l'enseignement - Algérie, Alger
L'école d'apprentissage maritime d'Alger
O U
La vie à bord d'un navire à quai
par Jean FIRMANT

Algéria - 1959 -
Adressée par Antoine

---- Cette école se situe rue d'Angkor, près de la pêcherie, sur la terrasse d'un ancien hangar de la Chambre de commerce ; une ruelle la sépare de l'Ecole nationale de navigation maritime

mise sur site le 28-8-2005...+ le 8-11-2005

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--------Tu veux être marin, car :
--------Tu satisfais ton goût des voyages, ta grande envie de parcourir le monde, ta soif d'évasion et d'horizon net ;
--------Tu satisfais ton goût de l'étude et ta petite évasion de la technique ;
--------Tu satisfais ton goût des voyages, ta grande ??? au grand air, sous le soleil ardent, dans le calme que procure l'immensité de la mer
--------Tu échappes au rythme obsédant de la vie des gens de terre ; sur mer le travail est viril. C'est un véritable métier d'homme et ton caractère y gagnera en énergie
--------Tu veux être marin, parce que tu as un idéal qui est de gagner ta vie, en faisant le métier que tu aimes.


----- C'EST là l'acte de foi dont prennent connaissance à leur entrée à l'Ecole d'apprentissage maritime d'Alger les jeunes gens qui, venant seulement de quitter l'école, ont choisi le dur mais exaltant métier de marin.
----- Cette école se situe rue d'Angkor, près de la pêcherie, sur la terrasse d'un ancien hangar de la Chambre de commerce ; une ruelle la sépare de l'Ecole nationale de navigation maritime que nous avons présentée dans le précédent numéro d"< Algeria ".
----- Comme sa voisine, sa principale façade s'élève sur le quai d'Arcachon, devant le port et la mer qui constituent une invitation permanente vers le large.
----- Nous lui avons rendu récemment visite. Conduit par son directeur, M. Bouquillon, nous nous sommes intéressé à la vie et aux activités de cette école où vingt-deux jeunes gens (onze d'origine européenne et onze musulmans) reçoivent l'enseignement qui les rendra aptes à prendre place parmi les équipages de la marine marchande.
----- Ces vingt-deux élèves, ou plutôt apprentis marins (sur une centaine de candidats qui se sont présentés) ont subi avec succès l'examen d'entrée, en octobre 1958. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, peu d'entre eux appartiennent à des milieux maritimes, mais tous subissent l'attirance de la mer.

UNIS COMME À BORD

----- NANTIS d'une instruction élémentaire, ils peuvent compléter celle-ci, tout en s'initiant aux multiples connaissances qu'exige leur futur métier. Soumis à une discipline relativement sévère pour des garçons de quatorze, quinze ou seize ans, mais qui n'a rien de commun avec celle, quelque peu draconnienne, que les mousses devaient autrefois supporter, ils reçoivent, durant neuf mois, un enseignement qui les soumet à un travail intensif et régulier.
----- Pour eux, les semaines vont du lundi matin au samedi soir. Externes, ils n'ont pas de devoirs à faire à la maison, mais sont rarement livrés à eux-mémos. Les heures de repos sont celles qu'ils passent chez eux. Certains habitent loin d'Alger (L'Arba ou Coléa, par exemple), mais ne sont jamais absents ou en retard pour autant, ce qui témoigne de leur attache-ment à l'école.
----- De 8 heures à 17 heures, avec deux heures de liberté pour déjeuner, ils suivent les cours que leur donnent le directeur de l'école et ses quatre collaborateurs, comme lui anciens navigants : MM. Ripol, Lecoultrc, Pilato et Ferrari.

Travaux pratiques
Travaux pratiques


----- Leur enseignement se divise en quatre parties:
----- Enseignement général : français, calcul, histoire et géographie maritime.
----- Enseignement professionnel : navigation, étude d'un navire, réglementation et hygiène maritimes, machines, signaux.
Enseignement pratique matelotage, exercices d'embarcation, travail du bois et du fer, sorties en mer sur le cargo " Laurent-Schiaffino " mis à la disposition de l'école trois fois l'an, pour une durée de quinze jours chaque fois.

le " Notre-Dame d'Afrique" le cargo de Laurent-Schiaffino mis à la disposition de l'école trois fois l'an
le " Notre-Dame d'Afrique" le cargo de Laurent-Schiaffino mis à la disposition de l'école trois fois l'an


----- Culture physique : course, boxe, saut, barre fixe, haltères, et, bien entendu, natation, car il ne doit pas y avoir de marin qui ne sache nager.

----- Directeur et instructeurs s'emploient à inculquer à leurs élèves un esprit maritime ; c'est-à-dire qu'ils les habituent à des exercices de volonté, à des efforts physiques et à la pratique de la solidarité et de l'entr'aide qui caractérisent la vie des gens de mer.
---- " Unis comme à bord ", la devise de leurs aînés est aussi celle de ces jeunes et futurs marins, tandis que l'image d'un chien symbolise leur fidélité à la mer et à l'école.

----- Chaque promotion de l'école étant divisée en " bordées ", il s'établit une émulation entre celles-ci, qui les dispense d'un classement individuel, mensuel ou trimestriel. La meilleure bordée entraîne tout naturellement la plus faible et l'aide à s'élever à son niveau.

----- Ce n'est d'ailleurs pas seulement là le point commun que revêt la formation des apprentis marins avec celle des scouts ou des paras. Ainsi, lorsqu'un différend survient entre deux élèves, il doit immédiatement se régler par un match de boxe en trois rounds, à l'issue duquel chacun des antagonistes se tend amicalement la main. D'autre part, lorsqu'un élève a commis une faute, il doit la reconnaitre devant tous ses camarades.

----- Une méthode qui dans tout enseignement donne d'excellents résultats, et qui consiste à mettre un élève à tour de rôle à la place du professeur pour la répétition d'une leçon, est couramment pratiquée.

----- Pour mieux resserrer les liens de cette communauté, les instructeurs se mêlent volontiers aux jeux des élèves et font preuve d'une psychologie prête à écarter tout heurt, tout dissentiment et incompréhension.

LES INSTALLATIONS

----- C'EST en 1954 que l'Ecole d'apprentissage maritime d'Alger fut installée, grâce au patronage de M. Laurent Schiaffino et de l'Inscription maritime, dans les locaux construits pour elle sur l'ancien hangar de la Chambre de commerce.
----- Jusque là, elle occupait un local vétuste de la caserne Pélissier, où M. Gendre, qui n'est pas un marin, s'ingéniait à préparer ses élèves à la rude carrière. II ne s'agissait donc pas, à dire vrai, d'une école mais d'un cours d'enseignement maritime. Se trouvant enfin dans ses murs, son titre d'école se trouve justifié.
----- Comme chez sa voisine l'Ecole nationale de navigation maritime, un grand mât de pavillon se dresse sur sa terrasse, face à la mer. Chaque matin, les élèves assistent au lever des couleurs.
----- L'absence d'internat a réduit le nombre des pièces au minimum. Il n'existe qu'une seule salle de cours, où les élèves reçoivent leur instruction théorique. Au tableau noir figurait, le jour de notre visite, le schéma d'un moteur à explosion.

----- Les autres installations se répartissent ainsi : une salle de maquettes et d'outillage, un atelier pour le bois et pour le fer, et la salle de matelotage avec un panneau dans lequel sont disposés les soixante sortes de noeuds pratiqués dans la marine.

Étude d'un moteur à explosions
Étude d'un moteur à explosions

----- Tout est rangé et nettoyé par les élèves eux-mêmes, qui assurent leur propre police et interviennent lorsqu'un outil n'est pas à sa place ou lorsque la toilette de l'école a été mal faite. Ils entretiennent un " journal de bord " et rédigent chaque jour leur bulletin météorologique.

----- Chaque élève-apprenti, considérant qu'il appartient à un navire à quai, ne se trouvera donc pas trop " dépaysé " à bord d'un na-vire en mer, lorsqu'il sera détenteur du " Certificat d'aptitude maritime ", à l'expiration de ses neuf mois de scolarité.

----- " Novices " à bord de navires de la marine marchande, ils reçoivent, à l'âge de dix-sept ou dix-huit ans, un salaire qui est des plus appréciables (près d'une centaine de mille francs par mois). On conçoit que les candidats à l'entrée de l'école se fassent de plus en plus nombreux.

----- En général, ces jeunes marins sont embarqués sur des navires qui effectuent la navigation " au long cours ". C'est ainsi que certains élèves de la promotion précédente sont allés au Japon, en Australie, en Amérique, à Madagascar.

----- Les lettres qu'ils adressent de temps à autre, à leurs anciens directeurs et instructeurs, expriment éloquemment leur reconnaissance et leur satisfaction d'avoir choisi le métier de marin.

----- Malheureusement, nous confie M. Bouquillon, avec une certaine pointe d'amertume, à la fin de notre visite, si tous nos élèves trouvent un emploi, tous ne demeurent pas animés par cet esprit qui faisait autrefois les véritables marins, parce qu'ils deviennent le plus souvent des spécialistes...

Jean FIRMANT.