les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Les Anciens Bagnes
Hôpitaux et chapelles
Quelques prisons

sur site le 19-4-2009

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Hôpitaux et chapelles
Quelques prisons

Dès 1192, Jean de Matha, gentilhomme de Provence, avait conçu le projet de délivrer les captifs chrétiens des côtes d'Afrique ( A l'âge de 40 ans, il en avait déjà racheté des milliers.). Avec Félix de Valois, il fonda à cet effet, l'ordre des Mathurins et des Trinitaires. Ceux-ci créèrent ici une chapelle. Ils restèrent jusqu'en 1816.

Saint Vincent de Paul institua, dans le même but, l'ordre des Lazaristes dont les membres portèrent à la fois le nom de Prêtres de la Mission. Ils demeurèrent jusqu'à la rupture de 1827. On leur dut une chapelle et un hôpital.

Un ordre analogue fut aussi créé en Espagne, celui de la Merci.

A ces fondations, il convient d'ajouter l'oeuvre de rachat réalisée à Alger et entretenue d'une rente de 5.000 francs, par une nièce de Richelieu, Marie-Madeleine de Vignerod, dame de Combalet, duchesse d'Aiguillon. Cette oeuvre eut pour siège le consulat de France. Elle était servie au XVIIème siècle par deux prêtres et par deux moines. La duchesse avait demandé en retour que la messe fût dite, chaque jour, à son intention par les missionnaires. Il y avait aussi, en faveur des missions d'Alger et de Tunis une fondation instituée sur les coches et les carrosses d'Orléans, Bourges, Tours et Bordeaux, produisant environ 1.500 livres pour chaque service. (D'après l'abbé Raymond Gleizes).

Des hommes célèbres tels que Cervantès, d'Aranda, Regnard, furent esclaves en cette ville. Il y eut des bagnes de chrétiens dans la rue Bab-Azoun, à Tabernat-el Beylick (n° 11 actuel) et aux Bains du Beylick qui devinrent plus tard une caserne du Génie ( La caserne dite "du Parc", au n° 23. Le bagne installé là s'appelait aussi: Taberna-et-Temakin (des Bottiers). ), puis un hôpital militaire; à la Jénina (Bagne du Dey), et en des voûtes au-dessus desquelles fut construite la place du Gouvernement. Il y eut aussi des bagnes, dits: de Sidi-Hassan, des Coulouglis, d'Ali-Mami, d'Aripagny, ces deux derniers, à des pirates. La Rotonde du Peñon servit aussi de lieu d'incarcération pour les chrétiens dont on redoutait parfois une révolte.

Citons encore les bagnes d'Ali-Bitchnin, de Sainte-Catherine, de Chalebi (chef des galères), de la Douane ( Ainsi qu'il est dit à l'article: Le Port, il y eut aussi des bagnes du nom de Galera, de Sidi-Amoudat.).

Le bagne situé dans l'immeuble qui porte aujourd'hui le n° 11 de la rue BabAzoun fut (nous l'avons dit), dénommé aussi : Bagne des Lions, parce que le Dey entretenait, en une partie de ce bâtiment, des lions destinés aux cours de l'Europe.

En 1552, le Père Sébastien Duport, de Burgos, créa là, pour les chrétiens, un hôpital que reconstruisirent, en 1612, les Pères Bernard de Monroy, Jean d'Aquila, Jean de Palacio et le Frère Pierre de la Conception. L'administrateur de cet hôpital était, en 1688, le Père Antoine d'Espinosa.

Cet hôpital recevait par an, des aumônes de l'Europe : environ 2.000 piastres (10.000 francs). Dans la suite, chaque navire chrétien ancré dans le port fut imposé de trois piastres, au profit de cette si utile institution. Enfin, chaque chrétien qui s'en allait, versait à sa caisse trois réaux d'argent. (Poujoulat).

Le frère précité, Pierre de la Conception, dont le vrai nom était Garrido, réédifia avec son patrimoine, en 1662, quatre hôpitaux anciens qu'il pourvut chacun d'un médecin, d'un chirurgien, d'un chapelain, de plusieurs infirmiers et d'un cuisinier.

Les deux premiers hôpitaux se trouvaient dans le bagne de la Jénina où Garrido créa, en outre, une pharmacie centrale.

Les autres étaient aux bagnes de Sainte-Catherine, de la Douane et de Chalebi. Ce frère, dans un accès d'exaltation religieuse, entra le 17 juin 1667, dans une mosquée, y fixa l'image de la Vierge et, du haut du mimbar, prêcha contre l'islamisme. Il fut, le dimanche suivant, brûlé hors de la porte Bab-el-Oued. (Berbrugger).

Au n° 11 de la rue Bab-Azoun, la salle du bagne, dit Rozey, avait dix-huit mètres de long sur neuf de large. C'était, antérieurement, une chapelle catholique. Cette salle aboutissait à une grande galerie sombre à plusieurs divisions, formant aussi un bagne. Cette galerie était presque en ruines en 1833. Il n'y restait d'habitable qu'une chambre occupée par les gardiens.

Dans la grande salle, près des latrines, se trouvait une cuve à eau à l'usage des prisonniers. Près de la porte d'entrée, se voyait un cabinet rempli de chaînes.

Les fenêtres, que les Turcs avaient au début murées, furent dans la suite ouvertes pour aérer cette salle infecte. Mais ces fenêtres, jamais closes, donnaient, l'hiver, accès au vent et à la pluie.

En ce lieu de désolation, les esclaves, au retour de leur travail, demeuraient enchaînés deux à deux. Ils couchaient à terre sur des peaux de moutons. Chacun recevait, par jour, deux pains noirs pour sa nourriture. Pour la moindre faute, les prisonniers étaient cruellement bâtonnés.

Un esclave qui essayait de s'enfuir était d'abord exposé au bagne, les mains liées derrière le dos. On le conduisait ensuite à la Marine où cinq cents coups de bâton lui étaient donnés. La plupart des patients s'évanouissaient au quarantième ou au cinquantième coup. Beaucoup mouraient à la fin de ce supplice.

Les Pères Lazaristes ( Les vicaires apostoliques étaient choisis parmi les Lazaristes. Deux d'entre eux: le Père Le Vacher et le Père Montmasson, subirent le supplice du canon.), les Pères de la Merci, s'employèrent à adoucir la vie de ces malheureux.

Outre l'hôpital cité plus haut, où étaient soignées ainsi que les esclaves des bagnes, des femmes chrétiennes en servitude chez des particuliers, les religieux
créèrent à Alger diverses chapelles. La principale était celle de la Trinité dans Tabernat-el-Beylick. Les autres portaient le nom de Saint-Roch, au bagne de Bitchnin, de Sainte-Catherine, au bagne de ce nom, de Saint-Cyprien, chez le consul d'Espagne. Une chapelle était aussi installée en une maison attenante à un hospice dénommé : Hospice de France. Le Père Josué, mort en 1809, desservait cette chapelle.

Les chapelles des consulats étaient réservées aux chrétiens libres.

C'était en l'une des chapelles des bagnes, que le Juif qui voulait apostasier pour embrasser l'islamisme, venait recevoir au préalable le baptême chrétien, les Musulmans n'admettant pas qu'un renégat israélite devînt directement mahométan.

Les chapelles payaient une redevance au Mezouar qui se montrait impitoyable pour le moindre retard. Celui en fonctions, en 1634, fit, le 11 septembre de cette année, irruption dans la chapelle où officiait le Père Infantine, se précipita vers l'autel et renversa le calice.

Quand un esclave était à l'agonie, la communion lui était portée par un religieux qui dissimulait l'Eucharistie sous son manteau. L'hostie était renfermée en une boîte dorée suspendue à son cou.

On conserve à Lyon, dans la salle du Conseil de la Propagation de la Foi, une croix bénite par Benoît XIV, qui servit à administrer les esclaves mourants. (Abbé Godard).

Les esclaves, dans les premiers temps, n'avaient point de cimetière. Après décès, leur corps était, soit jeté à la mer, soit abandonné en des lieux retirés où le dévoraient les chacals. Ce triste état de choses cessa au XVIèmc siècle. (Voir à : Cimetière des Esclaves).

Il y eut des époques où les chapelles furent en piètre état. Entre autres documents, une lettre du P. Levacher, présentée par l'abbé Gleizes, renseigne à ce sujet.

"Quelques mois après mon arrivée, je visitai ces chapelles, elles me firent compassion. Elles n'avaient qu'une seule nappe d'autel, plus noire que blanche et demi-pourrie; quelques aubes, si mauvaises, que, de quatre, il ne s'en est pu faire qu'une. Les corporaux étaient tous déchiquetés, les purificatoires faisaient horreur pour leur saleté. Les chasubles et autres ornements étaient tous rompus.

" ...Je fis donner à chacune de ces chapelles une aube neuve avec l'amict et le cordon, un surplis, quatre nappes d'autel, deux corporaux, douze purificatoires, six essuie-mains, trois pales de fêtes pour couvrir les calices. Je donnai deux petites burettes de verre et un petit plat de terre; je fis faire des gradins à tous les autels et donner deux tableaux d'autel à deux chapelles qui en manquaient."


En 1670, le Père fit offrir par le Pape, aux esclaves d'Alger, 1.300 médailles bénites.

Dans la suite, les chapelles purent être l'objet d'un meilleur entretien. Les chrétiens esclaves entendaient la messe tous les dimanches. Ceux qui le pouvaient, assistaient tous les jours à l'office.

Ils se confessaient souvent, et la plupart des Turcs, loin de s'y opposer, en étaient bien aises parce qu'ils avaient remarqué que la confession les rendait laborieux, plus dociles et plus fidèles. Ils célébraient les fêtes avec une grande solennité. Le Vendredi-Saint, les quatre prisons d'Alger étaient transformées en églises. Celle d'Ali-Pechelin (Ali-Bitchnin), était tendue de riches tapisseries et ornée de glaces. (Abbé Orse).


Ancien faubourg Bab-Azoun (champ de la montée Dumont d'Urville.
Ancien faubourg Bab-Azoun (champ de la montée Dumont d'Urville.
(entre pages 176 et 177)



C'était à l'hôpital espagnol qu'avaient lieu les plus belles cérémonies religieuses.

Cet hôpital fut quelque temps placé sous la protection du consul de France, mais lors de la guerre de Succession il passa au Consulat anglais. (Orse).

Il y avait aussi à Alger une chapelle grecque desservie par un seul pope. Les protestants n'avaient point de temple.
Autre souvenir : Cervantès, dans sa comédie "Le Bagne d'Alger", mit en scène des esclaves faisant en leur prison, des préparatifs pour la représentation d'une pièce en l'honneur des fêtes de Pâques. Le gardien, assis à la porte, fait payer deux aspres aux curieux. Le raïs Gaour Ali assiste à la fête.

Quelques Prisons

En outre de ses bagnes chrétiens, Alger avait naturellement aussi, des prisons pour ses condamnés turcs ou indigènes.

Disons tout d'abord que les femmes étaient séquestrées chez le Scheik-el-Bled (maire de la cité) et au titre spécial de femmes galantes, chez le Mezouar.

Les hommes étaient incarcérés, rue Barberousse.

Chez l'Agha, il était procédé à certains châtiments et aux exécutions. A Dar-Serkadji, actuelle rue Salluste, étaient incarcérés les Turcs.

Une plus ancienne prison fut rue des Abencerages.

Après la conquête française, les incarcérations furent : rue Salluste, rue Barberousse, puis, à partir de 1849, près de la Casbah, en l'actuelle prison civile.

La précitée maison : Dar-Serkadji, occupée aujourd'hui par des religieuses, était à la fois prison militaire et civile au temps des Turcs.

Cette prison était désignée par les indigènes : Serkadji (maison du vinaigrier), en raison de l'existence dans un bâtiment attenant, d'un entrepôt de vinaigre appartenant au beylik. On trouva là, en effet, à la Conquête, 26.858 litres de vinaigre.

Le bâtiment était aussi dénommé : Dar et Khal (maison du vinaigre). Serkadji est une désignation dont hérita, de la part du populaire, l'ultérieure prison de la rue Barberousse, et que reçut à son tour l'actuelle prison civile voisine de la Casbah.

Après l'occupation de 1830, des forts furent affectés aux emprisonnements militaires, tels le Fort-l'Empereur, le fort Bab-Azoun, la Casbah, le Fort-Neuf (ancien fort Ez-Zoubia), ce dernier demeuré toujours bâtiment de claustration, le fort de Matifou. Au fort Bab-Azoun furent internés, en 1888, des Touaregs auprès desquels le professeur Masqueray apprit la tamechek.

A mentionner encore comme prison du passé, les voûtes situées à l'entrée de la rue Macaron, et portant jadis le nom de Taberna, où furent internés, en 1830, après le naufrage de L'Aventure et du Silène, les officiers Bruat et d'Assigny.