les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Autres Bâtiments Militaires
Casernes - suite

- Le corps des Janissaires
- Au Camp
- La Solde
- L'Embarquement des Janissaires en 1830
- Les Fours de la Jénina(Rue Bab-el-Oued)
- Dar-en-Nhas (Fonderie)
sur site le 27-2-2009

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Casernes - suite
Le corps des Janissaires


Chaque homme, dit Venture-Paradis, recevait à son arrivée à la caserne, une chemise de toile grossière, un manteau de gros drap, un pantalon de coton, une chéchia, une ceinture rouge, une foutah verte, une paire de souliers et une couverture de laine très courte et très étroite; enfin une natte devant lui servir de lit.

Les armes qu'on lui prêtait étaient : un mousquet, un yatagan, une paire de pistolets dont le prix, en cas de perte, était retenu sur sa solde. Une livre de plomb lui était fournie, dont il devait faire des balles. L'achat de la poudre lui incombait. Il touchait, par jour, quatre pains de 6 à 7 onces chacun.

Les janissaires logeaient par trois dans des chambres spacieuses. Des esclaves les servaient et prenaient soin de leur caserne. Lorsqu'ils étaient destinés aux camps ou aux garnisons éloignées d'Alger, ils recevaient une paire de semelles pour la réparation de leurs souliers.

Le service était d'un an, suivi d'un congé d'égale durée; il recommençait ensuite dans les mêmes conditions, tant que l'homme était valide. L'exécution d'un Janissaire n'avait jamais lieu publiquement.

La hiérarchie se décomposait ainsi :

L'agha ou général, à qui étaient remises, chaque soir, les clefs de la ville ( Celles de Bab-Azoun, de Bab-el-Oued et de Bab-ed-Djedid.), avait le droit de se faire précéder au-dehors de deux chiaoux.

Le chaya ou bachi-boulouk-bachi, colonel remplaçant l'agha. Cet officier portait des plumes blanches à son turban.

Les boulouk-bachi, sortes de capitaines, coiffés d'un long bonnet et parés, dans le dos, d'une croix rouge tracée sur une pièce de cuir.

Les yodach-bachi ou lieutenants, portant dans le dos une longue bande de cuir.

Au-dessous venaient :
Les peis, qui étaient les quatre plus anciens soldats de la compagnie attendant leur avancement. Ils portaient un bonnet plaqué de cuir.

Les soulaks, les huit plus anciens après les peis. Ils avaient un bonnet présentant en avant un tuyau de cuivre et portaient un sabre doré. Ils servaient de gardes au Dey.

En campagne il y avait, pour chaque tente de vingt hommes, un oukil el hardj chargé de pourvoir aux besoins de cette tente.

L'armée comprenait aussi, pour la fourniture de l'eau et pour la défense de cette eau, des lanciers nommés sagiards.

Au Camp

Les soldats étaient abrités par des tentes circulaires pouvant contenir jusqu'à trente hommes.

Chaque tente avait un boulouk-bachi, un yodach-bachi, un oukil el hardj. Il s'y trouvait dix-sept soldats et quelques Maures armés, destinés au service de la tente et à la conduite des bêtes de somme.

Le transport des bagages était assuré, pour chaque tente, par six chevaux ou mulets.

Les soldats ne portaient en marche que leur sabre et leur mousquet. Les bagages précédaient l'armée. En arrière de la troupe, se trouvaient les chevaux destinés à remplacer ceux qui avaient été tués. Ils servaient aussi au transport des blessés.

La Solde

La solde, touchée tous les deux mois, était de quarante sols au début. Elle doublait après six mois. La solde du colonel correspondait à vingt livres tournois environ.

En 1828, la haute-paye n'était plus, pour deux mois, que de trois piastres, soit seize francs.

Les janissaires recevaient leur solde au Palais, en présence du Dey, de l'agha et du divan. L'agha demeurait assis. Le Dey faisait l'appel nominal.

Les janissaires, peu intimidés par la présence de ces hauts personnages, examinaient scrupuleusement la monnaie qui leur était remise et refusaient impitoyablement les pièces leur paraissant légères.

Le Dey qui demeurait toujours janissaire, ne touchait que la haute-paye, mais il avait en plus, des profits sur le droit d'ancrage, sur la vente des esclaves, sur la vente des prises. Les présents consulaires et autre redevances faisaient aussi partie de ses bénéfices. Quant à l'agha, il ne touchait que 2.000 pataques (1.600 francs tous les deux mois).

Le janissaire avait en outre, une part sur les prises maritimes quand il était embarqué sur les vaisseaux corsaires. Par suite de libéralités d'anciens miliciens parvenus à de hauts emplois, certaines chambres de janissaires se trouvaient propriétaires d'immeubles mis en valeur par des oukils que nommaient ces chambrées. Ceux-ci disposaient des revenus pour améliorer la situation des janissaires.

Le retour d'une grande fête ou encore un changement de Dey valaient à chaque soldat une augmentation de salaire.

Aussi l'appât d'une meilleure solde fit-il égorger plus d'un Dey.

Cette milice redoutable dont les principaux officiers faisaient partie de droit du Divan, était véritablement maîtresse à El-Djezaïr. Au moindre mécontentement les janissaires allaient manifester à la porte du palais de la Jénina où ils portaient leurs marmites renversées. Bien souvent l'équipée tournait au drame et se terminait par l'égorgement du Dey.

L'avancement en ce corps étant donné à l'ancienneté et à l'élection, le dernier des miliciens pouvait prétendre aux plus hauts grades. Quelques uns arrivèrent à la dignité suprême de la Régence. Cette haute fortune ne les rendait cependant pas oublieux de leur passé, et chacun de ces deys faisait, suivant la tradition, réparer et enjoliver sa chambre de soldat ainsi que le prouvent diverses inscriptions du genre de celle-ci qui fut retrouvée au Cercle Militaire.

"Achji Hassan a fait inscrire cette date: 1205 (1791) et a réparé et restaura sa chambre".

Cet Hassan devint Dey, le 12 juillet 1791.

L'achji (cuisinier) goûtait les mets du pacha; il était aussi directeur du personnel de celui-ci et parfois, des prisons militaires.

Les archives relatives aux casernes "Médée" nous renseignent sur les denominations qu'y avaient certaines chambres :
C'étaient par exemple :

- La chambre d'El-Hadj Ali, agha des spahis.
- La chambre de Soliman Raïs.
- La chambre d'Osman Bey.
- La chambre du pacha Ahmed.

L'Embarquement des Janissaires en 1830

Après la prise d'Alger, le Maréchal de Bourmont dédaigna l'utilisation des Janissaires. Il ordonna leur transfert en Asie Mineure.

Voici la relation de Barchou sur leur embarquement :

"Des détachements d'infanterie les allaient prendre à leurs casernes ou bien à domicile et les amenaient par bandes nombreuses sur les quais. Ils attendaient là, les issues gardées de tout côté, leur tour de se rendre à bord où les transportaient de nombreux canots allant incessamment du rivage à nos vaisseaux et revenant de nos vaisseaux au rivage."

"Parmi ces soldats, les uns étaient tellement chargés de vêtements et d'effets, qu'ils ployaient sous le poids; d'autres portaient à la main quelques corbeilles de dattes ou de figues; d'autres des vases pleins d'eau, qu'ils s'efforçaient de conserver entiers et pleins au milieu du mouvement de la foule, inestimable trésor par la chaleur qui nous accablait."

"Le bagage du plus grand nombre ne se composait que de ces deux choses : une longue pipe, qu'ils avaient à la bouche, et un sac de tabac suspendu à leur veste. J'en vis un toutefois, qui avait sous le bras un magnifique exemplaire du Coran et à la ceinture, une fort belle écritoire."

"Quand un bateau s'éloignait, c'était un échange de signes de mains et de cris d'adieux entre ceux qu'il emportait et ceux qui demeuraient au port. Quand au contraire, une embarcation accostait le rivage, on voyait se former des groupes distincts et compacts parmi ceux dont le tour d'embarquement arrivait."

"Ceux des exilés qui se trouvaient liés par quelque rapport d'humeur, de goûts ou de caractère, se rapprochaient ainsi les uns des autres pour faire la traversée ensemble et débarquer au même port ( L'arriéré de deux mois de solde, 5 piastres d'Espagne, avait été payé par la France aux Janissaires. Ceux-ci furent fort étonnés de cette libéralité."Ainsi vous nous payez pour le temps où nous nous sommes battus contre vous ?" dit l'un d'eux à l'aide de camp du général Berthezène. "Vous l'avez dit" lui répondit l'officier. Le Turc ne pouvait en revenir.)."

"Orgueil, courage ou résignation à la fatalité, ils ne laissaient échapper aucune plainte et ne nous adressaient aucune prière, aucune réclamation."

"Les femmes qui partagaient cette émigration, montrèrent la même fermeté que les hommes ( En raison de la confusion qui se produisit au cours de certains embarquements, toutes les femmes ne purent accompagner leurs maris. Quelques-unes ne le voulurent point.)."

"Assises sur des pierres ou sur des piles de boulets, elles attendaient à côté de leurs maris, leur tour d'embarquement."

"Autour d'elles jouaient leurs enfants, tantôt insouciants de ce qui se passait, tantôt criant, pleurant, s'effrayant de ce que tout cela avait d'étrange et de nouveau. Voilées comme à leur ordinaire, ces femmes se cachaient plus sévèrement que de coutume, quand un chrétien passait auprès d'elles ou les frôlait involontairement" (2 Le journal L'Aviso, du 18 août, dit à ce sujet : "On voit tous les jours la baie sillonnée par des barques chargées de femmes et d'enfants, celles-ci à la recherche de leurs maris. oCependant, nombre de Turcs embarqués déjà, ont en vain demandé leurs femmes, car ces dernières ne se sont pas souciées de les suivre.").Telles furent les conditions dans lesquelles s'effectuèrent les départs de ces vaillantes cohortes barbaresques qu'on exilait si hâtivement de ce pays avec leurs familles, et qui, on le reconnut plus tard, eussent pu nous rendre ici de si précieux services!

Les Fours de la Jénina(Rue Bab-el-Oued)

Les Fours de la Jénina étaient, en suite du palais de la Jénina, qui s'élevait, place du Gouvernement, de vastes galeries couvertes par des voûtes que soutenaient des colonnes très courtes. De larges ouvertures s'y trouvaient pour la distribution de l'air et de la lumière. Les foyers, au nombre de seize, étaient en brique, de forme elliptique et très élevés, ce qui nécessitait une grande quantité de combustible. II y avait là neuf moulins.

Les pétrins étaient comme à l'ordinaire, en bois. Il y avait en ces bâtiments, des magasins pour la farine, le pain, le biscuit, qu'on trouva tous remplis, en 1830 (Rozey).

La Manutention turque fut utilisée par nos troupes ainsi que de nombreux magasins voisins de celle-ci, où l'on installa le Campement ( Ces bâtiments s'étendaient jusqu'à la rue Jénina.).

En 1857, la Manutention française fut sur l'actuel boulevard Carnot, voisine du Campement. Sur son emplacement va s'élever la nouvelle Mairie.

DAR-en-NHAS (Fonderie)

Ce bâtiment, situé près de la porte Bab-el-Oued (la rue de la Fonderie en rappelle le souvenir) ( Là se trouvait le quartier Bir-ez-Zenak (le puits des rues).) avait trente mètres de longueur. Il était très haut et comportait une tour. Son nom signifie Maison du Cuivre.

Cet établissement ne comprenait qu'un seul fourneau, mais fort bien construit. Le moule destiné à recevoir la fonte était placé dans une fosse devant l'ouverture par où elle s'écoulait. Un treuil placé au-dessus servait à retirer la pièce massive. Celle-ci était forée ensuite. Pour cela on la plaçait verticalement dans un appareil très complet, composé de plusieurs roues qui étaient disposées les unes au-dessus des autres, suivant plusieurs étages, et qui occupaient dans la tour, une hauteur de vingt mètres.

De l'autre côté de la rue, se trouvaient les ateliers des moules et des bombes dont plusieurs étaient d'une grosseur énorme (Rozey), ainsi que plusieurs forges et fourneaux dans lesquels on fabriquait les projectiles. On en fabriquait tant que les magasins situés hors des portes Bab-el-Oued, en étaient remplis jusqu'au plafond.

Près de ces magasins, dans le fossé de la ville, se trouvaient d'autres magasins où étaient réunis les matériaux des navires capturés qu'on avait démolis. La démolition s'effectuait sur une plate-forme, voisine de la mer.

Au XVIIIème siècle (détail donné à : La Casbah (voir)), un maître-fondeur français, François Dupont, fut attaché à cet établissement. Un acte de 1706 fait déjà mention de Dar-en-Nhas. L'artillerie en prit possession en 1830 ( L'arsenal français fut créé en 1854, sur l'esplanade Bab-el-Oued, où il demeura jusqu'en 1896, époque où il fut réinstallé à l'extrémité du Champ-de-Manoeuvre.).

medaille
(Illustration de la page 102 des Feuillets d'El-Djezaïr)
Médaille frappée à l'occasion de la première pierre du boulevard de l'Impératrice Eugènie ( puis bd de la République)