Alger, Algérie : documents algériens
Série monographies : Sahara
Le M'Zab - Partie 1 voir
partie 2
16 pages - n° 16 - 30 août 1955
Texte traité à l'OCR, non corrigé

Fruit de circonstances religieuses, le M'ZAB se présente comme une nation théocratique. Pour éviter le libre examen où n'aurait pas manqué de conduire le rejet de toute espèce de sacerdoce, les mozabites ont confié dès les origines, à des assemblées religieuses, les Djemaàs de Mosquée présidés par un Chikh, le soin d'édicter des règles absolues tant civiles que religieuses. Les règles qui constituent la charte même de l'ibadisme mozabite ont, été réunies au XVIIè siècle en une immense codification, le " Nil ", par un savant théologien de l'ibadisme. Cette codification n'a pas arrêté la création de la législaltion et du droit ibadite qui se continue de nos jours malgré l'influence française et les progrès du modernisme.

mise sur site en août 2005...déplacé ici en avril 2012

90 Ko
retour
 
Le M'ZAB (Guide vert Michelin, 1956)
Le M'ZAB (Guide vert Michelin, 1956)

GEOGRAPHIE PHYSIQUE

-----------La région saharienne occupée au XI° siècle de notre ère par des réfugiés de la secte ibadite qui devaient former la confédération des Béni-M'zab, est essentiellement composée de la " Chebka " (filet) du M'ZAB, plateau secondaire de l'étage crétacé formé par les calcaires durs du Turonien, profondément raviné par l'érosion fluviale pendant la période humide qui marqua le début du quaternaire. Le plateau comporte lui-même des subdivisions d'aspect physique notablement différent. Dans la partie Nord surtout et sur la périphérie des séries de buttes témoins de faible hauteur et à toit plat appartenant à la formation géologique du cénonien sont les vestiges du niveau primitif du sol. Dans la partie Sud au contraire les étendues planes dominent, coupées seulement par les vallées très encaissées des grands oueds : Oued M'Zab, Oued Metlili, Oued Sebseb, coulant en direction générale Ouest-Est.
-----------L'ensemble offre néanmoins une unité remarquable d'aspect physique, de conformation géologique et de climat qui fait de la Chebka une région naturelle distincte.
-----------Situation. - Superficie.
-----------L'annexe de GHARDAIA est située entre 33° et 31° 15' de latitude Nord - 2° 30' et 5° de longitude Est.
La superficie de l'Annexe de GHARDAIA qui couvre l'ensemble du pays appelé M'ZAB est de 2.750.000 hectares. Cette superficie comprend non seulement la Chebka mais les parcours sahariens avoisinants d'aspect plat ou faiblement ondulé qui s'inclinent à l'Est vers la dépression d'OUARGLA, à l'Ouest vers le Grand Erg Occidental.
-----------La ville de GHARDAIA, chef-lieu administratif, sur l'Oued M'Zab, occupe une position centrale dans la moitié Nord et au coeur de ta Chebka. Elle est distante d'ALGER de 630 kilomètres et située à peu près sur le méridien de: la capitale algérienne.
-----------Géologie. - Orographie.
-----------Les terrains sont calcaires. Leur structure à peu près horizontale indique qu'ils sont restés en place, à l'écart des mouvement orogéniques, depuis leur formation.
-----------L'altitude moyenne est de 500 mètres (GHARDAIA : 526 mètres).
-----------Les vallées les plus profondes bordées de falaises rocheuses aux pentes rapides accusent une déclivité qui dépasse rarement 100 mètres par rapport au plateau.
-----------Le M'ZAB est donc dans l'ensemble une région plate mais où l'érosion fluviale, jointe à l'action du climat désertique, a créé une multitude d'accidents superficiels qui rendent les communications des plus malaisées.
-----------Climat. - Pluviométrie. - Hydrographie.
-----------Le M'ZAB doit à sa situation d'appartenir tout entier au climat désertique. Mais la Chebka est plus encore "un désert dans le désert ". Le plateau rocheux, perméable, buriné par l'érosion éolienne, dépourvu de cuvettes d'accumulation, ne porte ni terres ni eau. Epine dorsale du Sahara, il dirige le produit de ses faibles précipitations à l'Est et à l'Ouest hors de la portée de ses habitants par des oueds médiocres de type purement saharien : Oued M'Zab, Oued Metlili, Oued Sebseb, Oued N'Sa. A l'extrémité Nord-Est cependant, l'Oued Zegrir, descendu de la région des Dayas (Annexe de LAGHOUAT) a des crues plus fréquentes et crée une situation favorisée à l'Oasis de GUERRARA.
-----------La hauteur moyenne des précipitations atmosphériques, mesurée à GHARDAIA, est de 67 m/m seulement.
-----------Elles tombent essentiellement sous forme de pluies d'orage à l'automne et au printemps. Certaines années sont à peu près sèches (39 m/m en 1944), d'autres exceptionnnellement pluvieuses (109 m/m en 1951).
-----------Etant donné la basse latitude et l'altitude modérée, la température est très élevée en été (maximum absolu à GHARDAIA : 50°), modérément fraîche en hiver (minimum absolu : moins 1° à GHARDAIA). Les gelées sont rares et de faible importance. En hiver comme en été, la variation diurne de température est importante, étant donné la sécheresse parfaite de l'atmosphère. Pour la même raison, la luminosité est intense.
-----------Des vents de sable venant du Sud-Ouest accentuent périodiquement la sécheresse du climat. Ils sont particulièrement fréquents et violents à la fin de l'hiver et au début du printemps.
-----------Végétation.
-----------Dans la Chebka, le paysage est désolant et la végétation spontanée, toujours très rare, ne se rencontre qu'en bordure des oueds. Les espèces qui reverdissent après chaque pluie sont des herbacées et des arbustes (Rtem, Jujubier) appartenant tous à la flore saharienne.
-----------Cette maigre végétation ne peut être utilisée que pour le paccage des camelins, des caprins et d'assez rares ovins.
-----------En dehors de la Chebka, la végétation est plus abondante et permet aux ovins des régions présahariennes de séjourner en grand nombre sur les pâturages pendant l'hiver et le printemps.
-----------Mais, même dans ces régions moins défavorisées, l'arbre demeure une exception remarquable et la flore ne comporte pas d'espèces plus développées que le jujubier.
-----------Quelques Betoum (pistachier sauvage) se rencontrent dans le lit des oueds les plus humides (Oued N'Sa).

GEOGRAPHIE HUMAINE

-----------Histoire du peuplement.
-----------La seule volonté humaine est responsable du peuplement d'une région déshéritée qui eut dû normalement demeurer un désert parcouru par de rares nomades.
-----------A la suite de quelles circonstances, vers l'an 1000, les, débris d'un peuple persécuté sont-ils venus chercher dans la désolation de la Chebka un ultime refuge ?
-----------II convient de le rappeler brièvement.
-----------Avec le quatrième Calife orthodoxe, ALI, dont le trône est menacé par un compétiteur, MOAOUIA, gouverneur de SYRIE, riait l'hérésie kharedjite dont les ibadites du M'ZAB seront, avec quelques autres groupes de musulmans peu nombreux dispersés de l'île de DJERBA à ZANZIBAR, les derniers tenants.
-----------ALI ayant en effet accepté, en vue d'éviter l'effusion de sang, un arbitrage entre lui et son adversaire, une partie de son armée se révolte contre cette acceptation au nom de l'orthodoxie et de la loi coranique.
-----------ALI extermine les révoltés, puis est lui-même assass. né par l'un des survivants qui s'écrie en lui portant le coup de sabre fatal : " C'est Allah qui est juge et non pas toi ".
-----------Cette petite phrase résume la position et la doctrine de ceux qui sont sortis de la religion (aux dires d'ALI qui les a affublés du qualificatif infâmant de Kharedjites (du verbe arabe " Kharàdjà " : sortir).
-----------Les Kharedjites, eux, prétendent au contraire être demeurés seuls dans l'orthodoxie et s'en tenant à l'autorité absolue du Coran qui, disent-ils, condamne l'arbitrage.
ALI, en acceptant l'arbitrage, a enfreint la Loi. Il est donc devenu hérétique et tous ceux qui l'ont suivi avec lui. Il a jugé à la place d'ALLAH dont le Coran est la parole incréée.
Dès la naissance du Schisme, les Kharedjites se groupèrent derrière l'un d'eux, le Chef ABDALLAH ben OUAHAB qui a donné son nom à la secte : celle des OUAHABITES.
-----------Les Ouahabites subiront, de la part des orthodoxes, une longue série de persécutions mais, se réorganisant après chaque épreuve au moyen de Sociétés secrètes, ils les surmonteront toutes et iront porter d'Orient au Moghreb le flambeau du Ouahbisme, prêchant et convertissant les populations rencontrées.
-----------Au milieu du Vlll' siècle en effet arrivent en Berbérie ABDERRAHMANE Mohammed Roustem et quelques compagnons. Ils profitent du trouble et de la misère provoqués par les premières invasions arabes pour ramener à eux les populations locales qui se placent sous leur protection.
-----------Leur action s'étend de la Tripolitaine au Maroc ; l'Ouahbisme çofrite s'adjugeant le Maroc et le Sud Oranais, tandis que l'Ouahbisme ibadite se répand du Djebel Nef oussa, au Sud de Tripoli, au Chéliff.
-----------ABDERRAHMANE Ibn Roustem fonde TIARET, qui devient bientôt la riche et prospère capitale d'un important royaume, car la vertu et l'habileté de l'Iman font merveille et lui rallient nombre de tribus.
-----------A sa mort, en 765, une dynastie, celle des Rostémides, est constituée, qui durera plus c('un siècle. Mais le royaume va sans cesse s'affaiblissant sous l'effet des dissensions internes jusqu'au moment où le Fatimide ABOU-ABDALLAH Ech-Chii lui porte le coup de grâce. Ce dernier prend TIARET en 909, massacre les derniers princes Rostemides et la plus grande partie des ibadites de la ville.
-----------Les survivants fuient la capitale incendiée à la recherche d'un lieu exil.
-----------Ils errent par petits groupes au milieu d'un pays entièrement hostile, puis trouvent finalement un refuge dans l'Oued Mya (OUARGLA), où ils s'établissent.
-----------Ils fondent SEDRATA (voir article), à quelques kilomètres d'OUARGLA.
-----------Grâce à leur activité, la ville devient rapidement prospère, s'agrandit et s'embellit. Mais le refuge n'apparaît pas à tous suffisamment sûr.
-----------Avant même que la menace de destruction qui pèse sur la ville ne soit précisée, les ibadites prudents recherchent un autre asile et jettent enfin leur dévolu sur l'Oued M'ZAB qui ne contient que de rares campements.
-----------Une première cité est fondée en 1017: EL-ATTEUF.
-----------L'entreprise réussit et attire une population toujours plus nombreuse. SEDRATA se vide peu à peu avant que d'être prise et détruite par les Malékites d'ONARGLA, jaloux de la fortune de leurs voisins. Puis, BOU-NOURA, MELIKA, GHARDAIA, sont successivement fondées.
-----------De toutes parts, les ibadites persécutés, las de la vie errante et du secret, viennent se fixer au M'ZAB. La communauté ainsi créée bâtit, défriche et se donne des lois. Elle connaîtra, depuis les origines jusqu'au moment de l'arrivée des Français, un développement lent mais continu, révélé par la création de BENI-ISGUEN au XIV' siècle et de BERRIAN et GUERRARA au XVII" siècle.
-----------De plus, des fractions arabes .de plus en plus nombreuses viendront, au cours de l'Histoire, s'agréger aux villes ibadites.
-----------Densité et répartition de la population.
-----------L'Annexe de GHARDAIA compte une population totale de 48.080 habitants. Cette population composite comprend à la fois des Européens (164), des Mozabites sédentaires d'origine berbère et de rite ibadite, des musulmans sédentaires ou semi-nomades de rite malékite (Arabes agrégés des villes mozabites : Medabih, rattachés à la tribu de GHARDAIA Attatcha rattachés à la tribu de GUERRARA ; Oulad Yahia et Debadba, rattachés à la tribu de BERRIAN) et des semi-nomades ou de grands nomades ; les Chaambas Berezga, dont le berceau et l'installation sédentaire est située à METLILI.
-----------La population mozabite a construit, à partir du XI" siècle de notre ère, les cinq villes de la Pentapole, toutes situées sur le cours de l'Oued M'ZAB.
-----------Ces ksours sont très proches les uns des autres. Il y à peine 20 kilomètres de distance de la palmeraie d'EL ATTEUR à celle de GHARDAIA, les deux oasis extrêmes.
-----------GHARDAIA, capitale commerçante, dépasse de beaucoup en importance toutes les autres cités avec 14.046 habitants.
-----------Mais l'étroitesse de la vallée de l'Oued M'ZAB, la faible quantité d'eau de crue disponible, devront entraîner avec le temps la dispersion des habitants.
-----------Au XVII' siècle, se fondent BERRIAN à 47 km. au Nord de GHARDAIA, puis GUERRARA à 100 km. au Nord-Est. Aujourd'hui, ces deux villes, qui jouissent de conditions matérielles plus favorables, sont parmi les plus prospères du M'ZAB.
-----------La population Chaamba, centrée à METLILI, petit ksar fondé vers le X` siècle, à 35 km. au Sud de GHARDAIA, sur l'oued du même nom, se répartit en trois tribus : l'une sédentaire au ksar de METLILI et dans la palmeraie voisine : 3.925 hab. ; deux autres nomades : les OULAD ALLOUCHE : 2.329 hab., les OULAD ABDELKADER : 3.774 habitants.
-----------Une communauté juive forte de 1.555 personnes, établie à GHARDAIA, s'ajoute aux populations mozabites et arabes. BERRIAN et GUERRARA comptent aussi quelques familles israélites.

LES VILLES DU M'ZAB

-----------Ghardaïa.(voir article)
-----------Fondée en 1048 sur la rive droite de l'Oued M'ZAB et en amont des quatre autres centres de la Pentapole par deux frères SLIMANE et MOHAMMED ben Yahia, cette ville devint rapidement la capitale commerciale du M'ZAB.
-----------Elle compte aujourd'hui 14.046 habitants dont 8.024 ibadites et 6.022 malékites. Ces derniers, qui ne forment pas une population homogène, se répartissent en arabes dits " Agrégés ", tous sédentaires, et Medabih originaires du Djebel Amour qui sont sédentaires ou semi-nomades.
-----------La Mosquée et son minaret en forme de tronc de pyramide très allongé, domine toute la cité. Celle-ci, située sur les flancs d'une éminence conique au milieu de l'oued M'Zab, développe l'étagement de ses maisons en un panorama qui ne manque ni d'originalité, ni de grandeur.
-----------La palmeraie de GHARDAIA, située à deux kilomètres en amont de la ville, est de beaucoup la plus florissante de la Pentapole, avec quelque 60.000 palmiers.
-----------C'est, de plus, une véritable ville d'été par le nombre de maisons de campagne qui s'y trouvent. Ces villas de plaisance sont occupées durant toute la saison chaude par les familles entières venues chercher l'isolement et quelque fraîcheur. -
-----------Mais la vie y continue comme en ville, dans les chapelles qui tiennent lieu de mosquée, dans les écoles coraniques, chez les artisans et commerçants qui font la saison.
-----------Bou-Noura.
-----------Fondée en 1046 par une fraction des Béni-Mthar d'OUARGLA encouragée par le succès de la jeune ville d'ELATTEUF.
-----------Vers 1750, une fraction de MELIKA expulsée, les Oulad Abdallah, fut accueillie à BOU-NOURA par les Béni-Mathar qui, après les avoir laissé construire des maisons, les chassèrent à leur tour. Ils se réfugièrent à EL-ATTEUF. -----------Mais les autres ksours vinrent attaquer BOU-NOURA et la détruisirent de fond en comble.
-----------Le ksar qui existe aujourd'hui fut rebâti au-dessous du premier par les survivants des, Oulad Abdallah. BOU-NOURA compte aujourd'hui 1.753 habitants.
-----------Son oasis, limitée à quelques milliers de palmiers, est d'une importance tout à fait négligeable. BOU-NOURA est, comme les autres ksours de la Pentapole, dans la dépendance économique de GHARDAIA dont elle n'est distante que de 3 kilomètres.
-----------Beni-Isguen.
-----------Fondée en 1347 au confluent de l'oued N'TISSA et de l'oued M'ZAB, elle ne fut d'abord qu'un petit village grossi au XVI° siècle d'éléments émigrés de GHARDAIA.
-----------C'est aujourd'hui, après GHARDAIA, la ville la plus importante de la Pentalope avec 4.293 âmes.
-----------Ville sainte du M'ZAB, foyer intellectuel de l'Ibadisme, BENI-ISGUEN occupe une position toute particulière dans la sentimentalité mozabite. Sa rigoureuse propreté, la belle ordonnance de ses rues et de ses maisons, ses remparts intacts attirent l'attention. C'est une ville antique prolongée jusqu'au 200 siècle et toujours jalousement préservée des contacts étrangers.
-----------La palmeraie s'étend le long de l'oued N'TISSA sur 3 kilomètres. Elle compte quelque 25.000 palmiers.
-----------BENI-ISGUEN a perdu son ancienne importance commerciale au profit de GHARDAIA située à 2 km. seule-ment. Elle possède cependant un marché aux enchères quotidien très couru qui est une sorte de bourse de l'artisanat.
-----------EI-Atteuf.
-----------La plus ancienne ville du M'ZAB, fondée en 1012 de l'ère chrétienne par une fraction d'ibadites venus de l'oued Dya.
-----------Située à l'extrémité aval de la Pentapole et détachée par rapport aux autres ksours, EL-ATTEUF est aujourd'hui une cité peu florissante en raison de sa situation géographique (1.720 habitants). Les 15.000 palmiers de l'oasis sont dispersés le long de l'oued M'ZAB.
-----------Melika.
-----------Petite cité guerrière qui domine la vallée de l'oued M'ZAB. Elle fit alliance avec les Chaamba Berezga de METLILI, qu'elle conquit à l'influence mozabite après avoir procédé à un échange de population.
-----------Sa palmeraie est à peu près inexistante, mais les habitants de MELIKA possèdent à METLILI de très nombreux jardins.
-----------Sa population, forte de 2.829 habitants, comprend une fraction arabe originaire de METLILI.
-----------Berrian.
-----------Fondée en 1101 de l'hégire (1690) sur l'oued Bir, affluent de l'oued N'SA, à 45 km. au Nord de GHARDAIA, par deux fractions chassées de cette dernière ville. La population de 4.759 âmes comprend une minorité arabe composée d'Oulad Yahia, tribu maraboutique venue des Zibans.
-----------L'oasis de BERRIAN est florissante avec 45.000 palmers. L'eau est assez peu abondante, mais la terre est très fertile et les jardins sont bien entretenus.
-----------La ville est un centre commercial important en voie de développement rapide grâce à sa position sur la grande route GHARDAIA-ALGER et aux échanges occasionnés par la proximité immédiate du pays du mouton.

-----------Guerrara.
-----------Fondée en 1631 par les Oulad Makha, qui habitaient auparavant Ghardaïa et Melika, elle est la plus excentrique des villes du M'ZAB, à 100 km. de GHARDAIA.
-----------Cette cité, très considérable pour le désert (7.719 habitants) se trouve sur le passage des caravanes parcourant le Sahara d'Est en Ouest et du Nord au Sud.
-----------Une partie de la population (fractions des Attatcha, Draisse et Oulad Abdallah) est arabe. Ces nomades furent appelés au XVIIIe siècle par les Mozabites de la ville pour renforcer dans leur lutte les çoffs opposés.
-----------Le marché quotidien, qui a lieu l'après-midi, est très fréquenté par les Larbaa, les Oulad Nail et les nomades de TOUGGOURT et de BISKRA.
-----------L'oasis (45.000 palmiers) installée au fond d'une daia contre les dernières maisons de la ville, est presque luxuriante en temps ordinaire. L'Oued Zegrir, qui vient de la région des daias, la submerge de ses eaux à intervalles irréguliers..
-----------La crue détournée et retenue par des ouvrages hydrauliques fort ingénieux, peut séjourner plusieurs mois avant de s'infiltrer.
-----------GUERRARA, deuxième ville du M'ZAB, est la capitale du mouvement moderniste mozabite qui a vu le jour dans ses murs.

-----------Metlili-des-Chaamba.
-----------Ce petit ksar, accolé à une vaste palmeraie, est le berceau des Chaamba et, en même temps, fait partie intégrante du M'ZAB, à la vie économique duquel il participe étroitement. La population de 3.925 âmes est dispersée dans l'oasis qui compte 50.000 palmiers.
-----------METLILI, à 35 km. seulement de GHARDAIA, ne possède pas de marché. Chaque vendredi et par centaines, ses habitants se rendent au a Souk " de GHARDAIA, où ils retrouvent à la fois les Chaambas nomades et leurs anciens alliés, les Mozabites de MELIKA.

RACES

-----------Malgré les mélanges de race entre berbères mozabites, arabes et noirs, au long d'une histoire millénaire, la conformation physique permet dans la plupart des cas de déterminer l'appartenance raciale des individus.
-----------Le Mozabite de taille moyenne, à large face et forte charpente, est un brachycéphale dont les caractères physiques, à rapprocher d~ la race berbère, ont été accentués par le genre de vie et probablement par la consanguinité. Ses jambes courtes et arquées, sa démarche lourde et son embonpoint, indiquent nettement qu'il s'agit là d'un sédentaire de vieille souche, étranger à certains efforts physiques de la vie nomade. Les femmes sont sur le même type plantureux.
-----------Le Chaambi, dont le sang arabe est indéniable, contraste par sa sveltesse, ses membres longs, son allure élancée, avec le précédent, il est façonné par les longues courses à pied, la vie sobre et active du désert. Sa peau est basanée par le soleil, alors que le teint du Mozabite est généralement blafard.
-----------Les Juifs, habillés à la mode indigène, aux moeurs bibliques pour la plupart, se distinguent plus des précédents par leur religion et leurs moeurs que par l'aspect physique. Ce sont généralement des hommes d'assez haute taille, au teint clair et au visage allongé. Leurs femmes, vêtues de longues robes multicolores, au visage orné de lourdes boucles d'oreilles, accuseraient davantage le type sémite. -----------Mais il y a fort à penser qu'il s'agit là d'une population berbère de la Tripolitaine convertie au Judaïsme à une très haute époque aussi bien que d'Israélites proprement dits.

LANGUES

-----------L'ensemble de ces populations parle l'arabe, langue du commerce, des affaires et des actes civils. Mais la population mozabite de souche berbère continue de faire un très large usage de son dialecte importé de TIARET et qui se rattache étroitement aux dialectes kabyles. De nombreuses femmes mozabites, pour ne pas dire la plupart, ne connaissent que cette langue
-----------Les Chaamba ne parlent que l'arabe.
-----------L'hébreu est utilisé par les israélites dans les actes civils et religieux, peu, semble-t-il, dans Id. vie courante.

RELIGIONS

-----------C'est surtout par une religion particulière que se distinguent les mozabites. Le rite ibadite auxquels ils appartiennent est caractérisé en premier lieu par une intransigeance doctrinale qui est en opposition avec l'Islam orthodoxe. L'ibadisme rejette ces " arrangements avec le ciel " que souvent les hommes font dans la pratique pour tempérer une religion trop sévê e. Pour l'ibadite, tout homme religieux, s'il veut être digne de ce nom et gagner le ciel, doit observer non seulement l'esprit, mais la lettre du texte sacré, le Coran, que l'Ange Gabriel a transmis au Prophète et qui est la parole même de Dieu.
-----------ALI, Calife légitime, a trahi la véritable foi islamique en acceptant un arbitrage, arrangement humain, avec le révolté, l'usurpateur MOAOUIA.
-----------Les musulmans orthodoxes trahissent la religion musulmane lorsqu'ils se groupent en confrérie, lorsqu'ils soumettent leurs actes à l'autorité d'un humain. Dieu est un, il s'adresse directement à chaque fidèle qui ne doit entrer en communication avec lui que par l'intermédiaire du Coran incréé.
-----------Le Coran est le Livre de la vie toute entière. Aucun Hadith ne saurait en détruire, amende ou étendre les préceptes ; aucun homme ne saurait valablement édicter de nouvelles règles religieuses. L'intervention de l'homme n'est justifiée que dans la mesure où celui-ci, tirant les conclusions du Livre Saint, s'occupe de définir les règles pratiques de la vie religieuse.
-----------Cette intransigeance aboutit à une sorte de protestcntisme musulman où l'absence d'intermédiaire entre Dieu et l'homme est compensée, comme dans la Genève de Calvin, par une réglementation restrictive extrêmement développée.
-----------Mais l'ibadisme n'est pas seulement un schisme austère. Demeuré à l'abri des déformations dues aux survivances des croyances animistes des races berbères qui ont fait passer dans la nouvelle religion nombre de pratiques étrangères, l'ibadisme apparaît comme un Islam. purifié, épuré, une religion à l'état natif. C'est ce qui fait sans doute, avec la pureté de la foi, le charme puissant de ce rite hétérodoxe, son cachet particulier.
-----------Fruit de circonstances religieuses, le M'ZAB se présente comme une nation théocratique. Pour éviter le libre examen où n'aurait pas manqué de conduire le rejet de toute espèce de sacerdoce, les mozabites ont confié dès les origines, à des assemblées religieuses, les Djemaàs de Mosquée présidés par un Chikh, le soin d'édicter des règles absolues tant civiles que religieuses. Les règles qui constituent la charte même de l'ibadisme mozabite ont, été réunies au XVII' siècle en une immense codification, le " Nil ", par un savant théologien de l'ibadisme. Cette codification n'a pas arrêté la création de la législaltion et du droit ibadite qui se continue de nos jours malgré l'influence française et les progrès du modernisme.
-----------Les Chaambas se rattachent au rite orthodoxe malékite. Leur piété stimulée par le contact de leurs voisins est généralement très vive, mais les pratiques de sorcellerie, étrangères à l'Islam, se sont perpétuées jusqu'à nos jours au sein de ce milieu très fruste, vivant à l'écart des courants de civilisation.
-----------Par ailleurs, comme tous les Moghrebins, les Chaamba ont toujours été sensibles à l'action des hommes pieux, des santons locaux ou régionaux, créateurs de confréries. C'est au XVI` siècle que Sidi CHIKH, qui passa une partie de sa vie à METLILI, fit rentrer un grand nombre de Chaamba dans les observances de sa doctrine.
Aujourd'hui encore, la confrérie des Oulad Sidi Chikh délègue à METLILI des Moqqadem qui, dans une petite Zaouia, entretiennent le culte du grand marabout et diffusent les voies de sa croyance.
-----------Les Juifs possèdent à GHARDAIA une synagogue qui contient de très anciens manuscrits de la Bible. Venus de l'île de Djerba au XII` siècle à l'instigation des ibadites de GHARDAIA, ils se sont maintenus, malgré le mépris général des musulmans, dans la religion austère qui est la leur. Le contact des mozabites a fait que chez aussi les prescriptions religieuses sont observées avec le plus grand soin. Plusieurs Rabbins desservent la communauté.

HABITAT

-----------La maison mozabite.
-----------Les fuyards de TIARET ont développé au M'ZAB les restes d'une civilisation urbaine très étendue sur laquelle nous n'avons que des renseignements insuffisants. En effet, il ne subsiste rien de l'ancienne capitale entièrement détruite par les orthodoxes. A SEDRATA, premier point de fixation des ibadites au Sahara, des ruines importantes recouvertes de sable ont été étudiées par des archéologues.
-----------Des vestiges de palais, de nombreuses décodations de stuc refouillées en arabesques y trahissent une opulence qu'on ne retrouve pas au M'ZAB. Sans aucun doute l'existence saharienne a amené un appauvrissement lent mais inexorable de la société prospère de TIARET. Des richesses peu à peu consommées ou échangées pour vivre par les persécutés, il ne devait plus rester grand chose du XI' siècle lorsque les premiers ibadites s'installèrent dans la Chebka.
-----------Par contre, le sentiment de la civilisation urbaine n'avait pas péri. Avant de construire un ksar, l'enceinte était soigneusement tracée, l'emplacement de la mosquée réservé, les ruelles tracées au mieux des nécessités combinées de la circulation et de la dépense. Soutenus par une foi ardente, les ibadites mirent au M'ZAB leur talent de bâtisseurs au service de leur nouveau destin.

-----------Et visiblement, l'habitat mozabite, tel que nous le révèlent les cités d'aujourd'hui, se distingue par une science architecturale qui contraste avec les modestes et rudimentaires habitations des autres régions sahariennes.
-----------La maison mozabite est une construction de base, carrée ou légèrement rectangulaire comportant généralement un étage.
-----------Les murs extérieurs, aveugles la plupart du temps pour préserver le secret de la vie familiale, portent parfois d'étroites fenêtres masquées par des balcons de bois ou de stuc découpé. La porte massive, ouverte par une grosse clef de fer ou un peigne de bois piqué de clous, est surmontée d'un arc de décharge. Un couloir d'accès au dessin contrarié, toujours afin d'éviter les indiscrétions des passants, conduit à un patio carré, entouré de petites chambres longues et étroites, servant aux travaux féminins (artisanat), à la cuisine, au stockage des vivres et du matériel, à la sieste de l'été, car lorsqu'il n'existe pas de cave, c'est ici le lieu le plus frais de la maison. Quatre piliers plus larges à la base qu'au sommet supportent le toit du patio qui est c'ou.'ert sur sa plus grande partie. Au centre, une ouverture carrée de 2 mètres de côté environ et souvent couverte d'une grille, permet à l'air et au jour de pénétrer, à la fumée des kanouns de s'échapper.
-

----------Au premier étage, les chambres aveugles sont toujours situées sur le pourtour, mais elles reçoivent de l'intérieur, par les arcs d'une galerie, une lumière plus généreuse que l'étage inférieur. Cette galerie, à arcades mauresques, en anse de panier, ou tout simplement en plein cintre, n'occupe que deux côtés à angle droit de la maison.
-----------L'exposition est calculée de telle sorte que les chambres qu'elle dessert présentent, hiver comme été, les meilleures conditions d'habitation. Les deux autres côtés du premier étage forment une terrasse souvent entourée de murs où les femmes, l'hiver, viennent prendre le soleil, où l'on dort volontiers durant les nuits torrides de l'été saharien.
-----------Du premier étage, on accède souvent à une deuxième terrasse par un escalier intérieur. Cette terrasse est également entourée de murs assez hauts pour empêcher les voisins de voir.
-----------Les lieux d'aisance, situés dans un recoin du premier étage, possèdent une fosse d'évacuation au rez-de-chaussée. Ainsi, les odeurs désagréables sont supprimées ou tout au moins diminuées.
La disposition de la maison mozabite décrite ci-dessus se trouve répétée à des milliers d'exemplaires dans tout le M'ZAB. Juifs et arabes, influencés par leurs voisins, ont également adapté un type d'habitat qui se recommande par un confort non négligeable et une parfaite adaptation au climat brûlant de l'été et froid de l'hiver.
-----------Bien entendu, la situation de fortune du propriétaire influe très largement sur la dimension des pièces et le confort de la maison.
-----------De nombreuses habitations urbaines possèdent des caves creusées à l'explosif (autrefois à la main), à même le roc. Ces pièces souterraines souvent vastes, convenablement aérées, sont le séjour idéal durant l'été. -----------Parfois, non satisfaits d'un rez-de-chaussée et d'un étage spacieux, certains mozabites installent une deuxième galerie sur la ter-rasse, de façon à se protéger du soleil. De plus, la décoration intérieure, le nombre et les complexités des aménagements réalisés en plâtre, dans l'épaisseur du mur, témoignent du degré de science et de raffinement des maçons et propriétaires. Presque toutes les pièces, en effet, possèdent des étagères encastrées, des niches, des recoins qui ont un usage défini (poulailler, magasin à dattes, étagères pour la vaisselle, les vêtements, etc...).
-----------Certaines maisons possèdent, en outre, une pièce réservée, aux hôtes, ou bien l'ouverture du patio est remplacée par une coupole.
-----------L'habitat des villes se retrouve inchangé dans les oasis dans ses dispositions générales. Cependant, l'absence de voisinage gênant, de plus vastes étendues de terrain, permettent aux architectes autochtones plus de fantaisie, aux habitants un contact direct avec la nature.
-----------Le jardin se divise en deux parties :
-----------L'une, de beaucoup la plus vaste, est une palmeraie d'exploitation qui peut, sans danger, être offerte aux vues de l'extérieur ; l'autre, très restreinte, délimitée par un mur élevé, est le jardin d'agrément. Sous quelques palmiers rangés le long des murs, croissent des orangers, des bigaradiers ornementaux, des légumes rares. Le tout est parfumé par le jasmin qui court sur le mur au-dessus de la porte. Au fond de ce minuscule paradis végétal, au sol soigneusement balayé, une galerie à arcades en légère surélévation et de cinq à six mètres de long, est le séjour favori du, maître de maison et des enfants. C'est là aussi que les hôtes sont reçus et que se poursuivent, entre
hommes, de longues conversations dans le désoeuvrement de l'été.
-----------Cette visite rapide de la maison mozabite, qui est aussi cellé des Arabes agrégés et des Israélites de GHARDAIA, ne doit pas faire oublier le triste habitat des classes les plus pauvres. Si les dispositions générales sont alors conservées, l'exiguité des locaux n'a pas de pareille hors de ces ksours à populations entassées qui souvent mana quent d'air, d'eau et de lumière.

LA CIVILISATION URBAINE AU M'ZAB

-----------Les villes du M'ZAB représentent un capital immobilier considérable accumulé au cours des siècles. Bien qu'aucun recensement n'existe en ce domaine dans ce pays où le système d'imposition est encore la Lezma fixe, il est possible d'en évaluer la valeur à deux milliards de francs environ en tenant compte des multiples habitations d'été qui à GHARDAIA, en particulier, couvrent une bonne partie de l'oasis.
-----------Cette accumulation de maisons est concentrée pour 90% au moins sur un espace de moins de deux kilomètres carrés. 60 ha. pour GHARDAIA, 30 pour BENI-ISGUEN, 15 pour MELIKA, BOU-NOURA et EL-ATTEUF, 30 pour BERRIAN et 40 pour GUERRARA, soit au total 175 hectares de surface bâtie pour abriter une population théorique de 40.000 habitants.
-----------A l'échelle -de chaque ksar, le cadre du village est donc largement dépassé. Dans les rues étroites des villes mozabites (la plus large n'excède pas trois mètres), apparaît la complexité de l'établislsement urbain. II n'est pas rare que, de nuit, les habitués eux-mêmes s'y perdent. Passages couverts, impasses, escaliers s'enchevêtrent en un réseau inextricable. Cependant, un plan d'ensemble existe qui, malgré la diversité apparente, se retrouve dans tous les ksours.
-----------La mosquée, au centre, est le point de mire ; la plupart du temps, elle domine avec majesté la foule des maisons à qui elle semble commander. A l'écart de l'édifice religieux, dans un lieu bas, facile d'accès, se trouve la place centrale. Elle en a souvent remplacé une autre plus ancienne, abandonnée en raison du dévelolppement de la ville. Cette place si pittoresque de la ville mozabite est à la fois un marché et un forum. Marché où se rendent chaque jour les nomades de l'extérieur pour écouler leurs produits, ravitailler le ksar en bois, en beurre et en laine, faire eux-mêmes leurs emplettes chez les commerçants. Forum où les notabilités s'assemblent pour discuter grave-ment des affaires de la tribu. C'est de la place du marché, sur laquelle donne généralement la Mahakma du Caïd, que les instructions de l'autorité sont données à la population. Chaque ville était, jusqu'à l'arrivée des Français, protégée par une enceinte fortifiée flanquée de tours. Aujourd'hui, BERRIAN a totalement perdu ses fortifications - GUERRARA en conserve la majeure partie -- GHARDAIA n'a conservé des murailles que du côté de l'oasis - les autres ksours et BENI-ISGUEN en premier lieu ont des remparts intacts.

HABITAT NOMADE

-----------A côté des cités mozabites relativement opulentes et qui témoignent dans le domaine de l'habitat de science architecturale avancée, de leurs constructeurs, jointe à un goût profond pour la vie citadine, on rencontre dans les espaces désertiques entre les ksours, les tentes misérables des Chaambas. Beaucoup d'entre eux, sur le chemin de la sédentérisation, campent près des villes. Nombreux sont ceux aussi qui ont construit hors remparts des gourbis de toub ou de pierre dont l'accumulation tend à constituer de médiocres hameaux. Certaines villes du M'ZAB
GHARDAIA, BERRIAN et GUERRARA ont donc des faubourgs arabes populeux dont l'extension_ est surtout fonction de la croissance démographique.

DEVELOPPEMENT DE' L'HABITAT

-----------Si l'habitat arabe hors remparts se développe assez rapidement dans des conditions généralement peu satisfaisantes (mais la pauvreté de la population malékite ne peut permettre d'envisager mieux pour l'instant), l'habitat mozabite semble à peu près stationnaire. On répare certes, on reconstruit les maisons vétustes mais on fait peu de neuf.
-----------La raison de la carence relative des Mozabites en ce domaine, carence qui a pour conséquence une sévère crise du logement, doit être recherchée dans les moeurs des Mozabites plus que dans la conjoncture économique.
-----------Le Mozabite admet difficilement en effet de vivre à l'extérieur des remparts qui protègent la ville. C'est pour lui une sorte de déchéance que d'être rejeté hors de ces limites étroites, la perte du droit de cité. Partant de ce principe, les questions de confort, d'espace et d'air passent en dernier lieu. La richesse se confine souvent en des endroits étroits et sans lumière. Lorsque la maison est trop décrépite, on la démolit pour la reconstruire sur place en l'améliorant. Et bien entendu l'insuffisance quantitative des logements entraîne la cherté des loyers. L'exemple type de cette stagnation est BENI-ISGUEN, ville aisée s'il en est, en pays musulman. Depuis 50 ans, la ville s'est à peine étendue. Les remparts construits vers 1860 n'ont pas été forcés par la poussée des maisons. Cependant, pour parer au manque de logements, certains Mozabites tendent à faire de leurs maisons de campagne leur résidence habituelle, surtout lorsque celle-ci est peu éloignée de la ville.
-----------En définitive, le problème de l'habitat se pose au M'ZAB avec une sérieuse acuité.
-----------Le dépeuplement provoqué par l'installation de familles ibadites entières dans les villes du Nord est à peine sensible et, par ailleurs, la plupart des familles qui suivent ce mouvement étant largement aisées, se réservent la jouissance de leur maison au M'ZAB.
-----------Mais c'est surtout pour les Arabes agrégés ou sédentarisés depuis peu que se pose le problème du logement. Les villes du M'ZAB exercent une forte attraction en raison de l'abondance du travail, sur les populations d'alentour, et la croissance démographique très rapide de la population malékite ajoute ses effets à ceux de la sédentarisation.

MŒURS ET COUTUMES DU M'ZAB

-----------Les moeurs et coutumes des Mozabites se rattachent aux coutumes berbères avec cependant de larges ajouts résultant d'une religion et d'une histoire particulière.
-----------Au M'ZAB, la rigidité des principes m oraux, la valeur absolue donnée aux coutumes correspond à l'intransigeance dogmatique d'un petit peuple, car c'en est un, forgé et uni indissolublement par mille années de vie et d'exil commun. Bien que les Mozabites soient entrés très tôt dans le courant économique de la civilisation européenne, ils ont su conserver presqu'intacts jusqu'à nos jours les principes, les moeurs et coutumes de leurs ancêtres.
-----------Le fait paradoxal explique les problèmes de ce pays de la contradiction. Il explique encore les luttes politiques qui divisent aujourd'hui l'esprit des BENI-M'ZAB.
-----------Etudions quelques aspects des moeurs mozabites. Elles sont placées en vertu de la religion, sous le signe de l'austérité. L'austérité, c'est la réclusion de la femme - l'austérité, c'est l'interdiction des plaisirs coupables dont la liste est plus longue que nulle part ailleurs - l'austérité, c'est la vie simple, loin de l'agitation du monde, l'austérité c'est encore la passion du travail, de l'effort opposé complaisamment à la fainéantise, l'austérité c'est la volonté de s'en tenir à l'application de la réglementation qui règle les plus anodins des actes de la vie.

LE STATUT DE LA FEMME

-----------Il existe sans doute peu de lieux au monde où la femme soit sous une plus étroite dépendance de l'homme. -----------La femme, objet de la convoitise de ce dernier, l'est ici bien plus encore. Elle est la mère des enfants qui perpétuent la race des Béni-M'Zab, l'éducatrice du premier âge, la conservatrice du foyer et, d'une façon plus générale, la sauvegarde du M'ZAB. Elle représente la constante grâce à laquelle l'ibadisme survit. A l'interdiction première formulée dans le Coran, de montrer son visage à d'autres hommes que ceux de la famille proche, à l'obligation d'être voilée, les Mozabites, parfaitement conscients de la menace de dissolution que faisait peser sur leur race leur existence mobile de marchands en ont ajouté d'autres : l'interdiction de la coquetterie, et toutes les femmes ne portent que haïk de laine grossière - interdiction surtout de sortir du M'ZAB. Ces interdictions, formulées par les Azzabas, personnages religieux, sont sanctionnées par une peine très sévère, la " Tébria a ou excommunication, la-quelle d'ailleurs peut être appliquée aux hommes comme aux femmes. ,
-----------La femme est donc recluse, confinée - dans sa maison la plupart du temps. A partir de l'âge nubile, elle ne connaît plus, surtout si sa famille est aisée, que le paysage s'étendant autour de la terrasse.
-----------Elle ne verra plus d'autres hommes que son mari et ses frères, pas même son beau-frère. Elle n'ira pas faire ses courses chez les commerçants, ce sont les hommes qui les font. Elle n'aura d'autres amies que les femmes de sa famille et ses voisines chez qui elle pourra accéder pa les terrasses contiguës. Si vous rencontrez une femme mozabite dans la rue, ce qui n'est pas très fréquent, elle rajustera rapidement son voile de façon à ne laisser voir qu'un oeil. Souvent même, elle se tournera carrément contre le mur et attendra que vous soyez passé pour continuer son chemin.
-----------La femme mozabite ne répond pas non plus aux convocations administratives. Son mari ou son représentant masculin (Oukil) se présente à sa place. Afin de limiter au maximum les possibilités d'action indépendantes de la femme, le Mozabite la fait souvent interdire par le Cadi lorsqu'elle a des biens personnels, sous prétexte d'inexpérience et d'insuffisance mentale.
-----------Cet isolement farouche de la femme mozabite n'est diminué que durant l'été, lorsque, quittant le ksar sur-chauffé, elle se rend à l'oasis avec ses enfants. Là, sous les palmiers, à l'abri des hauts murs qui ferment le jardin, elle trouve ses seuls instants de contact direct avec la nature.
-----------Une dérogation curieuse existe par ailleurs ; lorsque l'oued coule, les femmes peuvent sortir, se rendre sur la berge et observer autant qu'elles veulent le passage des eaux. On les voit alors par grappes joyeuses assistant à l'écoulement majestueux. Cette dérogation s'explique sans doute par la rareté du phénomène et la valeur symbolique de la crue de l'oued dans l'âme mozabite. Cette crue est, en effet, le signe que le Créateur n'abandonne pas les Ibadites établis au milieu de la Chebka désertique. La femme mozabite, lorsqu'elle a soigné ses enfants et fait sa cuisine avec souvent l'aide d'une négresse - car dans bien des cas c'est une " bourgeoise " matériellement parlant - se livre volontiers à des travaux de tissage. D'où l'artisanat très prospère du M'ZAB.
-----------Si la femme adulte est " protégée " des contacts extérieurs,, la fillette est, elle aussi, isolée. Certes, elle n'est pas voilée, elle peut jouer dans la rue avec ses compagnes, mais l'Ecole Française lui demeure interdite. En 1 952, après 70 ans de présence française, alors qu'environ 2.000 garçons fréquentent les écoles primaires du M'ZAB, pas une fillette mozabite n'est inscrite à l'Ecole publique -; 4 ou 5 seulement vont à l'Ecole privée des Soeurs Blanches. Le fait ne doit cesser de demeurer à l'esprit de qui veut mesurer la force de résistance des traditions mozabites.
-----------Le mouvement moderniste qui a provoqué l'expatriation de quelques dizaines de femmes mozabites déclenchant ainsi, d'ailleurs, les foudres des Azzabas, n'est pas encore parvenu à un début de scolarisation des fillettes.
-----------L'interdiction des plaisirs coupables et de certaines affaires.
-----------La liste des actes défendus est fort longue car les interprètes ibadites du Coran ont recherché dans le texte sacré les moindres allusions leur permettant de formuler une interdiction.
-----------Les interdictions les plus notables sont :
-----------L'interdiction de la musique (moins respectée de nos jours sauf dans la ville sainte de BENI-ISGUEN). L'interdiction de fumer (celle-ci toujours respectée mais tournée en cachette par de nombreux Mozabites). ----------------------L'interdiction des parfums et du luxe général.
-----------L'interdiction des boissons alcoolisées (commune à tous les musulmans, mais ici particulièrement respectée). -----------La prohibition de la prostitution pour les femmes mozabites.
-----------La prohibition du commerce de l'argent réservé aux juifs et qui ne va pas sans gêner la vie économique d'un peuple commerçant, etc...
-----------La vie simple loin de l'agitation du monde.
-----------Lorsque le Mozabite commence à vieillir et que ses enfants devenus grands sont aptes à gérer ses affaires, il arrive fréquemment qu'il se retire de ses activités pour se retremper au sein de l'existence primitive, biblique de ses pères. Vivant dans son ksar natal au milieu d'autres barbes blanches, il se consacrera désormais à des travaux simples de jardinage ou de maçonnerie, entrecoupés des prières rituelles. C'est qu'au fond le Mozabite garde au-dedans de lui-même jusque dans la vie active où il excelle en particulier par ses qualités commerciales la nosta Igie d'une vie simple vouée en grande partie à la contemplation. II se rattache, par là, à la grande tradition de ses pères, à l'exemple en particulier de l'Iman ABEDERRAHMANE Ibn Rostem qui, Chef d'un royaume, construisait sa maison de ses propres mains. Cet aspect du tempérament mozabite ne peut être négligé, même si l'on considère que la vieillesse est généralement une période de repos, de réflexion et d'attente inquiète ou paisible de la mort. Vieillir et mourir au M'ZAB au milieu des choses simples aimées dès l'enfance est un article de la foi mozabite, aussi bien qu'une attitude spontanée de l'homme sur le déclin. La terre qui a vu naître l'ibadite doit lui servir de der-nier séjour. Séjour tranquille puisque, de par les coutumes religieuses, sa tombe restera inviolable jusqu'au jour de la résurrection.
-----------Jusqu'à présent, le modernisme n'a pas entamé l'idée de ce retour vers la terre natale. Combien de vieillards ne voit-on pas, juchés sur leur mulet ou sur leur âne, se diriger silencieux, le regard perdu dans une contemplation intérieure, avec la dignité qui sied à un notable, vers l'oasis de sa ville où ils s'adonneront aux travaux les plus simples ordinairement confiés à un khammès.
-----------La passion du travail et du gain.
-----------Au nom de la religion, le Mozabite a vaincu les conditions inhumaines du désert où il s'est réfugié. Au nom de l'indépendance de sa secte, il s'est lancé avec succès sur les routes du commerce nord-africain pour faire vivre et prospérer les bourgades du désert dont l'ensemble forme le M'ZAB. Sa race travailleuse a acquis un degré de réputation et un état de richesse relative qui contraste heureusement avec la dureté des conditions de vie qu'il s'était imposées au départ. Ici, le fatalisme oriental n'a pas eu raison des qualités de la race berbère et la nécessité aidant, l'esprit d'entreprise s'est largement développé devenant pour beaucoup un article de foi et une néçessité morale.
-----------Le goût du travail, de l'effort individuel, associé à un esprit de lucre qui est sans doute le défaut le plus voyant desBéni-M'Zab, n'exclut pas l'esprit d'association et de collaboration d'où naissent les entreprises collectives. Ainsi en témoignent les grands ouvrages hydrauliques dont nous aurons l'occasion de reparler, et les multiples associations commerciales existantes. De plus, malgré les apparences et les conflits politiques, il existe une solidarité réelle entre Mozabites qui, dans toute la mesure du possible, évitent de se faire concurrence.
-----------Les progrès de l'individualisme d'une part ,les interventions multiples de l'organisation étatique d'autre part, n'ont pas eu raison jusqu'à ce jour de la tendance des Mozabites à agir et à s'administrer par l'intermédiaire de leurs entités traditionnelles, la fraction et la tribu.
-----------Associé au goût du travail et soutenant l'effort, l'instinct de conservation physique, moral, spirituel, anime le comportement de ce petit peuple. Volonté de résistance et de survie traduite par l'attachement du Mozabite à ses affaires commerciales (sans elles le M'ZAB serait condamné à disparaître), volonté de permanence, d'intégrité, voire de conservatisme révélé par l'acharnement au travail de la terre ingrate des vallées de la Chebka, par les dépenses énormes faites par les plus riches pour honorer la terre mozabite en aménageant à grands frais des villes de plaisance et de féériques jardins.
-----------II ne faudrait pas croir cependant que le Mozabite soit doué pour toute espèce de travail. L' " homo economicus " mozabite fut d'abord un " rusticus ", puis un " mercator ", surtout sans doute par la force des circonstances. Il fut aussi de tous temps un excellent bâtisseur. Mais les tâches ne ressortissant pas à ces trois branches d'activité furent toujours confiées à des populations de religion ou de races différentes : Juifs pour la confection des vêtements, des chaussures, le travail des métaux et la bijouterie ; Arabes pour les tâches serviles et nombre de petits méiers.
-----------En définitive, le comportement économique mozabite apparaît en partie dicté par des impératifs d'ordre supérieur : travailler de telle ou telle façon peut être, pour lui, un devoir religieux et national en même temps.

-----------Degré d'évolution des populations du M'Zab.
-----------Si, sous la rubrique précédente, nous avons sciemment négligé de parler des moeurs de la population arabe, adonnée d'ailleurs à des genres de vie très différents, c'est en réalité que peu de chose la distingue à ce titre des populations malékites voisines, qu'elles soient nomades ou sédentaires, si ce n'est l'influence exercée sur elle par le milieu mozabite. La population malékite, en effet, vit surtout en client des Béni-M'Zab.
-----------Partout, elle occupe les emplois les moins rémunérateurs et ne connaît pas l'indépendance économique réelle. Arabes arégés, Medabih, Chaambas même pour une partie et dans une moindre mesure, ne pourraient vivre sans les investissements, les offres d'emploi, de la clientèle mozabite. L'évolution de cette population en état d'infériorité depuis de nombreux siècles est peu avancés. Khammès, manoeuvres du bâtiment, employés de commerce, petits métiers, vivent pauvrement et leur attitude favorable vis-à-vis de la scolarisation (les filles arabes vont facile-ment à l'école), n'a pu encore changer leur condition, car le pays est pauvre, l'élevage incertain, la culture aléatoire. C'est à peine si au total quelques dizaines de malékites ont une situation aisée acquise généralement dans le commerce ou dans l'élevage.
-----------Proche de la situation des Arabes est celle des Israélites. En état d'infériorité devant leurs maîtres mozabites, ils n'ont pu encore sortir de la condition misérable et méprisée qui fut la leur durant des siècles. Le quartier juif de GHARDAIA est le plus archaïque des mellahs d'Algérie. Entre ces maisons hautes parfois de deux étages, mais dont l'aspect correct ne rachète pas la misère intérieure, le long des ruelles obscures où de loin en loin stagnent des flaques nauséabondes, on ressent ce que peut être parfois la dure condition humaine.
-----------Femmes et hommes ont, pour un bon nombre, conservé les moeurs bibliques. Celles-là vêtues de longues robes chatoyantes, grasses sous l'étoffe crasseuse, les cheveux nattés, de grossiers bijoux de laiton ou d'argent autour du cou, élèvent des enfants blafards dans une atmosphère lourde que l'implacable chaleur de l'été rend plus insupportable encore. Beaucoup de ces femmes ne parlent qu'arabe, n'ayant pu bénéficier de l'école dans leur enfance. Les hommes, de leur côté, sont à peine plus évolués. Ils éprouvent les plus grandes difficultés à trouver des occupations rentables et seulement quelques-uns d'entre eux sont parvenus à l'aisance.
-----------L'Ecole française et les qualités inhérentes à la race juive doivent permettre à la population israélite de GHARDAIA de rattraper son retard. L'évolution est cependant à peine commencée et c'est plutôt à l'extérieur du M'ZAB que les Israélites cherchent aujourd'hui un avenir meilleur. Plusieurs centaines d'entre eux ont quitté le M'ZAB pour la terre promise, lorsque l'Etat d'Israël s'est constitué. Un certain nombre déjà se livrent au commerce dans les centres du Sud et des Hauts Plateaux où les conditions matérielles et morales défavorables dues à la proximité des Mozabites disparaissent.
-----------En définitive, c'est sur l'action des Mozabites que repose l'évolution du M'ZAB tout entier.
-----------Riches d'un passé de civilisation, forts de leur activité et de leur nombre, ils sont à l'avant-garde du progrès matériel, social et moral au M'ZAB. Dès avant l'occupation de leur pays, ils purent, par le commerce, prendre con-tact avec l'Européen dans les grandes villes du Nord. Aujourd'hui, leur commerce extérieur a pour clientèle autant l'Européen que le Musulman, et, sous la pression des circonstances : évolution de l'ensemble de la population algérienne amenant la concurrence des musulmans locaux, augmentation constante du chiffre de la population européenne, sens des affaires et évolution des Mozabites eux-mêmes, -le contact avec l'Européen devient de plus en plus fréquent et étroit. Par ailleurs, l'évolution matérielle s'accélère à la mesure d'un enrichissement certain.( note : des problèmes car une partie du texte est absent) Depuis 1830, la fortune mozabite évaluée par tête d'habitant a sans aucun doute fait plus de progrès que celle des autres musulmans d'Algérie. -----------L'accroissement démographique pour diverses raisons est extrêmement lent. Le commerce jouissant désormais d'une parfaite sécurité, les Mozabites ont pu, par ailleurs y donner toute leur mesure.
-----------Aujourd'hui, en outre, grâce à l'Ecole, mais peut-être plus encore par le contact du comptoir, 50% des Mozabites du sexe masculin parlent le français, des milliers le lisent et l'écrivent.
-----------Mais l'évolution est frénée, voir corrigée et guidée par la survivance des coutumes , l'attachement aux institutions du passé et surtout la situation de la femme qui, elle, est maintenue jalousement à l'abri du contact civilisateur.
-----------En fait, ces Mozabites, ces durs travailleurs sont plus près des conceptions d'une vie bourgeoise, laborieuse, probe et ordonnée que quantité d'autres administrés. Et de ce fait permettrait de conclure qu'une évolution ample et harmonieuse est possible et pourrait se réaliser.


voir partie 2