Bouzaréah - Alger
le cahier retrouvé
extrait de " aux échos d'Alger, juin 88, n° 22 "
sur site, le 22-09-2003

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SOUVENIRS... NOSTALGIE...
(Histoire vraie)
R. BROCHHANS.


------En 1950, en Algérie encore française, un petit instituteur issu de L'Ecole normale d'Alger-Bouzaréa, était nommé comme "chargé d'école" dans un tout petit village du Sahel d'Alger, cette très belle région de collines et de vallons, couronne verdoyante et prospère entre la mer, la ville d'Alger et la riche plaine de la Mitidja.


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L'école du village se réduisait à une classe unique et un logement, le tout quelque peu oublié de la commune de Douéra dont dépendait le hameau. Plein d'ardeur, le nouvel instituteur entreprit - et réussit - un certain nombre de choses (il faut avoir connu "le bled " nord-africain pour mieux comprendre et estimer les rôles importants et efficaces qu'y jouaient, par "leur présence française ", le médecin et l'enseignant) réfection de l'école - nouveau matériel scolaire - terrain en friche transformé en jardin de l'école - jeu de boules. Il créa le Foyer Rural avec cinéma 16 mm, bibliothèque, et réussit enfin le sauvetage et la restauration du monument historique le plus important du village, en ruines à son arrivée, l'église et pavillon de chasse du maréchal Bugeaud, fondateur du village en 1843.

------ Durant huit ans, il enseigna à une quarantaine d'élèves, dont 99 % de musulmans, par année scolaire allant du cours d'initiation (cours spécialement créé par l'Education nationale afin d'amener les tout jeunes musulmans à accéder au cours préparatoire normal) au certificat d'études. C'est avec ses élèves du cours moyen et du certificat d'études qu'il établit une monographie du village, monographie écrite par ces mêmes élèves sur un modeste cahier d'écolier illustré par lui-même ou par eux avec, en plus, quelques photos et plans...

------ C'est ce cahier qui a " son histoire ". En 1957, l'instituteur quitte le village, muté en avancement à Alger il n'y laisse que des regrets, malgré les événements de plus en plus graves qui ensanglantent notre beau pays... et ce petit cahier, témoin indirect de l'œuvre accomplie dans ce beau coin du Sahel.
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------ Puis c'est le grand départ, l'exode de 1962, avec son cortège de déceptions, de chagrin et de désespoir, mais courageusement, les Pieds-Noirs font face, n'oubliant jamais "leur Paradis perdu ".

------ Trente ans passent. Pour cet enseignant, à part quelques photos et une chronique régionale sur le Sahel écrite en son temps dans un journal local, il n'y a plus que souvenir...

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Mais voilà qu'en 1963, au titre de la coopération, après l'indépendance, une métropolitaine est nommée en Algérie. Elle y découvre la région d'Alger et l'enseignement dans ce petit village devenu entièrement musulman, mais dont le nom est curieusement resté Sainte-Amélie. Et, dans l'humble bibliothèque de l'école, elle découvre ce même cahier, seul vestige miraculeusement conservé de la présence française passée... le ramène à son retour en France.

------ Curieusement, le hasard fait le reste. Résidant à Marseille, elle est mis en contact, par amitiés interposées, avec le "père " de ce cahier et, très gentiment, lui redonne - trente ans après - ce témoin d'une épopée révolue.

------ Inutile de dire combien d'émotion, de souvenirs m'ont pris à la gorge quand, à nouveau, religieusement, j 'ai ouvert ce petit cahier, fruit du travail d'un maître français et de quelques élèves musulmans, travail dont vous me permettrez de vous confier la conclusion:
------" Notre village, bien qu'ayant peu grandi depuis sa création, peut s'enorgueillir de son passé et maintenir toujours la devise de son créateur et premier habitant, le maréchal Bugeaud "ENCE et ARATRO" (par l'épée et par la charrue), en souhaitant de n'appliquer que la deuxième partie de cette devise pour le plus grand bien de l'Algérie et de la France .
-----"Pour le souvenir en remerciement à Mme Marie d'A...

l'Instituteur du bled
R. BROCHNANS.