Alger, Algérie : documents algériens
Série militaire

L'Action scientifique et sociale du Service de Santé militaire en Algérie
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mise sur site le 19-6-2011
* Document n° 1 de la série : Militaire - Paru le 8 septembre 1946 - Rubrique SERVICE de SANTÉ

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L'Action scientifique et sociale du Service de Santé militaire en Algérie

Il ne reste rien des œuvres de Rhazes ou d'Avicenne quand les officiers de Santé débarquent avec l'armée française sur les plages de Sidi-Ferruch, le 14 juin 1830.

Oublieuse de sa civilisation passée, la majorité de la population a repris, dans ses coutumes, un caractère primitif.

La tâche s'avère, dès le début, écrasante et diverse :
-------- Tâche militaire d'abord : les quelques 300 chirurgiens qui accompagnent les colonnes pendant la période guerrière de la conquête (1830-1844) doivent réaliser des prodiges d'initiative et de dévouement ;
-------- Tâche scientifique ensuite : elle est entreprise dès le premier jour, en même temps que la précédente : observations chirurgicales, observations médicales, épidémiologiques, études climatologiques et hydrologiques, immédiatement mises à profit pour la santé et le bien-être du soldat et des populations autochtones ;
-------- Tâche sociale enfin, profondément humaine et qui fait de nos médecins - comme dans toutes les opérations coloniales - le meilleur auxiliaire du commandement, pour obtenir la soumission, gagner l'estime des populations et, plus tard, leur amitié.

ACTION SCIENTIFIQUE

HISTORIQUE.

A peine arrivés sur le sol d'Afrique, les médecins et les pharmaciens du corps de débarquement accumulent de nombreuses observations dont, la plupart furent publiées, dès 1831, dans le " Recueil des mémoires de médecine, de Chirurgie et de Pharmacie militaires ".

Tesniers, chirurgien major au 20' Régiment de ligne, étudie le climat, le terrain et la flore du littoral Bayre, confirmant les observations de Baudens, signale la différence de réaction des Européens et des Indigènes à l'égard des blessures et ces infections ; Mauricheau Beaupré étudie les eaux de Blida, le terrain et la flore de l'Atlas, jusqu'à Médéa, Baudens enfin, dès les premiers jours, fait des observations précises sur les vents régnants, leur action sur l'atmosphère, l'humidité des nuits, et ,n tire des déductions immédiates utiles à l'hygiène de la troupe. On peut citer encore les communications de Scoutteten sur le " choléra morbus " en 1835 à Alger, de Broussais et de nombreux autres, sur les abcès du foie de Bertheraud (essai médical sur la région de Blida), de Tripier, pharmacien major qui analyse les eaux minérales d'Hammam-MesImutine, de Neter sur la typhoïde, et de Fortier, pharmacien major qui analyse un échantillon de sel gemme de Djelfa ( D'après l'article du Médecin Lieutenant Colonel Talabere dans l'oeuvre du service de Santé Militaire en Algérie 1830-1930 Chapitre 1"). Cette énumération est, certes, bien incomplète ; elle ne concerne, d'autre part, que les premières années de l'occupation. Mais deux hommes de premier plan dominent la pléiade des travailleurs et des chercheurs de cette époque, deux nommes dent le nom ne s'effacera pas : Baudens et Maillot.

      L'œuvre de Baudens
Baudens, homme de guerre, suit les colonnes, donne des soins sur les lieux mêmes du combat, prend une arme pour défendre ses blessés. Ce magnifique soldat se double d'un savant

Dans les premières batailles, " Baudens voit défiler toute la série des besoins devant lesquels peut se trouver en présence un chirurgien d'ambulance : blessures des parties molles, des membres, des articulations, du bassin, du thorax, de l'abdomen, etc... Avec son oeil d'anatomiste doublé d'un clinicien déjà averti, il observe, note, étudie et recueille les premiers éléments d'une documentation qui ne cessera de s'enrichir jusqu'au jour de son retour t n France, et l'on peut dire jusqu'à la fin de sa vie, fauchée prématurément.- Déjà se fixent et se précisent les règles générales de sa conduite et de son action chirurgicale. " (Talabère).

Et l'une de ses œuvres, " Clinique des plaies d'armes à feu ", parait à Paris en 1836. C'est à l'hôpital Caratine, puis à l'hôpital du Dey, organisé, sur sa demande, en hôpital d'instruction, que Baudens édifie ce travail, basé sur son expérience des ambulances. La discussion de sa doctrine n'a pas sa place ici ; mais il apparaît, pour les plaies des vis ères, comme " un précurseur des tendances actuelles (Delorme) et ses appareils à fracture, minutieusement décrits, où l'extension, la contre-extension et la coaptation permanente sont des modèles de science et d'ingéniosité.
A côté du chirurgien, on trouve dans la personnalité de Baudens un remarquable hygiéniste ; il lutte, comme les autres médecins, contra les épidémies meurtrières, il intervient contre la mauvaise nourriture des soldats et l'abus désastreux que ceux-ci font de l'alcool ; c'est lui qui, plus tard, au sujet des épidémies qui survinrent en Crimée, indiquait au Commandement, comme un des meilleurs moyens préventif, d'exiger des jeunes Saint-Cyriens l'étude de l'hygiène en douze leçons.

Rentré en France en 1837, Baudens professe à Lille et au Val-de-Grâce, et meurt à 53 ans.

Un de ses camarades de combat, Sédillot, qui a participé dans une ambulance voisine à la prise de Constantine, honore également le médecin militaire de l'armée d'Afrique. Devenu professeur au Val-de- Grâce, il y donne un enseignement remarquable qui lui vaut d'être admis à l'Académie des Sciences et à l'Académie de Médecine.

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      L'oeuvre de Maillot.
C'est en 1836 également que parait une autre œuvre capitale, conçue à l'armée d'Afrique : " Le traitement des fièvres intermittentes de Maillot ".

Cet ouvrage fait suite et complète la communication de Maillot à l'Académie de Médecine en 1835. Maillot y étudie les fièvres intermittentes, rémittentes et pseudo-continues ; il différencie, d'An:, cette multitude de fièvres, ce qui revient à la typhoïde, à la dysenterie et au paludisme pernicieux ; enfin, il préconise le sulfate de quinine à haute dose dans le traitement de celui-ci ; la meilleure arme dont on puisse encore disposer aujourd'hui contre le paludisme vient d'être mise au point.

Et plus tard, au Congrès d'Alger de 1881, on pourra dire : " C'est par Maillot que I Algérie a pu devenir terre française ; c'est lui qui a fermé et scellé pour jamais le tombeau des chrétiens." ( D'après le Médecin Général Rieux, Professeur au Val-de-Grâce, dans 1' " Oeuvre du Service de santé en Algérie, 1830-1930 " chapitre IV.).

Quand, en février 1834, à Bône (où nos troupes se sont installées définitivement en 183. après deux séjours suivis de retraite en 30 et en 31), la situation sanitaire de la garnison est lamentable : 4.000 hospitalisés en 1832 pour un effectif de 3 à 5.003 hommes, et 449 décès ; en 1833, pour des effectifs semblables, 6.700 hospitalisations et 1.526 décès : un mort sur trois sortants et demi.

Fort de l'expérience acquise au cours des années précédentes en Corse et à Alger, et mettant à profit ses notes de clinique, Maillot traite ses malades suivant sa conception personnelle ; le résultat s'affirme d'emblée : en 1834, il n'y a plus qu'un décès sur 27 sortants.

Malade et surmené, Maillot doit rentrer en France en 1835, où ses communications et ses travaux eurent un retentissement considérable. Admiré des uns, critiqué par les autres, il passe sa longue vie à défendre sa doctrine. Professeur au Val-de-Grâce, puis président du Conseil de Santé des. armées, il a, en 1881, la satisfaction de voir officiellement consacrer son œuvre au Congrès d'Alger.

L'éclat que le nom de Maillot a pris en Algérie, lors des premières années de la conquête, persiste, toujours intact, dans le monde scientifique d'aujourd'hui.

On ne doit avoir garde d'oublier, à côté de ceux de Baudens et de Maillot, les travaux de Boudin, qui, chirurgien de l'armée d'Afrique en 1937 et en 1938, étudie aussi les maladies endémiques et publie en 1842 un " Traité des fièvres intermittentes, rémittentes et continues D. Il associe, en particulier, l'arse nic à la quinine pour le traitement du paludisme, et cette méthode a ses adeptes encore aujourd'hui.

      La découverte de Laveran.
La longue période de pacification et d'organisation qui succède à celle de la conquête, est également féconde en travaux et en réalisation scientifique. Le nom de quelques médecins de l'armée d'Afrique vient encore s'imposer au monde médical tout entier.

Au premier rang d'entre eux, il faut citer Laveran qui, en découvrant en 1880, à l'hôpital militaire de Constantine, l'hématozoaire du paludisme, éclaire d'une façon définitive la pathogénie, alors bien obscure, de ce fléau.

Tout a été dit et écrit - et par Laveran lui-même - (communications à l'Académie de Médecine en 1880 et 1882, éditions successives du " Traité du Paludisme ", conférence Nobel en 1907 à l'Académie des Sciences de Stockholm, etc...) sur les circonstances et les modalités de cette découverte. Les fêtes du Centenaire de l'Algérie, les Congrès médicaux interalliés de ses dernières années en Afrique du Nord et des cérémonies commémoratives ont suscité, d'autre part, de multiples études sur la vie et l'oeuvre de Laveran. (En particulier, fêtes du Centenaire de Laveran à Constantine en juillet 1945, présidées par le Médecin Général Inspecteur Vincent et le Médecin Général Debenedetti). Laveran, qui est déjà professeur au Val-de-Grâce lorsqu'il arrive en Algérie en 1878, sert à Bône, puis à Biskra, avant d'être affecté à l'hôpital de Constantine (1879-1883). Il quitte volontairement l'armée en 1896, à l'âge de 51 ans, et entre à l'Institut Pasteur de Paris, où il continue ses travaux jusqu'à sa mort en 1922.

La gloire de Laveran ne doit pas faire négliger le mérite de nombreux autres médecins qui, sur la terre d'Afrique, avant ou après lui, servirent la Science en même temps que la Patrie.

      L'action de Bertherand.
Parmi eux se trouve le Médecin Principal A. Bertherand, ancien élève de Baudens, Directeur de l'École opératoire de Médecine et de Pharmacie, fondée en 1857, " il est un des hommes qui contribuent le plus, tact par leurs oeuvres que par leur action personnelle, au développement de la Médecine française en Algérie " ( Médecin Commandant Legler - Œuvre du Service de Santé en Algérie 1830-1930 - Chapitre IX.). Le journal qu'il publie, " La Gazette Médicale de l'Algérie ", est une revue scientifique de haute tenue, que l'on prend encore intérêt et plaisir à lire dans les bibliothèques de nos vieux hôpitaux militaires. Son " Traité des maladies vénériennes ", publié en 1852, est un travail remarquable de logique et d'observation.

Traitée seulement par des prières de marabouts et par des tisanes sudorifiques, la syphilis fait, en effet, à cette époque, d'énormes ravages chez les aborigènes ; elle se caractérise par " d'horribles lésions cutanées et par des mutilations effroyables ". On la désigne sous le nom de " lèpre kabyle " et les premières descriptions, cependant exactes, que les médecins envoient en France, sont traitées de " mensongères " dans la Métropole.

Bertherand s'attache, quoique chirurgien, à étudier cette question ; il préconise la thérapeutique par l'iodure de potassium et les sels de mercure, malgré l'opposition de certains syphiligraphes français; les résultats son remarquables et les succès colportés de douars en douars amènent aux consultations de tous nos médecins une foule étonnée mais de plus en plus confiante.

Professeur de clinique chirurgicale à l'Ecole d'Alger, Bertherand reste pendant tout son séjour en Algérie le guide et le conseiller des jeunes praticiens civils et militaires.

      Travaux divers.
Un autre militaire, le Médecin aide-major de lie classe Vincent, travaille pendant cinq ans (de 1891 à 1896) dans les laboratoires de l'hôpital du Dey ( Médecin Général Rieux. - OEuvre du Service de Santé en Algérie 1830-1930 - Chapitre V) ; et celui à qui le destin réserve la gloire de vaincre, plus tard, les fières typhoïdes, commence, dans ces modestes locaux, ses recherches et ses
observations ; en 1896, il publie dans les " Annales de l'Institut Pasteur ses premiers travaux sur l'association fuso-spirillaire qui caractérise ce que nous appelons aujourd'hui l'angine Vincent.

A la gangrène hospitalière il oppose avec succès la poudre d'hypochlorite de chaux mélangée à l'acide borique, qui trouve sa place dans nos formulaires sous le nom de " poudre de Vincent ".

Il étudie les diverses associations du bacille thyphique avec l'hématozoaire (typho-malaria), avec le streptocoque, le staphylocoque, le bacille coli, etc...
Les travaux sont innombrables et tous ses confrères se groupent autour de lui (hommage rare !) pour bénéficier de ses leçons.
Quand le Médecin aide-major Vincent quitte l'Afrique du Nord, en 1896, il a déjà obtenu des résultats convaincants, mais encore inédits, au sujet de l'immunisation active contre la fièvre typhoïde.

Entouré de la vénération de tous les membres du Service de Santé militaire, le Médecin Général Inspecteur Vincent, professeur au Collège de France, est parvenu aujourd'hui au faite des honneurs.

Enfin, comme le rappelle une plaque de marbre scellée dans les murs de l'hôpital Maillot, " en inaugurant ici, en 1907, ses travaux d'électroradiologie, poursuivis de 1913 à 1925 à Paris, au Val-de-Grâce, le Médecin major de 2è classe Hirtz a ouvert à ses collègues, à ses élèves, ses émules, un champ de recherches et de réalisations charitables, originales et fécondes. "

De très nombreux pharmaciens militaires ont apporté leur contribution à la tâche scientifique du Corps de Santé en Algérie. C'est en particulier à eux que l'on doit l'étude de la plupart des eaux minérales d'Algérie ; ils ont une grande paru dans la classification de la flore locale.

Citons seulement le chirurgien aide major Millon qui, laissant la chirurgie, devient pharmacien et professeur agrégé de chimie au Val-de-Grâce. Envoyé en 1850 en Algérie pour des raisons politiques, il étudie la conservation et la sélection ces blés (durs et tendres), l'aménagement des silos, la fabrication des parfums, la vinification, etc... Son enseignement est très écouté ; ses conseils sont suivis par de nombreux colons et l'Algérie lui doit sans doute, une part de sa prospérité agricole

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ŒUVRE ACTUELLE.

      Dans les territoires du Sud.
La pacification du pays et son assainissement, la mise en valeur d'excellentes terres de culture, ne tardent pas à attirer sur le sol d'Algérie de nombreux émigrants français, espagnols, italiens, maltais, etc...

La " relève " des médecins dé l'armée par des confrères civils - bien souvent anciens militaires démissionnaires ou retraités - s'effectue progressivement depuis 1850.

Mais cette relève n'a jamais été totale : les médecins militaires assurent encore aujourd'hui la presque totalité du service médical clins les Territoires du Sud ; d'autre part, la collaboration amicale des médecins civils et militaires, dans les trois départements algériens, a toujours associé le Service de Santé à la tâche commune, humanitaire et scientifique.

L'oeuvre des médecins militaires dans les Territoires du Sud est considérable, et c'est une erreur (assez répandue d'ailleurs) de croire qu'ils se bornent à une oeuvre d'assistance et de charité. Au point de vue scientifique, les médecins du Sud ont toujours mis à profit les sources d'observation jaillies de leur vaste champ d'activité. De nombreux travaux de pathologie locale (ophtalmologie, paludisme, typhus, syphilis, tuberculose) et de très intéressantes monographies ont paru dans des revues médicales de France et d'Algérie (en particulier dans les Archives de Médecine et de Pharmacie militaires, et surtout dans les Archives de l'Institut Pasteur d'Algérie).

Grâce à leur compréhension et à leur développement et grâce à l'aide précieuse des Soeurs Blanches, ils attirent dans leurs infirmeries et dans les " biout el ainin " (salle de consultations ophtalmologiques) une population de plus en plus nombreuse, de nature pourtant méfiante et farouche.
En 1918, le nombre de leurs consultations est de : 128.600. En 1945, le nombre est de : 1.962.819.


Les épidémies deviennent plus rares grâce aux vaccinations ; les enfants naissent sains grâce aux soins préventif aux mères, et il naît plus d'enfants grâce aux sages-femmes françaises qui remplacent les matrones ; enfin, la cécité des jeunes tend à disparaître parce que les affections oculaires, et, en particulier, le trachôme, sont énergiquement combattues.

      Dans le Nord.
Dans les départements du Nord, la collaboration scientifique militaire et civile ne peut être mieux symbolisée que par l'action commune des médecins dans les établissements d'instruction et dans les Instituts de recherche scientifique tels que l'Institut Pasteur.

L'accroissement de la population civile crée, dès 1850, la nécessité d'organiser sur place le recrutement et la formation de médecins, de pharmaciens et de sages-femmes.

Ce n'est qu'en 1852 que le Maréchal Randon décide la création d'une Ecole préparatoire de Médecine et de Pharmacie, et ce n'est qu'en 1859 que cette école est inaugurée. Le médecin principal A. Bertheraud est nommé directeur ; deux autres officiers du Service de Santé, le Médecin principal Marit et le Pharmacien aide-major Bourlier y exercent, à côté de quatre professeurs civils. Les cours ont lieu à l'école même, et les leçons de clinique chirurgicale de Bertheraud sont données à l'hôpital civil de Mustapha.

En 1889, l'Ecole préparatoire est transformée en Ecole de plein exercice ; les anciens médecins militaires Treille, Brault et Gange y donnent un enseignement apprécié.

En 1909, enfin, l'école est transformée en Faculté, où quatre anciens médecins de l'armée (Gange, Raynaud, Giraud et Tournade) professaient encore en 1925.

Le Service de Santé militaire a toujours travaillé en liaison étroite avec l'Institut Pasteur d'Algérie ; l'ancien Médecin principal Foley, premier Directeur du Service de Santé des Territoires du Sud, chargé des laboratoires sahariens à cet institut, guide toujours le travail des jeunes médecins militaires affectés dans le Sud. Ses nombreuses publications scientifiques sur la fièvre récurrente (spiro-choeta Berbera, de Sergent et Foley), sur le trachôme, le paludisme, la prémunition anti-tuberculeuse, etc..., etc..., seul ou en collaboration avec Sergent et Parrot, en font un des meilleurs ouvriers de l'oeuvre médicomilitaire et scientifique en Afrique du Nord.

ACTION SOCIALE

Dès le premier jour de leur arrivée à Alger, les médecins du corps expéditionnaire entreprennent une action sociale, qu'ils ne sépareront jamais (fort justement d'ailleurs) de leur tâche médicale.

Bagre, chirurgien aide-major du 8' Régiment de Chasseurs à cheval, raconte, dans ses " Observations de chirurgie recueillies à l'hôpital turc à Alger ", comment il prit en mains dès son entrée dans la ville, le 6 juillet 1930, les soins aux blessés et aux malades, janissaires, jeunes Maures, jcunes enfants.

Combien d'autres, depuis, ont " fait " du Service médico-social, sans l'écrire ! Car ici, rien ne brille, chacun dans sa petite sphère, travaille silencieusement, de toute son âme" à soulager des souffrances ou à les prévenir ; aucun nom n'est à citer parce qu'ils le seraient tous. Une épidémie est évitée par un isolement préventif et judicieux ; une famille syphilitique est amenée aux soins grâce à :a confiance acquise ; des enfants naissent sains qui seraient mort-nés ou aveugles : tous ces faits ne laissent aucune trace immédiate et officielle.

Et pendant cent ans, des médecins militaires accomplissent cette tâche obscure auprès des populations indigènes, au début excitées pur la haine et le fanatisme, et toujours tentées, par leur fanatisme, de se refuser à un effort préventif.

Lors des premières années de l'occupation, le Commandement constate que chaque poste où travaille un médecin - et où celui-ci peut rayonner jusqu'aux tribus parfois insoumises - devient un centre précieux d'attraction médicale et politique. Aussi, lorsqu'en 1844 les " bureaux arabes " sont constitués, les médecins font partie du personnel de direction et, en 1867, un médecin aide-major de 2° classe est attaché à chaque bureau.

L'OEUVRE ACTUELLE.

      Dans le Nord.
Actuellement, les Services civils de ]a Santé publique ont pris à leur charge, dans le Nord, les œuvres médico-sociales pour les civils européens et musulmans.

La collaboration militaire leur est acquise dans cette branche comme dans toutes les autres. L'armée organise pour elle-même un Service médico-social très étendu.

Des centres médico-sociaux accueillent dans presque toutes les garnisons les familles des militaires de carrière et du personnel civil du Ministère de la Guerre ; les consultations pour les nourrissons, les visites pré et postnatales y tiennent une grande place ; des séances de vaccinations et de dépistage radioscopique y sont pratiquées réguliêrement ; des visites à domicile par des assistantes médico-sociales sont prévues ; des fiches sanitaires sont rédigées ; des écoles de plein air, des préventorium, des sanatoriums, sont ouverts malades des ramilles bénéficiaires. Des maternités, enfin, son' créées dans chaque division territoriale.

En outre, les Dar-el-Askri reçoivent les familles de tous les anciens soldats indigènes ; des chefs militaires soutiennent de leur haute autorité les initiatives privées (Maison du blessé musulman, dispensaires de la Croix-Rouge, etc...) Dans toutes les garnisons, nos vieux hôpitaux militaires ont des salles réservées pour accueillir les malades ou les accidentés civils, et leur clientèle musulmane reste nombreuse.

      Dans le Sud.
D'autre part, dans le Sud, les médecins militaires gardent la charge de toute l'action sociale : créations d'infirmeries et de dispensaires, assistance médicale gratuite, vaccinations préventives massives contre les grandes épidémies, visites des mères et des nourrissons, surveillance médicale des écoles.
Ils y jouissent d'un incontestable prestige et restent, comme l'écrivait Talabère : " les toubibs... ces personnages quasi maraboutiques et presque sacrés... "

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En 1330, il y avait en Algérie 3 millions d'habitants ; il y en a 8 millions cent àns après, dont 7 millions d'autochtones. L'action du Service de Santé en Algérie se résume en ces quelques chiffres.

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Rome, pendant des siècles, avait construit sur ce sol d'Afrique de magnifiques cités ; ses écrivains avaient magnifié le pays, ses laboureurs en avaient fait " le grenier ".

Il ne restait cependant plus rien de leur passage : des arcs payens de Timgad à l'émouvant baptistère de Djemila, des ruines de Césarée à celles de Madaure, tout était perdu, brisé, enterré. Les oeuvres écrites et les discours - même ceux de Saint -Augustin, évêque d'Hippone - étaient passés sans laisser la moindre trace sur les populations indigènes.

Car tout n'est pas dans la pierre, tout n'est pas dans les armes, tout n'est pas dans les écrits.

Mais il n'est pas possible que tout s'efface, demain, de ce que les médecins militaires français ont gravé dans le cœur et l'âme des Musulmans d'Algérie.