Alger, Algérie : documents algériens
Série culturelle :
Les religions d'Algérie
6 pages - n°48 - 8 juillet 1950

 

mise sur site le 23-02-2005
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L'ISLAM

----------Quand les Arabes entrèrent, à la fin du VIIè siècle, en Afrique du Nord, dans l'Ile du Maghreb, ils trouvèrent des populations berbères, généralement christianisées, mais assez mal remises, psychologiquement, économiquement, religieusement, des suites de 'la décadence romaine, de la rude invasion vandale, des hérésies des donatistes, des circoncellions, des monophysites, des ariens.
----------La fondation de Kairouan est de 670 ; l'invasion de l'Espagne par des troupes arabes et berbères unies sous le commandement de Tarikh est de 711. La résistance militaire fut d'ailleurs plus forte que la résistance religieuse et culturelle. A part les ruines des monuments et des villes, on peut dire que rien ne subsista de Rome en Afrique. L'Afrique latine est un mythe pur. Quelques mots déformés, quelques expressions, persistèrent dans la langue populaire. C'est tout. L'Islam triompha intégralement et si la civilisation antique se retrouva en Afrique du Nord, ce fut rapportée par les philosophes et les savants musulmans successeurs des grecs, grâce paradoxalement à ces mêmes arabes qui l'y avaient politiquement si bien détruite.
----------L'individualisme maghrébin n'en trouva pas moins l'occasion de s'exercer même sur le plan religieux musulman. L'Afrique du Nord se trouvait placée entre les deux califats rivaux, mais tous deux sunnites, orthodoxes, des Abbassides de Bagdad et des Oméïades de Cordoue. Au VIII'"' siècle les Berbères adhérent en nombre au schisme kharéjite à tendances puritaines et démocratiques, qui ne réussit qu'à fonder le royaume de Tahert (Tiaret) dans le Maghreb central, cependant que se constitue dans le Maghreb extrême, le Maroc actuel, un royaume chérifien fondé par Idriss, descendant du Prophète qui avait fui les persécutions orientales, et que s'établit,dans l'Ifriqiya, la Tunisie d'aujourd'hui, la dynastie prospère des Aghlabites.
----------Au Xe siècle, un étrange personnage, Obaidailah, qui se disait descendant de Ali et de Fâthima et avait organisé une espèce de société secrète à ramifications puissantes, réussit à fonder un empire qui, après avoir noyé dans le sang une nouvelle insurrection kharéjite dirigée par le cruel Aboû Yazid, finit par se transporter en Egypte (les Fatimides) à la fin du X- siècle. Les vassaux maghrébins de cet empire chiite ne tardèrent pas à se sentir fortement orthodoxes et à secouer le joug oriental. C'est alors que, pour se venger, le calife du Caire déclencha sur l'Afrique du Nord l'invasion des nomades hilaliens, dont il réussit ainsi à se débarrasser en même temps qu'il punissait les rebelles.
----------Cette invasion des Banou Hilal et des Banou Soléïm au XIè siècle, qu'Ibn Khaldoun compare à une nuée de sauterelles, eut les conséquences les plus diverses. L'économie du pays en fut désastreusement éprouvée : le nomadisme des Arabes immigrants et des Berbères Zenata mis en mouvement par contrecoup, ébranla les populations sédentaires. La proportion de sang arabe augmenta. Le Maghreb fut politiquement tout à fait coupé de l'Orient. Mais deux brillantes dynasties berbères eurent le champ libre pour se lever à l'occident extrême et étendre leur pouvoir à presque toute l'Afrique du Nord et même à l'Andalousie. Tout d'abord, les Almoravides venus du Sénégal et qui étaient non seulement sunnites, orthodoxes, mais farouchement littéralistes, juridiques, antiintellectuels. Puis (du milieu du XII- au milieu du XIII'- siècle) les Almohades, qui correspondent à une tentative de renouvellement extrêmement intéressante. Le fondateur, le Mahdi Ibn Toumert était à la fois un lettré et un réformateur passionné ; il avait puisé aux sources orientales. Son bras séculier fut représenté par le grand conquérant Abdelmoumin qui fonda le plus puissant des empires musulmans qui aient jamais existé en Afrique. La doctrine de ces " Unitaires " était antilittéraliste et admettait l'interprétation allégorique du Coran, comme elle laissa d'abord le champ libre aux spéculations des philosophes et à celles des mystiques çoufis. Abou Yakoub Youssouf, fils d'Abdelmoumin, eut comme vizir le grand penseur Ibn Thofaïl et demanda en 1169 à l'illustre Ibn Rochd, Averoès, d'entreprendre son commentaire d'Aristote qui fut si précieux pour la scolastique européenne. Malheureusement son fils Abou Youssouf Yacoub le victorieux, après avoir construit des monuments de pierres magnifiques, renonça à soutenir ceux de l'esprit. Les philosophes furent persécutés ou mis de côté. Les foqaha, les juristes formalistes régnèrent exclusivement. Le rite malikite l'emporta sans aucun contrepoids, la pensée libre fut étouffée et le çoufi~me tendit à dégénérer en maraboutisme.
----------Après les Almohades, l'empire se partagea en trois : les Mérinides régnèrent à Fès, les Banou Zeyyan à Tlemcen, les Hafcides à Tunis. Tous étaient sunnites, de rite malikite. Les confréries s'installèrent solidement et luttèrent contre les tentatives d'établissements chrétiens. Puis ce fut, au Maroc, les dynasties chérifiennes arabes des Saadiens et des Alaouites, et dans le Maghreb central et oriental, la domination turque dont les fameux frères Barberousse avaient jeté les bases à Alger. Les Turcs introduisirent à leur usage le rite hanifite sans entamer le malikisme de l'ensemble de la population non plus que l'ibadhisme des survivants du royaume Kharéjite de Tahert réfugiés au Mzab.
----------Est musulman (moslim, " soumis ") quiconque atteste qu'il n'y a d'autre divinité que Dieu et que Mohamed est l'envoyé de Dieu. Les " cinq piliers de la religion " sont : i) cette profession de foi ; 2) la prière ; 3) la dîme aumônière ou zakat ; 4) le jeûne du mois de Ramadhan ; 3) le pélerinage à la Mecque. Le dogme est très simple ; essentiellement l'unité de Dieu, la croyance au monde invisible, aux prophètes, aux livres révélés, au jugement dernier et à la vie future. En fait, chez les musulmans d'Algérie, le zakat est remplacé pratiquement par l'impôt et les aumônes ordinaires, particulièrement recommandées lors des quatre fêtes principales : l'Aïd-El-Kebir, à la date du pèlerinage qui réunit spirituellement tous les fidèles sur la montagne d'Ararat. l'Aïd-El-Sghir à la fin du Ramadhan, le mouloud, anniversaire de la naissance du Prophète, et l'achoura. dixième jour de l'année. Les cinq prières quotidiennes, précédées d'ablutions, sont loin d'être observées dans la vie courante. Par contre, le jeûne est très strict et général. Le pèlerinage est accompli par tous ceux qui peuvent le faire et jouit d'un grand prestige.
----------La guerre sainte n'est qu'un devoir communautaire le cas échéant, doublé de la " grande guerre sainte " contre les passions de l'âme, comme disait Mohammed. Des principales interdictions coraniques : viande de porc, vin, jeux de hasard, la première seule est exactement respectée. La circoncision n'est qu'une sounna, coutume recommandée, niais elle est en fait considérée comme essentielle. L'excision est inconnue. ----------Le voile des femmes n'est qu'une habitude sociale, urbaine, de tradition orientale et méditerranéenne.
----------Souvent " statique " et " close " au sens bergsonien, la religion musulmane a tout ce qu'il faut pour être aussi une religion " ouverte ". Le Coran a de nombreux versets (le tendance mystique, métaphysique et morale. Il proclame que la vraie piété est de croire en Dieu et à sa révélation, `e donner, pour l'amour de Dieu, à tous ceux qui en ont besoin, de racheter les captifs, protéger les orphelins, aider les voyageurs, supporter l'adversité et remplir ses engagements. Il recommande (le rendre le bien pour le mal, s'élève contre toute oppression, contre tout orgueil personnel ou racial, contre la soif des richesses. Et un hadit déclare que le meilleur service à rendre à un autre musulman est de l'empêcher de commettre une injustice.
----------Les mouvements réformistes orientaux ont eu (les répercussions en Algérie, mais surtout du point (le vue des oppositions et des controverses. Les portes (le l'Ijtihad, de l'effort d'interprétation et de compréhension, par opposition au taglid, argument d'autorité dénoncé par Mohammed Abdouh, lEgyptien, n'y ont guère été rouvertes. Le chraâ, droit religieux, a donc peu évolué bien qu'il en soit capable. Il n'est pas toujours venu à bout des vieux qanouns berbères, qui ont même regagné du terrain (exhérédation ds femmes au XVIII' siècle en Grande Kabylie), cristallisant une partie importante de la population dans des coutumes archaïques aussi contraires au droit musulman qu'au droit européen.
----------Comme toutes les grandes religions, l'Islam maghrébin a conservé, accueilli, toléré ou assimilé des traditions, croyances et coutumes antérieures, ressortissant les unes à la religion naturelle universelle. les autres à la poésie spontanée de l'animisme et de la magie. Il en partage d'ailleurs un grand nombre avec les autres éléments de la population. Mais c'est l'état d'analphabétisme de la majorité de la popu1ation indigène qui donne à cet aspect une couleur accentuée.

LES ISRAELITES

----------Les origines des Israélites algériens sont des plus diverses. On peut discerner d'abord une immigration antérieure à l'ère chrétienne ; beaucoup de Palestiniens s'étaient fixés en Égypte volontairement ou à la suite (le guerres et de persécutions et nous savons qu'en 320, Ptolémée Soter en installa 1000.000 en Cyrénaïque. Au début de l'ère chrétienne, la prise de Jérusalem amena une diaspora. généralisée. Titus lui-même en fit venir 30.000 à Carthage.' Il y avait des synagogues aussi à Hippône, Tébessa, Cirta (Constantine), Césarée (Cherchell), Tipasa. Les juifs faisaient même du prosélytisme et les oeuvres (le Saint-Augustin, (le Saint-Cyprien, de Tertullien conservent les échos de leurs polémiques. Les Vandales ariens réservèrent leurs rigueurs pour les catholiques ; mais les Byzantins qui leur succédèrent, persécutèrent quelque temps les Israélites, qui de leur côté, opérèrent des conversions dans les tribus (le l'intérieur et reçurent en renfort des coréligionnaires chassés d'Espagne par les Wisigoths ou d'Arabie par les premiers Musulmans au VII siècle.
----------A cette époque, d'importantes tribus berbères dont certaines se réclamaient d'une origine himyarite, étaient juives : les Nefoussa, par exemple, en Tripolitaine, les Béni-Abdeddar au Sahara, les Djeraoua dans l'Aurès, les Médiouna dans l'Uranie actuelle. On sait le rôle des Djeraoua et de la tanieuse kahena dans la résistance aux Arabes. D'autres juifs orientaux n'en étaient pas moins venus à la suite des armées de ces derniers, et l'illustre Oqba lui-même en avait installé à Kairouan ou ils iiitrmluisirent le Talmud de Babylone.
----------Au Moyen Âge, les Israélites du Maghreb central perdirent jusqu'à la connaissance de la langue hébraïque, conservée sans être comprise, dans les cérémonies religieuses. Ils parlaient un arabe plus ou moins pur, mais gardaient leur écriture cursive. Ils n'eurent pas de Maimonides, ni de Judas Halevy, de philosophes, (le poètes ou (le médecins illustres comme à Cordoue, à Fès ou même à Kairouan.
----------Un sang nouveau leur fut infuse à partir du XIVè siècle par les juifs chassés (1'Espagne, d'un niveau culturel supérieur. C'est de ce pays, vers 1392, que le Rab Ephraïm Anqaoua, dont le tombeau attire toujours les foules, vint rénover la communauté israélite de Tlemcen.
----------Il y eut aussi par la suite les " Juifs francs ", d'Italie, de France, d'Angleterre, de Hollande, considérés comme étrangers, sous la protection des consuls. Cette aristocratie financière, à laquelle appartinrent les Bacri, les Duran, les Busnach, faisait des affaires souvent brillantes avec les raïs et tenait parfois une place importante à la cour des deys. Mais la domination turque fut dans l'ensemble très peu favorable à la communauté juive comme à son développement social et culturel. Chaque groupe urbain s'administrait lui-même avec un moqaddem, un conseil et un tribunal rabbinique, les Ottomans estimant qu'ils n'avaient pas de temps à perdre à s'occuper de leurs affaires, sinon pour toucher les impôts et les bakchichs. Le régime des personnes et des biens était celui de la loi mosaïque et du Talmud. Les communautés d'Oran et d'Alger étaient prospères ; mais celles de Constantine et des villes de l intérieur fort misérables. En 1830, l'occupation française trouva donc une société juive indigène, de type purement oriental et assez déprimée, vivant en vase clos et que n'avaient touchée nuliement les courants émancipateurs venus d'Allemagne avec Moïse Menselsohn, ou de France avec la Révolution.
----------L'assimilation se fit en plusieurs étapes. Les Israélites d'Algérie devenus Français de nationalité, mais non citoyens, conservèrent leur statut religieux pour ce qui était du mariage et des personnes, mais non des biens, et le code rabbinique était appliqué par les tribunaux français. Bugeaud proposa sans succès leur expulsion . La loi de 1865, confirmant leur nationalité française et leur statut personnel, comme pour les autres indigènes, spécifiait, comme pour ces derniers, qu'ils pouvaient demander à jouir des droits de citoyens français en acceptant d'être régis par la seule loi française. Très peu répondirent à cette offre. C'est le 24 octobre 1870 que le fameux décret Crémieux les intégra définitivement, leur accordant en bloc la citoyenneté et leur imposant le code civil. Critiqué surtout par les Algériens européens, par les radicaux d'abord, sur le plan électoral, puis par les disciples de Drumont, avec les méthodes que l'on sait aux environs de 1898-19oo, abrogé quelque temps sous le régime de Vichy malgré le principe de la non-rétroactivité, le décret Crémieux (qui n'a pas été appliqué aux juifs du Mzab et (les territoires annexés après 187o) a eu les plus heureux résultats pour le développement des israélites d'Algérie, qui ont profité des droits politiques et de l'école publique.
----------Les israélites d'Algérie étaient alors environ 33.000. Ils étaient plus de 100.000 en 1931 et doivent être aujourd'hui 130.000. Leur natalité est très forte. Dans son étude minutieuse sur la démographie des israélite du département de Constantine le Grand-Rabbin Eisenbeth (Auteur de deux importantes études sur l'onomastique et la démographie des israélites algériens.) déclare que, dans cette région, les ménages juifs ont, en moyenne, douze fois plus d'enfants que les ménages d'origine européenne. Les communautés sont particulièrement importantes à Alger, Oran. Constantine. à Blida, Bône, Sétif, Médéa, Miliana ; d'une façon générale la densité proportionnelle est la plus forte à l'Est du département de Constantine, à l'Ouest de celui d'Oran et dans toute la partie médiane de celui d'Alger, jusqu'à Ghardaïa, en passant par Berrouaghia et Boghari.
----------A peu près tous les métiers sont représentés dans cette population, niais la grande majorité vit du commerce, de l'artisanat ou comme petits employés. Le niveau de vie est, en général, assez bas surtout dans le Constantinois. Un bon nombre d'israélites algériens ont mérité des places de premier rang dans l'Université, la Médecine, le Barreau et les autres professions libérales.

LES CHRETIENS - LES CATHOLIQUES

----------L'Eglise d'Afrique illustrée depuis les Scillitains (18o) et Sainte Perpétue (202) par ses martyrs, le fut également par ses écrivains : Tertullien, Saint-Cyprien, Saint-Augustin... ----------C'est en Afrique au IIè et au IIIè siècle, avec Tertullien, passionné, intransigeant, pamphlétaire admirable et indiscipliné, au style vibrant, que la littérature chrétienne latine produit ses premiers chefs-d'œuvre. Minucius Félix est plus conformiste, Lactance, plus décadent. Saint Cyprien est lut grand évêque réformateur et organisateur qui n'évita pas les schismes et mourut martyr. Arnobe, né à Sicca (Le Kef) est plein de fantaisie et de grande éloquence.
----------Commodien met la doctrine chrétienne en vers comme des foqaha mettront plus tard en vers le droit musulman. La grande figure est Saint-Augustin, né à Thageste (Souk-Ahras) eu 354, mort à Hippone (Bône) en 430, le grand théologien de l'église d'Occident, dont on connaît les pathétiques confessions, les polémiques doctrinales contre le Manichéisme et dont la position en ce qui concerne le problème de la grâce, dans sa lutte contre le pélagianisme, n'est pas sans rappeler l'intransigeance passionnée d'un autre Africain, Tertullien. Il eut pratiquement aussi à lutter contre le donatisme un schisme spécifiquement africain- et même " Algérien ", qui fut essentiellement une révolte du clergé de Numidie contre celui de- Carthage et contre la Métropole, Alliée à l'Empereur; l'Eglise officielle fit immédiatement -appel au bras séculier. En mène temps, les paysans prolétaires, révoltés dans les campagnes numides sous le nom de circoncellions, étaient noyés dans le sang. 1l s'ensuivit un mécontentement populaire évident contre l'église officielle, les grands propriétaires terriens et l'empire romain qui payèrent ensemble cher leur triomphe éphémère quand arrivèrent les Vandales ariens en 429 . En 533, Béélisaire et justinien, empereur d'Orient, restaurèrent le Catholicisme. En 647 apparurent les premières armées, arabes et le christianisme perdit toute puissance au Maghreb Les chrétiens continuaient pourtant à vivre au milieu des Musulmans avec le statut des protégés tributaires, " gens du livre", C'est par l'invasion hilalienne du XIè siècle et les persécutions almohades du XIIè qu'ils furent submergés; Les seuls chrétiens furent par la. suite des mercenaires au service des sultans, des esclaves, des consuls, des commerçants européens, ou, des soldats sur les quelques points de la côte occupés par les Portugais ou les Espagnols.. Pour la Régence d'Alger sous les Turcs, cette église, où les chapelles avaient suivi le nombre des bagnes, fut gouvernée de 165o à 1827 par les prêtres de la Congrégation de la Mission en qualité de vicaires généraux de Carthage, ou de vicaires apostoliques sans caractère épiscopal. L'un d'eux, Jean Levacher, fut martyrisé en 1683.
----------Alger fut érigé en évêché en 1838. Le premier titulaire fut Mgr DUPUCH il avait une dizaine de prêtres, une église à Alger (l'ancienne mosquée Ketchaoua), deux chapelles à Oran et à Bône, pour environ 25.000 colons et 70.000 soldats. Il organisa 29 paroisses et, quand il démissionna en 1845, il se trouvait à la tête de 73 prêtres, y compris les Lazaristes, jésuites et Trappistes (Staouéli) qu'il avait fait venir ainsi que de nombreuses religieuses. Mgr Pavy, qui lui succéda de 1848 à 1866, posa la première pierre de la basilique de Notre-Dame d'Afrique, consacrée an 1872 Ses désirs d'action auprès des Musulmans, comme ceux de ses prédécesseurs, furent freinés par le Gouvernement. Son siège fut élevé au rang d'archevêché en 1866, pendant que Constantine et Oran devenaient évêchés. De 1867 à 1892, l'archevêque d'Alger fut l'illustre Lavigerie, cardinal en 1882, qui fonda les Pères Blancs ou Société des Missionnaires d'Afrique en 1868, la Société anti-esclavagiste en 1888 et seconda la politique de ralliement de Léon XIII en 1890.
----------En 1874, quand ils installèrent leur siège de Maison-Carrée, les Pères Blancs étaient déjà 50 prêtres et 106 missionnaires ou novices. Les membres de la société sont aujourd'hui environ 2.400 répartis en 24 vicariats de diverses. régions de l'Afrique blanche et noire, neuf préfectures et deux missions. C'est surtout dans l'Afrique noire qu'ils ont opéré de nombreuses conversions et ordonné des prêtres indigènes. En Algérie, ils ont surtout d'importantes œuvres sociales, des orphelinats et leurs savants spécialisés ont contribué aux études arabes et berbères. A la suite du choléra et de la famine qui firent en 1867 plus (le cent mille victimes et nombreux orphelins, Mgr Lavigerie avait fondé près (les Attafs deux villages d'Arabes chrétiens, installés sur des lots de colonisation d'une vingtaine d'hectares, avec un hôpital qui fonctionne toujours efficacement. C'est, semble-t-il, surtout en Kabylie (où l'on compte plusieurs centaines de Kabyles chrétiens) et clans quelques oasis du Sud, que les œuvres (les Pères Blancs et des Sueurs Blanches sont les plus importantes.
----------Il convient de signaler par ailleurs, à côté de beaucoup d'autres congrégations féminines, filiales (le la Métropole, la Société des Sœurs de Saint-Joseph, fondée à Gaillac, en 1832, et qui fit ses premiers pas, assez agités d'ailleurs, en Algérie, avant de se répandre dans les deux mondes. Sa fondatrice, la bienheureuse Emilie de Vialar, était la sœur d'un des premiers et plus actifs colons français, le baron Augustin de Vialar,
----------On ne saurait enfin parler du catholicisme algérien sans évoquer la grande figure du Père Charles de Foucauld qui vécut en ermite au Sahara, à Béni-abbés d'abord - 1901 - puis, depuis 1905, à Tamanrasset. au Hoggar, où il fut assassiné en 1916. Il n'avait pas personnellement fondé d'ordre, mais des disciples se réclamant de son esprit, se sont réunis sous le titre (le Petits Frères ou Sueurs du Sacré-Coeur, en groupe, dont le principal est à El-Abiod, Sidi-Cheikh. Une de leurs activités est l'étude de l'arabe employé d'ailleurs comme langue liturgique et certains se sont fait un nom dans l'islamologie.
----------Précisons enfin (lue dans le diocèse d'Alger, le nombre (les paroisses est de 146, celui des églises et oratoires de 228, celui des prêtres séculiers de 15o, celui des prêtres réguliers de 171, pour une population catholique d'environ 323.000 habitants.
----------Dans le diocèse d'Oran, le nombre des paroisses s'élève à 102, celui des prêtres à 151, celui de la population catholique à 350.000 habitants environ.
----------Dans le diocèse de Constantine, on compte 135 églises, 50 oratoires, 72 paroisses, 96 prêtres séculiers, 33 prêtres réguliers, 18o.ooo catholiques.

LES CHRETIENS - LES PROTESTANTS

----------Les églises protestantes en Algérie comptent environ 20.000 fidèles. La principale est constituée par la 16è circonscription de l'Eglise réformée de France. C'est donc administrativement une filiale de Paris (alors que les catholiques ont un archevêché indépendant). Elle est divisée en trois consistoires. un par département et comprend les paroisses suivantes : 1)) dans le département d'Oran: Oran, Mostaganem, Sidi-Bel-Abbès, Mascara, Tlemcen, Guiard-Trois-Marabouts et Relizane-Tiaret 2°) dans le département d'Alger : Alger (3 paroisses), Blida, Boufarik, Cherchell. Miliana, Orléansville, Ménerville-Tizi-Ouzou ; 3°) dans le département de Constantine : Constantine, Bougie, Ain-Arnat, Sétif, Philippeville, Bône et Guelma.
----------Il y a d'autre part une paroisse luthérienne à Douéra, dépendant ainsi (le Paris. L'église anglicane est à Alger. ----------L'église méthodiste a trois paroisses : Alger, Oran et Constantine.
----------A côté de ces églises, paroisses et pasteurs, il y a les missions, avec une centaine de missionnaires. La plus ancienne est la North-Africa-Mission, fondée vers 1889 par des non-conformistes anglais et qui a des stations à Cherchell, à Azazga et dans l'Aurès. L'Algier's Mission Band, installée à Dar Naâma, à El-Biar, a été fondée par une Anglaise, Miss Trotter, et son personnel français, suisse, anglais, travaille en pays arabe, à Tlemcen, Relizane, Blida, Bou-Saâda, To1ga, Touggourt. Une organisation très active est la Mission Méthodiste épiscopale, à direction américaine. Elle a des œuvres sociales et religieuses en pays kabyle, mais aussi à Alger, Oran, Constantine. Son évêque siège à Genève et a dans son ressort l'Europe et l'Afrique du Nord.
----------Par contre, la Mission des Frères fait plutôt partie des non-conformistes ; cette église n'a pas de pasteur.
----------La Mission Rolland est indépendante et très influente à Tizi-Ouzou où elle a un orphelinat, un refuge et des œuvres. N'oublions pas une Mission Espagnole, et une Mission parmi les juifs, d'origine londonienne. dont le représentant fut longtemps un rabbin tunisien converti mort récemment à Alger.
----------Toutes ces missions sont indépendantes les une, des autres, niais elles ont constitué un Conseil des Missions commun, élu démocratiquement et auquel participe également l'Eglise Réformée.
----------Enfin, l'Armée du Salut, qu'on peut ranger entre les missions et les églises, travaille avec son courage habituel dans 'les milieux déprimés dont elle a acquis l'expérience en Europe et en Amérique. Elle s'adresse notamment aux prisonniers et projette des œuvres pour jeunes délinquants. Elle n'atteint guère pour l'instant que les milieux européens.
----------La population protestante est surtout groupée dans l'Algérois. Elle est surtout bourgeoise et comprend quelques-uns des grands noms du commerce et de l'industrie algérienne. Outre Alger, il y a des agglomérations urbaines assez importantes à Constantine, Bône, Mostaganem, Tlemcen, et surtout i Oran. Il y a pourtant aussi un assez grand nombre de colons petits et moyens.
----------Le premier village français, Dély-Ibrahim, près d'Alger, a été longtemps pour la moitié protestant. Il possède un important et florissant orphelinat prostestant, œuvre centenaire, qui s'est enrichi tout récemment d'un centre artisanal pour garçons. D'autres colons sont en Petite Kabylie, dans la vallée de la Soumain ; d'autres dans les divers centres alsaciens-lorrains fondés après 1871 sous l'inspiration du Comte d'Haussonville. Mais les deux groupements les plus importants sont autour d'Aïn-Arnat et de Coligny dans la région de Sétif, fondés sous le Second Empire par la fameuse Compagnie Genevoise ; et à Guiard et Trois-Marabouts, à l'ouest de l'Oranie. peuplés par les descendants des fameux Vaudois, venus des hautes vallées du Briançonnais.


Emile DERMENGHEM.