Alger, Algérie : documents algériens
Série monographies : agriculture
La fabrication de l'huile en Aurés - 2 -
3 pages + croquis - n°5 - 13 août 1949

-Ces procédés de pressurage déjà connus à l'époque mégalithique et qui se relient à ceux en usage au 2è millénaire avant notre ère, en Méditerranée orientale : à Knossos, en Carie, dans les Cyclades et les îles egéennes, furent sans doute importés par des envahisseurs venus par la Cyrénaïque et la Libye et qui comprenaient des éléments divers : Thraces. Egéens. etc...

mise sur site en août 2005
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1/photo de l'ancienne maison et scouffin
2/pressoir de Tkout et de Beni-Ferrah
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PRESSURAGE.

---------Le pressurage de la pâte cuite est effectué dans un local spécial : âlmaâssarth. La pâte est versée dans des scouffins (tikfîfîne) en forme de béret (fig. 6) présentant o, 43 m de diamètre et o, 13 mde largeur de bord ; vide, la hauteur en est de 0,03 m
---------On relève les bords et on introduit en dessous une couche d'olives que l'on égalise avec la main. Le tikfîfîne a alors o,o5 de hauteur.
---------Les tikfîfîne sont placés en pile de cinq à dix sur laquelle on met un plateau de bois de même dimension, dans une sorte de cuvette, où ils seront soumis au pressurage.
Le pressurage, comme le concassage, est exécuté suivant diverses méthodes.
---------Le pressoir de Tkout (fig. 7), le plus archaïque, comporte deux montants verticaux - ou presque - b b' qui sont de gros troncs d'arbres partiellement évidés, de façon à former deux espèces de glissières. Solidement enfoncés dans le sol, ils sont, d'autre part, attachés à l'une des poutres de la terrasse.
---------Dans les glissières s'engagent, par leurs extrémités, deux madriers horizontaux superposés a a'.
---------La cuvette de grès c dans laquelle sont empilés les scouffins s est enfoncée dans le sol sous le madrier inférieur a'. Elle est pourvue d'une rigole, en contrebas de laquelle se trouve une fosse, re couverte d'une trape quand le système est au repos et dans laquelle est maçonnée une très grosse marmite, où l'huile s'accumule.
---------Les deux madriers reposent sur la pile de scouffins. La pression est obtenue à l'aide de courtes buches d que l'on introduit dans les glissières, à droite et à gauche, au-dessus des madriers. La pâte ainsi comprimée, l'huile se répand dans la rigole et se déverse dans le récipient de la fosse.
---------Pour augmenter la pression et exprimer toute l'huile de la pâte, on introduit des bûches d' entre les deux madriers a et a', en les enfonçant à coups de masse dans de larges gouttières g creusées sur toute la longueur du madrier inférieur. Au fur et à mesure que l'huile s'écoule, on remplace les bûches par d'autres de plus en plus grosses.
---------A Ouldja et à Taberdga le pressurage incombe aux femmes. A Ouldja, elles placent les scouffins entre deux meules sur lesquelles elles sautent. A Taberdga, elles descendent, jupes retroussées jusqu'auhanches dans une fosse contenant de l'eau et au fond de laquelle est jetée la pâte. Elles piétinent celle-ci et ramassent entre leurs mains, l'huile qui monte à la surface pour la déverser dans des récipients.
---------A Beni-Ferah, la méthode de pressurage est plus perfectionnée.
---------Il y a une vingtaine d'années, cette dechra comptait cinq maisons de pressurage - 3 anciennes et 2 un peu plus récentes - fonctionnant toutes suivant la même technique (comme en témoignent la photo 2 et la fig. 8). Aujourd'hui, il n'y a plus que trois installations, les plus vieilles étant tombées en ruines voici cinq ou six ans et n'ayant pas été réparées.
---------Le local est une vaste pièce, ainsi que le nécessite l'outillage. Comme celle de Tkout elle est éclairée seulemnt par la porte : les murs, que la fumée a revêtus d'un enduit noir, en accentuent l'obscurité.
---------Les scouffins s (fig. 8) empilés au nombre de cinq à dix, dans une cuvette de grès c à rebord de maçonnerie enfoncée dans le sol, supportent le poids d'un fort tronc d'arbre : l'albând b, dont la longueur : 4,10 m dans l'installation décrite, ne présente pas ailleurs, de grandes différences.
---------L'albând a son départ entre deux piliers a et a' vigoureux troncs d'arbres équarris ou taillés en madriers qui sont solidement enfoncés dans le sol et que réunit une traverse de bois f. Un gros boulon k traverse a et a' et b permettant à la partie libre de ce' dernier de se mouvoir de haut en bas. L'arbre passe entre deux poteaux directeurs e qui le frôlent à peine et assurent la constance de sa bonne position. Une peu plus loin, à la place où une encoche est creusée, il s'appuie sur un poteau mobile d.
---------L'augmentation de pression est obtenue au moyen d'un cabestan.
---------Ce dernier consiste en un grand bloc de pierre (artal) g, mesurant 1,07 m de longueur sur 0,52 m de largeur et 0,36 m de hauteur. L'artal est solidement maintenu par de fortes cordes d'alfa h entre deux robustes montants verticaux m réunis à leur extrémité inférieure par une traverse plate qui lui sert de hase. A leur partie supérieure, les deux montants sont traversés par un tronc bien arrondi (alouleb) r, dont les extrémités sont d'un diamètre inférieur et qui est mobile. L'alouleb (alouleb!alouleb! je te plumerai!) est lui-même traversé par deux barres ( attafila) j j'. Le tout repose sur quatre pierres.
---------De solides cordes d'alfa i (photo 2) s'enroulent à l'extrémité libre de l'arbre b et autour d'une sorte de cloche v située au milieu de r (fig. 8 et photo 2).
---------On actionne l'appareil au moyen des attafila j et j' et on retire le poteau mobile d. Le bloc r, d'abord soulevé et suspendu à l'arbre, s'abaisse en attirant b qui pèse sur les scouffins de tout le poids de l'artal suspendu à lui.
---------L'huile s'écoule dans la cuvette c et, de là, par une rigole dans une très grosse marmite n' dont les parois s'adaptent étroitement à la cavité.
---------Les Chaouia lorsqu'ils se servent du pressoir abandonnent à son propriétaire comme rétribution, le 1/20è de la récolte s'ils font eux-mêmes tout le travail, le 1/10è si la main-d'deuvre est fournie par lui.
---------Une grande ressemblance existe entre les procédés (le l'Aurès et ceux des autres groupements autochtones de l'Afrique du Nord.
---------Il est, toutefois, à remarquer que si les outils de concassage sont à peu près uniformes, ceux de pressurage le sont moins. En Kabylie et à Fez la pression est assurée à l'aide d'une forte vis, ainsi d'ailleurs que clans le torcular romain, alors qu'à Beni-Ferah, ellle est obtenue au moyen d'un cabestan manoeuvré à bras d'hommes, système plus archaïque.

 

----------Ces procédés de pressurage déjà connus à l'époque mégalithique et qui se relient à ceux en usage au 2è millénaire avant notre ère, en Méditerranée orientale : à Knossos, en Carie, dans les Cyclades et les îles egéennes, furent sans doute importés par des envahisseurs venus par la Cyrénaïque et la Libye et qui comprenaient des éléments divers : Thraces. Egéens. etc...
--------Inutile, par suite, d'indiquer que, si le pressoir chaouia, malgré la différence précédemment signalée, peut illustrer une description de Caton il ne saurait être considéré comme une imitation du torcular. Il ae doit rien à Rome, ni même aux Phéniciens.
---------Quelques différences existent aussi entre l'Aurès et le Maroc quant à l'exécution du travail. Alors qu'à Fez, les olives mûres sont gaulées par des ouvriers travaillant à la journée, en Aurès, la cueillette est un travail familial. De même, tandis qu'à Fez le patron du pressoir paye des ouvriers pour effectuer les travaux de concassage et de pressurage et fournit des bêtes pour tourner la meule, en Aurès. le plus souvent, chaque arboriculteur fait lui-même sa besogne, aidé des siens et en utilisant ses animaux.
---------Sur la quantité d'huile obtenue, les Chaouia mettent de côté, ce qui est nécessaire à leurs besoins domestiques pour l'année ils troquent le surplus contre les denrées qui leur manquent et que leur fournissent. généralement d'autres Aurasiens, parfois des gens du dehors.

LES PLANTATIONS D'ARRIS.

---------A côté des méthodes locales, il convient de signaler l'oeuvre réalisée par l'administration de la commune mixte de l'Aurès. tant pour initier les Chaouia à des procédés de culture plus rationnels que pour les aider à augmenter l'importance de leurs vergers.
---------L'entreprise comporte deux créations : une olivette et une pépinière. Elles ont abouti à des résultats très différents.
L'olivette qui comptait 4.000 pieds lorsqu'elle fut créée, en 1922, en compte 4.500 aujourd'hui. L'essai
fut d'abord pleinement satisfaisant ; les Chaouia venaient l'admirer et supputaient l'avantage qu'elle constituerait pour eux. Malheureusement, une cause originelle entrava son développement : le lieu choisi ne présentait pas une épaisseur de terre suffisante pour assurer le développement des arbres.
---------Cette circonstance, si regrettable soit-elle, n'a cependant rien qui puisse décourager les efforts puisen'elle peut être évitée.
---------Ce qui le prouve amplement, c'est le succès complet de la pépinière.
---------Celle-ci compte actuellement 3.000 oliviers et 800 autres arbres. Depuis 1942, non seulement elle a assuré les ventes normales, tant à l'intérieur de la commune qu'à l'extérieur, mais elle a fourni 4.500 abricotiers, dont ont été doublés les oliviers de l'olivette et 5.000 autres abricotiers distribués comme on le verra ultérieurement.
---------Les oliviers qui y ont été plantés en terre profonde, en 1922, fournissent aujourd'hui un rendement moyen de 5 à 2o kilos. L'expérience a donc pleinement réussi.
---------L'irrigation est organisée suivant le système romain, à l'aide de réservoirs. La nuit, l'eau est arrêtée et captée dans un grand bassin de 100 m3 situé dans la partie la plus élevée de l'olivette. Ce bassin, qui sert également d'impluvium est encore alimenté par le surplus des eaux emmagasinées dans les autres bassins d' Arris, Lorsqu'il est plein, on ouvre les vannes et l'eau se déverse dans une seguia qui la conduit à l'olivette. Cette seguia se dédouble en deux canaux, lesquels se dirigent vers quatre autres bassins de même contenance, tout en irrigant les oliviers rencontrés au passage ; à leur tour, ces bassins distribuent l'eau aux plantations entières.
---------Le rendement actuel ne justifiant pas encore la construction d'une huilerie en cette localité, les récoltes d'olives sont traitées chaque année non loin de là, à l'huilerie communale de Barika. La quantité d'huile est d'un litre pour 14 kilos d'olives.

Mathéa GAUDRY
Docteur en Droit
Avocate à la Cour d'Appel d'Alger

VOCABULAIRE EMPLOYÉ
olive : azemmour (coll), tahebbought ouzemmour (unité)
olivier- : tazemmought (sing.), tazemmourîn (pl.)
bassin du concassage : lahger
maison du concassage : lahger
pilier mobile : taguidhith
arbre de couche : akhchab
roue de concassage : agargab ou agregab
coussinet : tabyast
chaudières (d'argile : tiskrienne
scouffins : tikfîfîne
maison du pressurage : almaâssarth.
Le mot arabe : maçra désigne les moulins en général.
grand arbre du pressurage : albând
le bloc de pierre : artal
chacune des barres : attafila
grosse pièce de bois qui est traversée par les barres : alouleb
huile : azzaketh (chaouïa), zit (arabe)
huile pure : timzallat
mesure correspondant à 32 demi-décalitres : zaâ.