>

sur site le 11-04-2003
-Les transportés en Algérie de décembre 1851
gamt, n°41, 1993/1...adhérez !.

49 Ko / 14 s
retour
 

-----En 1850, de Perpignan à Toulon, deux partis sont en présence, légitimiste et clérical d'une part, républicain et révolutionnaire d'autre part. La révolution de 1848 a réveillé les vieilles haines, le fanatisme religieux envenime les luttes politiques.

-----
La société secrète des Montagnards couvre tout le Midi. Elle s'est organisée clandestinement dès 1850 pour faire face à un coup d'Etat, en se dissimulant sous la forme d'associations de secours mutuel. Les affidés sont reçus au cours d'un cérémonial emprunté aux anciennes sociétés secrètes et jurent de défendre la république par les armes. Le nombre de 15 000 affidés, sans doute exagéré, montre l'importance du mouvement dans l'Hérault. Il signifie aussi que l'autorité peut y entretenir des agents dans toutes les villes importantes.

-----
Le 2 Décembre 1851, le président Louis Napoléon BONAPARTE dissout l'assemblée nationale, rétablit le suffrage universel et décrète l'état de siège dans la région parisienne. II fait arrêter les députés républicains et royalistes qui protestent.

-----
Le 3 décembre, le télégraphe porte en province la nouvelle des événements de Paris. Ils ne prennent pas les républicains au dépourvu et ceux-ci organisent aussitôt la résistance. Celle-ci sera particulièrement opiniâtre dans les départements occitans et l'Hérault est l'un de ceux où elle se manifeste avec le plus de force, essentiellement. dans le Biterrois et le Saint Ponçais. Dès le 3 décembre en effet, 200 arrestations préventives sont effectuées à Montpellier. La ville et la moitié est du département resteront calmes. A l'ouest, par contre, la levée populaire est puissante et se traduit par des rassemblements et affrontements armés
------ à Béziers, le chef des Montagnards décide de résister et envoie des émissaires dans tout le Biterrois. Le 4 décembre, à 6 h du matin, 4 000 hommes sont rassemblés, habitants de la ville, paysans et ouvriers de la campagne. Une délégation somme, sans succès, le Préfet de démissionner. Le lendemain, une colonne d'insurgés marche sur la souspréfecture. La troupe ouvre le feu. Le nombre des victimes civiles et militaires, s'élève à 70 dont une dizaine de morts ;
------à Pézenas, agitation, brutalités, assassinat d'un propriétaire ;
------à Capestang, plusieurs gendarmes sont blessés, le curé est assassiné ; les républicains tiennent la ville jusqu'au 10 décembre ;
------à Bédarieux, la gendarmerie est attaquée et incendiée, 3 gendarmes, plusieurs civils sont tués. Le 5 décembre, l'état de siège est proclamé dans l'Hérault. "Tout individu pris construisant ou défendant une barricade ou des armes à la main sera fusillé sur le champ." L'ouverture du feu est autorisée sur les fuyards.

-----Le 10 décembre, une colonne mobile rétablit la légalité à Bédarieux et Capestang. Des arrestations massives sont opérées. Avec 3 023 arrestations, l'Hérault est, après la Seine et le Var, le département où elles sont les plus nombreuses.

-----Le gouvernement institue immédiatement des commissions militaires à Montpellier et Béziers pour faire le tri des insurgés, informer et statuer en distinguant
-----1° catégorie : cas graves, individus à traduire devant un conseil de guerre pour avoir pris une part active à l'insurrection;
-----2° catégorie : tous les autres cas, classés entre les plus coupables (1° classe) et les moins coupables (2° classe). Les travaux des commissions militaires sont transmis à la commission mixte supérieure de l'Hérault où siègent le général commandant la division, le Préfet et le procureur.

-----Si la répression est sans indulgence, elle est rapidement tempérée par le gouvernement. Dès janvier 1852, une circulaire de Persigny, ministre de l'intérieur, invite les préfets à la mansuétude : "s'il existe parmi les insurgés de décembre de ces hommes pervers et dangereux dont il importe de débarrasser le pays, les autres sont pour la plupart de malheureux ouvriers ou habitants des campagnes qui n'ont été entraînés à la révolte que par faiblesse ou ignorance... Une telle situation a ému le prince président et en conséquence, il me charge de vous transmettre les pouvoirs nécessaires pour faire sortir immédiatement de prison et rendre à leurs familles tous ceux des détenus que vous jugerez n'avoir été qu'égarés et dont la mise en liberté ne peut offrir de danger pour la société."

-----Le préfet de l"Hérault fait ainsi libérer 360 internés, ramenant à 2663 le nombre des prisonniers ou contumaces.

-----Ceux-ci passent devant les commissions entre le 5 Février et le 10 Avril 1852.
-------------97 (dont 20 contumaces) sont renvoyés devant les conseils de guerre.
-------------10 (dont 2 contumaces) sont condamnés à la transportation à Cayenne.
-------------1574 (dont 280 contumaces) sont condamnés à la transportation en Algérie.
-------------37 (dont 6 contumaces) sont expulsés de France.
-------------9 (dont 2 contumaces) sont condamnés à l'éloignement momentané du territoire.
-------------42 (dont 3 contumaces) sont condamnés à l'internement avec obligation de résider.
-------------15 sont renvoyés en police correctionnelle.
-------------879 sont libérés dont 327 placés sous surveillance de la police.

-------------Pour les condamnés à la transportation en Algérie, les choses ne traînent pas. Le premier convoi de détenus politiques de l'Hérault est rassemblé à Sète le 25 février 1852 et embarque sur l'aviso à vapeur le Dauphin à destination d'Alger, via Toulon, où il arrive le 29, les prisonniers étant dirigés sur Birkadem. Les 133 prisonniers de ce premier convoi proviennent
- des prisons de Béziers et Fort Brescan pour 42 d'entre eux. Ils ont été acheminés sur Sète, via Agde sous escorte militaire par le bateau poste du canal du Midi.
- des prisons de Lodève et Aniane pour 47. Ils ont rejoint Montpellier le 24 en voitures réquisitionnées et à pied, escortés par un détachement d'infanterie. Le 25 matin, ils ont rejoint Sète par chemin de fer.
- de la prison de Montpellier pour 14. Ils se sont joints au détachement de Lodève.
- du fort St Pierre à Sète pour 30.

----- Les conditions de déplacement des prisonniers, variables selon le moment et le lieu, sont parfois sévères, enchaînés 3 par 3 par le cou et sur le bateau attachés 2 par 2 par le poignet.

-----En mars, avril, mai, les embarquements se poursuivent

-----Le Grandeur embarque 211 détenus le 19 mars, à destination d'Alger
-----L'Eclaireur 196 détenus (dont 72 du Gers) le 23 mars à destination d'Alger,
-----Le Grandeur 222 (dont 51 du Gers) le 25 mars à destination d'Alger,
L'Eclaireur 174 (dont 64 de Toulouse) le 11 avril à destination de Bône,
-----Le Requin 207 (Aude, Pyrénées Orientales, Lot, Tarn etc...) le 12 avril à destination d'Alger,
-----L'Eclaireur 158 le 26 avril à destination de Bône
-----Le Requin 218 le 26 avril à destination dé Bône,
-----L'Eclaireur 160 le 8 mai à destination de Bône.

-----Pendant cette période l'aviso à vapeur le Grandeur est commandé par le Lieutenant de vaisseau de la Gueranière avec un équipage de 78 hommes. L'Éclaireur est commandé par le capitaine de frégate de Dampierre d'Hornay avec un équipage de 90 hommes.

-----A leur arrivée, les transportés sont placés dans des camps militaires à Birkadem, Douéra, Maison Carrée, à la casbah de Bône.

-----Des cultivateurs ou exerçant une profession annexe sont envoyés à Bourkika et peupleront ensuite Ain Benian et Ain Sultan.

-----La règle à leur appliquer est définie par le Moniteur algérien : "Les transportés seront employés à des travaux agricoles, et aux industries qui s'y rattachent. Ils recevront une rétribution journalière sur laquelle seront imputées les prestations qui leur seront fournies et auront leur part dans les produits. Ils pourront ultérieurement, si leur conduite est bonne, devenir concessionnaires et appeler leur famille auprès d'eux.
-----Ceux qui auraient des ressources suffisantes pour employer le travail d'autrui, pourront, avec l'autorisation du ministre, obtenir de diriger à leurs frais et à leur profit une exploitation particulière dans le lieu qui leur sera assigné pour résidence.
-----Enfin on emploiera généralement aux travaux publics, moyennant salaire à la tâche, les transportés qui n'auront pu être classés dans la catégorie des villageois e n'auront pas mérité une exploitation particulière.
-----L'administration traitera les transportés avec humanité sans se départir de sa prudence.»

-
---D'après les correspondances, il apparaît que le transportés de l'Hérault ont séjourné à Alger, Cherchell, Birkadem, Douéra, Médéah, Ain Benian, Ain Sultan, Bourkika, Guelaat Bou Sba, Marengo, Tlemcen, Dellys, Constantine, Guelma, etc...

-----Les récalcitrants ou les transportés refusant de tra vailler semblent avoir été internés au fort de Bab Azoun Alger, au fort de l'Est à Mostaganem, à la casbah de Bône et la colonie pénitencière de Lambèse, créée à cette époque pos la mien valeur de 2 500 hectares de terres.

---Les conditions de vie des transportés varient selon le lieu de séjour et le comportement de l'autorité militaire locale. Elles sont toujours difficiles et rudes et la mortalité et élevée. Néanmoins, très rapidement, les transportés sont invités à faire leur soumission à l'autorité et à demander leu grâce à l'Empereur. En juillet 1853, sur les 2 663 condamné de l'Hérault, 1 201 ont été graciés, 297 ont vu leur peine commuée en surveillance et 44 en internement ; la plupart de ces mesures touchant les transportés d'Algérie.

-----Les correspondances administratives des année 1853 à 1858 montrent que la situation des transportés s'es normalisée ; les uns sont autorisés à venir en France pou "régler des affaires d'intérêt" ou "pour raisons de santé' ("prendre les eaux à Lamalou" ou "les bains à Balaruc") d'autres se sont créé des ressources en Algérie annonçant leur intention de s'y fixer définitivement avec leur famille, ei général dans l'Algérois et le Constantinois.

-----La loi de sûreté générale du 27 Février 1858 amène un nouveau contingent de transportés en Algérie qui ne touche cependant qu'un effectif très modeste : 428 personne pour la France dont 7 dans l' Hérault.

-----Le Second Empire disparaît en 1870, mais ce n'est que le 30 juillet 1881 qu'un gouvernement de la IIIème République, décide d'accorder "des rentes incessibles et insaississables d'un montant de 6 millions de francs, en réparation nationale aux citoyens victimes du coup d'état du 2 décembn 1851 et de la loi de sûreté générale du 27 février 1858." Le bénéficiaires de ces rentes seront les victimes directes, leur veuves, ascendants ou descendants au 1° degré. Des commissions départementales d'indemnisation sont instituée pour étudier les dossiers présentés par les victimes et fixer le montant des pensions (de 100 à 1200 F). Les jalousies, les rivalités refont surface. Après le coup d'état, il s'agissait d dénoncer les "socialistes ardents", les "hommes de désordre" les "démagogues exaltés" ; mais 30 ans ont passé. Certaine victimes qui s'étaient ultérieurement ralliées à l'Empire son dénoncées comme "réactionnaires" ou "ayant une mauvais attitude politique" et sont exclues par les commissions de bénéfice de la loi. En définitive 2 067 personnes sur les 302 arrêtées dans l'Hérault en 1851 reçoivent une pension pour un total de 1 056 050 F. La liste des bénéficiaires est publiée fin 1882 au Bulletin des Lois. Parmi ceux-ci, 47 sont à cette date domiciliés en Algérie. Il convient cependant d'y ajouter la transportés ayant omis de présenter un dossier ou dont à dossier a été rejeté pour forclusion ou sur avis négatif des commissions. Des transportés restés en Algérie ont pu aussi faire venir des parents, frères, beaux-frères. Au total on peut sans doute estimer à une bonne centaine, les familles originaires de l'Hérault qui se sont fixées en Algérie du fait des mesures prises par le gouvernement à la suite du coup d'état du 2 Décembre 1851.

Travail effectué par Mr Michel BARBIER adh. n ° 213
Source : Archives départementales de l'Hérault : 39 M 140 à 200

LISTE DES TRANSPORTES BENEFICIAIRES DE PENSIONS PRESENTS EN 1882

Noms & Prénoms
Age
en 1882
Profession
Domicile
 
AMIEL Rose, Pascale
61
 
Mondovi
 
ASTRUC André
55
forgeron
l'Arba
 
BACCOU François Honoré dit "Rascol"
53
cuisinier
Souk-Ahras
St Just
BARTHES Emile
dit "MAZAMET"
58
forgeron
le Ruisseau
Mazamet
BEAUMADIER Marthe Félicie Vve Ricard Paul
46
 
Alger
Mèze
Boujol Louis
60
vétérinaire
La Calle
St Pons
CABROL Charles dit"Barbeau"
57
matelassier
Constantine
St Pons
CAZELLES Pierre Benjamin Brutus
56
Receveur PTT
Philippeville
 
Chavernac Charles
58
fileur
Alger
Bédarrieux
Chavernac Charles Alexandre
54
 
Alger
 
Colman Roch Jacques
57
cultivateur
Dra el Mizan
Bédarrieux
Crouzat Prosper
71
médecin
Médéa
Salasc
Daurel Elwig Félicien
55
 
L'Alma
Bessan
Dumontheil Henri Guillaume
57
collecteur de marchés
Philippeville
 
Ficks Anna Maria Vve Poujol
46
couturière
Orléansville
Bédarrieux
Gaillard Guillaume
78
serrurier
Constantine
Montpellier
Gajac Pierre
66
colon
Duperré
Béziers
Granier Edouard Alphonse
65
fabricant de draps
Relizane
St Chinian
Julia Louis
51
Propriétaire
 
Misserghin
Laparenterie Adrien Bernard
63
plâtrier
Alger
Lodève
Laussel Antonin
55
négociant
Constantine
Montpellier
Lautier Antoine
52
cultivateur
Khenchela
Quarante
Marquet Guillaume
69
maçon
Philippeville
Florensac
Meunier Charles
55
jardinier
Dellys
Béziers
Moreau jean
54
cultivateur
Philippeville
Florensac
Pages Pierre    
Philippeville
 
Paulinier Romulus Pierre
58
plâtrier
Alger
Bédarrieux
Pelissier louis
49
charron
Malakoff
Bédarrieux
Prouzet Pierre
61
cultivateur
Alger
Mèze
Py Pierre
57
cultivateur
Marengo
Marseillan
Raunier Jean Pierre
55
garçon brasseur
Aumale
Bédarieux
Rey Charles François Basile
63
employé mairie
constantine
Florensac
Ricard Paul Victor
56
forgeron
Alger
Toulouse
Rossi Marie Vve Paulhan André Louis 70    
Bou Medfa
 
Salasc Lucien dit"Garrou"
57
entrepreneur
Constantine
Bédarrieux
Salasc Joseph
44
 
Duquesne
 
Salasc Angélique Marie ép.Didot
42
 
Rouffach
 
Sarny Pierre Bernard
51
journalier
Marengo
St Chinian
Tarbouriech M.anne Vve Labadie Casimir
66
ménagère
Lamoricière
 
Thadome Louis
28
 
Alger
 
Thomas alphonse martial
53
vigneron
Kouba
Magalas
Trousseillier Jeanne antoinette ép.Senot
40
 
Bouguirat
 
Vaquier Jean
76
berger
Birkadem
Frontignan
Vergely Antoine Etienne
58
plâtrier
La Calle
Bédarrieux
Vergel(l)y Marguerite Antoinette
53
 
La Calle
 
Vergel(l)y Pierre Paul
42
 
Alger
 

 

Sources: Bulletin des Lois, partie supplémentaire. Décret du 30 octobre 1882.

-----Si l'un de ces noms vous intéresse, le GAMT peut vous fournir quelques renseignements supplémentaires ( écrire au Secrétariat d'Aix -en -Provence en joignant une enveloppe timbrée).
-----D'autre part, le GAMT a aussi une longue liste complémentaire de transportés qui semblent être restés en Algérie mais n'ont pas bénéficié de pensions. Nous questionner comme ci-dessus.
------Le GAMT remercie encore très vivement M. BARBIER pour le gros travail qu'il a réalisé et dont vous n'avez ici qu'un aperçu.