L' ÉMIGRATION BRETONNE EN ALGÉRIE
Peu nombreux sur le sol algérien, les bretons s'y
fixèrent pourtant très tôt. Leur présence est
mentionnée dès 1829... Il est vrai qu'ils n'y étaient pas venus volontairement et que c'est à l'intervention du Consul de Sardaigne qu'ils durent une liberté accordée certainement de mauvais gré par le bey

Extrait de la revue du gamt, n°67, 1999/3...adhérez..
.sur site le 6-4-2003

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-----Peu nombreux sur le sol algérien, les bretons s'y fixèrent pourtant très tôt. Leur présence est mentionnée dès 1829... Il est vrai qu'ils n'y étaient pas venus volontairement et que c'est à l'intervention du Consul de Sardaigne qu'ils durent une liberté accordée certainement de mauvais gré par le bey... Le capitaine Pierre Mathurin JAFFRAIN et le matelot Jean BRIEN de St Brieuc étaient à bord de "l'amitié" le 29 août 1828 lorsqu'ils furent capturés par les barbaresques, de même que l'officier en 2nd du brick "la Marie Joséphine", Isidore MONGE de St Nazaire.
-----Le débarquement de Sidi-Ferruch vint heureusement mettre un terme à ces actes de piraterie.
-----A côté de ceux-ci, il faut faire place aux fonctionnaires, bien que pour eux, on ne puisse à proprement parler de peuplement ou de colonisation.
-----Un des notables est le Vannetais Barthélémi-AngeXavier GUILLO-DUBEDAN qui fut un des 1"5 procureurs généraux de la jeune cour d'appel d'Alger, créée par ordonnance royale du 28 février 1841. Installé en 1843, il quitta cette cour en 1845.
-----Dans les grandes villes comme Alger et Oran, on dut certainement voir se fixer de nombreux compatriotes. L'un d'entre eux, le Pontivien LEGOGAL de Toulgouet, probablement le petit-fils de l'ancien député au conseil des Cinq Cents, exerça une profession libérale et fit paraître dans "l'Echo d'Oran" du 1" septembre 1849, une annonce indiquant qu'il est établi comme "défenseur" près les Tribunaux.
-----Le problème de la colonisation, à partir d'éléments bretons, fut donc envisagé très tôt. Beaucoup cependant voyaient l'Algérie comme une sorte d'Eden, permettant de vivre sans rien faire... il fallait les désabuser !
-----C'est ainsi qu'un sieur GUILLET, jardinier et père de 9 enfants, qui avait demandé des terres, renonça à son projet en juin 1831...
-----On peut situer à 1841 les premiers essais de colonisation officielle : des concessions furent en effet offertes à Blida et Cherchell. La journée d'ouvrier y était payée de 1 F 50 F à 5 F suivant la spécialité.
-----Mais, malgré la publicité faite par les Préfets dans les Mairies, les résultats restaient très maigres... Quelques-uns partirent pourtant.
-----En 1842, un avocat de Dol, LEMERCIER, monta une exploitation dans la plaine de la Mitidja, mais, ayant fait de mauvaises affaires, il revint à Dol un an plus tard.
-----C'est pourtant à lui que nous devons un des 1er plans bretons de colonisation.
-----Les deux seuls départs relevés entre janvier 1842 et juin 1844 pour 41 communes d'Ille-et-Vilaine, furent
------ Pierre QUINTON, serrurier et célibataire,
------ Le sieur BELAIS, boulanger, marié, père de famille qui reçurent un passage gratuit.
-----Deux autres candidats, dont un certain Guillaume FRANÇOIS, renoncèrent au voyage...
-----En juin 1844, deux habitants de MESSAC (Redon), décidèrent de s'associer pour exploiter une concession
------ Denis VICTOR, 39 ans, originaire de GUIPRY, pharmacien et agriculteur, qui possédait un capital de 1200 F
------ et Modeste GELOUX, 34 ans, agriculteur et boucher. On ignore s'ils obtinrent satisfaction.

-----En septembre 1846, est signalé un Rennais, le sieur Henri MANCEL fils, qui part pour Alger, mais non comme colon.
Dans le Morbihan, un seul Lorientais nommé Germain LE MEUR partit...
-----A la veille de l'Empire, l'élément breton était donc pratiquement inexistant en Algérie. Cette situation allait heureusement se modifier à la suite du décret du 19 septembre 1848, instituant des colonies agricoles.
-----On signale le départ de 18 familles de Pleubian en 1850.
-----Au congrès de l'Union Bretonne, tenu à St Brieuc en 1852, un projet élaboré par les frères de BOUREL RONCIERE fut adopté.
-----Plusieurs personnalités de haut rang furent commanditaires dans la fondation d'une société.
-----Les conditions d'attribution étaient les mêmes que pour les autres candidats au départ : chaque famille devait posséder un capital d'au moins 1 000 F pour ses frais de 1ère installation, elle devait se rendre à Marseille par ses propres moyens, sauf en cas d'indigence constatée. Au village, elle recevait une maison habitable, un petit jardin et un lot de terres de 8/10 ha.
-----Ces efforts furent vains car les candidats étaient peu nombreux.
-----Une autre forme de colonisation fut tentée avec semble-t-il plus de succès, à la même époque.
-----Le colon et administrateur Jules DUPRE, établi à ARBAL (commune de St Maur - Oran) fit venir 50 vaches bretonnes dont il céda 40 à son ami de MONTIGNY, un autre propriétaire au domaine de St Joseph près d'Oran.
... Les animaux périrent et en 1838, il ne subsistait plus que 3 têtes...
-----En 1854, s'est installé Joseph LEGODEC, rejoint par son père Yves, à HELIOPOLIS. Ils y étaient toujours en 1871...
-----Vint ensuite François LE CLOIREC, dont les héritiers reçurent sa terre en 1864...
-----En 1855, à JEMMAPES, près de Philippeville, un lointain Ambroise CADIC reçût une concession.
-----En décembre, on relève le décès d'un certain Rolland LE CHEVANTON, originaire des Côtes du Nord.
-----En juin 1856, un passage avec secours de route est accordé au sieur SEMELTZER Jacques et son épouse, colons à Jemmapes (ils ne semblent pas originaires de l'ouest ?).
-----En 1863, Hemery GUILLAIN, 24 ans, part de St JeanLapoterie (destination non précisée).
-----En 1864 et 65 : aucun départ pour l'Afrique du Nord. En 1866, un sieur PRIZET demande à partir. Il travaille aux gorges d'HENNEBONT mais vient de Haute Savoie...
-----En 1869, un gros effort de publicité fut à nouveau entrepris. Le village de CONDE-SMENDOU situé sur la ligne de chemin de fer de Philippeville à Constantine était réservé aux agriculteurs originaires de l'ouest et du centre, mais "ayant certaines ressources", les lots de terre leur étant vendus entre 20 et 25 F l'ha, payables en 5 ans et exonérés d'impôts...
-----Un seul candidat se manifesta, François BROHAN, ancien militaire au 48è de ligne et garçon meunier, mais cette demande reçut un avis défavorable...

-----La même année, une dame LEGAL désirait rejoindre son mari, caporal infirmier à GERYVILLE. Le Préfet jugea plus simple de faire revenir le mari.
-----Hippolythe BESQUEVT est signalé établi au HAMMA (départ de Constantine) avant 1870.
-----A partir de 1872, on note les demandes de départ de
------ Jean THEBAUD, 32 ans, pour Philippeville
------ Gabriel REBUFFE, 41 ans, pour Philippeville
------ Marie-Françoise HUCHET, 17 ans, part rejoindre son frère à PONTEBA (près d'Orléansville)
------ Jean MADELEINE pour SERAGHNA (Département de Constantine)
------ Jean-Marie-Louis MARTIN pour GRAREM (Départ. de Constantine)
-----Louis DERINDINGER, alsacien, établi à LORIENT, François CRUSSON, 29 ans, Jean-Louis AMICE, 30 ans,
destination non indiquée
------ Un certain LEROUX travaillant à BISKRA, fait venir son épouse née Mathurine KERNEUR
------ Joseph-Alphonse-Victorien RIPERT part pour COLLO
------ Michel SCHLAFER, lorientais, rejoint avec femme et enfants son beau-frère à TLEMCEN
------ Le nommé VOISIN, chef de bataillon en retraite, est établi Maire d'AIN-MELOUK et fait venir son cousin LouisMarie BURLOT
------ Le serrurier KERMABON et son ouvrier Louis DEPORTE sont à HUSSEIN-DEY
------ Florent LEBUT et son épouse partent rejoindre leur fils, chauffeur sur la ligne de chemin de fer BONE-GUELMA
------ César FLEURY, cultivateur à Dol, demande une concession dans le Constantinois
------ François-Marie BRAJEIL et Le sieur BELLIER partent pour la région d'Alger
------ Le sieur ASTIER part pour Oran
------ Joseph-Marie ROSLAIS, Jean MARTIN, Jean GAILLARD, demandent des concessions pour l'Algérie...(?)
- -----Pierre THOMAS part à PONT de l'ISSER (Oranie)
------ J. Baptiste GEFFROY et 6 enfants, Joseph BEZIERS et 2 enfants, voient leur demande rejetée
------ Hyacinthe EVONO, Yves KERGUEN, Jean-Louis MERLET, Jean Marie HUET, Guillaume MARIE, sollicitent des passages
------ Joseph-Mathurin LADURE désire partir à LE TARF (La Calle)
------ Alfred GAUDER part pour Alger
------ François ROUSSEL se voit refuser une concession pour TURENNE n'ayant pas la somme de 6 000 F demandée.


-----A noter cependant que rien n'indique que pour la plupart de ces candidats, la demande fut accordée ou non. Sontils finalement partis ?
-----Toujours pas grand succès pour cette émigration... et signalons en plus que les déportations politiques furent sans influence sur le plan de ce département.
-----A partir de 1870, les essais de peuplement prirent une nouvelle orientation : le Breton étant né marin et pêcheur, trouverait facilement des emplacements rêvés pour la pêche sur les côtes algériennes.
-----On aménagea le port d'HERBILLON, près de Bône, et on y fit venir des familles. Malheureusement, elles ne réussirent pas à s'acclimater et il fallut les rapatrier !
-----L'initiative privée devait être plus féconde dans la région de STORA (près de Philippeville). Un des 1ers industriels qui vint s'y fixer est le fondateur de la Maison de conserves "Frédéric DELERY", inventeur de la "sardine à l'huile sans arêtes".
-----Le 13 octobre 1873, il demande un passage gratuit et secours de route pour 10 ouvriers ferblantiers : Louis LEMOINE, Louis LEGOFF, Pierre Marie JACOB, Jean QUELLENEC, Auguste GAGNAN, Louis RAISON, Jules CORINDON, Constant PECOURT et les frères Louis et François RIO.
-----Il renouvelle sa demande en octobre 1875, emmenant avec lui, outre les frères RIO, Louis GUINAL, Auguste et Joseph HUET, Eugène BOULAIN, Louis JOSSO, François GUENAL, Jean BRIELLEC et Louis CARIOU.
-----Mais il s'avéra que ces divers ouvriers travaillaient avec M. DELORY à LORIENT, et l'accompagnaient ensuite à STORA suivant les périodes de pêche !...
-----Le Préfet du Morbihan ordonna de faire cesser "cette spéculation d'un industriel" et la demande fut renouvelée sans succès en 1876.
-----Aucun de ces ouvriers ne semble d'ailleurs s'être fixé définitivement en Algérie...
(à suivre)

Madiana DELAYE-LASTRAJOLI


Source : Les Cahiers de l'Iroise 1958. D'après un article de J.L. DEBAUVE "Essai sur le peuplement breton de l'Algérie au XIXè siècle. "