Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale

L'Habitat social en Algérie*
mise sur site le 27-4-2011
* Document n° 7 de la série : Sociale - Paru le 10 août 1946 - Rubrique HABITAT

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L'Habitat social en Algérie

La nécessité d'apporter des améliorations à la condition matérielle et morale de certaines catégories de populations d'Algérie, particulièrement dignes d'intérêt en raison de leur situation très modeste, s'est imposée aux Pouvoirs publics bien avant le dernier conflit mondial.

Au cours des années qui l'ont précédé, l'Administration s'était déjà préoccupée de déterminer les besoins en logement et de satisfaire à ces derniers au moyen de ressources proprement algériennes et de crédits spéciaux mis à la disposition de l'Algérie par la Métropole. Différents systèmes originaux pour améliorer une situation difficile furent envisagés mais, n'ayant jamais reçu de consécration légale, ils furent l'objet de réalisations locales n'ayant aucun caractère général.
Orientés, à cette époque, vers les besoins spécifiques des populations musulmanes rurales et urbaines, ces projets, étant donné l'évolution de leurs bénéficiaires urbains, semblent ne plus devoir faire actuellement l'objet d'une législation spéciale et s'intégrer dans le vaste programme de réalisations prévu par l'organisation de " l'habitat social " en Algérie.

LE PROBLÈME.

Le problème de l'habitat occupe dans les questions algériennes une place prépondérante et le taudis qui sévit en Algérie avec plus d'acuité que dans les pays d'Europe, est l'apanage presque exclusif de la population musulmane laborieuse.

Le mal est moindre pour le rural dont la tente, le gourbi, la maison de pierre ou de torchis s'élève en ordre dispersé sur des surfaces aérées et ensoleillées. Mais, le travailleur de conditions modeste résidant dans les villes ou autres agglomérations est, en général, logé dans des conditions autrement dépourvues d'hygiène.
L'attraction exercée par la ville sur les campagnes, surtout depuis la fin de la guerre 1914-1918, a aggravé les conditions de logement urbain, et l'on assiste à l'entassement, dans les villes ou leur banlieue, .d'une nombreuse population en grande majorité musulmane.

On évalue la densité du peuplement à plus de 2.000 habitants à l'hectare dans la Casbah d'Alger, chiffre déconcertant, si l'on considère que des moissons ont rarement plus d'un étage.

Les " bidons-villes " déshonorent la banlieue de la plupart des villes algériennes autour desquelles tendent à se créer des " zones " plus malsaines et plus hideuses que toutes celles des grandes agglomérations d'Europe. On peut aussi citer le surpeuplement des villages kabyles.

Si l'on admet que le développement de l'habitat est indispensable à l'évolution rapide des masses musulmanes et qu'il conditionne l'extension de l'artisanat, on comprendra le prix attaché par l'Administration algérienne à la lutte contre le taudis sous toutes ses formes.

HISTORIQUE DE L'HABITAT MUSULMAN AVANT 1937.


Après les expériences de la première heure du Maréchal Bugeaud, du Général de Lapasset et des bureaux arabes, on peut citer la création, en 1889, du village indigène de Bédrabine, à 35 km de SidiBel-Abbès par M. Varnier, administrateur de la Commune mixte de la Mékéna.

Centre prospère, dont l'outillage agricole s'est perfectionné, Bédrabine a quintuplé sa production et sa population est passée de 169 habitants en 1896 à 1.800 en 1945.

Après cette réalisation, ce n'est que beaucoup plus tard (après les réalisations d'initiative privée de M. Charles Lévy à Sétif et de M. Averseng à El-Affroun, qui entreprennent la construction de cités indigènes modernes) en 1927, qu'un rapport général concluant à la nécessité de remplacer les gourbis
par des maisons et proposant un vaste programme d'habitat à réaliser par l'Algérie avec l'aide de la Métropole, est présenté à la Commission interdélégataire de coordination de l'enseignement technique et professionnel des Délégations Financières.

Un premier crédit de 5 millions inscrit au budget de 1930 servit à doter la construction de villages indigènes à Bordj-Ménaïel, El-Affroun, Rivet, Ameur-El-Aïn, Marnia, Hammam-Bou-Hadjar, Philippeville, Rhira, et l'agrandissement de l'agglomération de Bel-Air (Sétif) créée par M. Lévy.

Un nouveau crédit de 5 millions fut inscrit au budget de 1932, et l'effort de l'Algérie pour l'amélioration de l'habitat indigène se poursuivit.

La loi du 18 août 1936 destinée à combattre et prévenir le chômage, apporta enfin à l'Algérie l'aide efficace de la Métropole, un crédit de 100 millions lui ayant été accordé, sur lequel trente millions étaient affectés à l'habitat indigène (21 à l'habitat urbain et 9 à l'habitat rural).

RÉALISATIONS DEPUIS 1937.


La circulaire gouvernementale du 11 janvier 1937 a fixé les règles d'utilisation de ce crédit de 30 millions, et elle constitue en quelque sorte, dans le passé, la charte de l'habitat indigène, définissant les modalités de concession, de construction et d'exploitation des habitations.

Le Service d'architecture, chargé de la construction ou du contrôle de là construction dans certains cas, a fixé par circulaire aux architectes, le 5 juillet 1938, les conditions techniques d'aménagements et de distribution des maisonnettes édifiées.

Telles sont les bases qui ont permis la création des cités d'Hussein-Dey et du Clos-Salembier à Alger, de Constantine, de Ménerville, de Miliana, d'Orléansville, de Mascara, de Bône, d'Aïn-Boucif, dont la plupart feront l'objet d'extensions ultérieures. (Annexe I).

CONCEPTION DE L'" HABITAT SOCIAL ".


Ce terme nouveau appliqué à un programme nouveau révèle les besoins actuels de l'Algérie en voie d'évolution.

Des programmes échappant au cadre de la législation sur les habitations à bon marché ont été réalisés, depuis un certain temps déjà, par le Gouvernement Général de l'Algérie, sous le contrôle des Directions des Affaires Musulmanes et des Travaux Publics, tandis que, dès 1939, une expérience portant sur un petit programme était entreprise à Sétif, sous la dénomination de " constructions prolétaires "

Tout en confirmant l'intérêt que présente l'habitat populaire, cette dernière tentative, faite en conformité de la réglementation sur les habitations à bon marché, a démontré que, s'agissant de bénéficiaires dont les ressources sont minimes, il était difficile, sinon impossible, d'équilibrer sur le plan financier une telle opération, sans avoir recours aux subventions et sans abandonner, en définitive, certaines prescriptions relatives aux habitations à bon. marché.

Après six ans de guerre, les circonstances se trouvent être bien moins favorables et les besoins généraux de l'Algérie en logements se révèlent considérablement accrus.

La partie la plus pauvre de la population éprouve des difficultés insurmontables à se loger convenablement du fait de la modicité de ses ressources et des prix de plus en plus élevés exigés pour des appartements souvent insalubres.

Il ne peut, d'autre part, être fait appel à la réglementation sur les habitations à bon marché proprement dite, en raison de son maniement délicat, de la faible faculté contributive des intéressés, de la hausse des prix des matériaux et de la main-d'œuvre nécessaire à l'édification de maisons correspondant aux anciens types normaux.

C'est en tenant compte de ces considérations et à la suite du désir exprimé par les Assemblées Algériennes de participer à la construction d'habitations populaires, qu'un projet de loi instituant " l'habitat social " en Algérie sera soumis au Gouvernement. Intermédiaire entre l'Institution des H.B.M. et les projets autrefois arrêtés pour l'habitat musulman, cette organisation, qui doit satisfaire à tous les besoins de l'Algérie, marquera une fois de plus l'égalité laplus complète entre les différentes catégories ethniques de la population algérienne.

     Le principe.
Le projet de loi préparé, qui se situe en bonne place dans le programme des réformes actuellement en voie de réalisation en Algérie a pour objet d'instituer une œuvre sociale répondant aux besoins importants de l'habitat algérien et susceptible d'apporter dans un avenir immédiat une solution aux problèmes posés par les trop nombreux " bidonvilles " et les quartiers anciens aux appartements étroits et insalubres.

     Les moyens financiers.
Organisation située à mi-chemin entre la législation des habitations à bon marché et celle anciennement prévue pour l'habitat urbain indigène, elle bénéficiera, sous forme de subventions limitées, de l'aide de l'État pour l'édification de logements individuels ou collectifs, tout en exigeant un effort minimum de la part des bénéficiaires.

L'accession à la propriété sera ainsi rendue possible, dans certains cas, sans que, pour autant, le régime ainsi institué participe de l'assistance, mais bien de la prévoyance sociale.

A un moment où l'on se préoccupe d'industrialiser l'Afrique du Nord et où il importe de stimuler les initiatives, l'octroi de subventions pourra également être étendu, dans le cas où des conventions auront été passées entre la Métropole ou l'Algérie et des entreprises industrielles, à la construction de cités ouvrières, en vue de faciliter la création de ces dernières et de diminuer les charges très lourdes imposées aux employeurs à cette occasion.

     La réglementation.
Ce projet confie au Gouverneur Général de l'Algérie le soin de fixer, par arrêtés, les modalités d'application pratique. Ces arrêtés prévoiront notamment, des types différents d'habitation, répondant aux besoins des diverses catégories de travailleurs, ainsi que des foyers adaptés, autant que possible, à leurs ressources, tout en constituant un complément nécessaire de l'oeuvre des habitations à bon marché.

Par sa souplesse, cette méthode permettra, en outre, de suivre de plus près les fluctuations possibles des prix de revient et d'apporter une solution rapide aux difficultés qui pourraient se révéler du fait des circonstances économiques actuelles.

En contrepartie, toutes les garanties désirables seront apportées grâce à la création de commissions de réalisation des programmes et à leur contrôle technique, administratif et financier.

LA PRÉPARATION D'UN VASTE PROGRAMME.


Ainsi l'Algérie va se trouver dotée d'un organisme susceptible d'apporter dans le domaine de l'habitat une solution rapide et efficace.

Les réalisations fragmentaires actuellement en cours pourront recevoir une impulsion définitive, 100 millions étant inscrits au budget pour l'habitat rural et le double pour l'habitat urbain.

Tout en préparant cette vaste organisation, l'Administration expérimente des maisons-types d'un prix de revient serré, de construction facile et utilisant de préférence des matériaux locaux.

Les techniciens y ont une occasion d'exercer leur ingéniosité. Déjà, l'emploi du béton de terre stabilisé retient leur attention. Ce mélange dosé d'argile, de sable et de gravillons, déjà employé en France, en U.R.S.S. et aux U.S.A., sera probablement utilisé en Algérie. D'autre part, on prévoit l'usage de la " fusée céramique " qui a déjà donné d'excellents résultats au Maroc.

Telle est l'organisation sociale de l'habitat qui va permettre de dépasser la période d'expérimentation et de " mise en place " préliminaires. Dotée de moyens financiers sérieux, elle permettra grâce à une contribution minime des bénéficiaires, de recaser les familles urbaines mal logées et la création de vastes cités ouvrières.

L'ère des réalisations est venu et le programme de l'habitat s'intègre en bonne place dans l'œuvre algérienne, œuvre harmonieuse adaptée aux exigences d'éléments ethniques divers, œuvreà laquelle préside avec clairvoyance et énergie M. le Gouverneur Général Yves Chataigneau.

annexe habitat social