Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : artisanat
Situation génèrale de l'artisanat algérien pendant l'année 1953
4 pages - n°106 - 20février 1954

--L'artisanat, en Algérie, offre le plus souvent l'aspect d'une activité épisodique de caractère résiduel, qu'il est bon de bien connaître pour orienter les efforts d'un service chargé de sauvegarder ce qui peut être encore sauvé.
mise sur site le 13-06-2005...+ janv. 2017

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------------L'artisanat, en Algérie, offre le plus souvent l'aspect d'une activité épisodique de caractère résiduel, qu'il est bon de bien connaître pour orienter les efforts d'un service chargé de sauvegarder ce qui peut être encore sauvé.
------------Géographiquement, les centres où se pratiquent encore les métiers familiaux se répartissent d'une façon très irrégulière, sporadique, mais non illogique. Dans les régions de forte concentration urbaine, l'artisanat traditionnel disparaît peu à peu ou se maintient difficilement, presqu' artificiellement. II se réduit très sensiblement, dans le Sahel, les plaines ou les hautes plaines et disparaît peu à peu des montagnes où depuis de longues années déjà s'organise l'émigration ouvrière vers la Métropole. Par contre, nous le trouvons encore bien vivant aux confins du Sahara (hautes plaines des régions de Tébessa à Khenchela, Laghouat, monts du Djebel-Amour) et au Sahara même (El-Oued, El-Goléa, Le M'Zab, le Gourara et le Touat) .
------------Cette répartition géographique tient à divers facteurs parmi lesquels nous retiendrons le fait que jamais l'Algérie n'a été, historiquement, un pays de peuplement urbain intensif. Si l'on excepte Tlemcen et Constantine puis Oran et peut-être Alger, nous ne trouvons, dans le passé, qu'une population éparse, disséminée, ou concentrée en gros villages, physionomie très différente de celle du Maroc et de la Tunisie qui ont compté de tous temps de grandes villes avec une forte concentration des métiers et une solide organisation corporative.
------------Par ailleurs, les conditions de vie moderne, l'appel de main-d'œuvre de l'industrie locale naissante et surtout de l'industrie métropolitaine ont bouleversé l'économie traditionnelle, accru des besoins et les exigences des travailleurs. Les petits métiers qui ne peuvent plus prétendre assurer un gain général en rapport avec ceux offerts par les grosses entreprises se sont trouvés condamnés et végètent sans espoir d'une reprise sauf lorsqu'il s'agit de métiers d'art limités à quelques rares ateliers dont il faut se garder d'accroître le nombre, mais que l'on s'efforce de perpétuer en envisageant même la création de conservatoires des Arts et Techniques.
------------En résumé, l'effort du service porte surtout sur les milieux ruraux où l'artisanat semble encore appelé à jouer un rôle important.
------------Par spécialités, voici quels ont été les résultats obtenus durant l'année 1953
------------1. - LES TAPIS.
------------Il faut considérer deux formes de production des tapis à points noués. L'une traditionnelle, la plupart du temps masculine, sans organisation économique bien définie, l'autre moderne, affectant l'aspect de manufactures, fort bien organisée économiquement.
------------a) La production traditionnelle des tapis :
------------Les centres où l'on peut noter une production régulière de tapis se répartissent ainsi :
------------- Constantinois : région des Nemencha et des Maadid.
------------- Sud Constantinois : El-Oued.
------------- Oranie : Djebel-Amour et Kalaa des Béni-Rached.
------------On notera que la production, dans les formes traditionnelles, du tapis du Guergour a disparu. Les quelques
spécimens actuellement fabriqués le sont dans les ateliers de perfectionnement à Philippeville et Sétif Bel-Air, puis, à domicile à Milo.
------------L'action de notre atelier pilote de teinture et de tissage de Tébessa a amené une nette amélioration des teintures et du tissage chez les Némencha. Les nouvelles gommes mises au point en s'inspirant des pièces teintes aux colorants végétaux ont connu un véritable succès, non seulement auprès de la clientèle européenne, mais aussi auprès de la clientèle traditionnelle.
------------Les reggàm des Némencha continuent à recevoir régulièrement, en effet, des commandes des notables de la région et des tribus transhumantes du Sud. Le chiffre d e ces transactions est d'ailleurs difficile à obtenir. Nous pouvons toutefois l'évaluer à 200 tapis par an pour une superficie moyenne de 8 mètres carrés soit au total, 1.600 mètres carrés.
------------Les pièces exécutées sous notre contrôle et destinées au commerce européen se sont chiffrées, en 1953 à :
------------Tébessa : 72 tapis pour une superficie de 212 mètres carrés.
------------Khenchela : 3 tapis pour une superficie de 18 m2 50.

------------A El-Oued, où la production est soumise entièrement à l'estampillage, on peut noter les chiffres suivants : (année 1953) :
------------Tapis : 46 pour une superficie de 105 mètres carrés.

------------
Chez les Maadid, la commercialisation s'effectue sur les marchés locaux de Bordj-Bou-Arréridj, M'Sila, Barika et parfois même à Sétif. La production, difficile à évalu'r avec exactitude, peut être estimée à :
------------300 tapis pour une superficie de 1.500 mètres carrés.
------------Notre centre artisanal de Bordj-Bou-Arréridj, créé en 1953 a surtout consacré ses premiers efforts à établir le recensement des artisans et à établir les normes des tissages traditionnels régionaux.
------------Au Djebel-Amour, la création récente d'un atelier-pilote de teinture a amené une nette amélioration des gammes de coloris et de la solidité des colorants. Une partie seulement de la production est soumise à l'estampillage du centre d'Aflou, les ventes s'effectuent principalement sur les marchés d'Aflou, de Tiaret, de Trézel, de Géryville et de Laghouat.
------------Difficile à estimer avec exactitude, la production peut être évaluée en gros à : 400 tapis pour une superficie de 2.400 mètres carrés.

------------Notre action est à peu près nulle à la Kalaa des Béni-Rached où la production, de très médiocre qualité, peut être cependant évaluée en 1952 à :
------------300 tapis pour une superficie de 1.200 mètres carrés.
------------Cependant, notre atelier de perfectionnement de Mascara o permis la mise au point de quelques beaux types de tapis de Kalaà, imités des anciennes pièces, tissages qui, peu à peu, devraient inspirer les artisanes de Kalaa jusqu'ici réfractaires à nos conseils.
-----------b) La production des manufactures :

------------Tlemcen reste le centre le plus important de l'Algérie. On y compte :
------------37 ateliers qui groupent environ 700 métiers et 1.600 à 1.800 ouvrières, la production pour onze mois de l'année 1953 a été de :
------------55.508 pièces pour une superficie de 108.824 mètres carrés, alors qu'en 1952 cette production avait été de 53.499 pièces pour une superficie de 107.148 mètre carrés.

------------
Oran qui compte deux ateliers groupant environ 150 ouvrières a produit :
------------En 1953 : 2.014 pièces pour une superficie de 5.271 m2 91.
------------En 1952 : 1.613 pièces pour une superficie de 4.142 mètres carrés.

------------Cherchell où fonctionne un atelier groupant environ 60 ouvrières e produit :
------------En 1953 : 98 pièces pour une superficie de 503,08 m2
------------En 1952 : 60 pièces pour une superficie de 339 mètres carrés.

-------------II. - TISSAGES DECORES
------------Les principaux centres producteurs de tissages plots décorés ont été en 1953
------------Le M'Zab : gandoura mozabite, Tadjerbit, Beni-Isguen. Laghouat : Flij, Djerbi, Djebel-Amour.
------------El-Goléa : tissage du type soudanais.
------------El-Oued : tissages rebrodés (châles).
------------Gourara et Touat : Dokkali, Fatis, Tinerkouk.
------------Grande Kabylie : tissages de La Soummam.
------------Tlemcen : tissages divers sur métier de tisserand. Némencha : tissages du type Gafsa et du type Draga.
------------Ces productions n'étant pas soumises à l'estampillage, il est impossible d'estimer l'importance des transactions effectuées.

------------111. - BRODERIES ET DENTELLES
------------Les centres les plus actifs sont Alger, Sétif (Bel-Air), Philippeville et Cherchell.
------------A Alger, la collaboration des agents techniques du Service de l'Artisanat a permis la reprise, dans d'excellentes conditions, de la broderie d'Alger dans les écoles ouvroirs des Soeurs Catéchistes de Notre-Dame d'Afrique, des Soeurs du boulevard Gambetta et à l'Union Franco-Musulmane. U n atelier de formation et de perfectionnement fonctionne également au service, 9, rue Socgémah.
------------A Cherchell, la broderie est maintenant très développée dans les familles et s'améliore chaque jour grâce à l'atelier pilote municipal.
------------A Bel-Air (Sétif), un atelier municipal a permis la reprise de la broderie bônoise. Les résultats enregistrés jusqu'à ce jour sont très satisfaisants.
II en va de même de l'atelier communal de Philippeville.
La dentelle est fabriquée à Cherchell et à Ténès et enseignée à l'école municipale de Mascara.

------------IV. - CUIVRES
------------Le travail du cuivre se résume à quelques rares artisans installés à Tlemcen, Alger, Constantine, Laghouat et Ghardaïa.
------------Les objets fabriqués sont d'excellente facture en général et trouvent aisément acquéreur.


------------V. - BIJOUTERIE
------------Les artisans bijoutiers de Kabylie et plus particulièrement ceux des Béni-Yenni continuent la production traditionnelle des bijoux émaillés. Ils vont bénéficier d'un prêt d'équipement pour moderniser leur outillage.
------------Ailleurs, la production est surtout importante dans les villes : Tlemcen, Alger, Constantine, mais le bijou fabriqué manque de caractère.
------------Laghouat, Ghardaïa, compte encore un nombre assez important d'artisans bijoutiers dont quelque,-uns sont assez habiles.
------------Dans l'Aurès et à Biskra, le travail des bijoux se perd peu à peu.
------------Enfin, il faut citer encore quelques centres intéressants : Tamentit, El-Oued, la Petite Kabylie où l'on peut trouver quelques bijoux de valeur dont la vente est uniquement locale.

------------VI. - VANNERIE, SPARTERIE
------------La vannerie et la sparterie connaissent actuellement la faveur de la clientèle, surtout la vannerie décorée des Azaïls (région de Tlemcen) (vanneri d'alfa), celle de Grande Kabylie (vannerie de raphia). Cependant certains autres centres, Beni-Abbès et Aurès, en particulier, écoulent la production des artisanes locales, mais leurs produits sont peu connus dans le nord de l'Algérie.
------------Le tissage des nattes au Bou-Thaleb et aux Beni-Snous reste une activité importante. Les produits se vendent surtout sur les marchés locaux ou régionaux. Quelques amateurs en demandent cependant dans les villes, à Alger en particulier. Les nattes de l'Aurès sont moins connues, mais devraient également trouver quelques clients.

------------VII. - TRAVAIL DU CUIR
------------Le travail du cuir brodé est encore très actif à Tlemcen (selles brodées, maroquinerie diverse) et à Médéa. Les objets fabriqués manquent de fini en général et les articles sont grossiers, sauf à Médéa, où un atelier se distingue par la qualité de son travail.
------------Ailleurs, Alger et Constantine, les travaux ne sortent guère de la médiocrité.
------------Il convient de noter que, pour remédier aux défauts signalés précédemment, un artisan de Médéa a obtenu une bourse pour aller se perfectionner dans l'art de la maroquinerie à Paris (Ecole de la rue Turquetil).

CONCLUSION

------------L'année 1953 a été marquée par un accroissement des effectifs techniques du Service de l'Artisanat qui a amené la création de centres nouveaux, en particulier à Biskra, Bordj-Bou-Arréridj à Oued-Amizour et au Béni-Smenzer (Grande Kabylie). Ce complément d'organisation ouvre de nouvelles perspectives pour l'année 1954.
------------La création d'ateliers pilotes de teinture à Timimoun, El-Oued, Aflou, a déjà permis une sérieuse amélioration des gammes de coloris. Cette action sera poursuivie en 1 954 et renforcée par la création prévue d'ateliers semblables à Biskra et à Bordj-Bou-Arréridj.
------------Dans l'ensemble, l'écoulement des produits fabriqués a été satisfaisant. Il s'effectue localement soit directe-ment par l'artisan, soit par le canal des sections artisa cales des S.A.P.
------------La S.I.P.A. d'Alger, qui centralise une grosse partie de la production, a apporté une très heureuse contribution à ce problème de l'écoulement comme d'ailleurs à celui du ravitaillement en matières premières.

L. GOLVIN.