les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Personnages divers
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Autres captifs : Emmanuel d'Aranda, Arago
sur site le 30-5-2009

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Youssouf Bey par Théodore LeblancYoussouf Bey par Théodore Leblanc
entre pages 272 et 273

Parmi les captifs de renom qui furent à El-Djezaïr, est à citer Emmanuel d'Aranda, gentilhomme né à Bruges, pris en 1640, et vendu pour 720 francs. La relation de sa captivité, publiée en espagnol, fut donnée en français à Bruxelles, en 1656. Son portrait y figura avec ce quatrain :

Ce n'est ici que la peinture
De l'auteur de cette aventure.
Qui le voit, le connaît des yeux,
Mais qui le lit, le connaît mieux.

D'Aranda fut libéré en 1642.

Ajoutons qu'avant Cervantès, un grand peintre italien fut aussi esclave à Alger. Vasari qui écrivit la vie des grands artistes de son pays, rapporte que Fra Filippo Lippi, le plus grand peintre de Madones du XVèrne siècle, avait été pris par les corsaires et emmené à Alger. N'ayant aucun moyen de se faire comprendre et d'apitoyer son maître, il réussit cependant à l'intéresser à son sort, en dessinant son portrait sur un mur blanc, avec un morceau de charbon. Cette évocation parut miraculeuse à tous, car, dit Vasari, ni le dessin, ni la peinture n'étaient pratiqués dans ces pays. Et ce fut la raison pour laquelle l'artiste ingénieux obtint sa liberté. Mais quand son maître lui offrit de le relâcher, Filippo Lippi ne se montra pas moins diplomate qu'artiste, car il sut obtenir qu'avec lui fussent libérés ses compagnons d'infortune et que tous fussent ramenés à la baie d'Ancône où ils avaient été capturés (1435).

Le 17 mars 1864, la revue l'Artiste, publia sous la direction d'Arsène Houssaye, une eau-forte de Bergeret qui montre Filippo Lippi dessinant sur le mur blanc d'une maison mauresque, le portrait du Pacha à la décision duquel il devait être bientôt libéré.

Arago

Arago fut par certains, mentionné comme ayant subi une captivité à Alger. Berbrugger en 1854, établit formellement le contraire.

Arago au milieu de l'année 1808, avait été envoyé à Majorque pour mesurer le méridien. La France se trouvant à ce moment en guerre avec l'Espagne, il dut se réfugier au fort de Bellver pour n'être pas capturé par des agents envoyés de la Péninsule. Il en sortit clandestinement le 8 juillet 1808, avec M. Bethemie, aide de camp de l'Empereur, pour s'embarquer sur une tartane allant à Alger, ville où il pensait trouver un navire avec lequel il retournerait à Marseille. Il arriva ici le 3 août, et descendit chez le Consul de France, Dubois-Thainville, qui le garda ainsi que l'officier, en sa villa de Mustapha-Pacha, à Mustapha-Supérieur.

Le 13 août, pourvus de faux passeports les donnant pour des marchands étrangers, les deux Français partirent sur un navire qui appartenait à l'Amin Sekka (directeur de la Monnaie) et se rendait en Provence. A bord, se trouvaient deux lions que le Dey envoyait à Napoléon, et un grand nombre de singes. En route, le navire rencontra un bâtiment de commerce américain que le capitaine algérien, tout en utilisant Arago comme interprète, dépouilla de quelques marchandises.

Le bateau d'Arago approchait de Marseille quand un corsaire espagnol l'arrêta et l'emmena à Rosa. Arago prévint en secret le Dey de l'aventure, lui faisant savoir en outre, qu'un des deux lions était mort. Le Dey rendu furieux, surtout par ce dernier accident, intervint auprès du Consul d'Espagne et bientôt, obtint la libération de son navire.

Le 28 novembre, le navire repartit pour Marseille, mais un violent coup de vent le repoussa jusqu'à Bougie où il dut demeurer.

Ayant failli être tué par un Kabyle sur le pont de son bâtiment. Arago décida sur-le-champ et malgré l'opposition du capitaine, de regagner Alger par terre, avec M. Berthemie.

Moyennant la somme de 108 francs et " un burnous ", Arago et son compagnon, qu'escortaient quelques matelots, obtinrent d'un marabout, d'être convoyés jusqu'à El-Djezaïr.

Après un voyage dont il serait trop long de conter les péripéties, la petite troupe, au grand étonnement du pacha, arriva à Alger. On était en décembre.

Arago fut recueilli de nouveau par M. Dubois-Thainville. A ce moment, la guerre faillit éclater entre la France et la Régence. Selon la coutume, le Dey faisait arrêter et incarcérer tous les sujets du souverain avec lequel il était en hostilités. Cette fois, il n'alla pas jusque-là, et Arago put demeurer au Consulat de France.

Peu après, le Consul de Suède, M. Nordling, ayant versé pour lui une caution, il fut autorisé à habiter le Consulat de cette nation, situé à El-Biar.

Enfin, aux derniers jours de juin 1809, Arago put s'embarquer pour Marseille où il arriva, le 2 juillet.

On le voit donc, le grand savant ne fut jamais l'esclave des Barbaresques. Ceux-ci, à son arrivée à Alger, se contentèrent de séquestrer ses instruments d'étude, dont les cuivres éclatants leur avait fait croire à l'existence d'un trésor parmi ses bagages.

Une rue d'Alger porte son nom.

Le contre-amiral Arago qui, en mars 1909, reçut en ses salons les membres du Comité du Vieil Alger, était un descendant du savant.