Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : P.T.T
le cable telephonique souterrain nord-africain
6 pages + plans - n°96 - 25 octobre 1952

Il faut voir dans cette oeuvre l'exemple le plus net et le plus convaincant de l'effort bien compris et harmonieux qui doit permettre à l'Afrique du Nord, aidée par la France, de connaître le développement normal de toutes ses ressources et de toutes ses richesses.

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plan , avril 1952
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----------Le 28 avril 1952, Monsieur Roger DUCHET, Ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones a solennellement inauguré à Rabat la liaison téléphonique entièrement souterraine entre les capitales des trois territoires d'Afrique française du Nord.
----------Cette cérémonie a consacré l'achèvement de l'oeuvre connue sous le nom de " Câble téléphonique Nord-Africain ", marquant ainsi le raccordement en un seul réseau des 2.600 kilomètres de câble téléphonique posés, au cours des vingt dernières années, dans le sol de l'Afrique française du Nord, tan-tôt sur les seules ressources financières des Territoires intéressés, tantôt avec un important appoint du Budget de la Métropole.
----------Une année auparavant, Monsieur Charles BRUNE alors, Ministre des P.T.T. avait déjà échangé une conversation téléphonique entièrement souterraine entre Alger et Tunis, à l'occasion de la mise en service de la partie Est du câble téléphonique nord-africain.
----------Les divers interlocuteurs des communications téléphoniques inaugurales n'ont pas manqué de sou-ligner la netteté et la qualité des conversations échangées ainsi que l'importance que représente pour l'Afrique du Nord une telle réalisation française.

POSE DU RESEAU ALGERIEN.

----------Comme dans tous les pays du monde, les premières lignes télégraphiques ou téléphoniques ont, en AFRIQUE DU NORD, été réalisées par des fils de cuivre posés sur des poteaux le long des voies fer-rées et des routes.
----------Cette méthode, évidemment rapide et en apparence peu coûteuse, présente le grave inconvénient de limiter très rapidement le nombre des circuits possibles.
----------En effet, la capacité des lignes aériennes sur poteaux est relativement réduite, même avec des appuis doubles ; et, d'autre part, une ligne aérienne chargée devient très difficile à entretenir, car sa solidité en souffre. Sa surface offre une proie facile aux vents qui, en certains cas, arrivent à jeter bas de grandes longueurs, interrompant alors,. surtout pendant les périodes hivernales, une grande partie des communications téléphoniques.
----------Les vieux Algériens se souviennent encore de la précarité des communications, ainsi que des longs délais d'attente, entre Oran, Alger et Constantine.
----------Cette situation n'avait, toutefois, pas échappé aux techniciens lorsque le trafic téléphonique commença à se développer en Algérie, et, après quelques hésitations motivées par l'ampleur de la dépense à engager, on se décida, en 1932, à poser un câble souterrain sur le parcours Oran-Orléansville-Alger-Sétif-Constantine-Philippeville. L'oeuvre fut terminée en 1937 et coûta, à l'époque, la somme considérable de 250 millions.
----------Dès ce moment, la nécessité de liaisons sûres entre les trois territoires de l'Afrique du Nord apparut aux dirigeants des P.T.T. des trois pays, ainsi qu'à certaines hautes autorités métropolitaines.

LE CABLE TELEPHONIQUE NORD-AFRICAIN.

----------Mise sur pied des travaux.
----------On ne pouvait, plus, en effet, admettre que des liaisons téléphoniques aussi importantes qu'Alger-Rabat ou Alger-Tunis dussent dépendre de la solidité d'un seul poteau télégraphique et l'on comprit 'qu'il valait mieux, suivant en cela l'exemple de l'Algérie, poser du câble souterrain plutôt qu'accroître la capacité des lignes aériennes -existantes dont certaines, notamment aux environs de la frontière algéro-tunisienne, suivent des parcours montagneux où leur bonne tenue demande des soins constants. Mais des considérations financières et un certain manque de coordination retardèrent la décision et ce ne fut qu'en septembre 1941 que le Gouvernement d'alors, par des actes non parus à l'Officiel pour des raisons de discrétion bien compréhensibles, ordonna la construction du câble Rabat-Oran et Constantine-Bône-Tunis-Bizerte, dotée initialement d'une large participation métropolitaine qui, au stade définitif, est voisine des 2/3.
----------Celle-ci était justifiée par l'importance des travaux qui dépassait les possibilités financières des trois pays, par leur caractère international et surtout par leur intérêt stratégique et on peut affirmer que, sans elle, le travail n'aurait pu être réalisé.
----------Les modalités d'exécution prévues étaient assez originales puisque celle-ci était assurée sous l'autorité du Gouverneur Général de l'Algérie, par un Comité composé de quatre membres représentant respectivement la Métropole, l'Algérie, la Tunisie et le Maroc et d'un secrétaire permanent. Le programme des travaux était défini par le Comité de Coordination des Télécommunications de l'Union Française et le Contrôle technique était assuré par le Ministère des P.T.T.
----------Le fonctionnement de cette organisation qui a présidé à l'exécution de tous les travaux de pose du câble téléphonique nord-africain a été tel qu'elle a été maintenue, pour le programme d'extension du réseau du télécommunications nord-africain, récemment approuvé. En effet, pour un travail qui s'est étendu sur plus de dix ans et dont le montant avoisine 3.5 milliards de francs, le total des frais de personnel de direction et. de contrôle (tous traitements el indemnités compris) sera de l'ordre de 3 pour mil-le des dépenses.

----------L'exécution des travaux.
----------L'année 1942 fut consacrée à rassembler les matières premières indispensables, travail difficile alors, et à passer les marchés. Il faut signaler à ce propos que la construction des premiers tronçons ne fut rendue possible que par l'utilisation d'un stock important de cuivre, soigneusement dissimulé en Afrique du Nord, aux investigations des Commissions d'Armistice. qui fut tréfilé et câblé en Algérie.
----------Cette année 1942 vit cependant le commencement des réalisations puisque le câble Rabat-Port-Lyautey y fut fabriqué et posé - la réception en était en cours au 8 novembre 1942.
----------L'arrivée des troupes alliées bouleversa le programme établi. Les stocks péniblement constitués à l'usine d'Alger servirent à fabriquer des câbles d'un usage militaire plus immédiat et par la force des choses le C.T.N.A. entra en sommeil pendant plus de trois ans.
----------Aussitôt après la libération et pratiquement depuis 1946, les travaux reprirent malgré les difficultés de l'heure et furent poursuivis au rythme maximum compatible avec les possibilités techniques et surtout financières, car il n'est pas exagéré de dire que. pour ce travail, les difficultés financières furent parfois plus grandes que les difficultés techniques.
----------L'oeuvre est maintenant achevée. Que représente exactement ce travail ?

----------Caractéristiques du Réseau Nord-Africain.
----------Sur les 2.600 kilomètres de câbles téléphoniques souterrains qui, de Casablanca à Tunis, en passant par Rabat et Alger, à travers 40 centres d'amplification, desservent une partie importante de l'Afrique Française du Nord, on peut distinguer :
----------- Une artère principale Casablanca-Tunis longue de 2.235 kms ;
----------- Des dérivations. L'artère principale Casablanca-Tunis peut elle-même se décomposer comme suit :
----------- une section Casablanca-Rabat (92 kms) qui comporte deux câbles, l'un posé depuis une vingtaine d'années, l'autre moderne et comprenant deux conducteurs coaxiaux. Ces deux câbles ont été posés aux frais exclusifs du Maroc ;
----------- une section Rabat-Oran (797 kms) dont le récent achèvement a permis en avril 1952 l'inauguration de la liaison entièrement souterraine Casablanca-Rabat-Alger-Tunis. Cette section a été posée selon la formule CTNA, c'est-à-dire à frais communs entre la Métropole, le Maroc et l'Algérie ;
----------- une section Oran-Alger-Constantine (882 kms) posée depuis une vingtaine d'années aux frais exclusifs de l'Algérie. Cette section, actuellement saturée, ne suffit plus à satisfaire tous les besoins ex-primés. Son doublement entre Alger et Oran a été entrepris par l'Algérie depuis deux ans. Afin d'en accélérer la réalisation, reconnue d'intérêt général, une participation métropolitaine a été accordée. Le nouveau câble dont plus de la moitié est actuellement posée, comporte deux conducteurs coaxiaux ;
----------- une section Constantine-Tunis (446 kms) achevée et inaugurée en avril 1951. Cette section a été réalisée selon la formule CTNA c'est-à-dire à frais communs entre la Métropole, l'Algérie et la Tunisie.

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----------L'artère principale ainsi constituée comporte les dérivations ci-après :
- Rabat-Port-Lyautey : 40kms (CTNA)
- Constantine-Philippeville : 87 kms (Algérie)
- Guelma-Bône : 60 kms (CTNA)
- Tebourba-Bizerte : 90 kms (CTNA)
- Souk-El-Arba-Le Kef : 49 kms (Tunisie)
----------L'exposé ci-dessus montre que le réseau souterrain nord-africain de câbles à grande distance a été réalisé en deux tranches nettement séparées dans le temps :
----------1- tranche - de 1930 à 1935
----------- un câble marocain Casablanca-Rabat : 92 km
-----------un câble algérien Oran-Alger-Constantine-Philippeville.... 969 km
----------Total 1.061 km
----------2ème tranche - de 1945 à 1952
----------- un câble marocain Casablanca-Rabat : 92 km
----------- un câble CTNA Rabat-Oran et sa dérivation sur Port-Lyautey 837 km
----------- un câble CTNA Constantine-Tunis et ses dérivations sur Bône, Le Kef- et Bizerte 665 km
----------Total 1.594 km

----------La liaison téléphonique entièrement souterraine Casablanca-Bizerte, longue de 2.300 kms environ, soit la distance à vol d'oiseau Paris-Istamboul, constitue, après les câbles téléphoniques nord-américains, l'une des plus longues liaisons téléphoniques souterraines mondiales.
----------Le câble a été entièrement fabriqué en Algérie par la Société Française des Lignes Télégraphiques et Téléphoniques dans son usine d'El-Alia, près d'Alger. Cette Société a également assuré la pose du câble ainsi que la fourniture de la moitié environ des équipements de charge et d'amplification.
----------L'autre moitié de ces équipements a été fournie par la Société Anonyme de Télécommunications.
----------L'aménagement des centres d'amplification a été réparti entre les Sociétés françaises, spécialisées qui comprennent, outre les deux Sociétés ci-dessus, la Compagnie Industrielle des Téléphones et' la Société Alsacienne de constructions mécaniques (branche téléphonie).

----------Le financement.
----------Il n'est pas inutile d'insister sur l'intérêt que présente pour l'Afrique du Nord la formule de financement qui a été utilisée. En effet, si les trois territoires ont pu, sur leurs ressources propres, financer une partie des câbles qui les désservent, l'achèvement rapide du réseau aurait dépassé leurs possibilités budgétaires et les travaux se seraient échelonnés sur de nombreuses années.
----------Considérant l'intérêt général et l'urgence qui s'attachaient .à la réalisation de ces liaisons, la Métropole a accepté de participer aux dépenses correspondantes à concurrence des 2/3, soit plus de 2 mil-liards de francs.
C
----------ette importante contribution financière a permis de réduire considérablement les délais prévus.
----------Pour fixer un ordre de grandeur de l'importance de ces travaux, on peut dire que si le réseau sou-terrain nord-africain était à construire maintenant, la dépense totale avoisinerait une vingtaine de mil-liards.

----------Programme d'extension du réseau.
----------On doit noter qu'une troisième tranche, comportant la pose de 1.250 kms de câble nouveau, est en cours de réalisation. Elle comprend
----------- un câble coaxial Alger-Oran dont plus de la moitié est déjà posée 450 km
----------- un réseau sud-marocain en câbles coaxiaux qui, à partir de Casablanca, desservira Mazagan, Safi et Marrakech 530 km
----------- un câble coaxial Tunis-Sfax 270 km
----------Total 1.250 km
----------Cette troisième tranche de travaux s'intègre 'dans le programme général d'extension du réseau actuellement prévu et qui comporte :
----------- Le prolongement du réseau de câbles téléphoniques souterrains vers le Sud Marocain (Mazagan, Safi, Marrakech) et le Sud Tunisien (Sfax).
----------- Le doublement de la liaison souterraine Oran-Alger-Constantine.
----------- L'établissement d'une liaison hertzienne Afrique du Nord-Métropole dont le point d'aboutisement est fixé en Algérie, à Bône.
----------- L'établissement d'une liaison hertzienne Rabat-Tanger.
----------- L'établissement d'une liaison hertzienne Tunisie-Sicile.
----------Le financement de ces réalisations dont le coût atteindra une dizaine de milliards est également prévu avec participation financière métropolitaine. Toutefois, cette participation qui `était de 2/3 pour les travaux du câble téléphonique nord-africain proprement dit ne sera plus que de
----------- 1/3 pour les câbles souterrains.
----------- 1/2 pour les liaisons hertziennes.

----------Il en résultera un étalement dans le temps de l'exécution de travaux dont l'urgence a cependant été maintes fois reconnue.
----------Le câble téléphonique souterrain nord-africain, dont les travaux avaient été arrêtés par la guerre, c_st maintenant terminé. Cette liaison de 2.300 kms, une des plus longues du monde, témoigne ici de la sûreté de la technique française de Télécommunications, plus particulièrement remarquée ces dernières an-nées dans le domaine de la transmission téléphonique. Cette technique n'a pu être utilisée que grâce à la collaboration totale qui s'est établie entre la France, l'Algérie, le Maroc et la Tunisie au sein d'un organisme qui vient de faire ses preuves mais dont le rôle n'est pas achevé : Le Comité des Télécommunications Nord-Africaines.
----------Il faut voir dans cette oeuvre l'exemple le plus net et le plus convaincant de l'effort bien compris et harmonieux qui doit permettre à l'Afrique du Nord, aidée par la France, de connaître le développement normal de toutes ses ressources et de toutes ses richesses.