
          Misère et vicissitude de la gloire
          Il faut remettre en état le monument du colonel Boutin à 
          Dély-Ibrahim
        La publication récente du livre 
          de Léo Berjaud " Boutin, agent secret de Napoléon 
          " a ramené l'attention du public, avide de connaître 
          tout ce qui peut intéresser l'histoire de l'Algérie, sur 
          le personnage extraordinaire que fut le colonel du genie Vincent-Yves 
          Boutin,
          En 1808, cet officier, envoyé secrètement en Algérie 
          par l'empereur, ramena, malgré sa capture par les Anglais et 
          en dépit d'aventures invraisemblables les seuls documents précis 
          qui permirent aux armées françaises du général 
          de Bourmont la rapide conquête d'Alger. On peut même dire 
          que les seules erreurs de manuvre au cours de la marche d'approche 
          furent commises par les généraux qui ne suivirent pas 
          à la lettre les instructions de ce génial topographe
          Boutin périt assassiné au cours d'une autre mission en 
          Syrie, après avoir connu des aventures les plus romanesques auxquelles 
          lady Stanhope, nièce de William Pitt, la " Circé 
          du Désert ", fut plus ou moins intimement mêlée.
          Un juste mais tardif hommage fut rendu à cet obscur héros 
          par le Comité du Centenaire de l'Algérie en 1930.
          Sur l'initiative de M. Cuvellier, géomètre en chef du 
          Service topographique, un comité s'était constitué 
          pour l'érection d'un monument à Yves Boutin, qui fut inauguré 
          le 7 juin 1930, en présence de M. le commissaire général 
          du Centenaire, Gustave Mercier et de M. le gouverneur général 
          Pierre Bordes.
          Ce monument, constitue par une sorte de minaret de style néo-mauresque 
          assez discutable, a été érigé à Dély-Ibrahim. 
          Il est couronné par une plate-forme d'observation sur laquelle 
          .étaient disposées des cartes cavalières faisant 
          le tour d'horizon, permettant de renseigner le paysage et de suivre 
          la progression des troupes depuis Sidi-Ferruch, jusqu'aux hauteurs dominant 
          le Fort-l'Empereur.
          Nous sommes allés il y a peu de temps en compagnie de Léo 
          Berjaud, rendre visite à. M. Casanova.
          maire de Dély-Ibrahim, qui nous a accompagnés au monument.
          Hélas ! le temps et les vandales sont passés par là.
          La plaque commémorative portant le nom et retraçant la 
          carrière d'Yves Boutin a été descellée et 
          rompue en plusieurs morceaux. Rien ne signale donc plus au passant la 
          raison d'être de cet édifice. Les cartes cavalières 
          de la plate-forme ont été pillées par le public 
          iconoclaste et il ne reste plus que les supports de fer qui soutenaient 
          les tablettes.
          Enfin, l'ensemble de la construction nécessite d'urgentes réparations 
          que la commune de Dély-Ibrahim ne peut entreprendre faute de 
          crédits suffisants.
          Certes, il était méritoire d'avoir voulu racheter l'oubli 
          dans lequel était tombé ce grand précurseur par 
          l'érection d'un monument commémoratif et combien il est 
          vrai de dire a ce propos que " la gloire est un astre tardif qui 
          se lève sur des tombeaux ", faut-il encore avoir le minimum 
          de pudeur de perpétuer le geste par un entretien décent.
          Il doit bien exister un chapitre du budget consacré à 
          l'entretien des monuments historiques et, vraiment, quelle autre construction 
          peut revendiquer l'honneur d'être la première en date dans 
          la commémoration de l'histoire de l'Algérie française.