Francis Garnier
LA CREATION DU VILLAGE
(suite de l'étude historique précédente :
création du centre de colonisation de Beni Haoua par Camille Bortolotti Junior)

 


Textes, illustrations : Geneviève Bortolotti - Troncy
mise sur site le 2-2-2011...+ le 21-2-2011

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LA CREATION DU VILLAGE
(suite de l'étude historique précédente)

Les lots de colonisation ont donc été achetés au gouvernement, à un prix payable en dix ans.

Beni Haoua.est situé à 17 kms, à l'ouest de Dupleix. Il n'y a pas de route, et l'on fait venir par la mer les matériaux de construction.
C'est en 1916 que le village en cours de création prend le nom de Francis Garnier.


la superbe corniche qui surplombe la mer,

Un peu plus tard, la route est tracée, le long de la superbe corniche qui surplombe la mer, d'une beauté sauvage, très découpée et escarpée, ouverte aux vents du large, au milieu d'une végétation de pins luxuriante. Deux tunnels sont creusés dans la roche, à la sortie desquels on domine la splendide baie des Souhalias, délimitée à l'Ouest par la pointe du Pain de Sucre, et, à l'Est, le "Rocher de la Mine".

Deux tunnels sont creusés dans la roche,

Pour traverser l'oued Outar, en amont du village, on construit un pont.

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Alain COHET, raconte :


Déjà, durant mon enfance, il respirait la vétusté. Il était recouvert d'une affreuse peinture noire, écaillée par endroits et laissant voir les armatures de son béton. Il devait être quand même solide puisque, après le 8 novembre 1942, les convois américains l'ont emprunté à toute allure et sans incident. Tel quel, c'était pour nous un lieu que nous fréquentions beaucoup car cet endroit de la rivière comptait pour les enfants nombre de choses intéressantes que les adultes ne savaient voir. Il est vrai qu'à l'époque il en fallait peu pour nous amuser !

Pour traverser l'oued Outar, en amont du village, on construit un pont.

Deux cents mètres plus haut en venant de Dupleix, se situait l'embranchement où s'amorçait la descente vers le village de la mine de Breira.

Autre lieu mythique où, par tradition, se réunissaient tous ceux qui venaient accueillir ou accompagner les voyageurs et amis qui étaient venus les voir ou s'en retournaient chez eux. Tous les jours s'y arrêtait alternativement le car bleu ou le car jaune pour déverser sa cargaison de passagers, bagages et colis divers.

La guerre, faute de carburant, avait perturbé la pratique.

tous ceux qui venaient accueillir ou accompagner les voyageurs

A la sortie du village, à environ 2 kms en allant vers Ténès, fut construit le Pont du Caïd sur l'oued Mentrache.

A la sortie ouest du village, dans la première courbe, juste un peu plus bas de chez Mme Camp, disons à hauteur du marché, une borne kilométrique portait sur sa face est MOSTAGANEM 160 km et sur sa face ouest ALGER 160 km.

Le pont du Caïd sur l'oued Mentrache
Le pont du Caïd sur l'oued Mentrache

Environ 2 km plus loin, fut construit le Pont du Caïd sur l'oued Mentrache.

C'était aussi un but de promenade. A pied, ou à bicylette, et souvent, l'été, les jeunes du village, s'y rendaient le soir, au clair de lune.

"Ce parcours était préféré à celui qui allait vers le pont de l'oued Outar à environ, lui aussi, deux km. Peut-être pour ne pas passer devant le cimetière.

A l'entrée du pont nous faisions demi-tour. Toujours pieds nus pour sentir encore la chaleur de laroute goudronnée.

C'était là notre seule distraction, le soir au village : il n'y avait rien d'autre comme passe-temps, à part la plage durant la journée.

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Le pont du Caïd sur l'oued Mentrache
Le pont du Caïd sur l'oued Mentrache

Passé le pont, à droite, un chemin menait au Marabout d'Imma Binett.

Les sept religieuses rescapées du naufrage du Banel, en 1802, capturées par les indigènes, avaient été installées au douar des Beni Haoua, juché sur un promotoire à l'embouchure de l'oued Mentrache. Devenues leurs épouses, elles furent à l'origine d'une nouvelle tribu, les "Ouled Nounett" ("Fils des nonnes"), ce qui explique les cheveux clairs, voire blonds, et les yeux bleus de leurs descendants. (Un des serviteurs de la ferme Bortolotti était surnommé "Kada z'yeux bleus").

L'une d'entre elles, la Mère Jeanne Binett, mena une vie exemplaire, faisant beaucoup de bien à la population locale. Sa réputation avait traversé les djebels les plus reculés, et on venait la voir de très loin.

Vénérée de tous, elle devint "Imma Binett", ou "Mama Binett", et fut enterrée comme un Marabout, avec les sourates coraniques, et considérée comme tel par la population. Sa tombe fut creusée à flanc de coteau, dominant la mer, non loin donc des falaises surplombant le lieu du naufrage.

Le lieu fut alors considéré comme sacré, et les femmes musulmanes stériles vinrent la prier chaque vendredi, et en pélerinage chaque mois d'août.

En 1937, Camille Bortolotti, adjoint spécial de Francis Garnier, particulièrement respectueux des traditions musulmanes locales, fit construire une Kouba au-dessus de la tombe, qui prit l'appellation du "Marabout d'Imma Binett".

L'inauguration se fit en présence du sous-préfet, des marabouts, des membres de la Djemaa, et du caïd Mokrane, descendant d'une des "filles" de Mama Binett.

Camille Bortolotti y fit déposer l'inscription suivante, rédigée en arabe et en français :

" Ici repose Imma Binett. Avec ses compagnes, elle se trouvait à bord du Banel, allant de Toulon à la Louisiane. Elle fut épousée par une notabilité de l'endroit. A sa mort elle fut vénérée comme une sainte"

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Et une plaque commémorative porte les noms des autorités présentes ce jour-là.

Lors du séïsme de 1954, la coupole du minaret s'écroula, mais resta intacte, et Camille Bortolotti la fit remettre en état en 1958.

la coupole du minaret s'écroula

En 1980, un nouveau séisme fit encore s'écrouler la dite coupole, toujours intacte, mais, cette fois-ci, on ne sait pourquoi, elle n'a pas été restaurée, et elle git toujours au pied du marabout.

Mais je reviens à notre village qui prend forme.

Ma tante Solange, fille de Camille Bortolotti, née en août 1918, raconte :

"Trottoirs bordés de pierres taillées, bornes fontaines métalliques où l'eau potable était acheminée par des canalisations dont la source se situait à 7 kms... Chacun construisait sa maison autour de la place centrale où s'élevaient l'ensemble école-mairie-poste... Palmiers, ficus, bougainvilliers furent plantés...

En 1925, les habitants ont voulu une église. Chacun a donné qui des matériaux, qui de son temps, qui de son argent, qui de son travail. Je me souviens du va-et-vient des manoeuvres et des maçons, ( MM Boutin, Plumet, Albino, Bottot...)


Entrée du village - route de Ténès.
Entrée du village - route de Ténès.
 
Mairie, poste
Mairie, poste


Une chapelle est construite, avec un petit clocher et une petite pièce servant de sacristie. Les dons arrivent : chaises, bancs, deux petits vitraux, deux prie-Dieu en velours rouge pour les mariages, un harmonium qui faisait "couic" à un stade du trajet d'une pédale, des statues...Un petit "Sacré-Coeur" au-dessus de la croix de l'autel, aux yeux brillants et le manteau cramoisi, qui donnait bien des distractions aux petits assis sur les bancs, devant... Une grande Sainte-vierge au doux visage et au grand manteau bleu, un énorme Saint-Michel tout blanc, sortant son épée pour terrasser le démon, (don des pêcheurs de la Marsa), en face duquel une petite Sainte-Thérèse, un Saint-Joseph, et un Saint-Antoine- de- Padou, encore plus petits sur leurs socles.

Le curé BRINGUES, prêtre très bon et très dévoué a apporté l'essentiel des autres paroisses qu'il desservait déjà : Novi, Gouraya, Villebourg, Dupleix, cinq villages sur une distance de 60 kms environ. Il parcourait ces distances au volant d'une vieille "bébé Peugeot" brinquebalante qu'il avait bien du mal à conduire sur une route plus que sinueuse et bien souvent mal empierrée....


Le jour de l'inauguration, et de la consécration au Sacré Coeur de jésus, des fidèles des cinq paroisses environnantes furent présents, ainsi que ceux de Beni Akil et des Mines de Breira. Venant de Cherchel, Mlle Vaquès, directrice de ce qu'on appelait "l'école libre" avait composé le "compliment" qu'un enfant devait réciter.

C'est moi qui a été désignée, et, habillée de blanc, un noeud de ruban dans les cheveux, j'ai dû m'avancer au devant du cortège.

C'est amusant, du fond de ma mémoire, les mots surgisssent. Cela commençait par :

" Monseigneur, je viens d'avoir 7 ans, ma raison n'est pas bien grande, mais mon coeur est déjà grand. En voyant cette foule, je raisonne et me dis :
- Monseigneur de Constantine, venu de si loin pour nous faire cette sainte faveur, quel honneur, quelle joie !..."
Il s'agissait de Monseigneur TIenard, évêque de Constantine, qui remplaçait l'archevêque d'Alger, retenu par ailleurs....
La messe de consécration fut suivie avec émotion par ces gens qui avaient tout quitté pour ce morceau de terre qu'ils croyaient leur à jamais.

Notre cher curé Bringues restait toujours calme, et d'une étonnante douceur. Les arabes le respectaient, même Hadj Koudou, muslman sectaire et imbu de ses prérogatives, puisqu'il était allé à la Mecque, et avait fait la guerre avec la France à "madame Gascar", comme il aimait l'expliquer. Et, comme il n'y avait pas l'eau courante, à cette époque, il consentait à porter mon bidon d'eau et mes fleurs jusqu'à l'église, lorsque j'allais aider à la préparation des cérémonies.

Plus tard, il a fallu faire des réparations. Les fonds étant inexistants, habitants et "estivants" (qui avaient acheté des lots pour y passer leurs vacances), se sont consultés pour trouver une solution. Il fut décidé de faire une fête dont le produit servirait à la restauration de l'église., Dans la cave de la ferme de mes parents, des charpentiers et décorateurs improvisés ont confectionné une scène avec des madriers. Et le 15 août 1949, les enfants ont chanté, les plus grands ont déclamé, dansé, joué la comédie. Un bal a réuni la population des environs. Le rapport a été presque suffisant pour régler les factures. Pour trouver le complément, la "troupe" est partie en camionnette pour donner un spectacle à Ténès, vendant les photos à l'entracte, éprouvant autant de plaisir, je crois, que les spectateurs.

Et l'année suivante, une autre fête a été donnée pour assumer des réparations au Marabout d'Imma Binette.

C'était cela, le Francis de ma jeunesse : le bonheur d'être joyeux ensemble, et de ne laiser jamais personne solitaire."

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Trois Bonnes sous le même bonnet" (
Fête août 1949
"Trois Bonnes sous le même bonnet" (Monique Visignol et Geneviève Bortolotti)

Bien avant cette période, nos aînés, qui excellaient dans l'art de la fête, et aimaient particulièrement monter des spectacles, avaient organisé d'autres
journées récréatives.
En témoignent ces photos datées de 1936 : Comme chaque fois, la représentation avait eu lieu dans la Cave de la Ferme de mes grand-parents, décorée et aménagée pour la circonstance.

LA POUDRE AUX YEUX (Labiche.)
LA POUDRE AUX YEUX (Labiche.)

" DANSE MADRILENE" (Solange Bortolotti et René Lecoq)
" DANSE MADRILENE" (Solange Bortolotti et René Lecoq)

" LA FETE VILLAGEOISE" Avec tous les petits enfants du village
" LA FETE VILLAGEOISE" Avec tous les petits enfants du village