les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Quelques Événements
- Bombardement de Lord Exmouth en 1816
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Prise du Fort l'Empereur
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Indications complémentaires
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Autres indications
sur site le 17-6-2009

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Quelques Événements
Bombardement de Lord Exmouth en 1816
Extrait du Mémoire de M Deval, consul, sur les bombardements subis par Alger (depuis 1681)
(
Renseignements demandés par le Ministre, en mai 1827, et fournis par le consul, à bord de la Provence, vaisseau sur lequel celui-ci, parti d'Alger sur la Torche, le 11 juin 1827, avait reçu l'ordre de se rendre.)

Après avoir cité les bombardements français de 1683, par Duquesne, de 1688 par d'Estrées, les bombardements espagnols de 1783 et 1784 par Barcelo, le Consul relate les bombardements anglais de 1816 et 1824.

Les bombardements de Duquesne et de d'Estrées sous Louis XIV étant suffisamment connus, nous nous en tiendrons à la relation du bombardement de 1816, avec courte mention de celui de 1824.

" ...En 1816, Lord Exmouth se présenta en rade avec 6 vaisseaux, 4 frégates et 2 bricks, pour demander au nom de sept grandes nations de l'Europe, l'abolition de l'esclavage des Européens à laquelle le dey se refusa obstinément. A la suite de vives discussions, une rupture fut décidée.

Le Consul général britannique et sa famille furent arrêtés et maltraités. Deux capitaines de vaisseaux qui se trouvèrent à terre furent blessés grièvement, pour s'être mis en défense, et arrêtés aussi."

"Il fut expédié l'ordre immédiat, à Bône et à Oran, d'y arrêter de même tous les Anglais et protégés Anglais. Mais Lord Exmouth crut devoir dissimuler cet affront et ramena l'affaire à une sorte de conciliation. Il convint avec le Dey que la question de l'abolition de l'esclavage serait remise à la décision de la Porte Ottomane. A cet effet, une frégate anglaise fut expédiée à Constantinople, conduisant un officier du Gouvernement d'Alger chargé de cette commission."

"Cependant, un grand mécontentement se manifesta à bord de la division anglaise et, à son arrivée à Gibraltar, l'opinion publique parut très défavorable à Lord Exmouth. Les capitaines de vaisseaux qui avaient été insultés et maltraités à Alger
étaient singulièrement irrités et l'esprit des équipages fut exaspéré. Mais déjà, avant l'arrivée à Londres, le bruit des mauvais traitements qu'on avait fait essuyer aux agents anglais à Bône et à Oran, et celui du massacre des pêcheurs de corail, ajoutèrent une telle masse de griefs contre Alger, que la médiation de la Porte Ottomane pour l'abolition de l'esclavage, consentie par Lord Exmouth, fut rejetée par le Cabinet, et une seconde expédition plus formidable de forces maritimes contre Alger fut décidée. Une corvette anglaise, expédiée de Londres pour en donner avis au Consul général britannique, arriva à Alger, le 7 août. Le Consul général retarda de quelques jours ses dispositions. Dans l'intervalle, des avis successifs reçus par le commerce, éveillèrent les soupçons des Algériens. Le Consul général réussit à faire évader sa femme et sa fille déguisées en gardes-marines, mais lui-même fut surveillé de trop près pour pouvoir se retirer."

Deux canots de la corvette envoyés successivement à terre sous divers prétextes, furent arrêtés. Quatre officiers et 14 matelots furent jetés dans les prisons. La corvette fut obligée de les abandonner pour aller à la rencontre de l'escadre anglaise. Le Consul général, destiné à périr, fut jeté dans le cachot des malfaiteurs, chargé de grosses chaînes, sans pain ni eau. Il ne dut sa subsistance qu'à un de ces malheureux qui partagea avec lui, un peu de pain et d'eau.

Le 27 août, parut devant Alger l'escadre anglaise composée de : 2 vaisseaux à trois ponts, 3 vaisseaux de 74 à 80, 1 frégate de 60, 6 frégates de 44, 5 corvettes, 5 bombardes, plus 5 frégates et une corvette hollandaises ( Commandées par le vice-amiral Van der Copallen.) (28 bâtiments de guerre), avec 4 cutters et 5 avisos, en tout 37 voiles."

Une frégate fut détachée avec pavillon parlementaire; elle expédia un canot à terre sous ce pavillon. L'officier qui le montait, était porteur d'une lettre de Lord Exmouth au Dey, par laquelle il l'informait que le Cabinet de Londres n'avait point ratifié la convention de renvoyer à la médiation de la Porte Ottomane, la question de l'abolition de l'esclavage à Alger, que d'ailleurs, on n'avait pas tardé à être informé à Londres, que les Anglais à Bône et à Oran, avaient été maltraités, que deux navires anglais avaient été pillés à Oran, et qu'une partie des corailleurs à Bône, jouissant de la protection anglaise, avaient été massacrés; qu'en conséquence le Cabinet de Londres avait décidé que le Dey d'Alger reconnût immédiatement l'abolition de l'esclavage des Européens et qu'il fût fait réparation aux sujets et protéges Anglais.

Le Dey renvoya avec mépris la lettre de Lord Exmouth et fit dire qu'il n'avait aucune réponse à donner.

Alors l'amiral anglais qui avait eu le temps de mouiller jusqu'à l'embouchure du port et d'assigner à tous ses vaisseaux le poste qu'il leur destinait, fit signal aux bombardes de s'approcher.

Les Algériens eussent pu faire beaucoup de mal aux Anglais avant qu'ils se fussent embossés, mais le Ministre de la Marine s'opposa à ce que l'on fisse feu avant d'en avoir obtenu l'ordre du Dey qui annonça son arrivée prochaine au bord de la mer. Ce ne fut qu'alors, que les forts d'Alger commencèrent à tirer. Les vaisseaux déjà en place, firent un feu si vif que les batteries supérieures de la Marine furent démontées et d'autant plus facilement, que le vaisseau amiral monté par Lord Exmouth, était posté à l'embouchure intérieure du port et les prenait à revers.

A cette époque, une batterie de 40 pièces de canons de gros calibre qui domine cette position et qui depuis, a été établie, n'existait pas, mais les batteries inférieures qui sont casematées et ont une épaisseur de mur considérable, tinrent bon et continuèrent un feu bien nourri; aussi firent-elles beaucoup de mal aux Anglais pendant dix heures consécutives que dura le combat, c'est-à-dire, depuis 1h. 1/2 après-midi, jusqu'à 11h 1/2.

L'intérieur du port étant foudroyé par l'artillerie de l'Amiral, fut bientôt abandonné. On y envoya une embarcation qui attacha une chemise soufrée à la frégate algérienne mouillée à l'embouchure.Le feu excité par un vent frais, se communiqua bientôt à toute l'escadre; 5 frégates, 4 corvettes et 30 chaloupes cannonières furent totalement embrasées dans l'espace de quatre heures. Vers minuit, deux frégates en feu, poussées par le vent d'Ouest sur l'escadre anglaise, obligèrent Lord Exmouth de couper ses cables et toute l'escadre anglaise et hollandaise se retira de l'autre côté de la baie et y mouilla.

Le lendemain 28, le Dey consentit aux conditions qui lui furent imposées : d'abord, l'abolition absolue de l'esclavage des chrétiens à Alger, puis la délivrance des esclaves de toutes les nations européennes existant dans le gouvernement, et sans rançon. Celle qui avait été perçue deux mois mois auparavant, en 370 mille piastres fortes pour 370 esclaves napolitains, fut de même restituée. Le nombre des esclaves fut évalué à environ 1.000, par conséquent, ce fut 1 million de piastres fortes qui fut perdu pour le trésor de la Régence.

Lord Exmouth fit savoir au Dey combien il devait lui être reconnaissant de n'avoir pas exigé de lui, le remboursement des frais de cette expédition évalués à 500 mille livres sterling.

Les Pays-Bas, dont les forces s'étaient unies aux Anglais, participèrent au bénéfice de cette action mémorable et obtinrent la paix avec Alger et la jouissance des traités anglais.

Les Anglais avouèrent 885 hommes morts à bord de l'escadre combinée, sans compter un grand nombre de blessés et, quoiqu'on suppose les pertes des Algériens plus considérables, il paraît, d'après les recensements ultérieurs, qu'ils n'en perdirent pas davantage, nombre qu'ils n'avouent pas toutefois.

Le vaisseau contre-amiral à trois ponts, un vaisseau de 74, et la frégate de 50 furent gravement endommagés, le 74 surtout, fut abîmé; une frégate anglaise et une hollandaise furent très maltraitées et perdirent beaucoup de monde.

Le séjour assez long de Lord Exmouth à Alger pour y être venu trois fois dans la même année, pour diverses négociations, lui avait donné connaissance de la possibilité de mouiller avec son vaisseau à l'entrée du port, presque à toucher les maisons de la ville dont cette partie n'était pas fortifiée - de manière à foudroyer l'intérieur du port et à prendre à revers toutes les batteries supérieures des forts de la Marine dont les canonniers furent aussitôt mitraillés et exterminés.

La ville ne put être incendiée ni par une grande quantité de fusées à la congrève ni par d'autres matières enflammables, les maisons construites toutes en pierres et en briques ne donnant prise au feu, mais les bombes firent de grands dégâts, quoiqu'un grand nombre dépassât la ville et tomba dans la campagne; néanmoins on pense que si le Dey eût tenu bon, l'escadre anglaise n'était pas en état de recommencer l'attaque ' le lendemain, non seulement par le manque de poudre, mais aussi par ses pertes considérables et le délabrement de presque tous les vaisseaux.

La Régence d'Alger fut certainement affectée des pertes et dommages qu'elle essuya, surtout de celle de son escadre, mais elle fut loin de se décourager, ses fortifications toutes déchiquetées sont restées entières, et aucune n'a croulé, le ciment qui les lie paraît indestructible. "

Le Dey Omar, en moins d'un an, répara en effet les dommages et pourvut Alger d'une nouvelle flotte. L'accès de Lord Exmouth jusqu'à l'entrée de la darse, inspira la construction d'un fort qui fut dénommé : bordj Lord Exmouth, fort dont subsiste une partie, dans le sous-sol de la place du Gouvernement.

L'expédition de Lord Exmouth, bien que n'ayant pas abouti dans la suite, aux résultats espérés, eut néanmoins un grand retentissement en Angleterre.

En récompense, l'Amiral reçut le titre de Vicomte. En outre, les emblêmes de son blason furent augmentés. Celui-ci comprit entre autres sujets : un vaisseau mouillé devant le môle d'Alger - un esclave tenant haut, la croix, et laissant tomber ses fers. Le nom d'Alger fut ajouté à la devise.

L'Amiral reçut aussi, des officiers de son escadre, une pièce d'artillerie, d'une valeur de 35.000 francs, représentant dans tous ses détails, le môle et ses fortifications.

Il reçut encore, des rois de Hollande, d'Espagne, de Sardaigne, des ordres de chevalerie; du prince Régent, une médaille commémorative; du Lord Maire, un sabre enrichi de diamants; des cités de Londres et d'Oxford, le droit de bourgeoisie.
(Ces derniers renseignements, extraits de Playfair).

Ainsi qu'il a été rappelé au début de l'article, Deval citant les bombardements historiques subis par Alger, fit, mention de celui de 1824 par Sir Henry Néal. Précisons que l'expédition fut motivée par le refus du Dey, de recevoir le nouveau consul, Mac-Donnell. Indiquons encore que la flotte anglaise comprenait 23 voiles : 1 vaisseau, 5 frégates, 9 corvettes-bombardes, 1 gabarre, 2 bricks, 1 goélette, 4 cutters et en outre un bateau à vapeur que commandait Sir Henry Néal, et qui au cours de la lutte, perdit sa cheminée.

Au siècle précédent, en 1775, l'Espagne avait envoyé contre Alger, une expédition où figurèrent 344 navires de transport avec 21.500 hommes et 1000 cavaliers, sous le commandement du Général O'Reilly - ainsi que six vaisseaux de haut bord, 14 frégates, 7 galiottes, 4 chebeks, 4 bombardes, 4 ourques, 2 paquebots (petits bâtiments pour transmission des ordres), au total 41 bâtiments de guerre. Cette force navale, gouvernée par don Castejo, arriva le 30 juin. Mais un combat malheureux à l'ouest de l'Harrach, obligea cette armée à se rembarquer.

Prise du Fort l 'Empereur ( Pour détails sur le fort, voir: "Les Villas - Djenan Yussuf Khodja" , et "Batteries Extérieures - Fort-l'Empereur".)

L'armée du Général de Bourmont, débarquée à Sidi-Ferruch, le 14 juin, victorieuse le 19, à Staouéli, avait, en livrant divers combats, poursuivi sa marche dans la direction d'Alger.

Les troupes avancées le 29, vers le Fort l'Empereur, constituaient trois corps que commandaient respectivement les généraux Berthezéne, Loverdo et d'Escars.

Pendant la nuit du 29 au 30 juin, le Général du Génie, Valazé, fit tracer les premiers ouvrages de siège, qu'il poussa jusqu'à 250 mètres de la citadelle.

Malgré leurs fatigues, les soldats, avec une activité fébrile, travaillèrent aux tranchées pendant quatre jours et cinq nuits. Les Turcs tentèrent à plusieurs reprises de troubler cette oeuvre en se glissant parmi les buissons et le long des haies de cactus et d'aloès, jusqu'au pied même des talus d'où ils fusillaient les sapeurs. Malgré ces vives attaques, les batteries s'élevèrent promptement. Elles étaient armées de vingt-six bouches à feu, comprenant six pièces de 16, dix de 24, quatre mortiers de 10 et six obusiers de 8.

On les dénomma batteries Saint-Louis, Henri IV, du Roi, Duquesne, du Duc de Bordeaux.

Sur leur emplacement s'élèvent aujourd'hui de gracieuses villas, que longe la sinueuse route d'El-Biar.

De son côté, l'amiral Duperré, afin de créer une diversion, avait ordonné à la flotte une fausse attaque sur les défenses du front de mer ( On avait cru en France, que l'attaque d'Alger se ferait directement par mer, comme cela eut lieu si souvent dans le passé. Dans cette illusion l'imagerie populaire représenta prêtes à débarquer, les troupes françaises réunies sur le pont des navires bombardant la ville. Dans la même illusion, un Marseillais émit l'idée de transformer en hôtel flottant, un bâtiment qui eût été offert au prix de 13 francs par jour, et devant avoir, canons, télégraphe, journal hebdomadaire. Il se serait tenu à une lieue de la ville pour permettre de voir le débarquement. On parla de la chose à Paris (Moniteur du 4 avril 1830).).

Le 4 juillet, avant le jour, toutes les batteries de siège furent prêtes. Le général d'artillerie, de la Hitte et le colonel d'Esclaibes, son chef d'Etat-Major, n'avaient point quitté leurs batteries de toute la nuit.

A 3 heures 30, une fusée-signal s'éleva dans le ciel étoilé. Les batteries à l'instant, tonnèrent toutes à la fois, dessinant dans l'obscurité un immense cercle de flammes. Ce fut un fracas épouvantable.

Au premier coup de canon, M. de Bourmont s'était transporté sur la droite des batteries; la terrasse du Consulat d'Espagne (propriété Chekiken) lui servit d'observatoire. Hussein et sa cour s'étaient en même temps installés sur le haut de la Casbah. L'armée française, échelonnée jusqu'aux crêtes de la Bouzaréah et la population d'El-Djezaïr, accourue aux remparts, suivaient avec l'attention la plus vive, les péripéties de l'action.

La nuit était belle, rafraîchie par une légère brise d'Est. Dans les ravins, rampaient des traînées de brumes. Le fort lui-même, ouaté de brouillard, était dominé d'un immense nuage de fumée où l'éclat des bombes mettait ses rutilements.

A l'entour, de tous les points du cercle de l'artillerie française, partaient des éclairs suivis de détonations assourdissantes; des paraboles fulgurantes marquaient dans l'espace le passage des projectiles lancés de mortiers.

Le Fort-l'Empereur, au front duquel ses batteries en activité faisaient resplendir une couronne de feu, donnait une magistrale riposte qu'appuyaient d'un concours énergique les Tagarins et la Casbah.

Le jour se leva. Avec lui, les artilleurs du général de La Hitte pouvaient espérer rendre leur tir plus précis, mais les nuées dont s'enveloppait le fort persistaient malgré le soleil. Enfin, vers six heures, elles commencèrent à se dissiper. Les coups portèrent alors avec une justesse impressionnante.

Incessamment battu de boulets, le parapet tombait en ruines en maints endroits, laissant à nu les batteries. Les défenseurs aussitôt amoncelaient là, d'énormes balles de laine qui, s'effondrant à leur tour peu après et s'embrasant, emplissaient l'air d'une insupportable odeur. A tout instant les pièces étaient démontées et les Canonniers ne suffisaient plus pour les replacer sur leurs affûts. On voyait, sous le feu de la batterie Saint-Louis, des files entières de Turcs fauchées, mais d'autres, à la même minute, venaient prendre leur place.

Insensiblement, le fort se tut. Ses parapets devenus déserts, étaient néanmoins ravagés par les boulets et par les bombes. La face de la forteresse alors, se découpa, se fendit, se brisa par portions. Elle sembla prête à crouler.

Deux mille hommes qu'aucun mur ne protégeait plus, se trouvaient entassés en cette enceinte infernale où il n'y avait raisonnablement place que pour six cents.

Les projectiles français causaient en leur groupe compact d'effroyables ravages.

En cette détresse, chacun à l'arrivée d'une bombe, s'efforçait de rejeter celle-ci à quelque distance, accomplissant ainsi, froidement, un acte de téméraire bravoure que les circonstances faisaient regarder de tous, comme la chose la plus naturelle du monde.

Sous cette pluie de fer, le commandant fut renversé trois fois. Quelques Maures révoltés essayèrent d'évacuer le fort; mais les Turcs, sur le champ, firent voler leurs têtes sous le yatagan.

Enfin, le chef de la forteresse, comprenant que toute résistance devenait inutile, se décida à ordonner la retraite.

Les portes furent ouvertes; les Maures sortirent les premiers, chargés des cadavres et des blessés. Les Turcs formèrent l'arrière-garde. Ils se retirèrent en bon ordre, gardant sur leurs mâles visages, un air de superbe fierté. Mais à peine la garnison parut-elle devant la Casbah, que le Dey furieux, la fit impitoyablement mitrailler.

Après l'évacuation du fort, on vit un seul homme - un nègre passer et repasser devant les embrassures détruites, puis disparaître après avoir enlevé à deux angles de la citadelle, deux drapeaux rouges qui y avaient flotté durant le bombardement.

Soudain, une explosion épouvantable se produisit. La terre trembla. Il sembla, dit le capitaine Barchou, qu'un volcan venait de s'ouvrir au sein du château. Une éruption de flammes, de fumée, de pierres, de membres humains, de débris de toutes sortes monta dans les airs : c'était la poudrière du Fort-l'Empereur qui venait de sauter. Le spectacle était terrifiant. Longtemps, l'atmosphère demeura obscurcie par d'innombrables flocons de laine provenant des ballots dont les Turcs avaient matelassé leurs brèches.

La commotion fut si vive, que tous les Consulats, toutes les villas des alentours, eurent leurs vitres brisées. De tous côtés une pluie de sable se répandit. Des canons de gros calibre furent lancés à d'énormes distances et des lambeaux sanglants se retrouvèrent sur les terrasses et dans les rues d'Alger (Christian).

L'armée française demeura un instant interdite, mais bientôt, à la voix de ses chefs, une compagnie de grenadiers s'élança à travers les décombres; les autres troupes suivirent, et quelques secondes après, le drapeau français flottait sur les ruines de Sultan-Kala' Si ( Désignation turque de la forteresse.), où le général de Bourmont allait recevoir les premières propositions de paix.

Ce fut dans la villa d'El-Biar, Djenan Raïs Hamidou, que fut déposée l'aceptation de la paix dont les clauses avaient été arrêtées auprès du Fort par le Général en Chef.

Il est vraiment regrettable qu'on n'ait pas songé à conserver le bureau-secrétaire sur lequel la capitulation d'Alger fut ratifiée. Ce meuble, rapporte Aumerat, fut acquis par le Consul d'Angleterre Robert Saint-John qui, en 1842, le vendit au Supérieur de la Trappe, Dom Francois Régis, lequel l'emporta en Italie.

A l'entrée du fort, se trouve une inscription arabe disant :

" Louange à Dieu seul. Salut et bénédiction sur son apôtre. Il (Dieu) a restauré par nos soins, cette forteresse bénie et solide. - Ibrahim Pacha Ramdan, par la force du Tout-Puissant, l'Evident - Dieu - a placé sa demeure sur la plus haute des élévations d'Alger. - 1156 (de l'hégire) du Seigneur des Musulmans."

Devant l'entrée, fut érigée en 1912, le monument à l'Armée d'Afrique qu'avoisinèrent dans la suite, un soldat de la Conquête en pierre et un lion de bronze.

A la demande du Comité du Vieil Alger, le fort fut classé en 1930.

Indications complémentaires

Deux drapeaux turcs, a-t-il été dit, furent enlevés par un nègre avant l'explosion. Mentionnons qu'un troisième était demeuré. Ce dernier fut à l'arrivée française, arraché par le sergent Rochoux, que, le 8 septembre, le général Clauzel proposa pour la Légion d'honneur.

A mentionner d'autre part, qu'entré des premiers, le soldat Lombard, voulant signaler la prise de la forteresse aux troupes retenues au loin, arbora sur son sommet, sa chemise qui en l'occasion, constitua une gaie improvisation du blanc drapeau royal !

L'emblème qui flotta sur Bordj-Sultan, comme d'ailleurs sur les autres forts, était un drapeau rouge marqué d'un croissant blanc.

Ce drapeau n'était pas le seul toutefois, que possédassent les Algériens. Il en existait un autre de couleur verte, dont le champ était semé d'étoiles, de croissants et de lunes (Plantet).

La forme adoptée ne fut pas toujours la même en tous temps.

Rappelons que Regnard mentionne un " étendard de Barbarie, coupé en flamme, au croissant descendant " qu'arbora le navire par lequel il fut pris en 1678.

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Autres indications

Les archives du Ministère de la Marine font connaître (album de 1782), qu'Alger eut sur certains navires, un pavillon rouge à tête de Maure enturbannée de blanc, et un autre à 5 bandes horizontales : bleu, rouge, verte, rouge, bleue.

Postérieurement, l'ouvrage "Pavillons des puissances maritimes en 1819" indique le pavillon rouge uni - ce que confirment les dépêches de la Division du Levant, entre 1820 et 1830, pour les divisions barbaresques de la flotte ottomane.

Cependant, le pavillon le plus couramment employé par les Corsaires, fut rouge, à un ou plusieurs croissants blancs, ayant la convexité tournée du côté de la drisse.