Alger, Algérie : documents algériens
Série économique :agriculture
La culture du riz en Oranie

11 pages - n°113 - 25 janvier 1955

-La culture du riz est présentement " à l'ordre du jour " en Algérie. Il ne faut cependant pas s'imaginer que ce pays puisse et doive devenir gros producteur de riz, même proportionnellement à sa superficie cultivable : l'eau y est généralement trop peu abondante pour une plante exigeante, et rares sont les cas où il sera souhaitable d'utiliser d'importants débits à la production de cette céréale.

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----------La culture du riz est présentement " à l'ordre du jour " en Algérie. Il ne faut cependant pas s'imaginer que ce pays puisse et doive devenir gros producteur de riz, même proportionnellement à sa superficie cultivable : l'eau y est généralement trop peu abondante pour une plante exigeante, et rares sont les cas où il sera souhaitable d'utiliser d'importants débits à la production de cette céréale.
----------Il semble toutefois que la riziculture doive prendre une place non négligeable dans les activités agricoles algériennes. Elle est en effet une des rares qui puisse s'exercer avec fruit dans certaines plaines basses, à terres fortes, actuellement quelque peu salées ou marécageuses, où la plupart des autres cultures, même en s'aidant de l'irrigation, ne sauraient donner à elles seules que des déceptions. Bien conduite, elle peut devenir un facteur important d'amélioration de sols médiocres ; elle peut, sur des exploitations importantes, donner des produits de qualité à des prix concurrentiels ; la pratique du repiquage, qui tendra à se généraliser, pourra offrir une activité sa isonnière de plus à une main-d'oeuvre agricole abondante qu'il est sûrement possible d'entraîner à ce travail spécial. Enfin, conçue comme culture vivrière artisanale, elle pourra jouer un rôle important, rendant possible dans ces régions déshéritées la vie d'une famille sur une faible superficie.
----------Si la riziculture était ces dernières années pratiquement inexistante en Algérie, elle ne constitue pourtant pas une nouveauté absolue.
----------Le riz est introduit en Algérie, vers l'an 700, lors de la conquête de la Berbérie par les Arabes.
----------La culture est alors pratiquée sporadiquement " ...ainsi que le rapportent certains auteurs tels que J. Duval (Production et commerce des céréales - Annales de la Colonisation, Alger, 1856) et M. Rozet (Voyages dans la Régence d'Alger, Alger 1833), et que le notent certains documents officiels datant du début de l'occupation. Il ne semble pas toutefois que les superficies réservées alors aux rizières aient été très importantes, en raison de la rareté, à l'époque, des eaux d'irrigation, et des gros besoins en eau nécessaires pour une culture intéressante. Le riz paraît avoir été cantonné, avant 1830, sur des surfaces restreintes : dans la Mitidja, dans les plaines marécageuses situées entre Oran et Alger, dans la vallée du Hammam (près de Constantine) et dans les oasis et les confins sahariens-soudanais. " (P. Laumont et H. Laby {4]).
----------Des essais de culture européens sont entrepris à partir de 1830 à la Pépinière Centrale du Jardin d'Essai du Hamma, sur les coteaux de Coléa et aux environs de Biskra (Exposition d'Alger, en 1851).
----------En 1857, des rizières sont aménagées à Saint-Denis-du-Sig, dans le domaine de l'Union Agricole d'Afrique, où des rendements supérieurs à 40 qx de paddy à l'hectare auraient été obtenus.
----------Vers 1935, quelques petites rizières sont installées à Pont-de-l'Isser, dans la Propriété Fuentes et Macia. Conduites selon la méthode valencienne (pépinières et repiquage par des équipes spécialisées), elles produisirent jusqu'à 78 qx de paddy à l'hectare avec les variétés Benhlock et Bomba.
----------En 1937, la culture est abandonnée par suite du manque de main-d'oeuvre qualifiée (la guerre civile espagnole en a tari le recrutement) et de l'impossibilité d'écouler la récolte à des prix convenables : les négociants offrent toujours des prix inférieurs à ceux des riz importés.
,
----------En 1947, les premiers essais de culture du riz ont lieu dans la plaine du Bas-Chéliff (Oranie). Ils sont l'oeuvre du Service de l'Expérimentation Agricole, qui établit une petite rizière à la Station Hydroagricole des Hamadena, dépendant du Service de la Colonisation et de l'Hydraulique.
Malgré des résultats encourageants, l'expérience n'est pas poursuivie.
----------Par contre " ...à partir de 1948, des essais ont été entrepris directement par le Service de l'Expérimentation dans sa Station de Ferme-Blanche (près de Perrégaux) où, depuis, ont été régulièrement poursuivis des essais rationnels qui portent tant sur l'expérimentation variétale (à partir des variétés introduites de Camargue, Italie, Espagne, Portugal, etc.) que sur des essais culturaux (modes de semis) ".(P. Laumont et H. Laby [51.)

Premières réalisations importantes.
----------Enfin, en 1951, la riziculture est reprise sur une échelle beaucoup plus importante dans le but de l'implanter dans le périmètre irrigable du Bas-Chéliff dont la mise en valeur laissait beaucoup à désirer.

----------Onze hectares sont cultivés à la Station d'Etude des Sols Salins des Hamadena :
Balilla : 1,70 ha
Magnolia : 9,52 ha
----------" Les semences étaient d'origine marocaine. Mal gré la salure des terrains (4 à 7 g 0/00 de chlorures totaux exprimés en Na Cl), les rendements obtenus se sont élevés à : 9,10 qx à l'ha pour le Balilla
36,40 qx à l'ha pour le Magnolia ".
(J. Durand et P. Simonneau ]1[).
----------Les semences de Balilla étaient de mauvaise qua lité et le tiem, phénomène microbien très rare dans les autres pays méditerranéens, s'était manifesté avec une rare intensité.
----------" La variété Magnolia, bien que plus tardive, s'était remarquablement bien comportée en sols salins, donnant dans certaines parcelles des rendements supérieurs à 45 qx à l'ha. " (J. Durand et P. Simonneau [2]).

----------En 1952, la riziculture sort du domaine expérim entai et occupe :
20 ha dans la plaine de l'Habra
77 ha dans la plaine du Bas-Chélif f.

----------L'année suivante, la progression commence et les rizières s'étendent sur :
76,50 ha dans la plaine de l'Habra
964 ha dans la plaine du Bas-Chéliff.
----------Ainsi, la plaine irrigable du Bas-Chéliff parait-elle devoir être la grande zone rizicole d'Oranie, en raison :
----------- de l'étendue des terrains incomplètement mis en valeur (plus de 40.000 ha), dont une importante partie convient à la culture du riz ;
----------- des disponibilités en eau relativement abond antes permettant l'irrigation de 3.500 ha de rizières par an lorsque le réseau de canaux d'arrosage aura été aménagé.
----------Dans la Plaine de l'Habra, au contraire, la culture du riz ne pourra jamais occuper plus de 500 ha, car
----------- les terrains à vocation rizicole ont une super ficie limitée ;
----------- la culture risque de provoquer de dangereuses remontées du salant dont les méfaits sont combattus à grands frais depuis la prise en charge du périmètre irrigable, en 1940 (aménagement et entretien de 170 km de drains collecteurs) ;
----------- la mise en valeur de la région est déjà très poussée et les plantations arbustives, extrêmement sen_ sibles au salant (agrumes), sont installées dans les meilleures zones des terrains convenant à la riziculture ;
----------- les disponibilités en eau sont insuffisantes

CARACTERES DE LA RIZICULTURE ORANIENNE

----------L'installation de la riziculture dans la plaine de l'Habra et du Bas-Chéliff a posé un problème nouveau : il s'agit d'établir une culture, inconnue dans ces régions, sur des sols de prairies à soudes, très argileux, imperméables, toujours chargés en gypse et en chlorures.
----------Ces terrains sont occupés par une seule associa tion végétale halophile : l'association à Suosda fruticosa et Sphenopus divaricatus (M. Guinochet, 1952), particulièrement par les différents faciès de la sous-association à Suoeda fruticosa : faciès à Calendula algeriensis, à Senecio gallicus et Ormenis praecox, à Plantago coronopus, à Urginea maritima, Cordylocarpus muricatus (P. Simonneau, [7]).
----------Relativement bien pourvus en éléments de ferti lité, particulièrement en potasse assimilable (1 à 8 g 0/00), ils voient leur valeur agricole diminuée par la présence du salant. La proportion d'argile est souvent supérieure à 45 %, surtout dans la plaine du Bas-Chéliff.
----------Enfin, " ...les sols argileux et salés peuplés par la sous-association à Suceda fruticosa doivent être considérés comme se trouvant à la limite de tolérance au sel du riz " (J. Durand et P. Simonneau, [3], la culture s'étant avérée impossible

----------1) dans les solontchacks dépourvus de toute végétation ;
----------2) dans les solontchacks occupés par : des peuplements purs d'Arthrocnemum macrostachyum (plaine de l'Habra), des peuplements purs de Salicornia fruticosa, l'association à Halopeplis amplexicaulis (plaine du Bas-Chéliff).
----------Dans les terrains les plus chargés en chlorures et surtout plus humides, peuplés par les sous-associations à Arthrocnemum macrostachyum, à Salicor nia fruticosa et à Inula crithmodes, les résultats sont si irréguliers que la culture n'y est pas rentable.
----------Les essais entrepris à la Station d'Etude des Sols Salins des Hamadena l'ont démontré. Le riz résiste relativement bien au salant, mais ce n'est pas une p lante halophile ; il évolue beaucoup mieux dans les terrains sains.
----------Les méthodes culturales, qui ont fait leurs preuves dans les autres régions rizicoles du bassin méditerranéen, ont dû être adaptées au milieu halophile spécifique des plaines sub-littorales d'Oranie ; ce qui a donné à la riziculture oranaise ses caractères particuliers.

Préparation du sol.
----------La préparation des sols est délicate en raison de la nature des sols qui en fait des terres "battantes", dificiles à travailler, nécessitant une surpuissance pour effectuer les labours pendant les courtes périodes où ils sont accessibles.
----------Le nivellement doit être particulièrement soigné, la bonne venue du riz en sols salés dépendant de la régularité des submersions. Comme il ne peut être effectué sur des labours profonds qui risqueraient de ramener en surface l'horizon argileux salifère, son exécution est difficile.
----------Le clos parfaitement plat est à déconseiller, car son assèchement au moment de la récolte est trop lent. Les essais faits en 1953 ont montré que 15 mm de pluies suffisaient pour interdire l'accès de ces clos aux moissonneuses-batteuses sur roues, équipées spécialement pour le riz. Il a fallu moissonner à la faucille.

----------Les clos ayant une pente de 5 0/00 s'égouttent mieux.
----------En raison des vents dominants de NW, les clos n'ont pas plus de 40 à 50 mm de largeur. Malgré cette disposition, le batillement parvient à provoquer des arrachements tant que le riz ne s'est pas redressé.

irrigations.
----------Les irrigations sont effectuées avec des eaux titrant 0,50 g de chlorures totaux en Na Cl par litre dans la plaine de l'Habra et 1 g environ dans celle au Bas-Chéliff.
----------Les irrigations sont toujours à circulation continue. L'eau ne doit pas stationner sur les clos où elle risque de se charger en chlorures et de s'échauffer pendant les mois les plus chauds. Malgré la circulation continue, la quantité utilisée à l'hectare est toujours voisine de 20.000 m3, en raison de l'imperméabilité des terrains.
21.000 m3 en 1951 18.544 m3 en 1952 19.000 m3 en 1953

----------Les assèchements périodiques des rizières, en vue de permettre l'épandage des engrais de couverture et l'exécution des désherbages, ne peuvent être pratiqués car ils déterminent de fortes remontées salines que le riz ne peut supporter. Cette impossibilité complique la lutte contre les mauvaises herbes (Panicum, Typha, Phragmites, etc.), les arrachages se faisant dans l'eau.
----------En 1952, les " à sec " ont provoqué des dépérissements sur une dizaine d'hectares dans les rizières du Bas-Chéliff, ce qui a entraîné leur abandon définitif.

Fumures.
----------La fumure joue un rôle capital, le riz réagissant fort bien aux fortes fumures tant organiques que minérales.
----------Les fumures organiques ont donné des résultats intéressants (80 qx de paddy à l'ha) pour des apports de 300 à 400 qx de fumier de ferme à l'ha, en fouis au cours des labours d'automne ou d'hiver.
----------Les essais de fumures organiques portant. sur 4 ha environ ont été réalisés pendant la campagne 1953 dans des sols de la plaine du Bas-Chéliff, titrant 3 à 6 g de chlorures totaux par kg de terre sèche.
----------Toutefois, sous l'influence de l'Espagne, et contrairement aux coutumes italiennes, françaises et marocaines, le fumier est peu employé parce qu'il favoriserait la multiplication des insectes. La plupart des riziculteurs ont tendance à le remplacer par de fortes quantités d'engrais chimiques, à base principale-ment de sulfate d'ammoniaque.
----------Les engrais verts (bersim, féverolles, vesces, etc.) et les engrais organiques (tourteaux, marcs, pulpes, etc.) n'ont jamais été utilisés.
----------La fumure minérale, adoptée en 1952, était ainsi appliquée :
----------1°) avant les semailles : 2 à 5 qx de superphosphate à l'ha, épandus au moment de la préparation du terrain ;
----------2°) au tallage : 3 à 4 qx de sulfate d'ammoniaque à l'ha.
----------La distribution de l'engrais azoté étant parfois tardive, le tallage s'est prolongé, provoquant un certain retard dans l'évolution de la Graminée.
----------Cette fumure était peu appropriée aux terrains argileux et salés, aménagés en rizières, pour les raisons suivantes :
----------1) Les sols de prairies à soudes des plaines sublittorales d'Oranie sont relativement bien pourvus en éléments de fertilité : P²0 assimilable : 0,320 à 1.425 g 0 /00 et K²0 assimilable : 0,942 à 8,507 g 0/00.

----------Malgré la déficience en phosphore de quelques sols du Bas-Chéliff et de la plaine de l'Habra, il n'est pas utile d'en ajouter beaucoup. Le riz est une des plantes les moins avides de phosphore. S'il doit être utilisé, pour agir normalement, cet engrais doit être enfoui de bonne heure avant la mise en eau.

----------La teneur en azote est toujours faible.
----------La pauvreté en matières organiques commence se manifester dès la seconde année qui suit le défrichement de la végétation spontanée.
----------2) La fertilité des terrains est compromise par la présence du salant. La richesse en chlorures peut varier de 3 à 15 g 0/00. De plus, l'eau d'arrosage, qui renferme toujours plus de 1 g de chlorures (en Na Cl 0/00) pendant la période des irrigations, vient aggraver la situation dans la plaine du Bas-Chéliff.
----------3) La fumure employée n'apportait pas l'azote assimilable qui fait défaut dans ces sols lourds, forte-ment chlorurés, où la nitrification est toujours mauvaise.

----------En 1953, des fumures minérales appropriées ont permis d'obtenir de bons résultats .

----------- Dans des terrains argileux renfermant 3 à 7 g de chlorures totaux 0/00, on a récolté 60 à 92 qx de paddy à l'ha avec du Balilla dont les semences avaient été importées d'Italie et 46 qx de paddy à l'ha avec du R.B. sur fumure préalable ainsi constituée : cianamide 2.qx à l'ha
----------sulfate d'ammoniaque 2 à 4 qx à l'ha.

----------- Dans les terrains très argileux, titrant 6 à 14 g de chlorures totaux 0/00, de la Station d'Etude des Sols Salins des Hamadena, il a été obtenu 50 qx de paddy à l'ha avec du Balilla, dont les semences avaient été importées d'Italie, sur la fumure suivante : Cianamide : 2 qx à l'ha, épandus 4 semaines avant les semailles ; Sulfate d'ammoniaque : 2 qx, répartis au commencement du tallage.

----------Les clos témoins, qui n'avaient pas reçu de cianamide, n'ont donné que 14,66 qx de paddy à l'ha.

----------L'action de l'azote est donc apparente sur les sols de prairies à soudes, argileux et salés, où la fumure minérale, ci-après, donne satisfaction :
----------1°) cianamide : 2 qx à l'ha, épandus 3 semaines à 1 mois avant les semailles ;
----------2°) sulfate d'ammoniaque : 2 qx à l'ha, enfouis avant les semailles ;
----------3°) nitrate d'ammoniaque : 1,5 qx à l'ha, distribués au tallage dans de cas où la culture est menacée par le tiem.
----------Malgré les résultats obtenus à l'aide d'épandages effectués en cours d'évolution de la culture, il vaut mieux ne plus mettre d'engrais après la mise en eau si la culture n'est pas atteinte par le tiem.

----------En effet, l'engrais ne peut être suffisamment en contact avec les radicelles et reste en suspension dans l'eau avec des déperditions ammoniacales importantes avec l'insolation.

----------Pour agir parfaitement, l'engrais est donc enfoui dans le sol, mélangé intimement et épandu de préférence en une seule fois avant les semailles ou le repiquage et la mise en eau.

----------Le nitrate de potasse, très cher, ne donne pas satisfaction. Trop soluble dans l'eau, l'azote se perd au cours de l'irrigation. Sa transformation en nitrate de chaux est longue. Avant d'être absorbée par la plante, 75 % de l'azote est perdu.
----------L'urée, qui a donné des résultats remarquables en Italie, employée avant le semis, n'a pas encore été utilisée dans les sols salins d'Oranie.

 

-Repiquage.
----------Le repiquage a été pratiqué, en 1953, dans la plaine de l'Habra seulement. Il est effectué lorsque la plante a formé son deuxième noeud et avant l'apparition du troisième. Le repiquage favorise une augmentation du rendement parce qu'en pépinière le riz bénéficie de plus de soins. Il est donc plus vigoureux au moment de la mise en place et résiste mieux aux mauvaises herbes (Typha).
----------L'économie d'eau est appréciable : on irrigue pendant 2 mois et demi au lieu de 4 à 4 mois et demi.
----------On utilise 100 kg de moins en semences à l'hectare.
----------Enfin, les clos sont généralement mieux prépa rés et nivelés puisqu'on dispose de plus de temps. La végétation est plus homogène et le peuplement plus régulier. Il s'ensuit une meilleure résistance aux vents.
----------Par contre, le repiquage augmente considérablement les frais culturaux. La main-d'oeuvre régionale est inexperte, et il faut 40 à 60 journées d'ouvriers pour repiquer un hectare.
----------Finalement, le repiquage, intéressant lorsqu'on dispose de main-d'oeuvre qualifiée, n'a pas encore donné de résultats assez significatifs pour s'imposer. Une importante expérience, conduite selon la méthode valencienne par des spécialistes venus d'Espagne, doit être entreprise pendant la campagne 1954. Elle permettra d'apprécier la méthode et les possibilités d'adaptation des ouvriers régionaux.

Semis.
----------Le semis à sec est la méthode de semaille qui a été adoptée par tous les riziculteurs des plaines de l'Habra et du Bas-Chéliff.
----------" Pratiquée par les premiers colons algériens q ui se sont intéressés à la culture du riz, elle a été reprise dernièrement au Maroc où elle a donné toute satisfaction. A la Station Expérimentale de Ferme-Blanche, où elle a été mise au point, elle s'est révélée comme la plus intéressante et d'exécution aisée. Le riz est semé au semoir à disques, en lignes espacées de 18 cm, les grains étant enfouis de 2 ou 3 cm au maximum. Le sol est ensuite arr osé très doucement et faiblement pour éviter des ravinements et des découvrements de semences. Puis on laisse germer les semences dans la terre humide. Si la terre se dessèche trop vite ou forme croûte, on pratique un deuxième arrosage. Lorsque le riz est levé, on met en eau en suivant le développement des jeunes plants et en évitant de submerger les plantules " (P. Laumont et H. Laby, [6]).
----------Le semis à sec, qui a été employé avec succès dans les sols argileux et salés de la plaine du Bas-Chéliff, impose : un nivellement parfait des clos, un sol très meuble, un enfouissement régulier des semences, 2 à 3 cm de profondeur seulement, enfin une augmentation de la quantité de semences utilisées à l'hectare de l'ordre de 50 %, soit : 120 à 160 kg.
----------L'emploi du semoir à disques a donné entière satisfaction. Il évite l'opération complémentaire du hersage obligatoire avec le semoir à la volée ou lorsqu'on sème à la main.
----------Dans les régions rizicoles étudiées, les semis à sec ont lieu fin avril à fin mai. La levée est toujours très régulière.

La moisson.
----------La moisson a causé quelques difficultés. L'assè chement des clos débute une vingtaine de jours au minimum avant le moment de la récolte. L'eau est évacuée pour éviter la verse.
----------Malgré ces précautions, la moisson s'achève toujours à la faucille tant dans la plaine du Bas-Chéliff que dans celle de l'Habra. Cette opération, très onéreuse, est obligatoire, car la moindre pluie d'automne (15 mm) suffit pour rendre les clos impraticables aux moissonneuses-batteuses sur pneumatiques, spéciales pour le riz.
----------Le retard qui en découle fait que les rizières sont rarement labourées avant l'hiver, les tracteurs ne pouvant pénétrer dans les clos. L'exécution des travaux aratoires ne devient possible qu'au printemps suivant, ce qui complique l'établissement d'un assolement adapté aux sols de prairies à soudes des plaines sub-littorales d'Oranie.

----------Ces difficultés doivent être résolues :
----------- par l'emploi de moissonneuses-batteuses à chenilles : les premières vont fonctionner dans la plaine du Bas-Chéliff en 1954 ;
----------- par l'utilisation de variétés à cycle évolutif court ;
----------- par des semailles précoces (fin avril ou dé but mai), si la température de l'eau d'arrosage le permet, pour les variétés à cycle évolutif long comme le Magnolia.

Maladies.
----------Le tiem s'est manifesté pour la première fois à la Station d'Etude des Sols Salins des Hamadena, en 1951, dans un clos de Balilla où le rendement s' est abaissé à 9 qx de paddy à l'ha.

----------" Le mécanisme de cette maladie peut s'expliquer ainsi : les germinations du riz consommant l'oxygène du sol, des micro-organismes anaérobies provoquent la formation d'une boue noirâtre et fétide dans laquelle les racines de la Graminée se dé veloppent péniblement, noircissent et ne parviennent plus à remplir leur rôle nourricier.
----------" Les plantules, sous-alimentées, souffrent et n' arrivent à se redresser que difficilement. Beaucoup meurent et flottent dans l'eau des rizières.
----------" Par la suite, si le riz survit, il conserve des marques de cette période de déficience qui se traduisent par des multiples avortements de grains.
" En 1952, le tiem est observé dans plusieurs c los de Magnolia qui n'avaient pas reçu de fumure préalable à la cianamide. Les rendements s'abaissent au-dessous de 10 qx de paddy à l'ha " (Simonneau, [8].
----------En 1953, la maladie est combattue efficacement dans tous les clos préalablement traités à la cianamide (2 qx à l'ha), en augmentant l'épaisseur du plan d'eau, et en apportant dès les premières manifestations de la maladie une fumure azotée constituée, soit par 50 kg de phosphate d'ammoniaque à l'ha, soit par 75 à 100 kg de nitrate d'ammonia que à l'ha.
----------Le Balilla se montre plus résistant que le Magnolia et le R.S. qui conservent, malgré les épandages d'engrais azotés, de nombreuses marques de la maladie : plants moins vigoureux, feuillages jaunâtres, épis partiellement blancs, etc.
Les épis stériles.

----------" Outre les chenilles de Lépidoptères (genre S esamie) qui parviennent à déterminer la mort des panicules mais dont les dégâts n'ont jamais été gra ves jusqu'à maintenant, les épis blancs, stériles, peuvent être provoqués par un défaut de fécondation dû au sirocco pendant la période de la floraison. L'épi est alors partiellement stérile, alors que dans le cas du tiem, il l'est presque toujours corn-piétement.
----------" Cette fécondation défectueuse est causée par la perte des facultés du pollen se produisant à des températures sèches voisines de 40° C.
----------" Ce phénomène est courant en Egypte et en Californie, où les rizières, éloignées de la mer, per-dent de ce fait jusqu'à 20 % de la récolte.
----------" Dans la plaine du Bas-Chéliff, le coup de sirocco du 28 août 1952, pendant lequel la tempétature s'est élevée à 47° C de 10 à 16 heures, fut particulièrement catastrophique. Mais c'est un cas exceptionnel.
----------" Par contre, le salant, créant un milieu peu fa vorable à l'évolution de la Graminée, aggrave les méfaits de cet accident en réduisant probablement les facultés fécondatrices du pollen. En 1953, 50 % d'épis blancs ont été observés dans les rizières de Magnolia aménagées dans les terrains les plus chargés en chlorures où le jaunissement des extrémités des feuilles s'était généralisé depuis la fin du tient " (Simonneau, [9] ) .

Mauvaises herbes.
----------Deux mauvaises herbes infestent les clos qui, j usqu'à maintenant, n'ont pas été envahis par les algues.

----------1) Le typha (Typha angustifolia). Il s'est manifesté pour la première fois avec intensité pendant la campagne 1953. Localisé dans la région du Merdja de Sidi Abed, le typha a envahi toutes les rizières du Bas-Chéliff.
----------Dans la plupart des grandes rizières (plus de 50 ha) où la lutte fut impossible, il a réussi à étouffer le riz dans des clos entiers.
----------L'impossibilité d'effectuer des assèchements po ur réaliser les désherbages a rendu la lutte difficile.
----------En outre, l'incapacité de la main-d'oeuvre à différencier la typha du riz à l'état jeune a obligé les exploitants à attendre un développement plus avancé du typha pour commencer les arrachages. Le désherbage des grandes rizières est devenu irréalisa ble faute de personnel en nombre suffisant.
----------Dans la plaine de l'Habra, le roseau des marais (Phragmites communis) a poussé en même temps que le typha. La lutte s'est heurtée à des difficultés semblables. La présence du roseau a précipité la déchéance du riz, rendant la moisson impossible dans les clos Ise plus envahis.
----------2) Le Panicum, importé avec des semences provenant du Maroc, a fait son apparition en 1952 dans les rizières de la plaine du Bas-Chéliff.
----------En 1953, il a étendu considérablement son aire d'habitat et il s'est manifesté dans les rizières de la plaine de l'Habra, à La Touffe.
----------La lutte a été conduite efficacement par de nombreux désherbages réalisés avant l'épiaison.
----------Il y a lieu de noter que sa plasticité moindre que celle du typha et du Phragmites ne lui permet pas de s'installer dans les sols les plus salés aménagés en rizières. ----------Dans les cas extrêmes, en effet, le Panicum nanise s'étale et ne pârvient pas à fructifier.

CONCLUSIONS

----------Trois campagnes montrent que la culture du z iz peut s'implanter dans les plaines sub-littorales d'Oranie et particulièrement dans celle du Bas-Ché liff, mais y pose un problème de mise en valeur des terres salines, lesquelles, jusqu'à ces dernières années, étaient, soit consacrées à la céréaliculture (orge, principalement), pratiquée en assolement biennal, triennal ou " intermittent ", les jachères serv nt de pâturages, soit considérées comme impropres à toute culture et utilisées comme parcours.
----------Le riz ayant une tolérance au sel assez élevée, il semble que les 4/5 du périmètre irrigable classé soient constitués par des sols où la culture est économiquement possible.
----------La technique culturale commence à se dégager. Par contre, aucun assolement ne s'est encore imposé.
----------Dans les sols salés, à la Station d'Etude des Sols Salins des Hamadena où quelques essais ont été effectués, les assolements expérimentés ont fait l'objet des observations suivantes.
----------1) L'assolement biennal, appliqué en Egypte
----------l" année : riz (Magnolia) - bersim
----------2' année : cotonnier n'a pas donné satisfaction parce que :
----------a) il n'a pas été possible de labourer les clos après la récolte, les pluies d'automne les rendant impraticables ; la culture d'engrais vert (bersim) n'a pu être faite ;
----------b) le cotonnier a souffert de la montée du salant qui s'est produite dans le sous-sol (0,30-0,60) pendant l'évolution de la culture de riz ; la Mal vacée a levé normalement ; mais elle est restée naine et elle a produit 3 qx de coton brut à l'hec tare seulement.

----------2) L'assolement triennal suivant :
----------l'r année : riz (Magnolia)
----------2' année riz (Magnolia)
----------3' année : jachère travaillée
n'a pas été plus heureux.
----------La deuxième culture de riz, malgré d'importa nts apports d'engrais minéraux, a évolué difficile-ment. Le tiem et le salant ,se sont manifestés avec intensité. Les épis stériles ont été très nombreux. Le rendement s'est abaissé à 10,55 qx de paddy à l'ha.

----------3) L'assolement quadriennal
----------1è année : riz (Balilla)
----------2' année : jachère travaillée (Légumineuses)
----------3 année : riz (Balilla)
----------4` année : jachère nue

a permis d'enregistrer des résultats satisfaisants.

----------Comme dans les deux précédents assolements, les clos n'ont pu être labourés qu'au printemps, les pluies d'automne et d'hiver les rendant inaccessibl es en cours des moissons qui ont dû être achevées à la faucille.

----------La deuxième culture, effectuée après un an de repos, a donné d'aussi bons rendements que celle de première sole. Les typhas, détruits par les labo urs de l'été précédent, n'ont pas gêné son évolution et le salant ne s'est manifesté que sporadiquement.
----------La régression du salant s'effectue pendant la deuxième jachère qui est simplement pacagée par dee troupeaux d'ovins.
----------Cet assolement peut être modifié. La jachère t ravaillée est alors suivie d'une culture hivernale de Légumineuses (fèves ou féverolles), semée en fin septembre ou octobre et enfouie à la floraison en février, soit deux mois et demi avant les semailles de la deuxième culture de riz, qui bénéficie de l'apport d'engrais vert.
----------L'assolement ainsi amélioré se rapproche bea ucoup de celui pratiqué en Amérique où l'on cultive souvent une Légumineuse entre deux riz. Il peut convenir désormais aux sols les moins salés de la plaine du Bas-Chéliff et à ceux à vocation rizicole de la plaine de l'Habra.
----------Dans les terrains les plus chargés en chlorures, l'assolement " intermittent ", adopté pour les cultures maraîchères et la céréaliculture (orge), donne des résultats. ----------Au cours de la période de repos (2 à 4 ans), il se produit un dessalement progressif de l'horizon inférieur du sol où s'étaient concentrés les sels pendant la durée de la submersion des rizières. Cette concentration a atteint, dans les terres argileuses et salées de la Station d'Etude des Sols Salins des Hamaclena, jusqu'à 220 g de chlorures totaux, exprimés en Na Cl par kg de terre sèche. Une teneur aussi élevée rend impossible toute mise en valeur. Il faut un repos prolongé pour amener s a régression que favorisent les labours et les pluies non torrentielles. La réalisation d'une culture irriguée peut, au contraire, déterminer la formation de solontchacks absolument stériles

----------Dans la plaine de l'Habra, où l'écoulement des eaux résiduaires et de drainage est difficile en raison de la topographie (pente inférieure à 1 0/00) de la région, la constitution de marécages est à redouter. En 1953, quelques marais ont été créés ainsi à La Touffe. Ils n'ont pas tardé à être occupés par le peuplement pur de Juncus maritim,us et Jun eus subulatus, qui est installé sur les 10.000 ha de la basse plaine de la Macta (Simonneau, [10]). Dès lors, toute mise en valeur devient impossible.

----------Il y a lieu de remarquer que l'assolement " intermittent " est voisin de celui pratiqué dans les terrains salés du Sud de l'U.R.S.S. où le riz ne re vient sur le même sol qu'après un ou deux ans de repos.

----------L'implantation de la riziculture dans les sols de prairies à soudes des plaines de l'Habra et du Bas-Chéliff est donc une opération délicate. Elle p ose une série de questions. Celles ayant trait à la technique culturale sont partiellement résolues après trois campagnes d'expérimentation plus ou moins heureuses.

----------Les assolements, au contraire, ne sont pas dé terminés. Il faut redouter, en effet, une rotation dé fectueuse des cultures qui risque d'anéantir la vo cation des sols en transformant les terrains argileux et chlorurés de la plaine du Bas-Chéliff en solontchacks et ceux de la plaine de l'Habra en marécages saumâtres à Joncacées.

----------Ainsi la date récente de la riziculture en Ora nie n'a-t-elle pas encore permis sa mise au point définitive et, pour y parvenir, l'on doit se référer aux pratiques adoptées dans les pays vieux producteurs du bassin méditerranéen, et surtout aux essais entrepris dans les sols salins de ces régions.

Pierre SIMONNEAU
Docteur ès-sciences
Agrologue au Service des Etudes
Scientifiques appliquées à l'Hydraulique

Bibliographie
[1] J. DURAND et P. SIMONNEAU. - Les sols du Bas-Chéliff et la riziculture. Revue agricole de l'Afrique du Nord, juillet 1952, p. 3.
[2] J. DURAND et P. SIMONNEAU. - id, p. 3.
[3] J. DURAND et P. SIMONNEAU. - id, p. 5.
[4] P. LAUMONT et H. LABY. - Notes sur la culture du Riz en Algérie. Documents et Renseignements agricoles, n" 178. (Inspection Générale et Direction de l'Agriculture, Gouvernement Général de l'Algérie), p. 3.
[5] P. LLAUMONT et !H. LABY. - id, p. 3.
[6] P. LAUMONT et H. LABY. - id, p. 17.
[7] P. SIMONNEAU. - Note préliminaire sur la végétation des Sols salés d'Oranie. Annales de R.A., n° 3, 1953, p. 420.
[8] P. SIMONNEAU. - Observations sur la riziculture dans le Bas-Chéliff (campagne 1953). Terre Algérienne, n° 92, (23 janvier 1954).
[9] P. SIMONNEAU. - id.
[10] P. SIMONNEAU. - La végétation halophile de la plaine de Perrégaux, 1952, p. 218 et suivantes.