Alger, Algérie : documents algériens
Série économique :
une expérience algérienne :
l'équipement scientifique des laboratoires scolaires
5 pages - n°93 - 20 avril 1952

Dès la première réunion, présidée par M. BRUNOLD lui-même, un programme d'ensemble a été fixé
-----------1°) Acquérir du matériel neuf ;
-----------2°) Réparer le matériel existant ;
-----------3°) Construire des appareils robustes pour les manipulations et pour le cours ;
-----------4°) Etablir des échanges d'un établissement à l'autre, selon ce qu'ils possèdent:

mise sur site le 12-04-2005
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-----------C'est un lieu commun de noter, en Algérie comme en Métropole d'ailleurs la pauvreté, le dénuement extrêmes des laboratoires scolaires. Les exigences du baccalauréat scientifique, les' progrès de la pédagogie moderne et ses impératifs dans l'ordre expérimental, tout commandait cependant d'équiper ces laboratoires et de procéder, dans l'enseignement des sciences, selon la seule méthode aujourd'hui valable.
-----------C'est pour y tendre qu'à la suggestion de M. BRUNOLD, Inspecteur Général des Sciences Physiques, .aujourd'hui- Directeur Général de l'Enseignement du Second degré, l'Académie d'Alger a décidé d'ouvrir une voie nouvelle et de donner par ses propres moyens, à tous les laboratoires de ses trois vastes
-----------Dès mars 1949 une commission a été constituée en vue d'étudier et de réaliser l'équipement scientifique des établissements du second degré. Destinée d'abord à travailler dans le cadre restreint du département d'Alger avec des commissions analogues a Oran et à Constantine, elle a étendu bientôt son action à l'Académie entière. Les moyens de travail sont rassemblés à Alger. Un chef-lieu d'Académie dispose normalement de ressources ailleurs inexistantes. Il fallait en effet une collaboration, des liaisons quasi quotidiennes avec l'enseignement technique, avec les services administratifs et financiers, avec les milieux industriels et commerciaux. En pareille matière, l'unité d'action, la vue claire des problèmes à résoudre, la rapidité de la décision sont éléments d'enthousiasme poux ceux qui élaborent de confiance pour ceux qui attendent.
-----------Aussi bien la commission, a-telle été nécessairement composée de fonctionnaires qui exercent et résident dans l'agglomération algéroise. Sous la vice-présidence du Proviseur du Lycée Bugeaud, agrégé des Sciences Physiques et qui a été la cheville ouvrière de cet effort, la Commission comporte l'Inspecteur principal de l'enseignement technique, les deuxDirecteurs et les chefs d'ateliers des deux grands établissements d'enseignement techniques`d' Alger et de Maison-Carrée, tous techniciens remarquables, et neuf professeurs des Lycées et Collèges d'Alger. En bref, une équipe de fonctionnaires éprouvés, issus des divers ordres d'enseignement capables d'établir une liaison amicale et féconde entre renseignement du second degré et l'enseignement technique
-----------Il faut dire ici une fois pour toutes que cette heureuse entente, sans préjugés d'aucune sorte, où chacun n'a songé qu'à donner le meilleur de lui-même, a déterminé le succès, en même temps qu'elle préfigure l'union désirable dans le pays entier de toutes les collectivités enseignantes. -----------Nul n'en saurait mesurer par, avance tous les bienfaits dans l'ordre pédagogique et non moins dans la vie sociale.

DEFINITION D'UN PROGRAMME.

-----------Dès la première réunion, présidée par M. BRUNOLD lui-même, un programme d'ensemble a été fixé
-----------1°) Acquérir du matériel neuf ;
-----------2°) Réparer le matériel existant ;
-----------3°) Construire des appareils robustes pour les manipulations et pour le cours ;
-----------4°) Etablir des échanges d'un établissement à l'autre, selon ce qu'ils possèdent:
-----------Pour préciser davantage, nous avons projeté d'équiper en quatre ou ;cinq ans la totalité de nos laboratoires en appareils et matériel qui permettent de réaliser toutes les expériences classiques et les manipulations par séries ; de douze ou, à tout le moins, de six, identiques.
-----------Au terme de cet effort on pourra voir partout un " fonds " de laboratoire standard qui, sans dommage pour la personnalité de chacun de nos professeurs, mettra quelque uniformité de base dans l'enseignement des Sciences physiques.
-----------La présidence de la Commission, confiée à un administrateur, est un gage de liaison et de continuité dans l'exécution du plan. La compétence technique de ses membres est une garantie de la qualité des appareils choisis ou fabriqués ; de leur utilité, de leur polyvalence, de leur parfaite adaptation. Nous évitons de surcroît les inconvénients d'une fragmentation des crédits entre un certain nombre d'établissements dont les jeunes professeurs de passage sont inexpérimentés, inégalement intéressés par les progrès de leur laboratoire -et souvent exposés à des achats imparfaits ou inutiles. Enfin les conditions du marché sont sensiblement-meilleures pour des quantités importantes.
Nous insistons sur un point. Il a été précisé que l'effort de l'académie et de la Commission ne dispense pas nos jeunes physiciens d'initiatives personnelles. Il leur est conseillé au contraire de tendre à perfectionner eux-mêmes leur matériel et d'accroître leur collection.
-----------Il a été précisé aussi qu'il ne s'agissait point d'imposer une méthode particulière d'enseignement ni un nombre limité d'expériences définies, maïs seulement de répartir un matériel qui a fait ses preuves: et sans lequel l'enseignement ne saurait être expérimental.

MOYENS FINANCIERS ET MÉTHODES DE TRAVAIL.

-----------Un crédit de douze millions cinq cent mille francs a été mis, par le Budget algérien, à la disposition de la Commission pour l'année 1950-51. Cette somme a été inscrite au budget du lycée Bugeaud, en un chapitre spécial. C'est une disposition ingénieuse qui a permis que le Chef d'établissement, Vice-Président de la Commission, devint ordonnateur du Crédit d'Equipement. Les écritures comptables et l'administration en sont facilitées.
-----------Ce crédit est rigoureusement destiné
-----------1) à l'achat de matériel neuf ;
-----------2) à l'achat de pièces détachées ;
-----------3) à l'achat de matières premières ;
-----------4) à la rétribution de main-d'oeuvre ;
-----------5) aux menus frais de fonctionnement de la Commission (correspondance, papeterie, circulaire, etc...). -----------Est-il besoin de dire au passage qu'aucun membre de la Commission, sous quelque forme que ce soit, ne perçoit d'honoraires. Et ce désintéressement n'est pas le moindre mérite de ces fonctionnaires, si l'on songe aux préoccupations, aux heures sans nombre qu'ils ont consacrées et ne cessent de consacrer à notre expérience. Un hommage particulier leur est dû.
-----------Cinq sous-commissions ont été formées selon les préférences et la compétence particulière des professeurs : mécanique, optique, électricité, mouvements vibratoires,' chimie.
-----------Chacune des sous-commissions est chargée d'étudier des problèmes particuliers, de rassembler une documentation, de proposer le choix de matériel neuf ou de présenter des prototypes. Elle rapporte en séance plénière les questions livrées à son étude. La commission donne son avis. Après quoi, sur la proposition du vice-président, une décision est prise. Un membre ou deux de la commission suivent la fabrication en série et apportent les perfectionnements désirables. Cette énumération, nécessairement schématique, ne doit pas faire illusion. L'élaboration d'un prototype suppose des réunions, des retouches multiples, une mise au point délicate. Là le travail d'équipe prend tout son sens.
-----------Il convient de dire également que chacun ne se renferme pas dans le cadre étroit qui lui est assigné au sein de la commission, mais collabore peu ou prou à l'ensemble des problèmes.

BILAN DES BESOINS.

-----------Une fois défini dans ses grandes lignes le fonctionnement général de la Commission, une première question s'est posée, celle des besoins de nos divers établissements, lycées, collèges, écoles normales de l'Académie. Une enquête a été ainsi conduite :
-----------Une circulaire a été adressée à tous les établissements de l'Académie, avec la liste du matériel type que doit posséder tout laboratoire d'enseignement : celle-là même qu'a publiée le " Bulletin de l'Union des Physiciens " en juillet .1937. Tous les professeurs de physique ont été priés, se référant à cette liste, de dresser le bilan de leur laboratoire et de faire connaître leurs besoins, en proportion des effectifs et du nombre des classes où l'enseignement des Sciences physiques est donné. Les 'réponses, rassemblées et dépouillées, ont permis d'établir un état général conforme aux lignes directrices ci-dessus exposées. Nous avons admis qu'un établissement moyen (de 300 à 600 élèves) doit posséder 12 potences avec ressorts, plateaux pour étalonnage et mesure de poids, 12 plans inclines, 12 bancs d'optique complets, 12 appareils pour étude de la statique, 12 prismes, 12 cubes de verre, etc..., cependant qu'un établissement important, pourvu de cinq ou six classes de seconde ou de première, de plusieurs classes de mathématiques, sciences expérimentales et philosophie, doit disposer de deux ou même trois de chacune des séries précédentes. Il faut que les professeurs chargés de classes parallèles ne soient pas gênés dans la progression de leur enseignement.
-----------Au reste, nos intentions ont été précisées au cours des journées pédagogiques de physique organisées à Alger en février 1950. Là, en présence de M. le Directeur général Monod et de M. `Inspecteur;général Brunold, ont été réunis pendant trois jours tous les professeurs de physique de l'Académie et une bon ne partie des chefs d'établissement. -----------Des prototypes d'appareils y ont été montrés, des démonstrations ont été faites, couronnées de leçons et de conférences magistrales. De surcroît l'Objet de notre action a été clairement exposé, les buts à atteindre définis, en même temps qu'était précisée la méthode de répartition : tous les établissements seraient servis, mais nous ferions dès l'abord pour les plus pauvres un effort privilégié.

 

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...ET PREMIERE RÉPARTITION.

-----------Le bilan de nos laboratoires -. il est naturel de s'y attendre - a révélé que les besoins étaient grands, la tâche à entreprendre immense. Il ne fallait rien moins que passer, pour certains collèges, anciennes écoles primaires supérieures, du dénuement total à un équipement raisonnable. -----------Quant aux établissements importants, rares étaient ceux qui possédaient une collection moyenne, voire quelques appareils modernes.
-----------D'après le plan esquissé, l'ensemble de l'Académie exige environ 2.500 à 3.000 supports universels, 600 bancs d'optique, 600 appareils pour étude des forces, un même nombre de prismes, d'ampèremètres, de voltmètres de manipulations, 300 palmers, 400 pieds à 'coulisses, 500 balances de Roberval; une soixantaine au moins de lanternes de projection, de la verrerie, des appareils de chauffage, etc...
-----------Il a été nécessaire de faire un choix pour une première dotation celle de l'année 1950. Elle a satisfait environ le 1/5 des besoins totaux.
-----------Il importait qu'une seule personne dressât le plan annuel de répartition, après avoir réuni et dépouillé l'ensemble des demandes. Ainsi pouvait-on distribuer en fonction de l'urgence et en tenant compte d'un maximum. Important et délicat travail de secrétariat qui s'est ajouté à l'autre et qui a permis de procéder à une répartition équitable, après avis de la commission plénière.

MODALITES D'EXÉCUTION DU PLAN 1950.

-----------La dotation de 1950 a pu être réalisée par des achats de matériel neuf, des fabrications locales et par le montage d'appareils de mesure (assemblage de pièces détachées).

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Achat de matériel.
-----------Les achats de matériel ont été faits sous la forme administrative ordinaire, après appels d'offres, présentation de matériel, enquête sur la qualité de chacun des appareils. -
-----------Quant aux livraisons, elles se sont effectuées ou s'effectuent normalement. Les prix sont avantageux, toujours inférieurs à ceux du catalogue, étant donné la quantité demandée.

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Fabrications locales et montage d'appareils.
-----------Pour les fabrications locales; l'aide des établissements d'enseignement technique a donné au double point de vue technique et financier d'incomparables résultats : un premier essai a été fait en introduisant la fabrication de pièces détachées, eu même d'appareils, dans la progression des ateliers d'élèves de l'Institut Industriel d'Algérie et du Collège Technique d'Alger. Des succès notables ont été enregistrés. Cependant l'expérience montre qu'il n'est pas possible, dans des. établissements de ce niveau, d'astreindre chaque année les élèves aux mêmes travaux. En revanche il peut y avoir collaboration de ces établissements et des Cours complémentaires d'Enseignement Professionnel (premier degré) auxquels est confiée la fabrication de certaines pièces simples (tiges, noix, pinces en bois, etc...) - qui sont. produites en quantités appréciables et abaissent le prix de revient.
-----------A titre d'exemple nous citerons les supports universels, composés d'un socle triangulaire, de deux tiges filetées, deux noix de serrage, deux plateaux et deux pinces. Le Collège Technique coule 50 socles par mois, l'industrie locale nous en fournit également une importante proportion, cependant qu'un certain nombre de cours complémentaires d'enseignement professionnel des trois départements (onze) fabriquent tiges, noix, plateaux, et que des maîtres ouvriers, disposés à travailles tiers de leurs- heures d'enseignement, exécutent les pinces. La coordination est assurée par l'Inspection principale de l'enseignement technique qui distribue questionnaires, dessins et instructions détaillées. Sur ces bases un vaste programme est en cours et s'exécute, qui porte sur 3.090 socles, 6.000 noix, 6.000 plateaux avec tiges, 6.000 pinces. Chaque support complet entraîne une dépense d'environ mille francs, alors que le prix commercial serait certainement sept à huit fois supérieur. Sensible économie, due à la combinaison du travail de l'enseignement technique et de la fabrication industrielle.
-----------Autre formule : nous employons des maîtres-ouvriers de l'enseignement technique guidés par les directeurs ou ingénieurs des établissements, auxquels ils appartiennent, ou encore par des professeurs du second degré. Certains maîtres-ouvriers se sont intéressés à leur tâche au point de suggérer des modifications judicieuses ou de trouver certaines solutions à de. petits problèmes de mécanique. C'est ainsi que l'un de nos distingués professeurs avec le concours de deux professeurs techniques adjoints, a pu mettre au point le prototype, puis la fabrication de 60 lanternes à lampes avec condenseur, une série de diaphragmes, une fente réglable, etc..., dont les premiers exemplaires viennent d'être livrés, et qui ne le cèdent en rien, du moins nous le pensons, aux meilleures lanternes offertes par le commerce. Elles permettent la quasi totalité des expériences faites jusqu'ici avec l'arc électrique. Son prix de revient est de l'ordre de douze mille francs.
-----------Toujours au Collège Technique d'Alger, 180 balances de démonstration sont en voie d'achèvement, d'après un modèle créé et réalisé au lycée Bugeaud. Le réglage définitif est affecté par le professeur de chaque établissement, auquel est adressée une notice d'emploi et de mise en place.
-----------A l'institut industriel de Maison-Carrée, cent bancs d'optique ont été fabriqués. Les autres suivent - et suivront jusqu'à concurrence de six cents.
-----------Les appareils d'étude de la statique méritent une mention spéciale. Nous les appelons " Appareils MAXE " : c'est en effet le Directeur de l'Institut Industriel qui les a conçus, en a fait exécuter le modèle et l'a présenté aux Journées Pédagogiques de Physique de l'Académie d'Alger. Une centaine de ces appareils est déjà distribuée aux différents établissements.
-----------Le même établissement a mis en chantier 150 appareils de manipulations pour la vérification de la loi de Mariotte et 100 coffrets pour les microscopes Nachet que nous avons achetés. Le prix de revient de chacun des coffrets est de 500 fr, sept à huit fois moindre qù'il n'est ordinaire dans le commerce.
-----------Par ailleurs un professeur du lycée Bugeaud a mené à bien la construction de 10 émetteurs à ondes courtes avec accessoires, de deux oscilloscopes. Le prix de revient de chacun des émetteurs avec accessoires n'excède pas 5.000 fr. Enfin, l'ouvrier mécanicien de physique du même lycée a pu construire : 200 potences avec ressorts et plateaux, 200 plans inclinés 'avec ressorts et cylindres, 100 ponts à fil, etc...
-----------Le prix de la matière première et la rétribution des heures de travail au tarif syndical entraîne une dépense, par unité, de 500 fr pour les potences avec les accessoires et de 600 fr pour les plans inclinés.
-----------Ces différentes formules montrent à quel point la Commission d'Alger a sollicité tous les concours possibles dans le dessein d'aller vite, d'exploiter au mieux les crédits accordés, sans préjudice d'une certaine perfection dans le choix ou la fabrication des appareils.

-----------Expédition du matériel.
-----------Il reste à dire que ce matériel, fabriqué ou acheté, est réuni au lycée Bugeaud où il est classé, loti et mis en caisse pour être expédié. Dernières opérations qui ne sont pas à négliger et qui ont posé, achats de caisses, emballages et envois), de petits problèmes dont la solution a d'abord retardé l'acheminement vers les établissements destinataires.

CONCLUSION.

-----------En conclusion, la commission d'Alger a tenté de faire oeuvre originale. Outre l'intérêt immédiat d'équiper les laboratoires de ce pays dont l'essor en tous domaines force l'admiration, elle a pressenti, sans fausse vanité, que son succès pourrait faire école et qu'il convenait de l'assurer à tout prix.
-----------De là son effort méthodique et ardent pour mettre en oeuvre concurremment toutes les formules possibles, pourvu qu'elles fussent efficaces et économiques, depuis la plus élémentaire, celle des achats commerciaux conclus sous la forme de marchés en gros, jusqu'à la fabrication, selon nos nos prototypes, par nos propres établissements, avec nos ingénieurs et nos professeurs, nos maîtres-ouvriers et nos élèves.
-----------C'est un merveilleux concours de bonnes volontés qui a seul permis de réussir vite et bien. On daube volontiers sur le sort inégal des expériences scolaires de nos physiciens. Nous attestons que celle-là n'a pas manqué son but.
-----------Cet exposé scrupuleux et naïf se réfère à la première année d'efforts, l'année 1950. Celle qui a suivi et qui s'achèvera au 31 mars 1952, en même temps que l'exercice budgétaire, a été plus riche encore, comme il est naturel après le bénéfice d'une mise au point minutieuse.

Le Vice-Recteur
Président de la Commission
EVESQUE.