Le secteur d'améliorations
rurales de M' Rabtin-Djorf
Les Documents Algériens ont déjà
exposé (série
économique n° 13, ann,ée 1946, : Paysanat musulman)
ce que sont les secteurs d'améliorations rurales et donné
un aperçu général de l'ensemble de ces organisations
(série
économique n° 10: Paysanat et réformes agraires réalisées
en 1945).
Le 13 avril, au cours de son voyage en Algérie, M. Édouard
Depreux, ministre de l'Intérieur, visitait le S.A.R. de M'Rabtin-Djorf,
dans la commune mixte de M'Sila, réalisation particulièrement
intéressante si l'on tient compte des difficultés de démarrage
(le douar choisi étant le plus pauvre de la commune, la population
nomade, difficile à sédentariser et à éduquer,
l'eau rare) et des résultats obtenus.
LES RAISONS DE CETTE CRÉATION.
D'après carte Michelin
172, 1958 (Coll.perso)
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La commune mixte de M'Sila
occupe la partie occidentale du Hodna. Elle a une superficie de près
400.000 hectares de terres dont 150.000 environ sont cultivables mais
ne donnent, en moyenne, qu'une récolte de céréales
tous les sept ans, par suite d'une pluviométrie insuffisante (165
mm. en moyenne par an).
Aussi, la situation économique de la population rurale musulmane
est - elle très précaire. Son accroissement continu (elle
est passées de 29.485 habitants en 1891, à 54.346 en 1936
et atteint actuellement 72.000 âmes) et la stagnation de la production
agricole posaient un grave problème démographique et social
dont la solution était à rechercher dans une culture susceptible
de procurer, en terres non irriguées, un revenu régulier
et rémunérateur.
Se basant sur les résultats obtenus en Tunisie dans la culture
de l'olivier en terre sèche, la similitude dés conditions
géologiques et climatiques et l'état des deux olivettes
expérimentales créées à M'Sila, l'une en terre
sèche, l'autre en terre irriguée, il fut décidé
de procéder à la plantation d'oliviers à la méthode
Sfaxienne sur de grandes étendues en terres non irriguées
et à la création d'un S.A.R. d'oléiculteurs musulmans.
LA CRÉATION DU S.A.R.
Les terres de recasement.
Le choix des terrains à complanter a été déterminé
par :
-----a) la convenance du sol à la culture de l'olivier en terre
sèche (des prospections, sondages, prélèvements d'échantillons
de terres et leur analyse ont permis de déterminer les terres légères
et perméables, favorables à cette culture).
----- b) la possibilité d'arroser les plants pendant leur jeune
âge.
----- c) la nature juridique des terres (le choix des terrains communaux
et des terrains domaniaux par application des articles 111 à 114,
de l'ordonnance du 13 avril 1943, offre le plus de facilité. Cependant,
on a innové à M'Sila en cette matière puisque la
plantation a été réalisée sur terrain arch
avec l'accord de la Djemaâ intéressée).
----- d) l'accord et l'aide effective des populations intéressées.
La
mise en valeur des terres.
La plantation a été effectuée par souchets d'oliviers
de Tunisie, de variété Chemlali. L'espacement des sujets
à 25 mètres et des labours judicieux (1 labour profond et
2 labours légers par an) assurent, avec quelques irrigations (4
irrigations par an de 50 litres d'eau par arbre chacune) pendant les deux
premières années. une bonne végétation.
La période d'attente est relativement courte, l'olivier
pouvant produire à partir de la septième année. Pendant
cette période, le terrain peut supporter des cultures intercalaires
(orge, fèves).
La direction et le financement des travaux sont assurés par l'Administration,
les futurs bénéficiaires apportant la seule chose dont ils
disposent, leur travail. La gestion est donc menée sous une forme
collective par l'intermédiaire de la Société Indigène
de Prévoyance, pendant le laps de temps nécessaire à
la mise en valeur et au remboursement, grâce aux bénéfices
de l'exploitation, des avances consenties par le budget de l'Algérie.
Quand les oliviers seront en plein rendement et une fois les avances amorties,
l'Administration répartira les terrains complantés en lots
de 10 hectares entre les familles du douar, ces lots devant être
inaliénables et imprescriptibles et rester propriété
de famille, l'Administration demeurant néanmoins toujours qualifiée
pour imposer aux arboriculteurs un plan rationnel de culture destiné
à assurer l'avenir de la réalisation.
L'habitat
rural.
Le programme de paysanat est complété par un programme d'habitat
rural dont le but, à la fois cultural et social, est de recaser
les fellahs épars dans le douar, en villages, pour lés associer,
permettre ainsi une bonne exploitation, leur apprendre à cultiver
rationnellement les lots qui leur seront attribués, leur assurer
une habitation améliorée, saine et pratique, qui remplacera
leur gourbi inconfortable et insalubre et mettre à leur portée
l'école, l'assistance médicale et tout ce qui contribuera
à améliorer leurs conditions de vie et à hausser
leur niveau social.
PROGRAMME D'ENSEMBLE.
Le programme de paysanat et d'habitat rural a été divisé
en tranches :
Paysanat
:
- 1è tranche : décembre 1945 à mars 1946 : plantation
de 100 hectares d'oliviers au douar M'Rabtin-Djorf (C.M. de M'Sila).
- 2è tranche : mars 1946 à mars 1947: continuation de la
plantation dans le même douar sur 1.500 hectares.
Habitat
:
- 1è tranche : 1946 : réalisation d'un prototype de logement
au douar Ouled Guesmia, sur les lieux du séisme du 12 février
1946.
- 2è tranche : 1947 : construction de deux villages de recasement
de 80 feux chacun au douar M'Rabtin-Djorf.
LES RÉALISATIONS.
Les
plantations.
La première tranche du paysanat d'oléiculteurs a été
réalisée au douar M'Rabtin-Djorf à l'aide de souchets
d'oliviers transportés de Kasserine (Tunisie). La reprise a été
remarquable ; on relève 3 % seulement de manquants. Bien que la
surveillance soit très difficile sur une étendue aussi grande,
aucun dégât n'a été commis à la plantation
par le bétail. L'irrigation a été effectuée
par camions- citernes. Le prix de revient de la plantation s'est élevé
à 172 fr. 65 par arbre.
La deuxième tranche a débuté aussitôt après
l'achèvement de la première. 25.000 souchets d'oliviers
ont été transportés par camions de Sfax en juin 1946,
mis en pépinière au douar même, irrigués par
pompage de la nappe phréatique située à une faible
profondeur. Après piquetage, les trous ont été creusés
et la plantation proprement dite effectuée, précédée
du " pralinage " des plants et suivie d'un arrosage par camion-citerne.
Elle est actuellement achevée, sauf dans la partie Sud, où
les souchets vont être mis directement en place à leur arrivée
de Tunisie en remplacement de ceux qui n'ont pas repris en pépinière.
La sécheresse persistante (il n'est tombé que 23 mm. d'eau
depuis septembre 1946) oblige à utiliser sans arrêts les
camions-citernes.
La troisième tranche va commencer. Elle consistera en la plantation
de 1.600 hectares d'oliviers, ce qui portera la réalisation à
3.200 hectares en fin d'année. Le douar qui a été
prospecté est le douar Metarfa, limitrophe du douar Djorf et plus
rapproché de M'Sila. Le transport dé 40.000 souchets d'oliviers
de Sfax va commencer dans quelques jours à raison de 16 voyages
de 2.500 souchets chacun effectués par le camion de 5 tonnes dont
la S.I.P. vient de faire l'acquisition.
En outre, une pépinière de 300.000 noyaux d'olives vient
d'être réalisée à M.Sila, pour les besoins
des tranches ultérieures du programme de paysanat d'oléiculteurs.
L'HABITAT.
Le programme d'habitat rural a consisté d'abord à réaliser
un prototype de logement sur les lieux du séisme du 12 février
1946, au douar Ouled Guesmia.
Il s'agissait de construire un logement d'un prix de revient peu élevé,
utilisant au maximum les matériaux trouvés sur place, et
adapté aux murs et coutumes des habitants. L'examen du type
d'habitation musulmane du Hodna et la faible pluviométrie de cette
région, ont fait proposer un type de construction en toubes, avec
couverture en voûtes, qui a été retenu.
Ce type de logement est adapté au pays ; la voûte assure
une température relativement fraîche en été
et douce en hiver ; elle permet un blanchiment rapide et n'offre aucun
abri aux scorpions nombreux dans le pays.
Chaque type de logement comprend :
--- 1 chambre d'hommes, de 3 x 3,75 ;
--- 1 gynécée, de 3 x 3,75 ; 1 cuisine, de 3 x 3 ;
--- 1 magasin, de 3 x 3,85 ; 1 écurie, de 3 x 3,85
--- 1 cour intérieure, de 6,25 x 6,50 ;
--- 1 jardin de 2 ares 65, entourant le logement.
Les logements sont groupés par quatre.
Le prix de revient d'un logement est de 194.000 fr. environ, soit 2.485
fr. le mètre carré de surface couverte.
La construction des deux villages de recasement de Djorf et Bensaoucha
a été donnée en adjudication le 21 octobre 1946.
Retardée par les formalités de l'emprunt pour le financement
des travaux, elle a commencé au mois de mars. Les travaux sont
activement poussés et le premier village, Bensaoucha, sera terminé,
en principe, fin mai. A Djorf, le premier groupe a été construit
en régie et il est complètement achevé.
Chaque village comprend :
--- 80 logements, répartis ,n 20 groupes de 4 ;
--- 1 école à deux classes, avec logement d'instituteurs
;
--- 1 maison commune composée d'une pièce à usage
de mairie ; 1 local pour l'assistance médicale et une agence postale.
La construction des écoles et maisons communes doit faire l'objet
d'une adjudication ultérieure, ainsi que la viabilité (aménagement
de chaussées dans les deux villages et de la route de 6 km. 500
qui les relie).
L'alimentation en eau constituait un problème difficile. Il a pu
être résolu grâce aux recherches d'eau qui ont été
couronnées de succès. Pour le village de Djorf, l'alimentation
sera assurée par le captage d'unesource dans le ravin dit "
Faid Aroui ", situé à 2 km. au Nord du village et à
une différence de niveau supérieure d'une trentaine de mètres.
Une station de pompage de la nappe phréatique permettra d'alimenter
le village de Bensaoucha.
Ainsi, 160 familles, comprenant au total près d'un millier de personnes,
vont être recasées en deux villages situés à
6 km. 500 de distance sur une plantation constituée par une bande
de 13 km. sur 1 km. 200 de largeur moyenne.
Le financement a été réalisé, moitié
par une subvention de l'Algérie, moitié par un emprunt à
3 % consenti par la Caisse de Prêts Agricoles à la S.I.P.
de M'Sila. Les attributaires des maisons auront leurs droits confirmés
en pleine propriété, dans les mêmes conditions que
pour les avances de paysanat, à l'expiration de la période
d'amortissement.
LE PERSONNEL ET L'ORGANISATION MATÉRIELLE.
C'est la S.I.P. de M'Sila qui assure la marche et le financement de l'entreprise
pendant la période d'attente allant jusqu'à une production
rémunératrice des oliviers. Chaque tranche fait l'objet
d'un projet de budget à la Commission du Paysanat à Alger
; les crédits délégués sont utilisés
avec le souci de réaliser le maximum d'économies pour diminuer
le prix de revient de la plantation. (Les bilans des deux premières
tranches du programme de paysanat se soldent par des reliquats importants
sur les prévisions de dépenses). L'Administrateur de la
Commune mixte de M'Sila, président du Conseil
d'administration de la S.I.P., soumet au Conseil les décisions
à prendre. La création d'une section " exploitation
agricole ", au sein de la S.I.P., à comptabilité commerciale,
avec agent comptable, facilitera l'entreprise.
Un chef de cultures principal, ingénieur agricole de Tunis, spécialiste
de la culture de l'olivier en terre sèche en Tunisie, et un chef
de cultures adjoint assurent la direction technique et les soins culturaux
nécessaires. La main-d'oeuvre est recrutée parmi les intéressés.
Le manque de matériel lui appartenant en propre a constitué,
pour la S.I.P. de M'Sila, la principale difficulté dans l'exécution
des travaux et a nécessité la location de camionnettes-citernes
pour les arrosages des plants. 'Cette difficulté va être
aplanie. La S.I.P. a pu faire l'acquisition d'un tracteur pour les labours,
d'un camion de 5 tonnes pour le transport des souchets et d'une citerne
de 4.00C litres pour les arrosages. Un camion G.M.C. citerne est attendu.
La construction d'une maison à Djorf, pour le chef de cultures,
est prévue Cette maison comportera des annexes pour entreposer
le matériel et l'outillage.
LE PROGRAMME D'AVENIR.
La transformation en sept années dé 50.000 hectares du Hodna
en un paysanat d'oléiculteurs permettant de recaser 5.000 familles,
a été envisagée.
En outre, à la suite de prospections faites par M. Riflard, professeur
d'agriculture à l'Ecole
normale de Bouzaréah, l'extension du paysanat, d'oléiculteurs
pourrait déborder le Hodna et intéresser les communes mixtes
de Sidi-Aissa et Bou-Saâda.
Déjà un programme analogue à celui de M'Sila est
projeté dans la commune mixte limitrophe de Barika et fait l'objet
d'une étude.
Le S.A.R. d'oléiculteurs qui a débuté, il y a seize
mois à M'Sila, peut donc avoir un développement considérable.
Malgré les difficultés premières, le résultat
est maintenant tangible ; la situation économique des habitants
qui ont les possibilités de s'employer aux travaux du S.A.R. s'est
améliorée ; déjà, un certain nombre, n'estimant
plus nécessaire de partir en achaba, sont restés au douar
l'été dernier ; le chef de cultures a commencé à
former les jeunes du douar qui l'ont secondé dans les travaux de
taille. Les difficultés résultant de la nature juridique
du sol ont pu être évitées et la situation pourra
être réglée par le moyen d'une enquête d'en
semble, au moment de l'attribution des lots de 10 hectares entre les hommes
issus des familles dont la liste a été dressée. Seuls
ils pourront bénéficier du partage, sous réserve
d'avoir effectivement travaillé à la réalisation.
Une réussite dans des conditions particulièrement difficiles
autorise tous les espoirs pour l'avenir.
Si la création des S.A.R. d'oléiculteurs du Hodna et la
construction des villages de recasement réclament un gros effort
financier de l'Algérie, l'entreprise constitue un placement sûr.
Elle apportera une richesse économique importante et durable, améliorera
considérablement les conditions de vie des populations musulmanes,
résoudra le problème démographique et social et transformera
une région actuellement déshéritée en un îlot
boisé susceptible de créer une zone de condensation qui
permettrait un adoucissement du climat.
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