Francis-Garnier (Beni-Haoua)
entre Gouraya et Ténès , sur la route d' Alger à Oran

DENREES EN QUÊTE DE FRAÎCHEUR
Juliette Bailly et Huguette Cohet
sur site août 2012

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DENREES EN QUÊTE DE FRAÎCHEUR

L'approvisionnement en viande

A Francis-Garnier, avant 1954 et l'installation de l'électricité, rares étaient les personnes qui possédaient un réfrigérateur. Aussi l'approvisionnement en viande était-il difficile.

Il faut dire que la base de l'alimentation reposait surtout sur les pêches magnifiques faites par tous les habitants, au moulinet sur la plage. Qui ne se souvient de ces magnifiques ombrines pêchées surtout à la nuit, ou de la bouillabaisse prise à la ligne au Pic, tout comme les oursins. On allait aussi à la Mine au retour des pêcheurs, ou tout simplement on bénéficiait des énormes rougets rapportés par le Petit-Fils, "pointu" des Bortolotti.

Il y avait aussi les lièvres achetés aux habitants du douar.

Ceux-ci arrivaient au portail. On entendait leur grosse canne en bois taper sur le sol, et ils nous proposaient soit des oeufs, que l'on trempait dans une bassine d'eau pour vérifier leur fraicheur, soit des lièvres ou lapins de garenne qu'ils sortaient de dessous leur gandourah, braconnés sans doute, et que l'on mangeait en civet avec une bonne polenta. Délicieux, j'en salive encore ! La polenta n'a pas le même goût aujourd'hui ! Quelquefois le" téléphone arabe" se déclenchait :
" - Mokarnia tue un mouton demain ! "

Et tout le monde d'arriver avec son filet ou son panier pour acheter ses côtelettes ou son gigot. La boucherie était au fond de l'impasse, prés de la poste où habitaient dans le temps les Franzetti. C'était très propre. C'est du moins le souvenir que j'en ai !!!
Le dimanche on pouvait aller au marché où le mouton était accroché à un eucalyptus, dépecé, les entrailles qui dégoulinaient sur la terre, et le mouton était ensuite découpé. On regardait ça sans frayeur ni dégout. Ah, les règles d'hygiène étaient inexistantes à l'époque ! Mais jamais personne n'était malade.

Et puis il y avait Yous ! Yous était le boucher de Gouraya qui venait une fois par semaine à Francis-Garnier avec sa camionnette ouverte à tous vents en plein soleil, les soubressades attachées aux ridelles. En arrivant au tournant au-dessus de la Mine, il klaxonnait sans arrêt, et sur la plage c'était l'effervescence ! Tout le monde se dépêchait de remonter pour l'accueillir devant chez soi, pour acheter son steak qui devait être boucanné !

boucher de Gouraya

Enfin, vous allez dire que je me répète mais c'était le bon temps !

Juliette BAILLY

ET PEU IMPORTAIENT LES PETITS PROBLEMES MATERIELS DE LA VIE QUOTIDIENNE

La Flamme qui gèle

Comme le dit Juliette Bailly dans son récit, avant 1954 " rares étaient les personnes qui possédaient un réfrigérateur. "

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En faisant des recherches dans Gallica, on peut découvrir dans " L'Afrique du Nord illustrée " du samedi 29 juin 1935, une réclame de Frigélux, avec un titre percutant : LA FLAMME QUI GELE.

Dans le texte, il est dit :
" une simple lampe à pétrole comme celles qu'employaient nos aïeules "
En ville, oui, mais à Francis Garnier il fallait bien les utiliser pour s'éclairer, tout comme les lampes à carbure, à essence et les simples bougies.

Cette illustration devrait raviver les souvenirs de quelques anciens.

Solange: " Il y en avait un chez mes parents... Lorsqu'il se mettait en panne, on étendait des sacs sur le sol, et à plusieurs personnes on retournait la bête tête-bêche, on le laissait dans cette position, peut-être confortable pour un specimen de ce genre, durant une demi-journée, puis on le redressait, et...il se remettait en marche. Le dit réfrigérateur a continué d'exister, en parallèle avec les modernes électriques de l'époque... et il est arrivé en France, au moment de l'exode, dans le déménagement..." Loin d'être classé comme une pièce de Musée, donné à son dernier fils, puis... à un copain de ce dernier, il a continué à marcher longtemps encore....

La Glacière.

Mais pour garder les aliments et les boissons au frais, la plupart des villageois avaient une glacière, petit meuble revêtu de zinc à l'intérieur. Dans la partie basse nous y mettions les aliments et les boissons, et dans la partie haute des morceaux de pains de glace artificielle qu'il fallait réapprovisionner tous les deux ou trois jours... en faisant le plus vite possible pendant le trajet achat de la glace/glacière. Comme le Petit Poucet, on pouvait nous suivre à la trace... des gouttes d'eau de la glace qui fondait !

En Algérie il n'existait pas de glacières pour fabriquer de la glace-neige, comme dans les hautes montagnes enneigées de métropole, et les fabriques de glace artificielle n'ont du apparaître qu'autour de 1900. Cependant, à la Mine, de la glace artificielle était fabriquée, en petite quantité, mais le plus gros de l'approvisionnement se faisait grâce aux cars Mory, avec Allel ou Mamy, dévoués conducteurs habitués à transporter toutes sortes de choses pour les villageois depuis Alger jusqu'à Ténès. (Je me rappelle les avoir entendu pousser un énorme ouf de soulagement, lorsque, arrêtés au tournant de la Mine, ils avaient descendu de l'impériale et livré ... de la dynamite.)


La Gargoulette.

La gargoulette
La gargoulette (Photo Geneviève Troncy)

Pour rafraichir l'eau ? Nos simples et précieuses gargoulettes en terre cuite arrivaient par bateaux entiers sur les quais d'Alger, d'Oran, ou de Bône. Gargoulettes traditionnellement placées dans un courant d'air, à l'ombre, sur le rebord d'une fenêtre. Certains, plus doués que d'autres, pouvaient même boire leur eau fraîche à la régalade, sans s'étouffer -Tout un art...

Et le Garde-manger.

Pour protéger des insectes (ou éventuellement des souris ?) la charcuterie, les légumes ou les fruits : un garde-manger dans une pièce fraîche. Garde-manger qu'à ma grande surprise, on trouve toujours très utile aujourd'hui, puisqu'on en fabrique encore.

La vie des mères de famille n'était pas si facile, mais heureusement le gibier à poils ou à plumes était abondant (souvenez-vous du goût des perdrix qui se nourrissaient de lentisques), la mer généreuse, et surtout nous avions le goût de la joie de vivre.
Tout simplement, au bord de la Méditerranée.

Huguette COHET