les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

La Porte d'Azoun et ses abords
La Place Massinissa

Le Tombeau de Sidi-Mansour
Le Platane de Sidi-Mansour
Hors de la Porte d'Azoun
pages mises sur site le 28-1-2009

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La Place Massinissa

Dès la prise d'Alger, comme nous l'avons dit précédemment, afin de dégager en leur zone intérieure les abords de la Porte Bab-Azoun, on songea à ouvrir un espace auquel fut donné le nom de Place Massinissa. Celle-ci, toute en longueur, et très exiguë, s'étendait sur l'emplacement où s'élèvent actuellement les immeubles formant la bordure Nord de la Place de la République, entre le Cercle Militaire et l'entrée de la rue Bab-Azoun.

L'ingéniosité de l'Administration fit s'installer là un nombre étonnant de services.

L' "Akhbar" du 26 juin 1845 nous renseigne, d'ailleurs, abondamment à ce sujet :

"La Place Massinissa, dit-il, située entre les deux portes Bab-Azoun, acquiert une importance qui fait ressortir son insuffisance sous le rapport de l'étendue du terrain. En effet, dans cet espace bien circonscrit se trouve l'Administration des fontaines, les magasins des travaux civils, une caserne d'artillerie, un quartier de cavalerie, un corps de garde, le logement du portier-consigne, un édifice religieux consacré i. Sidi-Mansour, les boutiques des maréchaux-ferrants indigènes, celles de fabricants maures de tabac à fumer et surtout à priser, qui sont en possession de fournir les gens du dehors.

"Non seulement les bâtiments qui entourent cette petite place sont remplis plus que le local ne le comporte, mais le sol même de la place est envahi par des industries qui s'exercent en plein vent."

"Devant le marabout de Sidi-Mansour, siègent les Kabyles des Monts Ammal, et autres, qui viennent vendre à Alger le savon fabriqué dans leurs montagnes."

"A côté et en face d'eux, sont groupés, en nombre assez considérable, des cordonniers indigènes qui confectionnent des borherous, sorte de sandales grossières, unique chaussure du prolétaire arabe ou berbère."

"Ces petits métiers occupent si bien la voie publique, de concert avec les chevaux, les mulets et les ânes qu'on y amène incessamment pour faire renouveler leur ferrure, que la circulation est très difficile. Le bruit y est en rapport avec la foule, et les disputes y sont fréquentes, Arabes et Kabyles étant toujours disposés à chicaner à propos de la plus petite somme, et les gens d'Alger étant non moins disposés, de leur côté, à injurier et même à frapper la pratique, pour peu qu'elle se montre récalcitrante à l'endroit du paiement."

"Au-dessus de ces industries, entre le beau platane de Sidi-Mansour et le marabout de ce saint personnage, sont d'immenses tuyaux en fonte entassés les uns sur les autres, et sur lesquels s'échelonnent les Kabyles sans travail, qui y font leurs repas, leur toilette.., et quelques recherches de propreté..."

Après une vingtaine d'année d'existence, la petite place Massinissa disparut, suivant de près dans le néant, les portes et le rempart Bab-Azoun. Et comme il en fut pour tant d'autres choses, son souvenir ne tarda pas à s'évanouir en l'esprit de la population algéroise.

Le Tombeau de Sidi-Mansour

Ce tombeau, détruit en 1846, portait, sur la place Massinissa, le N° 31.

Le saint de ce nom est mort, dit-on, en 1645. Ses restes furent transférés au Marabout Sidi-Abd-er-Rahman, par les soins des autorités françaises et avec le concours de l'armée.

Un détachement de zouaves escorta en effet, jusqu'au dit marabout, le convoi que précédaient de nombreux étendards.
Nous donnerons ici la description que Bavoux fit, en 1841, de ce tombeau ( Ce tombeau, transformé en chapelle, n'était autre que la boutique même qu'avait habitée Sidi-Mansour.).

"Il est, dit-il, dans une petite chambre au rez-de-chaussée, que l'on voit de la rue à travers les barreaux de fer qui garnissent la fenêtre. C'est un petit monument funéraire comme tous ceux de ce genre, avec deux pierres aux deux extrémités taillées en forme de bonnet d'évêque. Des drapeaux ou plutôt des morceaux d'étoffes s'élèvent au-dessus, offrandes pieuses au célèbre pirate ( Erreur de Bavoux. Sidi-Mansour ne fut autre chose qu'un homme de prière. A la suite d'une injuste condamnation, dit la légende, il aurait subi le supplice de la corde, à la porte d'Azoun. Le soir de son exécution, le crieur public ayant annoncé à l'heure habituelle, la fermeture de la porte, Sidi Mansour que l'on croyait mort dit soudain: "Il ne restera dehors que Mansour qui est pendu au rempart!" Cette manifestation inattendue le fit tenir pour un saint.)."

"D'autres tombes existent dans les pièces voisines qui formaient autrefois les dépendances d'une mosquée".

Le Platane de Sidi-Mansour

Ce platane dont il a été question, plus haut, fut détruit, le 11 octobre 1853. Voici ce qu'en dit l'"Akhbar" à cette époque :
"Ce géant, trois fois séculaire, avait vu passer quatre-vingt-quinze pachas, plus de vingt-cinq gouverneurs généraux titulaires ou intérimaires. Il avait assisté à d'éclatantes victoires, à de grands revers, depuis l'expédition de Charles-Quint jusqu'à celle de 1830. Il couvrait, de son ombre immense, le sanctuaire de Sidi-Mansour, les marchands de savon noir du Mont Ammal, l'ancien poste de la Porte Bab-Azoun et les fabricants de cothurnes kabyles. Son feuillage s'était plus d'une fois ensanglanté lorsque la brise inclinait ses branches sur les créneaux ornés de têtes fraîchement coupées ou sur les changa chargés de victimes".

L'arbre, qu'une maladie mystérieuse avait frappé, dépérissait de façon inquiétante. Il se dépouilla bientôt complètement. Une commission agronomique, réunie à son sujet, le déclara solennellement mort et le condamna à la destruction.
Pourtant, à ce moment, de nouvelles feuilles reparurent à ses branches. Mais l'arrêt demeura sans appel : la cognée l'abattit. On chercha la cause de son mal; on crut la trouver dans la présence d'un fourneau qui fut découvert dans un creux du tronc - et dans l'enchevêtrement de ses racines parmi des substructions de brique et de ciment par lesquelles aurait été suspendue l'alimentation. Deux canons dont l'orifice était bouché par un boulet, furent retrouvés enfouis auprès de l'arbre.

Nullement convaincus par la déclaration des savants, les Arabes attribuèrent sa mort au chagrin qu'ils supposèrent lui avoir été causé par le déplacement du tombeau de SidiMansour. Fromentin, dans la revue l'Artiste, consacra à cet arbre des lignes intéressantes.

Ce fut à tort que l'on dénomma quelquefois cet arbre : Platane de Barberousse, supposant qu'il avait ombragé le tombeau de l'un des frères de ce nom. L'aîné des Barberousse, en effet, périt dans une déroute des Turcs sur les bords de l'Oued Senou, entre Oran et Tlemcen. Suivant une autre version, ce serait sur la route de Fez, au pied des montagnes des Beni-Snassen (Revue Africaine).

Sa tête fut portée triomphalement en Espagne. Son corps fut dévoré par les chacals et par les oiseaux de proie. Son vêtement de brocart, converti en chape d'église, fit longtemps partie du trésor du monastère Saint-Jérôme de Cordoue (de Grammont). Quant à l'autre Barberousse, Kheir-ed-Din, on l'enterra à Brousse, ville où devait se retirer plus tard Abd-el-Kader.

Hors de la Porte d'Azoun

De la porte d'Azoun partait la route de Blidah qui, en la banlieue, porta les noms de rue et de route de Constantine.
Au bas de l'actuelle rue des Chevaliers-de-Malte, commençait un ravin que traversa, jusqu'en 1850, le pont des Fours (Cantarat-el-Afran). Là, en 1541, périt Savignac près de qui combattaient nombre de chevaliers français, parmi lesquels étaient : Nicolas de Villegaignon et Villars, du Prieuré d'Auvergne.

Cet événement est rappelé également par une table de marbre que le Comité du Vieil Alger a fait placer en cet endroit. Il y est dit :

En ce lieu
Dénommé après l'attaque de
Charles - Quint
Contre Alger :
Tombeau des Chevaliers,
S'illustrèrent avec
De nombreux compagnons d'armes,
Le 25 octobre 1541
Les chevaliers français,
Savignac
Mort en héros,
Et Durand de Villegaignon.

Au delà, se trouvait un marché, très fréquenté des musulmans, qui avait nom : Marché Bab-Azoun.

C'était un coin bien intéressant que ce marché arabe à la place duquel existe maintenant, un des plus élégants quartiers d'Alger. L'animation y était grande et le coup d'œil fort curieux. Dans le voisinage, se trouvaient des fondouks envahis d'indigènes et de chameaux. De là émergeaient de hauts palmiers que, successivement sans nécessité absolue, on détruisit à la tristesse des amis du pittoresque. Lorsqu'en 1845, celui du Fondouk de l'Huile fut menacé de disparaître, l' "Akhbar" proposa sa transplantation, ainsi que celle de plusieurs autres du même faubourg, auprès de la statue du duc d'Orléans. Aucune suite ne fut donnée à ce voeu. Seul le palmier de la rampe Bugeaud (remplacé plus tard), marqua en ce quartier, le souvenir de ces arbres gracieux.

Le Fondouk de l'Huile, rappelons-le, était, en 1842, installé sur la place Bresson, dans la chapelle de Sidi-Beteka, dont l'emplacement est aujourd'hui occupé par la maison du Café Glacier. (Auprès était le tombeau de Sidi Hamma, saint guérisseur de la fièvre dont une rue voisine évoque le souvenir par son nom).

Dans le même sanctuaire fut ensuite installée, jusqu'en 1852, la Halle aux Blés.

A cette dernière date, la Halle aux Huiles et celle aux Blés furent transférées en un nouvel immeuble, construit exprès, à l'angle droit de la rue d'Isly et de la rue Joinville inférieure. L'abbé Pavy en fit l'inauguration le 8 juin 1852.

Avant 1830, le Fondouk de l'Huile se trouvait dans la primitive rue Bosa, sur l'emplacement de laquelle s'élève depuis 1831, la maison Duchassaing.