Mise à voie normale
de la ligne de chemin de fer
Oued-Keberit-Tébessa-Le Kouif
Orientée par M. Yves CHATAIGNEAU,
Ministre plénipotentiaire, Gouverneur Général de
l'Algérie, vers les réalisations destinées à
la mise en valeur des richesses de l'Algérie, l'Administration
des Chemins
de Fer Algériens s'attache à donner la solution
la mieux adaptée, compte tenu des difficultés actuelles,
à tous les problèmes que pose l'équipement du pays
en moyens propres à l'exploitation rationnelle de ses ressources.
C'est ainsi que portant particulièrement ses efforts sur l'augmentation
rapide de la capacité de transport de ses lignes minières,
elle a terminé en février 1946 la transformation (de voie
étroite en voie normale) de la ligne Oued-Kébérit-Tébessa-Le
Kouif.
Carte de situation, initiative personnelle!
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L'ANCIENNE INSTALLATION.
Longue de 95 km., la section de ligne à voie étroite d'Oued-Kébérit
au Kouif était, avant la guerre, utilisée pour l'évacuation
des phosphates de chaux extraits par la Compagnie des Phosphates de Constantine
et en même temps, elle permettait d'assurer la desserte en service
commercial, de la région Tébessa-Le Kouif.
La nécessité de transborder les phosphates à Oued-Kébérit
sur les wagons voie normale servant à les acheminer ensuite vers
le port de Bône, entraînait des sujétions coûteuses
et limitait les développements éventuels de la production
minière, en raison de la faible capacité d'écoulement
qu'offrait la voie étroite. Cette dernière grâce aux
mesures prises par le Réseau C.F.A., avait néanmoins, permis
de faire face à un trafic important, mais ses caractéristiques
interdisaient d'envisager les extensions possibles offertes par l'ouverture
à l'exploitation du riche gisement du Djebel-Onk.
PROJETS DE 1938.
En vue de doter la région d'un moyen ferroviaire à l'échelle
de ses possibilités de développement, le Gouvernement envisagea,
dès avant la guerre, les améliorations suivantes à
réaliser en deux étapes :
- 1° mise à voie normale de la section Oued-Kébérit-Kouif,
afin de supprimer la solution de continuité d'Oued-Kébérit
et d'accroître la capacité de la ligne ;
- 2° électrification de la dite section.
Les travaux d'exécution de la 1" étape ont été
entrepris et poursuivis au ralenti jusqu'à la fin de l'année
1942, période où les exigences de l'effort de guerre les
ont pratiquement arrêtés.
Dès que la sécurité fut rétablie en Afrique
du Nord et conformément aux ordres du Gouvernement provisoire de
la République Française, les travaux furent repris et poussés
activement en vue de permettre l'exploitation intensive des phosphates
de chaux de l'Est Constantinois.
A la date du 31 décembre 1945, la continuité du rail voie
normale était assurée jusqu'au Kouif.
RÉALISATIONS.
Travaux
de terrassements et modifications du tracé.
La nouvelle ligne à voie normale suit sensiblement le tracé
de la ligne à voie métrique ; toutefois, cette dernière
comportant des rampes de 16 m/m dans le sens de circulation des wagons
vides (Kébérit-Kouif ) et de 8 m/m dans le sens des wagons
chargés (Kouif-Kébérit) ainsi que des courbes de
faibles rayons (150 à 130) il a fallu améliorer ces caractéristiques
qui ont été ramenées à 15 m/m et 5 m/m pour
les rampes et, portées, pour les courbes, au rayon minimum de 500
m. entre Oued Kébérit et Tébessa et de 250 m. entre
Tébessa et le Kouif. Dans ce but, 17 déviations de tracé
ont été effectuées sur une longueur totale de 25
km. entraînant l'exécution de 540.000 m3 de terrassement.
Construction
et renforcement d'ouvrages d'art.
Ces travaux ont été prévus pour permettre le passage
du train-type défini par la Circulaire du 10 mai 1927.
- 160 aqueducs de moins de 3 m. d'ouverture et 3 ouvrages voûtés
de 4 à 6 m. ont été modifiés ou allongés.
- 120 aqueducs de moins de 3 m. et 7 ouvrages voûtés de 4
à 6 m. ont été construits sur les, déviations.
- 7 tabliers métalliques de 3 m. ont été remplacés
par des dalles en béton armé. 2 tabliers métalliques
de 6 m. et un de 8 m. ont été remplacés.
- Un pont de 8 m. à tablier à poutrelles enrobées
a été construit.
- Un pont à tablier métallique de 12 m. et deux autres de
16 m. ont été mis en place.
- Un pont à tablier métallique de 60 m. d'ouverture en deux
travées solidaires sur l'Oued-Mellâge (km. 58 + 559) a été
lancé.
L'ensemble de ces travaux, ainsi que la construction de nombreux murs
de soutènement et fossés maçonnés ont nécessité
la mise en uvre de 3.400 tonnes de ciment.
En ce qui concerne les tabliers métalliques qui avaient, pour la
plupart, étaient commandés en France, seul un tablier de
12 m. a pu être fourni à temps. Les autres ont été
récupérés sur des lignes désarmées
et mis en place après avoir été renforcés
et modifiés avec les moyens locaux, lorsque ces opérations
ont été reconnues nécessaires.
Travaux
d'aménagements des gares.
Les voies d'évitement des gares de Clairefontaine, Sidi-Yahia,
Morsott, Boulhaf - Le - Dyr et El - Houhad ont eu leurs longueurs portées
à 500 m. pour permettre le croisement des trains lourds.
En gare de Tébessa, un faisceau de quatre voies normales dont deux
de croisement et deux de remisage a été établi ainsi
qu'une voie de débord en ceinture de la tour P.V.
Les installations de la gare du Kouif ont été complètement
remaniées et mises à voie normale.
Enfin, diverses voies ainsi que le pont tournant du dépôt
de Sidi-Ferradj, ont été adaptés pour la circulation
des machines G.V.N.
Armement
de la voie.
La mise à V.N. entre Oued-Kébérit et Kouif nécessitait,
tant pour la pleine voie que pour les voies de gares :
- 220 km. de rail avec petit matériel correspondant (tire-fond,
selles, éclisses, boulons, rondelles), 172.000 traverses V.N.,
150.000 m3 de ballast et 144 appareils de voie.
La nécessité, en outre, d'assurer la continuité de
la circulation entre la ligne à voie étroite Ouled
Rhamoun-Tébessa et les Réseaux du Sud Tunisien,
également à V.E., a conduit à équiper en voie
à 3 files de rails le tronçon Tébessa-Rhilane et
à prévoir dans les gares et croisements correspondants 18
appareils spéciaux.
Le matériel prévu d'abord en rails lourds à provenir
de France a, par la suite, fait l'objet de négociations avec les
États-Unis lorsque le débarquement des Alliés en
Afrique du Nord a interrompu les relations avec la Métropole. Mais
les difficultés croissantes des transports, ont conduit, en définitive,
à ne faire appel qu'à des moyens locaux et les 220 km. de
rails nécessaires ont été obtenus comme suit : 60.000
ml. de rails provenant des approvisionnements du réseau, 68.000
ml récupérés des embranchements alliés, 12.000
ml fournis par le Méditerranée-Niger et 80.000 ml déposés
sur la ligne de Djidjelli-Sidi-Marouf.
Les appareils de voie ont été confectionnés par l'industrie
algérienne avec du matériel fourni par les C.F.A., sous
la surveillance directe des techniciens du Réseau qui ont également
établi les dessins d'exécution des appareils spéciaux
à 3 files de rails.
En ce qui concerne les traverses, faute de métal et de ciment,
seul l'emploi du bois a pu être retenu. Malgré l'épuisement
des forêts algériennes de chêne zéen, le Service
des Forêts a accordé le marquage des coupes importantes dont
les produits furent transportés par les propres camions des C.F.A.
à leurs chantiers d'injection : 72.000 traverses ont ainsi été
fabriquées ; 28.000 autres ont pu être récupérées
sur des embranchements alliés déposés. Pour le reste,
soit 72.000, une mission envoyée en Afrique Occidentale et Equatoriale
et au Cameroun a pu passer les commandes nécessaires en bois coloniaux
de valeur, que l'appui bienveillant de M. le Ministre des Communications
et de la Marine marchande a permis de recevoir à temps.
CAPACITÉ DE LA LIGNE A VOIE NORMALE.
La continuité d'une voie normale entre le Kouif et Bône permet
le chargement direct du phosphate en wagons trémies étanches,
la suppression du bâchage, la suppression de l'opération
de transbordement à Oued-Kébérit et du délai
qu'elle nécessitait ; ce sont là autant de facteurs qui
mettent en évidence l'accroissement des possibilités futures
de la ligne.
Pour le moment, il y a lieu toutefois de considérer que la traction
par locomotives vapeur voie normale devra être assurée en
prélevant le matériel nécessaire sur le parc d'ensemble
des Chemins de Fer Algériens : ce prélèvement, assez
facile il y a quelques années, représente actuellement un
réel sacrifice étant donnée la fatigue du matériel
résultant de la guerre et les difficultés considérables
pour son entretien.
A fin de tirer le maximum de bénéfice de l'opération
réalisée, il a été décidé que
jusqu'au 1er avril les transports de service du réseau seraient
assurés par la voie étroite, le 3e rail étant maintenu
sur tout le parcours. Ce trimestre ne permettra pas néanmoins d'enregistrer
une élévation notable du trafic phosphates, parce que les
locomotives vapeurs qui l'assureront auront leur capacité d'autant
plus limitée qu'elles n'ont, comme d'ailleurs toutes les locomotives
du réseau C.F.A., que du charbon de très mauvaise qualité
à consommer ,ce qui crée des sujétions d'entretien
d'autant plus graves que, ainsi qu'il a été rappelé
plus haut, ce matériel n'a pu être entretenu comme il convient
par suite de l'effort de guerre.
Il est donc raisonnable de penser que jusqu'en avril, le rythme d'évacuation
des phosphates ne dépassera guère 1.000 tonnes par jour.
Par la suite, au fur et à mesure de l'arrivée de moyens
de traction nouveaux, notamment des locomotives dieselélectrique
commandées aux États-Unis, quelques locomotives à
vapeur pourront venir accroître l'effectif réduit du début.
Ainsi pourra être augmentée progressivement la capacité
de la ligne pendant le 2e trimestre 1946, pour atteindre au 1" juillet
1946, 2.000 tonnes nettes de phosphates par jour. Ce tonnage correspondra
alors à celui d'utilisation intensive des wagons-trémies
spécialisés et nous devrons vraisemblablement pour le dépasser,
faire construire des wagons supplémentaires dont l'achat doit être
engagé dès l'année 1946.
ÉLECTRIFICATION DE LA LIGNE.
Le mode de traction par locomotives vapeur devenant lui-même très
onéreux, pour un trafic pondéreux important, il est absolument
nécessaire de prévoir, parallèlement, l'équipement
en traction électrique de ce tronçon Oued-Kébérit-Kouif,
qui ne constitue en fait qu'un prolongement normal de la ligne minière
Bône-Ouenza.
Cette électrification qui est inscrite dans les programmes des
C.F.A. ne doit pas être différée, car elle sera génératrice
d'économies et permettra vraiment de faire rendre à cette
ligne toutes ses possibilités. Une portion de 36 km. d'Oued-Kébérit
à Morsott, peut-être électrifiée sans créer
une sous-station nouvelle : si les circonstances matérielles le
permettent la ligne sera créée et équipée
d'ici un an ; la commande d'un matériel complet de sous-station
devra être passée également en 1946 afin de recevoir
et de monter cet équipement en 1948 ; enfin, la commande de quelques
locomotives électriques doit être décidée si
l'on veut aller maintenant au-delà d'un trafic journalier de 2.000
tonnes de phosphates. A ce moment, la ligne électrifiée
et équipée pourrait arriver à recevoir un trafic
double.
Avantages
de l'électrification.
Les avantages d'une telle électrification peu coûteuse dans
le cas présent sont multiples : prix de revient amélioré,
souplesse considérable pour faire face aux variations de ce trafic
d'exportation, suppression de temps morts conduisant à une meilleure
utilisation des wagons, disparition des sujétions concernant le
charbon et l'eau et réduction du personnel d'exploitation local
dans une région éloignée de la côte et où
la vie est plutôt difficile.
***
Malgré les difficultés de la
période actuelle, la pénurie de leurs approvisionnements
et les lourdes tâches qui leur étaient confiées par
ailleurs, pour assurer des transports militaires intenses et le ravitaillement
du pays, les Chemins de Fer Algériens n'ont pas hésité
ainsi à consacrer le maximum de leurs moyens à l'exécution
d'une tâche dont l'aboutissement rapide présentait un intérêt
primordial pour l'Économie de la France et de l'Algérie.
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