Alger, Algérie : documents algériens
Série sociale
Le Sanatorium de Rivet *
mise sur site le 7-12-2011
* Document n° 13de la série : Sociale - Paru le 15 avril 1947 - Rubrique SANTÉ PUBLIQUE

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Le Sanatorium de Rivet

Note du déjanté : sur ce site, voir le village de Rivet

rivet, le sanatorium


L'inauguration du Sanatorium de Rivet, par M.le Ministre Plénipotentiaire Yves Chataigneau, Gouverneur Général de l'Algérie, a mis au premier plan de l'actualité les efforts que poursuit l'Algérie pour donner une impulsion décisive à la lutte contre la tuberculose. Dans cette lutte, le Sanatorium, on le sait, a un rôle capital, car il représente un centre de repos et de traitement où le tuberculeux pulmonaire, dépisté par le dispensaire dès le début de ses lésions, a le plus de chances de guérir, et de guérir vite.

Or, l'Algérie qui possède déjà de nombreux dispensaires, n'avait pas de sanatorium, et celui de Rivet est le premier établissement de cet ordre édifié en Algérie, et même en Afrique du Nord.

Son inauguration fut donc un événement et la cérémonie officielle qui réunissait, autour du Gouverneur Général, les plus notables personnalités, a matérialisé de façon émouvante l'idéal généreux poursuivi dans ce pays par la France.

ORGANISATION DE LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE.

A la suite de la guerre de 1914-1918, l'Algérie a connu, comme presque tous les pays touchés par le conflit, une extension vraiment inquiétante de la tuberculose qui jusqu'alors était peu répandue parmi les populations pastorales et rurales. L'afflux des ouvriers dans les villes, l'exode des travailleurs vers la France, les grands mouvements de population d'origine militaire, les progrès de l'alcoolisme, telles étaient les conditions principales qui favorisaient le développement du fléau. Indépendamment des mesures adéquates d'hygiène, de police sanitaire, de progrès social, il était nécessaire d'opposer au développement de la tuberculose un armement anti-tuberculeux inspiré du plan français, mais adapté aux conditions de climat et de milieu où il fallait combattre le mal. L'Algérie s'est donc outillée en créant d'abord dans les grandes villes des dispensaires, organismes essentiels de dépistage et de prophylaxie, et des centres hospitaliers importants pour l'isolement et le traitement des malades.

ÉLABORATION DU PROJET DE SANATORIUM.

La création de sanatoriums restait en suspens, faute de crédits et aussi, il faut le dire, pour une question de doctrine : on contestait qu'il fut possible de traiter en Afrique du Nord la tuberculose pulmonaire, à cause du climat et particulièrement de la longue durée des chaleurs et de l'action néfaste du sirocco.

Fort heureusement, ces préventions tombaient assez vite, dans les milieux médicaux, devant les résultats obtenus à Alger par les phtisiologues algériens, les Docteurs Lemaire, Thiodet, Lévi-Valensi, Loubeyre ; à Constantine, par le Docteur Masselot à Oran, Miliana, Médéa, par tous les médecins pratiquant la collapsothérapie. En même temps, le Docteur Burnand de Leysin, soulignait les excellents résultats obtenus par lui au sanatorium d'Helouan, près du Caire.

D'ailleurs, avec les progrès de la phtisiothérapie, le traitement de la tuberculose pulmonaire, débarrassé de la mystique du climat, était tenu de devenir plus réaliste et d'aller à des solutions économiquement réalisables.

C'est donc dans des milieux médicaux que prit naissance, en Afrique du Nord, un corps de doctrines assez cohérent pour guider l'action officielle ; l'Association Algérienne contre la Tuberculose groupait à ce moment, autour des Professeurs Soulié, Ardin-Delteil, Chassevant, Aubry, des Docteurs Lemaire et Argenson, des philanthropes, des représentants de l'Association des Mutilés.

C'est là que naquit l'idée de sanatorium et qu'elle prit corps avec la fondation d'une Association des Sanatoriums d'Algérie dont le premier animateur fut le Docteur Bachon, président de l'Association des Mutilés ; l'objectif envisagé fut la création d'un sanatorium à proximité de la grosse agglomération algéroise. Le comité technique opta pour un établissement situé près d'Alger, dans les contreforts de l'Atlas - où il puisse bénéficier pendant la saison chaude des brises rafraîchissantes - mais assez élevé et assez éloigné de la côte pour échapper à l'influence immédiate de la mer. Le site choisi, qui a eu l'agrément du Docteur Rist et du Professeur Léon Bernard, délégué par le Comité national de lutte contre la tuberculose, est situé à 32 km d'Alger, au-dessus du petit village de Rivet, à 450 mètres d'altitude, dans le petit massif du Djebel Zerouala qui borde la Mitidja directement au Sud d'Alger.

CONSTRUCTION DU SANATORIUM.


Mais il fallait réaliser. Les premiers donateurs avaient réuni cinq cent mille francs ; le Syndicat professionnel des Journalistes algériens, par un don magnifique de deux millions, appelait sur le Sanatorium l'attention du public ; l'Association, qui avait su démontrer sa vitalité, sut intéresser à ses buts l'Office national des mutilés et anciens combattants et le Gouvernement Général de l'Algérie. Grâce à tous ces concours, il fut possible de mener à bien la construction et l'outillage du Sanatorium de Rivet.

Il était presque prêt à ouvrir lorsqu'éclata la guerre en septembre 1939. L'équipement se poursuivit cependant, au milieu des difficultés de toutes sortes. Mais, en novembre 1942, le débarquement des alliés en Afrique du Nord, en réalisant la coupure complète avec la Métropole vint arrêter définitivement toute possibilité de compléter l'équipement et l'outillage de l'établissement.

RÔLE DU SANATORIUM PENDANT LA GUERRE.


D'ailleurs, il avait un autre rôle à jouer : l'Armée anglaise en avait fait, avec le concours des dirigeants de l'oeuvre, un hôpital général qui reçut pendant les campagnes de Tunisie et d'Italie jusqu'à 600 blessés et malades par jour (26.000 au total) ; il joua ensuite le rôle d'hôpital de convalescents. Évidemment, on ne pouvait pas souhaiter un plus beau baptême ni une plus belle contribution à la victoire alliée et le conseil d'administration, fier du rôle joué par le Sanatorium, a facilité de tout son pouvoir l'utilisation de l'établissement en assurant avec son propre personnel le fonctionnement du chauffage central et la bonne marche des appareils mécaniques.

Après le départ du Service de Santé de l'Armée anglaise, le Sanatorium, réquisitionné par l'Armée française, fut orienté, grâce au Médecin général Gautier, vers sa destination finale, par son affectation au traitement des tuberculeux militaires. Il a été possible, dès ce moment, de préparer l'équipement et l'outillage de l'établissement au rôle qu'il devait remplir.

En le remettant, le 1" novembre 1945, à l'Association des Sanatoriums d'Algérie, après trois années d'occupation militaire, le Service de Santé laissait en place un matériel important (literie, matériel général et médical, radiologie, etc..) qui devait grandement faciliter les débuts de la gestion civile, et démontrer la justesse des vues du Médecin général Gautier, Directeur du Service de Santé du 19" Corps d'armée.

ETAT ACTUEL.

L'ère des difficultés n'était pas close, en effet, avec la guerre ; les dégâts inévitables causés par trois années d'occupation militaire demandaient des réparations importantes et souvent délicates, avec une main-d'œuvre introuvable et souvent hors de prix, des transports difficiles. La nécessité de compléter l'outillage et l'équipement faisait prévoir des dépenses considérables infiniment supérieures aux ressources jusque-là mises en œuvre.

Quelques exemples : le Sanatorium de Rivet entièrement construit et pourvu de presque tout son gros matériel avait coûté environ 11 millions ; un million était prévu pour parachever l'équipement et l'outillage ; 500.000 francs devaient suffire aux six premiers mois de fonctionnement.

Or, on peut prévoir qu'il faudra 11 millions environ pour compléter l'outillage et faire les réparations.

C'est au milieu de tous ces obstacles et malgré eux, que l'Association des Sanatoriums a poursuivi l'ouverture du Sanatorium de Rivet dont le besoin se fait impérieusement sentir après cette nouvelle et terrible guerre.

Aidée par la Direction de la Santé Publique du Gouvernement Général, qui n'a ménagée en la circonstance ni ses conseils ni son appui, l'Association a obtenu de toutes parts du matériel, des effets, du linge, de l'outillage. Elle a ouvert d'abord une aile et pourra recevoir .110 malades ; dans cinq mois le Sanatorium de Rivet aura son plein de malades, soit 180 à 200.

L'établissement que les autorités présentes ont pu parcourir avec le Gouverneur Général Yves Chataigneau, est magnifiquement situé sur une colline riante d'où l'on découvre en une immense vue panoramique, la plaine de la Mitidja, Alger et la mer, la chaîne de l'Atlas. Il comprend un bâtiment central
formant bloc médical et administratif flanqué de deux longues ailes à plusieurs étages où sont les galeries de malades. Construit par M. Bienvenu, qui s'est inspiré des directives médicales les plus récentes, il fait le plus grand honneur au talent et à l'ingéniosité de son architecte à qui le professeur Aubry a tenu à rendre un juste et vibrant hommage.

Les considérations de climat ont inspiré au Comité médical l'adjonction à la galerie de cure classique orientée au Sud, d'une galerie orientée au Nord qui est utilisée en été par les malades et où ils se trouvaient d'ailleurs le jour de la visite. Comme l'a fort bien dit M. Yves Chataigneau, la visite tes galeries donnait l'impression d'une cure poursuivie dans la confiance et dans la joie. Le réfectoire, salle de réunion donnent cette même impression de cure heureuse.

Mlle le docteur Farkas qui dirige l'établissement, a su avec une grande bonté enseigner aux malades la discipline sanatoriale dont on connaît la nécessité et les heureux effets. Sous sa direction les soins sont donnés par une communauté de religieuses qui entourent les malades de toutes les attentions.

L'Algérie peut être fière de cette réalisation ; en le soulignant le Gouverneur Général n'a pas ménagé aux animateurs ses encouragements en laissant entendre que le Sanatorium de Rivet doit être suivi d'autres créations du même ordre qui permettront de donner à la lutte antituberculeuse en ce pays une nouvelle et décisive impulsion.