Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale : institut Pasteur
La méthode Foley-Parrot pour la vaccination antituberculeuse collective outre mer par le B.C.G.

Edmond Sergent
6 pages - n°25 - 15 juin 1949

Dans les milieux qui bénéficient de la présence d'un médecin, les vaccinations individuelles doivent être effectuées selon les règles établies par l'Institut Pasteur : 1) Vacciner les nouveau-nés : 2) Si les circonstances n'ont pas permis la vaccination à la naissance, vacciner plus tard, à tout âge, mais à la condition, pour éviter le gaspillage du vaccin, que la vaccination soit précédée de cuti-tuberculinations pratiquées par un médecin qui montreront si la vaccination est nécessaire.

mise sur site le 16-06-2005
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------------L'immunité est l'état de résistance acquis par un organisme, qui a guéri de certaines maladies infectieuses. contre une nouvelle attaque de ces maladies. On peut citer la scarlatine, la variole, etc.... La guérison clinique s'accompagne de la disparition totale, définitive, des microbes agresseurs - et toute attaque par un microbe de même espèce échoue. C'est l'immunité vraie, stérilisante.
La tuberculose n'est pas de ces maladies à immunité vraie stérilisante. Lorsqu'un malade a guéri cliniquement d'une atteinte locale, d'une pleurésie. par exemple, ou d'un abcès froid, il recouvre un bon état de santé, mais il reste porteur de bacilles tuberculeux. La guérison clinique n'a pas été accompagnée (le la guérison parasitaire. Les microbes persistent dans l'organisme à l'état de vie ralentie, silencieuse. Il n'y a donc pas de véritable immunité. Mais cette infection latente procure à l'hôte qui la tolère un précieux avantage : tant qu'elle dure, l'organisme résiste à une surinfection. Nous avons appelé en 1924, avec L. PARROT et A. DONATIEN, " prémunition ", cet état de résistance acquise corrélatif d'une infection latente.
------------On s'explique donc clairement les insuccès des nombreux expérimentateurs qui ont essayé de vacciner contre la tuberculose avec des vaccins faits de microbes tués. Du moment que la tuberculose confère la prémunition et non l'immunité, les seuls microbes qui pourront vacciner durablement contre elle seront des microbes vivants, atténués, rendus avirulents, et non pas des microbes morts.
------------Dès le début de ce siècle, A. CALMETTE et son collaborateur C. GUERIN, ayant vérifié eux mêmes l'inefficacité des vaccins tués contre la tuberculose, arrivèrent à cette conception que seule la présence latente d'un virus atténué, menant une vie symbiotique au sein d'un organisme, était susceptible de protéger celui-ci contre l'invasion de bacilles tuberculeux virulents. Et ce fut en partant de cette base qu'ils créèrent le vaccin B.C.G., issu d'une souche microbienne isolée d'un cas de tuberculose bovine, rendue héréditairement avirulente. Des " Bacilles CALMETTE-GUERIN " (B.C.G.), prélevés tout jeunes dan, une culture fraîche, commencent à perdre leur vitalité au bout d'une dizaine de jours. C'est pendant cette décade qui suit la date de leur récolte que les microbes, pleins d'activité végétative et reproductrice, doivent être administrés comme vaccin prémunissant. La vie latente du B.C.G. et la prémunition qui l'accompagnent durent trois ans en moyenne dans l'organisme humain, d'où la nécessité de revaccinations, A. CALMETTE adopta immédiatement notre terme de " prémunition " oour définir le résultat de la vaccination par le vaccin vivant B.C.G.
------------En tout pays, la vaccination antituberculeuse par le B.C.G. est le meilleur mode de préservation contre la tuberculose. Mais dans les pays d'outre mer à civilisation attardée, où bien des années passeront avant que (les populations encore primitives aient atteint le niveau de vie des peuples de haute et vieille civilisation, dont les progrès de tout ordre ont renforcé les moyens de défense contre les maladies infectieuses, la vaccination constitue, en l'état présent des choses, à peu près la seule mesure de protection efficace contre la tuberculose.
------------L'Institut Pasteur d'Algérie a poursuivi, depuis 1910, sur plus de 42.000 sujets, l'étude de la répartition géographique de l'infection tuberculeuse en Algérie, révélée par les résultats de la cuti-tuberculination de PIRQUET. Cette vaste enquête montre que l'infection tuberculose est encore actuellement beaucoup moins répandue dans les milieux ruraux algériens (à l'exception de la Kabylie) que dans les milieux métropolitains, niais que, sans cesse, elle y gagne du terrain. La nécessité d'organiser des campagnes de vaccinations collectives contre la tuberculose dans les campagnes algériennes s'impose.

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------------Or, dans les pays d'outre mer, les conditions de géographie physique et de géographie humaine ne permettent pas d'employer partout les techniques de vaccination antituberculeuse applicables dans les pays d'Europe.
------------En Algérie, les citadins, l'élite d'origine européenne ou indigène, pourront être vaccinés comme en France. Mais la très grande majorité des habitants de l'Afrique du Nord sont des ruraux disséminés (sauf en Kabylie) sur de grands espaces, où les déplacements sont difficiles faute de voies de communication, à cause aussi des longues distances et du caractère excessif du climat : brûlant en été, froid et très pluvieux en hiver. Aussi l'Administration tolère-t-elle (lue, dans les steppes et les montagnes, le délai de trois jours imparti pour la déclaration des naissances à l'Etat civil soit largement dépassé. Cette dispersion de la population nécessite une méthode particulière de vaccination.

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------------Lorsqu'en novembre 1924 l'Institut Pasteur d'Algérie commença la préparation et la délivrance du B.C.G. (De novembre 1924 au 31 décembre 1948, 271.889 doses délivrées, dont 50.109 dans la France métropolitaine non occupée (du 23 septembre 1940 au 6 novembre 1942.) que A. CALMETTE avait inaugurée trois mois auparavant à Paris, il rencontra dans les agglomérations urbaines les mêmes conditions favorables à la diffusion du vaccin qu'en France. Mais les difficultés de la vaccination dans le " bled " apparurent bientôt.
------------C'est pourquoi Il. FOLEY et L. PARROT entreprirent, en 1928, dans un village saharien bien isolé, (le patientes études en vue d'établir un plan de vaccination antituberculeuse des populations rurales algériennes.
------------De 1928 à 1948, leurs recherches ont comporté 13.746 observations, concernant 452 primo-vaccinations et 1.306 revaccinations.
------------Ils ont procédé, sur les sujets à vacciner ou vaccinés, à 11.988 tuberculinations, dont 6.892 cuti-tuberculinations et 5.o96 intradermo-tuberculinations.
------------Avant les primo-vaccinations, 1.288 cuti-tuberculinations et 342 intradermo-tuberculinations. Après les primo-vaccinations, 5.664 cuti-tuberculinations et 4.154 intradermo-tuberculinations.

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------------Avant d'exposer les conclusions auxquelles ont abouti les recherches de 1-1. FOLEY et (le L. PAR ROT, nous rappellerons les différentes techniques qui ont été employées pour la vaccination par le B.C.G.
------------Le vaccin B.C.G. peut être administré soit par voie digestive, soit par voie parentérale, et, dans les deux cas, il doit l'être dans les 10 jours qui suivent sa préparation.

------------1. - VACCINATION PAR VOIE DIGESTIVE

------------La vaccination (lite " buccale " est la première en date. Elle consiste à faire ingérer le contenu de trois ampoules de vaccin. La contamination tuberculeuse frappant parfois l'enfant dès les premiers jours qui suivent la naissance, A. CALMETTE a conseillé de vacciner les nouveau-nés le plus tôt possible, dans les 10 premiers jours après leur venue au monde, à un moment où leur muqueuse intestinale est encore perméable aux éléments microbiens.
------------Cette vaccination per buccam des nouveau-nés, en raison du court délai pendant lequel on y peut recourir, n'est évidemment pas applicable clans la pleine campagne algérienne où il n'y a souvent ni médecin ni sage-femme et où les naissances ne pourraient guère être connues à temps du personnel sanitaire susceptible de la pratiquer correctement - en admettant qu'on les en informât.
------------1l faut donc pouvoir vacciner des enfants bien après leur naissance. Mais la muqueuse intestinale ne se laisse facilement pénétrer par les microbes que chez les enfants en bas fige. La vaccination par la voie digestive ne peut être pratiquée avec sûretéque chez les nouveau-nés. Chez les enfants plus âgés, il est préférable d'introduire le vaccin par voie parentérale. Pour les nouveau-nés eux-mêmes,_ on tend de plus en plus à substituer à la vaccination par ingestion la vaccination par inoculation, parce que celle-ci est plus constante dans ses effets préventifs.

II. - VACCINATION PAR VOIE PARENTÉRALE

------------A. CALMETTE se basant sur ses expériences, a écrit dès longtemps que lorsqu'un enfant n'avait pas pu être vacciné à la naissance par le vaccin donné par la bouche, il pourrait l'être plus tard par du vaccin introduit par inoculation.
------------Mais alors il est indispensable, disait-il, de s'assurer au préalable que le sujet à vacciner est indemne de toute infection tuberculeuse, car nous savons combien les contaminations précoces sono. nombreuses, surtout chez les enfants naissant en milieu contagieux. L'existence d'une infection tuberculeuse latente peut être décelée par l'épreuve de la tuberculination. Cette épreuve consiste à . introduire dans la peau d'un sujet de la tuberculine, c'est-à-dire la substance toxique, extraite de cultures tuée, de bacilles tuberculeux, que R. KOCH a découverte en 1890 Si le sujet est porteur d'une infection latente, il présente, clans les deux ou trois jours qui suivent, au point d'injection, une réaction de la peau décrite comme caractéristique par PIRQUET en 1907. Trois techniques différentes sont employées pour poser ce " tuberculino-diagnostic " :
------------a) A travers une goutte de tuberculine brute, déposée sur la peau, on pratique au vaccinostyle quelques scarifications cutanées légères. C'est la cuti-tuberculination, dont le résultat provoquera une " cuti-réaction tuberculinique ", si le sujet est porteur de germes, allergique, selon l'expression de PIRQUET. L'expérience a montré que la cuti-tuberculination est loin de dénoncer tous les porteurs d'infections latentes. C'est pourquoi A. CALMETTE conseillait de pratiquer deux cuti-tuberculinations à 7 jours d'intervalle pour déceler les allergiques. Une unique cuti-tuberculination suffit toutefois si on la pratique sur toute la population d'un pays dans l'intention de dresser la carte de la distribution géographique de l'infection tuberculeuse dans ce pays, parce que toutes les observations se font dans les mêmes conditions et sont donc comparables entre elles.
------------b) On inocule clans le derme une faible quantité de tuberculine diluée. Les dilutions de tuberculine brute ont varié de 1 pour 5.000. à 1 p.10, et la quantité injectée, évaluée en tuberculine brute. a varié de 1/100 de mg, à 1 cg, C'est l'intradernto-tuberculination, qui donne une " intradermo-réaction tuberculinique ". L'intradermo-tuberculination appliquée à la recherche des infections latentes donne des résultats bien supérieurs à ceux de la cuti-tuberculination.H. FOLEY et L.PARROT ont vu que, chez les mêmes sujets. en milieu algérien, la cuti-tuberculination donnait 35 % de succès, et l'intradermo-tuberculination 91 %.
------------c) On frictionne la peau avec une goutte de tuberculine concentrée, ou bien l'on applique sur la peau une petite pièce de sparadrap imprégnée de tuberculine. C'est la percuti-tuberculination, qui provoque une " percuti-réaction tuberculinique ".
------------A. CALMETTE conseillait donc de ne vacciner, parmi les enfants qui ne l'auraient pas été au cours des ro premiers jours de leur vie, que des sujets en bon état de santé, et présentant cieux cuti-réactions négatives à la tuberculine, à 7 jours d'intervalle. Pourquoi A. CALMETTE a-t-il prescrit cette règle des cuti-tuberculinations préalables ? C'est pour une raison d'ordre purement psychologique. Si l'on vaccine par le B.C.G. un sujet qui est déjà infecté de tuberculose sans que le vaccinateur en soit prévenu par la cuti-tuberculination, il peut arriver qu'ultérieurement ce sujet succombe à l'infection naturelle. Il est à craindre qu'à ce moment, les personnes non averties ignorant l'histoire pathologique du malade et le fait qu'il était déjà tuberculeux avant d'être vacciné, incriminent le vaccin et l'accu-sent d'avoir provoqué la mort. En outre, la vaccination de sujets allergiques cause un gaspillage de vaccin.

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------------La vaccination par voie parentérale peut s'effectuer selon trois modes : l'inoculation sous-cutanée, l'inoculation intradermique, l'inoculation par scarifications cutanées.
------------1. - La vaccination par inoculation sous-cutanée a été expérimentée chez l'homme dès 1925. Pour diminuer la réaction locale, la dose avait été abaissée jusqu'à 1/100 de milligramme de corps microbiens. Ce procédé pouvait provoquer la formation d'abcès froids de longue durée. Il n'est plus employé.
------------2. - La vaccination intradermique consiste à inoculer à la seringue, avec une aiguille fine. dans l'épaisseur de la peau, 1/10 de milligramme ou bien 1/4o de milligramme de vaccin B.C.G. " Normalement, écrit un des auteurs qui ont adopté ce procédé, la vaccination intradermique avec 1/10 de milligramme est suivie, après 4 à 5 semaines, de l'apparition d'un petit nodule au point d'inoculation. Ce nodule augmente lentement de volume. Six semaines environ après la vaccination, il s'ouvre à travers la peau, et il s'en échappe une ou deux gouttes de pus. La petite ulcération qui en résulte persiste quelques semaines, jusqu'à deux mois, et sa guérison laisse une fine cicatrice. (...) Si l'inoculation est trop profonde, ou bien si elle est trop rapide et lèse les tissus, elle cause souvent de très gros abcès et parfois une inflammation des ganglions voisins ".

 

------------L'inconvénient de la production de ces petits abcès froids est très aggravé lorsque le sujet inoculé est allergique, c'est-à-dire s'il est déjà infecté par des bacilles tuberculeux. ------------On sait en effet, depuis R. KOCH, que des bacilles tuberculeux, même totalement avirulents, comme le B.C.G., ou tués, agissent différemment s'ils sont inoculés sous ou dans la peau d'un sujet déjà porteur de germes, ou sous ou dans la peau d'un sujet indemne. Chez le sujet sain, pas de réaction notable : au contraire, chez le porteur de germes, l'inoculation du B.C.G. sous ou dans la peau provoque une inflammation locale très vive, suivie de nécrose et d'élimination rapide des tissus mortifiés. C'est ce qu'on appelle le " phénomène de KOCH ". On ne peut pas exposer les sujets à vacciner à des suppurations locales de longue durée. Pour ce motif, il est nécessaire, avant de procéder à la vaccination intradermique, de s'assurer, par des épreuves de tuberculination, que le sujet n'est pas allergique.
------------La vaccination intradermique est une opération assez délicate, en raison de la finesse de certaines peaux, (le l'indocilité des jeunes enfants qu'il faut soigneusement maintenir pour éviter de pousser l'injection dans le tissu cellulaire sous-cutané. Quand il s'agit de vaccinations collectives, l'inoculation vaccinale nécessite l'emploi (l'un abondant matériel stérilisé (seringues spéciales, aiguilles). Elle exige deux ou quatre déplacements des individus à vacciner et (les vaccinateurs, pour les deux tuberculinations préalables, la lecture des résultats de ces tuberculinations et la vaccination elle-même. Il ne saurait être question en Algérie de confier régulièrement les vaccinations intradermiques collectives aux médecins et agents du Service de Santé locaux, déjà absorbés par leur lourde tâche quotidienne, d'où la nécessité (le recourir à des équipes mobiles spécialisées, d'autant plus coûteuses qu'il faudrait en faire des organismes permanents, et qui, quelque zèle qu'elles y apportent, ne pourraient donner au vaccin B.C.G. parmi les populations rurales de l'Algérie, la rapide diffusion souhaitable.
------------En résumé, les difficultés principales que comportent les vaccinations collectives par inoculation intradermique dans les campagnes algériennes viennent surtout de la gêne causée aux populations obligées à plusieurs déplacements successifs, et des frais qu'entraîneront les missions de personnel vaccinateur.
------------3. - La vaccination par scarifications cutanées consiste à appliquer le vaccin B.C.G. sous la peau du bras scarifiée, exactement comme on fait du vaccin antivariolique. Elle est d'une grande simplicité. Comme la vaccination antivariolique, elle ne nécessite qu'un matériel restreint (un vaccinostyle, un compte-gouttes, un verre de montre, une lampe à alcool y suffisent) et se prête remarquablement aux inoculations collectives. La vaccination par scarifications cutanées est toujours tout à fait inoffensive : on observe seulement, dans les jours qui suivent, une infiltration papuleuse rougeâtre, légère, sur les traits (le scarification. Cette réaction cutanée n'est guère plus considérable chez les sujets allergiques que chez les sujets neufs à l'infection tuberculeuse. Elle ne cause jamais de suppuration persistante.
------------L'efficacité de la vaccination par scarifications cutanées et démontrée par ce fait que 91 % au moins des sujets sont devenus allergiques après l'opération vaccinale, dans les essais effectués en Algérie.
------------Le mode d'application en Algérie (lu procédé de vaccination antituberculeuse par scarifications cutanées a été minutieusement expérimenté par H. FOLEY et L. PARROT.
Lorsqu'ils entreprirent, en 1928, l'étude des techniques les plus propres à prémunir contre la tuberculose les populations rurales, ils constatèrent d'abord que, dans l'immense majorité des cas, il est impossible, en raison de la dispersion des habitants sur de vastes espaces et du petit nombre de médecins, de vacciner les enfants dans les 10 premiers jours qui suivent la naissance. Ils reconnurent, ensuite, qu'on devrait renoncer à la vaccination des enfants plus âgés si les cuti-tuberculinations préalables en étaient une condition sine qua non. En effet, pour effectuer deux cuti-tuberculinations, en lire les résultats et pratiquer la vaccination, il faudrait, comme nous l'avons indiqué plus haut, réunir plusieurs fois de suite, à quelques jours d'intervalle, les groupes convoqués pour des vaccinations collectives. Deux rassemblements sont nécessaires dans les cas où la première tuberculination décèle l'existence de l'allergie, lors de la visite de contrôle 48 heures plus tard. Quatre rassemblements sont nécessaires lorsque, la première tuberculination avant donné un résultat négatif (deux déplacements), on pratique 7 jours plus tard une seconde tuberculination. suivie elle-même, après deux jours. d'une visite de contrôle (encore deux déplacements). Les non allergiques peuvent être vaccinés au cours de ce quatrième rassemblement. Or, l'expérience a montré qu'il est totalement impossible d'imposer plusieurs déplacements successifs, à bref délai, aux fellahs et surtout à leurs femmes, (lui sont obligées d'accompagner les jeunes enfants. C'est pour la même raison péremptoire que, dans les campagnes algériennes, nous avons remplacéles trois inoculations (le vaccin non vivant contre le typhus exanthématique, par une seule inoculation d'une close plus forte (l'un vaccin plus dense.
------------H.FOLEY et L.PARROT ont donc recherché si les cuti- tuberculinations préalables étaient vraiment nécessaires. La première question qui se pose est celle-ci : l'inoculation du B.C.G. à des sujets naturellement allergiques, c'est-à-dire en état d'infection tuberculeuse, peut-elle être dangereuse pour eux ? La réponse donnée par les expériences minutieuses et prudentes faites depuis 20 ans par H. FOLEY et L. PARROT, est catégoriquement négative. Elle est confirmée, au surplus, par une foule de travaux effectués ailleurs et par A. CALMETTE lui-même : l'inoculation du vaccin B.C.G. à un sujet tuberculeux est complètement inoffensive. Depuis t933, plus de 20.000 enfants de o à 15 ans ont déjà été vaccinés dans le " bled " algérien selon la méthode instaurée par H. FOLEY et L. PARROT (H. Foley et L. Parrot, Arch. Inst. Pasteur d'Algérie. 9, 4, décemb. 1931, 598-629 ; 12, 4, décemb. 1934, 409-434 ; 14, 1, mars 1936, 6-8 ; 4, déc. 1936, 418-420 ; 19, 4, déc. 1941, 426-430 ; 21, 4, déc. 1943, 233-254 ; Ann. Inst. Pasteur. 53, nov. 1934, 509-534 ; Bull. Soc. Patte, excita 27, 7, 1934, 622-625 ; 28,10,1935, 894-896 ; Bull. Acad. Méd. 117, 22, 8 juin 1937, 636-638 ; Alger. Méd. n' 112. avril 1937, 169-173 ; Cali, méd. Union Franc., n' 19, avril 1948, 303-307.)
------------L'innocuité du B.C.G. administré à un tuberculeux étant certaine, une seconde question se pose : l'inoculation du B.C.G. par scarifications cutanées à un porteur de germes tuberculeux peut-elle, comme l'inoculation (tans le derme ou l'inoculation sous la peau, provoquer l'apparition (le petits abcès froids l Ainsi qu'il est (lit plus haut, des milliers d'expériences ont répondu négativement à cette seconde question.
------------En conclusion, les cuti-tuberculinations préalables à la vaccination antituberculeuse par scarifications cutanées apparaissent aujourd'hui comme inutiles. Si on les exigeait, il faudrait renoncer à faire bénéficier les populations rurales algériennes de cette vaccination. Le seul moyen de donner leur chance de salut aux innombrables populations éparpillées dans le bled et la brousse consiste à appliquer la méthode qu'il est juste d'appeler la méthode FOLEY -PARROT, qui supprime les tuberculinations préalables à la vaccination par le B.C.G. inoculé par scarifications cutanées.
------------A. CALMETTE avait prescrit, en 1924, de ne vacciner que des sujets non allergiques, afin d'éviter que des interprétations inconsidérées ne portassent tort à son vaccin, alors dans toute la fleur de sa nouveauté. mais, à l'heure actuelle, la preuve est faite de l'innocuité de l'inoculation (lu B.C.G. à des tuberculeux. Ii n'est plus besoin (le s'inquiéter de la possibilité (le jugements erronés ; le facteur psychologique a perdu sa valeur. Pour vaccination antituberculeuse dans le " bled ", une précaution inutile serait une précaution funeste : elle empêcherait la diffusion de la vaccination antituberculeuse.
------------A. CALMETTE, tenu au courant des essais d'application collective de la prémunition antituberculeuse dans les campagnes algériennes, écrivait à H. FOLEY, le 3 juillet 1933 : " La vaccination par le B.C.G. sans cuti-réactions préalables est l'idéal de la simplicité dans votre pays"

RÉSUMÉ ET APPLICATION PRATIQUE

------------Le choix de la technique à employer dans le " bled " algérien pour les vaccinations collectives contre la tuberculose est commandé par les conditions suivantes, qui résultent les unes de la nature du pays, les autres de la nature de la maladie à prévenir.
------------1. Le pays. - Dans l'Algérie du Nord, sur 8 à 9 millions d'habitants, plus de î millions vivent clairsemés sur 210.000 kilomètres carrés, mal pourvus de voies de communication. et on les médecins sont rares.
Il en résulte de particulières difficultés pour les déplacements, d'une part des médecins, d'autre part des groupes de populations que l'on rassemble pour des vaccinations collectives.
------------2. La maladie. La résistance que l'on peut acquérir contre la tuberculose consistant. non pas en une immunité vraie stérilisante, mais en une prémunition corrélative d'une infection latente, un vaccin antituberculeux ne peut être qu'un virus vivant atténué.
------------La prémunition cesse lorsque l'infection latente par le vaccin B.C.G. s'éteint. c'est-à-dire en moyenne au bout de 3 ans. Une vaccination générale unique de la population enfantine d'un pays, si étendue soit-elle, n'aurait par suite qu'une action temporaire : il faut revacciner périodiquement tous les sujets qui ne sont plus en état d'allergie.
------------D'autre part, comme l'application générale de la vaccination devient difficile dans les milieux musulmans vers la quinzième année et qu'aux environs de la vingtième année la proportion des allergiques naturels est généralement importante, on peut établir comme règle d'effectuer la dernière vaccination au cours (le la quinzième année d'âge. -----------Bref, une vaccination triennale depuis le bas âge jusqu'à 1 ans représente six opérations vaccinales.

------------3. Du choix de la technique. - En considérant successivement les trois techniques de vaccination antituberculeuse en usage actuellement, du point de vue de la possibilité d'une application pratique dans les campagnes algériennes, on peut conclure .
------------- l'ingestion du vaccin à la naissance n'y est presque jamais possible ;
------------- la vaccination par inoculation intradermique du B.C.G.. aussi bien que chacune des revaccinations, doivent obligatoirement être précédés de tuberculinations attestant que le sujet n'est pas porteur de germes tuberculeux, parce que l'inoculation du B.C.G. dans le derme peut causer chez les allergiques la production de petits abcès froids fort gênants ; les déplacements successifs qu'imposent aux sujets à vacciner les tuberculinations préalables et l'opération vaccinale elle-même, rendent le procédé de l'inoculation intradermique d'une application quasi impossible dans les campagnes algériennes ;
------------- à la différence de la vaccination par la voie intradermique, la vaccination par scarifications cutanées ne nécessite pas de tuberculinations préalables, car l'inoculation du B.C.G. par scarifications ne provoque pas plus de suppuration chez les sujets allergiques que chez les sujets non allergiques ; c'est pourquoi la vaccination par scarifications cutanées est partout et toujours réalisable en Algérie, à très peu de frais, à condition (l'employer la méthode FOLEY-PARROT : vacciner en une fois sans cuti-tuberculination~ cutanées, tous les enfants en bon état de santé au-dessous de quinze ans, et les revacciner, de la même façon, tous les trois ans, jusqu'à quinze ans.
------------Il est facile d'administrer le B.C.G. par simples scarifications cutanées, à plusieurs centaines d'individus, en une seule matinée, en tout temps, tout lieu, et de répéter l'opération aussi souvent que l'exige l'entretien de la prémunition conférée par le vaccin. On peut d'ailleurs mettre à profit les séances périodiques (le vaccination antivariolique, si familière aux populations algériennes, et si bien acceptée d'elles, et le concours de personnes qu'elles provoquent, pour vacciner simultanément contre la tuberculose, en inoculant le vaccin jennérien au bras gauche par exemple, et le vaccin B.C.G. au bras droit. - ce qui est l'affaire d'un instant pour un médecin, une infirmière-visiteuse, une assistante sociale ou un adjoint technique de la Santé.

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------------Tel est le seul procédé qui permet la vaccination collective méthodique et renouvelée des populations dispersées dans le bled et dépourvues de service médical.
------------Dans les milieux qui bénéficient de la présence d'un médecin, les vaccinations individuelles doivent être effectuées selon les règles établies par l'Institut Pasteur : 1) Vacciner les nouveau-nés : 2) Si les circonstances n'ont pas permis la vaccination à la naissance, vacciner plus tard, à tout âge, mais à la condition, pour éviter le gaspillage du vaccin, que la vaccination soit précédée de cuti-tuberculinations pratiquées par un médecin qui montreront si la vaccination est nécessaire.

INSTITUT PASTEUR D'ALGERIE.