Alger , ses cinémas
par Alfred Langlois : Les cinémas de Bab El Oued
sur site le 8-04-2003
, ....paru, ensuite, dans "l'Algérianiste" , n° 110, juin 2005

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-----Nous pouvons commencer par la liste de ces établissements du faubourg le plus populaire d’Alger, fanfaron « que je suis ».

-----Tout d’abord, à tout seigneur, tout honneur, le MAJESTIC . Cet établissement, le plus grand du quartier, de la ville, et même d’Afrique du Nord, se situait rue Borélie La Sapie, à l’angle du square Nelson. A l’époque nous disions qu’il disposait de cinq mille places (je ne peux confirmer ce chiffre, si certains en savent plus ils peuvent rectifier) ; de toute évidence il était d’une très grande capacité.

-----Preuve en est donnée que les amateurs de « ciné » qui n’avaient pas pris soin d’acheter leur place à l’avance pour se rendre dans une autre salle de la ville, devaient toujours se rabattre sur le Majestic, surtout aux séances du samedi soir et à la deuxième du dimanche après midi, séances les plus courues. Nous pouvons ajouter que ce lieu accueillait également des spectacles de music hall et nombre de chanteurs métropolitains se sont produits sur sa scène , entre autre Sacha Distel (il se disait d’ailleurs que le public d’Alger était connaisseur et que l’artiste qui y avait du succès, était assuré d’en avoir dans les autres villes, la remarque était également vraie pour l’Opéra et surtout pour les opérettes jouées au théâtre du square Bresson).

-----Le suivant se nommait le MARIGNAN , situé avenue Durando, à deux pas de l’avenue de la Bouzaréa, presque en face du petit escalier reliant ces deux voies, escalier au bord duquel « sévissait » un fameux vendeur de brochettes et de « loubia », établissement où la «gentrie » des beaux quartiers venait s’encanailler les soirs d’été (nous ne disions pas « gentrie » mais « gentes bonnes »). Cet établissement fut le premier à Alger à proposer les films en « cinémascope » sur un écran gigantesque, avec un son stéréo évidemment .C’était, sans contexte, le plus beau des cinémas du faubourg mais aussi le plus cossu.

-----Voici le TRIANON, lequel, comme son nom le sous-entend, était, je pense, le plus « mignon » tant par l’agencement de sa salle, relativement petite, mais très bien décorée, et dotée de fauteuils confortables ainsi que d’une bonne visibilité. Situé avenue de la Bouzaréa, presque en face de la sortie de la rue Rosetti sur la dite avenue, il fut hélas déclassé et transformé en un magasin Monoprix.

-----Il me faut accorder une attention toute particulière au RIALTO cela pour plusieurs raisons : tout d’abord pour sa situation place Dutertre , en haut de la Basseta. Ensuite pour sa popularité dans le quartier, et, enfin, parce-que c’était le cinéma de ma petite enfance, celui où ma mère nous accompagnait, le jeudi après midi , mon frère et moi, ainsi qu’une demi-douzaine de garnements de la rue Léon Roches. Ah! les films de Zorro à épisodes, cela « coupait » juste avant que le train « y l’écrase », les films de Tomix avec son cheval blanc, celui Du Dernier Des Fédérés avec son célèbre cri « ailloume si ounbé » que nous reprenions pendant nos « cavalcades » sur la montagnette. N’oublions pas les séances comiques avec les fabuleux Bud Abbot et Lou Costello, les Marx Brothers et Laurel et Hardy, bien sur ! Une spectatrice assidue de ce lieu se nommait Mme Journeau et son postérieur était si large, qu’elle occupait deux places spécialement aménagées (j’ignore, encore aujourd’hui, si elle payait double).

-----Non, ce n’est pas encore terminé ! Nous allons, maintenant, évoquer les autres salles.
-----Le SUFFREN qui comme son nom le laisse entendre, se trouvait tout simplement rue Suffren, à deux pas de la base de l’escalier descendant de l’avenue Général Verneau, et, presque au départ de la rue Montaigne ( en face se trouvait le consistoire israélite). Il est évident que dans cette salle étaient également projetés le même genre de films déjà évoqués et d’autres, sans doute, mais la mémoire des enfants étant plus ou moins sélective, je me souviens surtout de ceux qui nous captivaient le plus : « les cow boys » et « les rigolos », suivant nos expressions de l’époque. D’après mes souvenirs le nom précédent de ce cinéma était le PALACE.

----Voilà venir le BIJOU, un peu particulier, lui aussi, pour mon frère et moi, pour deux raisons essentielles. La première réside dans le fait qu’il se situait rue Rosetti (perpendiculaire entre la rue Montaigne et l’avenue de la Bouzaréa) où résidait la sœur de notre mère, Marie, concierge au 3 de la dite rue Rosetti. Cette situation privilégiée faisait qu’avec l’amabilité de Monsieur Siari (propriétaire de la salle) nous avions un accès permanent et gratuit aux séances. La seconde, hélas, a été moins profitable, en effet, je ne sais si c’est à la suite d’une vente, mais, l’établissement changea de nom, « le LYNX », mais surtout de programmes et de clientèle (je ne m’étendrais pas sur le sujet mais il devint un deuxième Donyazad.)
-----Le seul avantage que nous en avons eu, fut de pouvoir acquérir à bas prix nombre « d’illustrés » de l’époque tels que les Mandrake, Jim Taureau, Vaillant, Pieds Nickelés et autre Fantôme du Bengale, que les petits vendeurs à la sauvette proposaient au cri de « em tabet, em tabet ». A signaler que dans la cave d’un des immeubles de la rue répétait l’Orphéon Espagnol dont faisait partie, je crois savoir, notre chère Madame Vilalonga, à ses débuts (sans garantie « du gouvernement », comme nous disions à l’époque.)

-----Il me semble qu’un des cinémas de BEO s’appelait l’EDEN, mais je ne m’en souviens plus et je n’arrive même pas à le situer, peut-être est-ce un de ceux qui ont changé de nom ? En y réfléchissant à deux fois, je crois qu’à l’origine c’était Le Suffren (ex Palace.)

-----Le cinéma la PERLE, lui, se trouvait, si mes souvenirs sont exacts, rue Livingstone ou Vasco de Gama, en face de l’usine de tabacs Bastos, je confonds, peut-être, avec le suivant.

-----Enfin, le dernier, avenue Général Verneau, un peu plus haut que la place Desaix, se nommait le PLAZA. Il se situait pratiquement au-dessus du Suffren, dans la partie haute de l’escalier déjà cité ; à moins que ce ne soit La Perle, et vice versa. Ces souvenirs datent de plus de cinquante ans ! et l’outrage du temps a fait son œuvre en remplissant quelques cases de ma « cabote » d’un peu de calentita.

-----Bien sur ils nous arrivaient, parfois d’aller « en ville » pour assister à des séances, mais un peu plus tard, dans notre adolescence, et pas souvent. En effet, il fallait, en plus de la place de « ciné », acquitter le prix du tram ou du trolley, ce qui n’était pas dans nos moyens de « piolards » (fauchés), ou « se taper la caille à pied », autrement dit « pédibus gambus ».

-----Je citerai quelques établissements comme Le Versailles, Le Musset, l’ABC, Le Régent, Le Paris, Le Club, Le Roxy, L’Empire (très grand, lui aussi), Le Debussy, Le Vox le Casino Music Hall, l’Aletti, etc…etc…Ceux qui se souviennent compléteront !

Henri BAPCERES, août 2011 : " Le MON CINÉ se trouvait rue Rochambeau à Bab-el-Oued.";