époque de l'obtention des désirs, sous le règne de notre Maitre Mourad (Amurat IV sultan de Constantinople) au temps du Pacha Hassein - puisse-t-il avoir toujours les deux mains ouvertes (pour faire le bien) - et par les soins de Mousa l'Yasriy l'Andalousy l'Himyary, en trente et mil et sept (1728). Tant qu'Alger durera, les soldats l'habiteront !"

Cet architecte Mousa était un réfugié andalou, qui bâtit plusieurs monuments à Alger. La dénomination d'Himyary indique que sa famille était originaire de l'Arabie Heureuse (Colin).

La caserne du haut fut rebâtie dix ans plus tard par son fils. Voici la traduction de l'inscription de la porte d'entrée :

"Cette construction florissante a été terminée par autorisation de la milice victorieuse, sous le gouvernement de notre maître auguste, l'illustre Pacha Abou l'Hasan Aly, représentant de notre maître padi schah (que Dieu perpétue pour nous son règne dans la joie), par les soins du fidèle sieur Aly, fils du sieur Mousa, le constructeur - dans les premiers jours du mois de Rebi lawwel de l'année parfaite sept et quarante et mil (1738)."

Les casernes, rappelons-le, étaient au nombre de sept à Alger. Chacune contenait environ 600 hommes. Les janissaires recrutés, pour la plupart, en Asie-Mineure, atteignirent et dépassèrent le nombre de 6.000. Ils n'étaient plus que 4.000 en 1830.