
          
          
          
          
 
        
         Le gros de la troupe qui doit tourner 
          ici les grandes scènes de plein air du film «. Golgotha 
          » est arrivé avant-hier à Alger, où- le réalisateur 
          M. Julien Duvivier se trouvait déjà depuis quelques jours, 
          pour mettre au point les derniers détails de la mise en scène.
          
          Il s'agit en l'espèce d'une oeuvre de très grande envergure 
          qui nécessitera le chiffre impressionnant de quatre mille figurants 
          indigènes, pour lesquels un véritable petit village est 
          en voie d'édification ; les artistes sont au nombre de deux cents 
          dont une centaine ont été engagés sur place, quant 
          aux décors dans lesquels évoluera cette véritable 
          armée, les photos que nous en publions aujourd'hui ne, peuvent 
          en donner qu'une idée très atténuée.
          
          Ils représentent dans leur ensemble les remparts de Jérusalem. 
          On y trouve au nord la porte de Sion ; à l'est, les immenses 
          locaux du corps de garde, à l'ouest, la porte d'Ephraïm, 
          au sud, le temple. Ils sont dûs à M. Perrler et fébrilement 
          édifiés par une multitude d'ouvriers de tous corps de 
          métiers sous la direction de MM. Landart, entrepreneur général 
          et Chetaille, directeur du boisage.
          
          En attendant qu'ils soient terminés, ce qui demandera encore 
          quelques jours, M. Julien Duvivier commencera aujourd'hui à réaliser 
          dans la Casbah les scènes de rues de la ville sainte.
          
          Nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs au courant de la marche 
          de cette formidable entreprise qui mérite les plus fervents encouragements 
          et pour lesquels M. Julien Duvivier et ses collaborateurs doivent être 
          chaleureusement félicités, car elle réalise enfin 
          pratiquement et de magnifique façon le désir de tous les 
          Algériens : faire de notre pays « le premier studio du 
          monde »
        F. Berlin. 
        
        
        
        Le Christ chasse les marchands du temple
           Excusez-moi, me dit le Christ de cette voix douce à laquelle 
          il s'est habitué depuis qu'il joue ce rôle  car le 
          Christ c'est Le Vigan  qui s'éloigne d'une démarche 
          lente et noble dans sa lévite de gros lainage bis, les épaules 
          couvertes d'un mantelet de bure brune. serrant sur la poitrine une petite 
          glace ronde et un peigne de galalith verte qui lui servent à 
          rétablir l'ordonnance de sa coiffure blonde.
          
          C'est ici la campagne d'Alger : des oliviers, des cyprès, des 
          terres roses sur lesquelles l'herbe met des fraicheurs vertes ; là-bas. 
          sur l'azur pur de cette idéale matinée d'hiver, les monts 
          translucides de l'Atlas mitidjien découpent leurs masses familières...
          
          La campagne d'Alger ? Non, mais bien un coin de Palestine.
          
          Ne voilà-t-il pas devant moi la porte de Sion, le parvis des 
          Gentils et la haute et lourde porte du Temple de Jérusalem ?...
           Tout le monde dans le décor ! clame la gueule noire d'un 
          haut-parleur qui retransmet les ordres que Duvivier. perché au 
          faite d'un praticable, tout là haut. sur une plateforme dressée 
          à dix mètres du sol, confie au micro.
           Il me faut du monde partout, un grand mouvement doit se produire 
          à l'entrée du Christ sur la gauche...
          
          Au milieu de la place, deux mille indigènes. des Kabyles qu'on 
          a été spécialement quérir dans les montagnes 
          s'agitent. Ils sont tels qu'on les a trouvés dans leurs villages. 
          Pourquoi les aurait-on vêtus d'un autre costume ? Leur burnous 
          au capuchon pointu. n'est-il pas semblable à celui des Arabes 
          qui peuplaient les rues de Jérusalem à l'époque 
          d'Auguste, sous le règne d'Hérode, roi des Juifs ? Leurs 
          figures couleur de tabac ou de brique n'ont pas besoin des soins du 
          maquilleur, mais...
           Bon sang, hurle Duvivier, qui s'agite, qu'on fasse sortir ce 
          type en béret basque et qu'on enlève les parapluies.
          
          C'est qu'il y a là, dans cette cohue, des masses de parapluies 
          que leurs propriétaires ne veulent plus lâcher, de peur 
          de ne jamais les retrouver !!!
          
          Lentement, dans la masse grise des burnous, s'incorporent cinq ou six 
          cents marchands juifs, aux lévites bariolées, des caravaniers 
          persans. enfants, femmes et des gardes du Temple.
          
          Un troupeau de chameaux, des bandes de petits ânes, traversent 
          la place...
           Attention, on répète pour la dernière fois. 
          Le haut-parleur retransmet alors en kabyle  c'est un interprète 
          qui parle  les ultimes instructions.
          
          Un dernier coup d'oeil ; le cameraman, qui est placé au sommet 
          des remparts. fait signe qu'il est prêt.
           Moteurs, crie Duvivier, on tourne...
          
          Et brusquement le merveilleux se réalise. La foule s'anime. Les 
          propos sont interrompus. les marchandages arrêtés. On se 
          précipite, on se bouscule. Des cris, des acclamations, des huées 
          s'élèvent et grondent. La foule se précipite vers 
          le portique.
          
          Jésus est là, déchaîné, faisant sauter 
          d'une main qui pour la première fois se ferme en poing pour frapper, 
          les tables où les changeurs entassent leur argent. Une sainte 
          fureur l'anime.
          
          Les marchands quittent leurs éventaires où sont empilés 
          des gargoulettes, des amphores, des cuivres ouvragés, des tapis 
          et des tissus.
          
          Des pigeons s'envolent, montant d'un vol rapide dans l'azur, les poulets 
          et les poules s'égaillen tentre les jambes des Arabes.... 
           Cessez... Cessez.... crie Duvivier, Un coup de sifflet strident 
          retentit qui arrète net le tumulte.
           Allons, c'est bon, déclare Duvivier, passons à 
          un autre plan et le voilà qui lestement, descend de sa plateforme.
          
          La camera suit le même chemin.
          Et l'on s'installe cette fois, dans le vestibule du temple, pour prendre 
          de face, l'arrivée du Christ, qui ayant chassé les marchands, 
          parvient au sommet des degrés donnant acc"s à la 
          grande porte.
          
          BAVARDAGES.
          Les machinistes et les électriciens s'affairent ; ils déplacent 
          les micros transportent les cables des haut-parleurs.
          Pendant ce temps, on bavarde. Le Christ s'extasie sur la douceur de 
          l'air, sur la beauté de la lumière.
           Nous méritons bien ça, déclare Duvivier. 
          Nous avons eu assez de pluie ces jours derniers.
          Le réalisateur de « Golgotha » exprime franchement 
          sa satisfaction et ajoute :
           Si c'était tous les jours ainsi ! Car ce n'est pas tous 
          les jours ainsi. Un jour le temps boude, l'autre la figuration se montre 
          rebelle et ne sait rien exécuter des ordres qu'elle reçoit...
          En bavardant, nous sortons du décor. Voici, près du camion 
          d'enregistrement sonore, « l'homme du son » qui, à 
          son banc d'écoute règle tous les bruits montant dans le 
          décor ; voici, désert maintenant, un coin de l'Antonia. 
          quartier de Jérusalem où furent tournées der scènes 
          importantes. Voici des charpentiers qui édifient un petit décor 
          sous la direction d'André Roux, le précieux ....(suite 
          sur l'article de journal)