Alger, Algérie : documents algériens
Série politique
La scolarisation des Enfants musulmans en Algérie*
mise sur site le 25-11-2010
* Document n° 7 de la série : Politique - Paru le 1er juin 1946 - Rubrique ENSEIGNEMENT

114 Ko
retour
 

La scolarisation
des Enfants musulmans en Algérie

Qu'il s'agisse de ses institutions, de son activité économique, des conditions de vie de sa population, tu développement de son empire, les voies que la France entend suivre ne sont pas celles d'une routine paresseuse, mais bien celles du renouveau.

A la fin d'une guerre qui a créé des difficultés nouvelles, des devoirs très vastes s'imposent aux pay: qui comme la France se sont, depuis l'âge des grandes découvertes, associés d'autres peuples, d'autres races. Le plan d'ensemble des Réformes concernant l'Algérie et dont l'exécution est en voie de réalisation montre que la France a mesuré ici tous ses devoirs.

Si dans tous les domaines, les efforts sont sensibles, si dans tous les secteurs les réalisations s'affirment, on peut cependant dire que le succès le plus marquant, car il s'attache à un point capital ch: l'évolution du pays et vise les destinées lointaines de l'Algérie, a été obtenu dans la scolarisation des enfants musulmans.


Plan de scolarisation, projet 1945-1965
Plan de scolarisation, projet 1945-1965

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DES INDIGENES - HISTORIQUE :

La Scolarisation


La première école " Maure-Française " est ouverte à Alger en 1836. Des maîtres Musulmans et Français y enseignent la langue française et arabe avec une nette prédominance de la seconde.

En 1850, cinq nouvelles écoles dites " Musulmanes-Françaises " fonctionnent à Alger, Constantine,, Oran, Bône, Mostaganem ; une trentaine d'autres sont ouvertes sous le Second Empire. Une régression sensible est enregistrée à partir de 1870. Le nombre de ces écoles était de 16 en 1880.

C'est de 1880 à 1890 que s'organise en France l'enseignement primaire. Il en est de même en Algérie ; et c'est en 1889 que sont élaborés les " Plans d'études et programmes de l'enseignement des indigènes en Algérie ", oeuvre remarquable où programme et méthodes d'enseignement sont adaptées aux conditions de vie et aux besoins particuliers des milieux musulmans. A partir de 1890, le nombre des écoles et l'importance des effectifs ne cessent d'aller en augmentant.

Le personnel enseignant

Alors que depuis la loi Guizot (1833) une école normale primaire fonctionnait en principe dans chaque département métropolitain, l'Algérie n'avait encore, 35 ans après l'arrivée des Français, aucun établissement scolaire de ce genre. Le progrès de l'instruction primaire dans les trois provinces nord- africaines et le désir de la voir largement répandue dans la population musulmane amenèrent le Gouvernement Général à solliciter, en 1865, la création de l'Ecole Normale d'Alger.

" Si l'on veut, lit-on dans le rapport de l'Empereur, que les écoles destinées à recevoir les jeunes Musulmans contribuent à la propagation rapide de la langue et des idées françaises, il est nécessaire d'y placer des maîtres initiés à l'usage de l'arabe parlé, à la connaissance générale des moeurs et capables d'adapter leurs méthodes aux habitudes intellectuelles des indigènes. Or, sans une préparation. spéciale, il est évident que les instituteurs demeureront étrangers à ces connaissances et aux procédés qu'il convient d'employer pour rendre leur enseignement profitable à tous les enfants de la colonie. Ces considérations nous ont conduits à proposer à votre Majesté la création d'une école normale d'instituteurs pour les Européens et les Indigènes ".

Fondée par décret impérial en date du 4 mars 1865, c'est dans le " site riant aujourd'hui occupé par le musée des Antiquités et le Parc de Galland, que s'installa la première école normale d'instituteurs de l'Algérie, et l'élément musulman devait y figurer, en principe, dans la proportion de 1/3 pour 2/3 d'Européens.

Transférée " provisoirement ", au début de 1888, à la Bouzaréah, l'Ecole normale s'y est développée et installée définitivement.
De 1865 à 1885, le problème du recrutement européen et surtout musulman se posa lors de chaque concours, et il y eut souvent lieu de faire appel à des recrues des écoles normales de France.

Afin de remédier à cette situation, furent créés, en 1883, un " cours normal indigène " destiné à parfaire l'instruction des candidats musulmans insuffisamment préparés par les écoles arabes-françaises et une école primaire supérieure annexée à l'Ecole Normale, qui assurèrent dès ce moment le recrutement des élèves-maîtres en Algérie.

Abrogé en 1924 lorsque la généralisation de l'instruction primaire supérieure permet à tous les éléments de l'Algérie d'entrer à l'Ecole Normale, le " cours normal indigène " a cependant facilité, à une époque " héroïque ", la formation de 800 instituteurs musulmans.

Les élèves Musulmans bénéficient en fin de scolarité à l'Ecole Normale, grâce à un crédit spécial du budget, d'un voyage de trois semaines à travers la France, et c'est ainsi qu'aux notions classiques et livresques se substitue la réalité pittoresque et nuancée d'une France vivante au service de laquelle ils se consacrent alors en pleine connaissance de cause.

Les Ecoles Normales de Mustapha, puis de la Bouzaréah, ont instruit, de 1866 à 1945, cinq mille maîtres de l'enseignement public algérien.

LE PROBLEME EN 1944 :

La population musulmane peut être évaluée à 7.500.000 habitants dont 1.250.000 enfants d'âge scoo laire (6 à 14 ans). Sur ce total, en 1943, 110.200 enfants (garçons et filles) recevaient l'instruction primaire.

En tenant compte de cet état de fait, l'effort accompli depuis 1890 paraît modeste si l'on n'examine que les chiffres. Il faut cependant, pour être juste, ainsi que le faisait remarquer M. Boudjakdji, Inspecteur de l'Enseignement primaire, dans sa chronique diffusée par Radio-Algérie, se rappeler les conditions d'organisation de cet enseignement. En France, l'enseignement primaire se développe en 1886, mais on trouve dans le moindre village des locaux pour y installer une école à peu de frais. En Algérie, tout est à créer, on part à zéro.
Difficultés rencontrées ? Efforts insuffisants ? Quelles qu'en soient les raisons, le problème, en 1943, était le suivant : Comment scolariser au plus vite 1.150.000 enfants musulmans.?

LES SOLUTIONS :

Le plan de scolarisation

La Commission chargée d'établir un programme de réformes politiques, sociales et économiques, en faveur des Musulmans français d'Algérie, s'est longuement penchée sur ce problème au début de 1944, et le fruit de ses travaux concrétisé par un " Plan de scolarisation totale " a été ratifié par décret du 27 novembre 1944.

Ce plan, dont la réalisation, sous la haute direction du Recteur de l'Académie d'Alger, est confié à un Vice-Recteur qui en est spécialement chargé, s'étale sur vingt ans et adopte un rythme croissant de créations. Il doit permettre l'aménagement de 20.000 classes et la scolarisation d'un million d'enfants.

Décret du 27 novembre 1944 :

Le rythme accéléré des réalisations prévues sera possible grâce à l'amélioration croissante des conditions économiques et à une instruction primaire supérieure et secondaire plus généralisée qui permettra de, trouver sur place le personnel enseignant nécessaire.

Afin de permettre le démarrage immédiat du plan de scolarisation, un cadre spécial d'instituteurs a été créé. Il comprend des maîtres titulaires de l'un des diplômes suivants : brevet élémentaire, diplôme d'études secondaires, diplôme d'études des Médersas algériennes, première partie du Baccalauréat (Ordonnance et décret du 27 novembre 1944). Ce recrutement très large a été jusqu'ici relativement aisé.

La question des locaux reste plus angoissante ; il est évident que si l'on ne construit pas de locaux et si toutes les écoles encore réquisitionnées ne sont pas rendues à leur destination, l'application des programmes prévus en 1947 et 1948 s'avèrera difficile, tous les locaux disponibles ayant été utilisés en 1945 et 1946.

Toutes dispositions sont cependant prises, dans le cadre des disponibilités actuelles en crédit et en matériaux de construction, pour faire honneur aux promesses faites par le Gouvernement Provisoire de la République Française.

LES REALISATIONS :

Dès le début de 1945, l'Administration responsable utilisant tous les locaux disponibles, commença à réaliser la première étape du programme.
Au 5 décembre 1944, il y avait 2.073 classes spécialement destinées aux enfants musulmans.

Un an après, il y en avait 2.522 soit une augmentation de 449 classes, c'est-à-dire 49 classes de plus que n'en prévoyait le décret du 27 novembre 1944.

21.301 enfants avaient été scolarisés, alors que le plan de scolarisation n'en prévoyait que 20.000

C'est en tenant compte des possibilités matérielles et aussi pour satisfaire les désidérata depuis longtemps exprimés, que la plupart des créations ont été faites dans les centres urbains et les agglomérations importantes. Les locaux disponibles étant nettement insuffisants, 50 % des classes créées. fonctionnent à mi-temps.

L'année 1946 voit la réalisation de la seconde tranche du plan de scolarisation, les création se multiplient et permettent d'espérer en fin d'année l'aménagement de 486 classes (au lieu de 400 prévues).

Les conditions d'installation sont évidemment plus précaire qu'en 1945 et 75 % des classes créées fonctionnent à mi-temps.

SCOLARISATION DES FILLET.TES MUSULMANES :

Un examen rapide des chiffres et des courbes de scolarisation montre qu'en ce qui concerne les fillettes musulmanes les chiffres restent modestes. Il est cependant intéressant de noter que la proportion qui était de 1/10' des effectifs totaux. en 1892 est passée à 1/5' en 1945.
Dans la plupart des régions, la population musulmane est maintenant pleinement acquise à l'enseignement des filles et des écoles nouvellement ouvertes ont leurs effectifs au complet. On peut donc aller hardiment de l'avant.

Faisant suite au voeu de la commission des réformes, 25 % des création de 1945 et 54 c/t- des créations de 1946 sont destinées aux fillettes musulmanes.

Ainsi ni le manque de locaux, ni l'absence de matériaux de construction, ni les dif field ,és de recrutement du personnel enseignant n'ont pu freiner le départ des projets de scolarisation dont dépendent l'évolution certaine et l'avenir lointain de l'Algérie.

Si l'on tient compte de ce que l'impulsion énergique qui vient de revivifier l'enseignement primaire. public des Musulmans est accompagnée de la réorganisation de l'enseignement supérieur musulman, on admettra que le voeu émis en 1944 par les membres de la commission des réformes est en cours. de réalisation et qu' " un esprit vigoureux, afin que soit développée l'instruction le plus rapidement possible, au profit de la population " a effectivement suggéré les projets et permis les réalisations effectuées, si bien que l'accroissement de la population scolaire, au cours de la seule année 1945 est égal à celui de la totalité des douze années antérieures


Annexe : plan de scolarisation, projet 1945-1965
Annexe : plan de scolarisation, projet 1945-1965