sur site le 18-3 -2003
-À propos des Harkis
Mesures nouvelles ( n° de janvier 1998)
pnha, n°86, janvier 1998

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Le Ministre de l'Emploi et de la
Solidarité
à
Madame et Messieurs les Préfets de
Région
Mesdames et Messieurs les Préfets de
Département

OBJET : Plan d'action en faveur des rapatriés, anciens membres des formations supplétives et assimilés, et de leurs familles (plan harkis). Bilan et perspectives.

------Depuis 1962, l'Etat a engagé plus de 5 milliards de francs en crédits spécifiques pour venir en aide aux 15 000 harkis ou assimilés, et leurs familles. Cette communauté compte aujourd'hui environ 150 000 membres (première et seconde générations).
------La loi du 11 juin 1994, avec ses textes d'application, est le pivot d'un plan d'action global sur cinq ans par lequel la République Française témoigne sa reconnaissance envers les rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu'ils ont consentis.

1 - Exposé des mesures

------Sur les trois premiers exercices du plan (1995-1997),2,2 milliards de francs sur un total de 2,5 milliards ont été inscrits au budget de l'Etat pour la mise en oeuvre des mesures spécifiques en faveur des anciens harkis et de leurs familles.
------Pour les harkis et leurs veuves
- allocation forfaitaire de 110 000 F qui s'ajoute à celle de 60 000 F prévue en 1987,
- aide de 80 000 F pour l'accession à la propriété et aide dans la limite de 50 000 F pour l'amélioration de l'habitat.
------- garantie d'un revenu minimum de 4 000 F pour les veuves de harkis.
------aide au désendettement immobilier,
------statut de victime de la captivité en Algérie.

------En 1995 et 1996, les aides au logement ont permis à 441 familles de devenir propriétaires et à 1 542 logements d'anciens harkis d'être rénovés.
------Diverses mesures en faveur de leurs familles sont venues renforcer les dispositifs de droit commun dans les domaines de l'enseignement, de la formation, de la mobilité professionnelle et de l'emploi. Les mesures d'aide à l'emploi ont facilité en 1995 et 1996, le recrutement de 2 441 jeunes de la communauté et ont permis à 978 autres de bénéficier d'une formation. Au bénéfice de l'expérience tirée de la première année d'application du plan d'action, ont été mis en place dès 1996 des aménagements qui tendaient à rendre certaines de ces mesures plus équitables. Ainsi, les aides au logement (amélioration de l'habitat et accession à la propriété) ont été étendues aux veuves de harkis. De même, les conditions de l'aide à l'accession à la propriété ont été assouplies par voie réglementaire. Enfin les conditions d'attribution des bourses spécifiques pour l'enseignement secondaire ont été simplifiées.
------Le 31 mai 1997, ont été publiés un décret et une circulaire portant sur le désendettement immobilier. Une commission départementale (COMADEF) a été instituée en lieu et place de la commission centrale compétente jusque-là en ce domaine.

2 - Nécessité d'une évaluation

------La situation actuelle laisse penser que la mise en oeuvre de la loi de 1994 ne répond pas pleinement aux attentes de cette communauté. C'est pourquoi, j'ai désigné, il y a quelques semaines, M. Claude Lagarrigue, Inspecteur général des Affaires Sociales, en lui donnant mission de rechercher avec l'ensemble de la communauté et les associations représentatives, les moyens d'améliorer le plan d'action en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés, et de leurs familles. Dès ses premières visites sur place, M. Claude Lagarrigue a confirmé que les difficultés d'insertion professionnelle de la seconde génération risquaient d'entraver les perspectives du retour au droit commun.
------Ce constat me conduit à vous demander d'établir dans les plus brefs délais, après consultation du groupe de suivi départemental, un bilan quantitatif et qualitatif des conditions dans lesquelles ont été appliquées les mesures prévues par la loi du 11 juin 1994 et par les dispositions qui la complètent. L'Agence natonale pour l'indemnisation des français d'outre-mer et le Service central des rapatriés pourront vous fournir les données comptables et statistiques qui peuvent vous manquer. Il importe de déterminer avec précision si les objectifs recherchés par le législateur ont été atteints.
------Dès à présent, j'ai décidé la mise en oeuvre de mesures dans les domaines de l'emploi, du logement et de la lutte contre les discriminations.

3- L'emploi

------L'emploi est la préoccupation prioritaire de cette communauté. En effet le taux de chômage de la population concernée est de l'ordre de 30 à 35 % (taux national 12,5 %) avec des pointes atteignant 50 dans les secteurs urbains les plus touchés.

------3.1 - Mobiliser l'ensemble des dispositifs

------Une telle situation requiert la mobilisation et l'articulation de l'ensemble des dispositifs,(mesures spécifiques en faveur de cette communauté, programmes de droit commun pour les publics en difficulté d'insertion, loi n°97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes...) et le recours à l'engagement des Conseils régionaux en raison de leurs compétences en matière de formation professionnelle et de développement économique. Afin que cette action, qui doit revêtir l'envergure nécessaire, corresponde pleinement à la réalité des besoins, vous procéderez sans délai à un inventaire des données concernant la population active française musulmane rapatriée
- nombre des actifs occupés dans le secteur public et dans les entreprises.
- nombre de demandeurs d'emploi par tranches d'âge, niveau de qualification et de formation. Ces statistiques devront, dans la mesure du possible, être déclinées par bassin d'emploi et site urbain.
------Sur cette base et pour remédier au manque de qualification souvent constaté, pour évaluer les compétences professionnelles et permettre une adaptation au travail envisagé,vous favoriserez la mise en place de prestations d'orientation et de préparation à l'emploi en liaison avec l'employeur d'une part, l'Agence nationale pour l'emploi et les missions locales d'autre part. Les crédits de la formation professionnelle des Conseils régionaux pourront être complétés sur votre proposition par des crédits inscrits au budget de mon département au titre des rapatriés.
------La réalisation de ce bilan des compétences, lorsqu'il s'avère nécessaire, vous permettra d'orienter les demandeurs d'emploi vers les actions correspondant à leur niveau dans le cadre d'un processus d'insertion - contrats emploi solidarité
(500 000 proposés en 1998), contrats initiative emploi (200 000), contrats en alternance, formations qualifiantes...
- l'accès direct à l'emploi pour lequel je vous demande d'intervenir auprès des collectivités locales, des entreprises du secteur public, des organisations patronales et consulaires.

 

 

------J'attire en outre votre attention sur l'intérêt que peuvent représenter pour la communauté les dispositions de la loi n° 97940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. De même, il convient d'envisager la mise en place de dispositifs régionaux, départementaux ou locaux pour le placement ou le reclassement des personnes de cette communauté qui ne peuvent être admises au bénéfice de la loi précitée.

3.2 - La loi relative au développement d'activité pour l'emploi des jeunes

------Pour l'application aux jeunes de la communauté, de la loi relative au dévelopement d'activité pour l'emploi des jeunes, vous veillerez tout particulièremnt aux points suivants
------- Vous tiendrez compte de la faible qualification d'un nombre significatif de jeunes au sein de cette communauté, et appliquerez à ces derniers les instructions concernant les publics en difficultés qui figureront dans la circulaire d'application du programme "nouveaux emplois - nouveaux services". Vous vous attacherez à prendre en compte cette situation spécifique dans les contrats d'objectifs signés avec les collectivités dans lesquelles la communauté est présente et de manière générale dans les projets présentés par l'ensemble des opérateurs. Vous encouragerez l'accès à l'emploi de ces publics, en particulier dans les quartiers en difficultés et les zones de revitalisation rurale.
------- Vous retiendrez dans l'utilisation des conventions de promotion de l'emploi qui sont destinées à aider au montage des projets, les initiatives répondant à des besoins non satisfaits concernant la communauté de manière spécifique.
------- Sur les territoires et bassins d'emplois où la communauté est fortement représentée, vous associerez à l'animation des équipes locales de projet du programme "nouveaux services-nouveaux emplois", les agents de coordination chargés de l'emploi (ACCE) mis à la disposition des Préfectures par le Ministère de la Défense.

3.3 - La mise en place de dispositifs régionaux, départementaux ou locaux

------Dans le cadre des futurs contrats de plan, à l'instar de ce qui s'est fait dans la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (1994-98), les préfets de Région formuleront des propositions adaptées aux réalités locales afin d'être mandatés pour négocier avec les Conseils régionaux un programme d'emplois en faveur des membres de cette communauté.
------Sans attendre, je vous demande de vous rapprocher des exécutifs régionaux pour envisager des conventions permettant d'accroître dès à présent, grâce à la participation active des Régions, l'effort budgétaire de l'Etat au titre du chapitre 46-03.

------Je considère que l'accès à l'emploi de la population française musulmane rapatriée doit constituer un objectif prioritaire de votre action. Je vous demande de veiller tout particulièrement à ce que l'ensemble de la population harkie puisse bénéficier des dispositifs publics d'accès à l'emploi dans une proportion correspondant à la place qu'elle occupe parmi les demandeurs d'emploi. Vous n'hésiterez pas, si vous le jugez utile, à fixer des objectifs quantifiés.

4 - Le logement

------Vous me communiquerez la liste des sites de votre département où l'habitat des Français musulmans rapatriés est vétuste, insalubre ou a connu une forte dégradation dans le temps. A l'issue de cet état des lieux, il vous appartiendra de mobiliser les moyens techniques et les financements nécessaires mis en place par le secrétariat d'Etat au logement pour les publics défavorisés dans des projets de relogement adaptés aux besoins de la communauté. Je vous précise que le projet de loi de finances 1998 prévoit des crédits supplémentaires pour la politique du logement en faveur des publics en difficulté.

------Je souhaite, qu'à l'issue de cette évaluation, vous me fassiez des propositions permettant dans les meilleurs délais la résorption de l'habitat insalubre et vétuste.

------En ce qui concerne l'endettement immobilier, vous devez mettre en place, si ce n'est déjà fait, les COMADEF, afin que celles-ci puissent être opérationnelles sans délai. Une instruction particulière viendra compléter ce point.

5 - La lutte contre la discrimination

------Vous rappellerez à tous les services publics relevant de votre autorité que les rapatriés d'origine nord-africaine jouissent de la plénitude des droits attachés à la citoyenneté française en vertu de l'article 1" de la constitution du 4 octobre 1958.

------Enfin vous veillerez particulièrement à prévenir toute attitude discriminatoire dans le domaine de l'emploi, en rappelant les termes de l'article L 122-45 du Code du Travail (recrutement, vie professionnelle et rupture du contrat), et au besoin ceux des articles 225-1 et suivants du nouveau Code Pénal. Vous m'informerez régulièrement des démarches que vous entreprendrez en ce sens.
------J'attache un grande importance à la réalisation de ces objectifs et compte sur votre implication personnelle pour y parvenir. Je vous demande de me faire connaître toute difficulté qu'il vous paraîtrait utile de me signaler et de me rendre compte pour le 14 novembre 1997 de vos initiatives.

Martine AUBRY