  
              (Crédit photo : Centre aixois des Archives départementales 
              des Bouches-du-Rhône) 
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        L'arrivée et l'installation des 
        Harkis en Provence 
        (Var et Alpes de Haute Provence) 
         
      Le mot Harki est un mot provenant d'un 
        terme arabe, harka, et qui signifie mouvement. Le mot est né, semble-t-il, 
        en 1956, lorsque le commandement supérieur ordonne la création 
        d'unités supplétives dont les combattants étaient 
        recrutés parmi la population musulmane. Le vocable harki est toutefois 
        confus car il peut englober aussi bien des appelés que des ralliés 
        volontaires par conviction idéologique, ou encore des moghaznis 
        c'est-à-dire des combattants recrutés par les S.A.S, ou 
        enfin des membres des Groupes Mobiles de Sécurité. 
         
        On estime à 200 000 le nombre de musulmans servant sous le drapeau 
        français pendant la guerre d'Algérie ; mais si on ajoute 
        ceux qui servaient sous le régime civil, on peut alors considérer 
        que le nombre de Harkis s'élèverait à 500 000 personnes. 
        Si, comme nous l'avons vu précédemment, rien n'avait été 
        prévu pour l'accueil des Français rapatriés, on peut 
        affirmer, qu'en très haut lieu, l'abandon des Harkis avait été 
        envisagé même si, le 28 avril 1962, le Comité des 
        Affaires algériennes avait décidé la mise en place 
        d'un camp de transit à Marseille. Le 11 mai, lors d'un débat 
        à l'Assemblée Nationale, deux députés algériens, 
        messieurs Azem Ouali et Deramchi posaient la question à Robert 
        Boulin : " Que va-t-il advenir des Harkis et des Moghaznis ? ". 
        La réponse fut claire : " Tout musulman venant sur le territoire 
        métropolitain a le droit de bénéficier de la loi 
        de décembre 1961 " (1). Il omettait de préciser comment 
        les Musulmans pourraient quitter l'Algérie. Il semblait ne pas 
        connaître les intentions de son collègue, le ministre des 
        Affaires Algériennes qui le 16 mai interdisait le rapatriement 
        des supplétifs et de leur famille, et prévoyait des sanctions 
        contre ceux qui enfreindraient ses ordres. Les premiers Harkis avaient 
        débarqué à Marseille un mois plus tôt et les 
        arrivées n'ayant pas cessé depuis, le ministre des Armées 
        décide le 26 mai l'ouverture du camp du Larzac pour trois mois 
        et de prendre en charge l'encadrement des détachements, et leur 
        transport. Comme on le voit, si en Algérie, la situation était 
        confuse quant aux décisions à prendre à l'embarquement 
        ou non des Harkis, elle ne l'était pas moins au plus haut niveau 
        de l'Etat, avec un président de la république qui ne désavoua 
        jamais son ministre des Affaires Algériennes se montrant même 
        méprisant envers les supplétifs " des Français 
        ? Ces Arabes en burnous et djellabas ! " 
         
        Il aura fallu donc le dévouement et l'abnégation de nombreux 
        officiers et sous-officiers français, surtout de la Marine Nationale, 
        qui ont bravé les ordres du commandement supérieur et des 
        autorités politiques pour qu'un certain nombre de Harkis puissent 
        avec leurs familles être repliés en France. 
         
        Selon une première estimation -ancienne- parue dans Documents Nord-Africains, 
        n°608, 22 mai 1965, les Musulmans rapatriés d'Algérie 
        étaient : 
        3 150 dans les Bouches du Rhône 
        1 938 dans le Var 
        1 835 dans les Alpes Maritimes 
        947 en Vaucluse 
        802 dans les Alpes de Haute Provence 
        239 dans les Hautes Alpes, soit en tout, 8 911 personnes en Provence Alpes 
        Côte d'Azur. 
         
        En réalité, on verra que ces chiffres sont largement sous 
        estimés ; d'abord parce que d'autres Harkis viendront s'établir 
        dans les départements du Midi, ensuite parce que des familles entières 
        qui avaient été séparées vont se regrouper, 
        enfin parce que la natalité contribuera à augmenter le nombre 
        de ressortissants de Français Musulmans. 
      Les Harkis 
        dans le Var 
      
         
           
              
              (Crédit photo : Centre aixois des Archives départementales 
              des Bouches-du-Rhône)  
           | 
         
       
       
        Le 22 juin 1962, le La Fayette quitte Toulon pour Alger. Le journal de 
        bord (2) annonce l'embarquement de passagers sans autre renseignement. 
        Il s'agit en fait de Harkis. C'est plus de quarante ans après, 
        à la lecture des ordres du Commandement de bord (3) que nous l'apprenons. 
        920 personnes ont été convoyées à Marseille. 
        La presse locale qui a eu vent de l'affaire annonce 1 100 personnes ; 
        la télévision régionale présente au débarquement, 
        filmera quelques images ; ce sera un des rares témoignages filmés 
        que l'Histoire a conservé. Le Commandant adresse à l'Etat 
        une facture de 3 342 NF et 10 centimes correspondant à la délivrance 
        des denrées (1 000 ufs, 400 oranges, 300 pains, 200 pommes, 
        du buf congelé, du jus d'orange, du café, du sucre
) 
        Ces Harkis seront acheminés vers le Massif Central et d'autres 
        régions rurales du centre de la France (4). Le 6 juillet, en pleine 
        grève des marins de Marseille, un paquebot réquisitionné, 
        le Phocée, arrive à Toulon avec " 576 réfugiés 
        de confession musulmane dont 150 enfants de moins d'un an. On remarquera 
        la citation empruntée à la presse locale varoise qui ne 
        mentionne pas le terme Harki ! Ces réfugiés sont installés 
        dans un bâtiment désaffecté, car bombardé en 
        1944 ; il s'agit de la caserne Beaulieu du 4ème colonial au Mourillon 
        ; une manifestation d'hostilité, d'origine inconnue, des jets de 
        pierre, est signalée, sans grave conséquence sinon quelques 
        vitres brisées. Anecdote, le maire de Toulon se souvient de l'arrivée 
        d'un grand nombre de jeunes femmes musulmanes, qui " assises par 
        terre dans les jardins du V° dépôt, prirent subitement 
        le chemin de la gare et disparurent " ! 
         
        Plusieurs centaines de Harkis seront transportés d'Algérie 
        vers Marseille sur des bâtiments de la Marine Nationale partis de 
        Toulon, comme les débarquements de chars le Trieux ou l'Argens 
        -auparavant, certains harkis auront trouvé refuge dans des baraquements 
        inoccupés situés au sein de la base de Mers el Kébir 
        mais les conditions surtout après le 3 juillet sont dangereuses 
        car le privilège de l'extra territorialité ne s'applique 
        pour eux. Dans ces cas là, la traversée s'avère particulièrement 
        pénible car ces bâtiments ne sont absolument pas prévus 
        pour des transports de passagers. Epuisés, les Harkis transitent 
        par des camps comme Saint Maurice l'Ardoise (Gard), Rivesaltes (Pyrénées 
        Orientales) 
 camps provisoires, mais qui s'installent dans la durée. 
        Près d'un an après l'arrivée des premiers d'entre 
        eux il est décidé de les transférer dans des hameaux 
        forestiers. En fait l'idée avait été émise 
        très tôt, -par qui ? par le préfet des Alpes de Haute 
        Provence ? par le Ministère de l'Agriculture ? - dès l'été 
        1962. Il s'agissait de reclasser les Harkis selon certains critères 
        : éloignement des centres urbains, s'assurer de leur protection, 
        les insérer professionnellement et les loger au moindre coût. 
        75 hameaux forestiers sont prévus dont un tiers en P.A.C.A. 
         
        Dans le Var, ces hameaux sont répartis sur neuf localités 
        déterminées par le Ministre des Rapatriés, qui, en 
        date du 19 avril 1963, annonce par courrier au préfet du Var que 
        des chantiers de forestage seront implantés dans son département 
        (5). Et d'ajouter : " En raison du caractère d'urgence que 
        revêt le recasement des familles de Harkis, il conviendrait que 
        ces chantiers soient mis en place avant la fin juillet 1963. " 
        Ces localités sont : Saint Maximin, Gonfaron, Collobrières, 
        La Londe, Le Muy, Saint Paul en Forêt, Rians, Montmeyan, Néoules. 
        Encore faut-il souligner que les hameaux sont très éloignés 
        du centre urbain ; ainsi le hameau de Capelude sur le territoire de Collobrières 
        est situé à 14 kilomètres du centre et de ses activités 
        administratives, scolaires, commerciales. Cet isolement géographique 
        est propre à tous les hameaux à l'exception des Peyronas 
        situé à 1,5 kilomètre de Saint Maximin. 
         
        Suite à une réunion qui se tient à la Préfecture 
        du Var le 26 avril 1963 et qui rassemble le Préfet représentant 
        le Ministre des Rapatriés, son adjoint, le Directeur Départemental 
        de la Santé, le Conservateur des Eaux et Forêts et son ingénieur, 
        l'Ingénieur en chef du Génie Rural, l'Inspecteur d'Académie, 
        il est décidé qu'outre les sites retenus, il reste à 
        étudier d'autres emplacements possibles à Six Fours, Brignoles, 
        Pierrefeu, Les Mayons, Puget sur Argens. Il est également décidé 
        que l'Etat prendrait en charge l'intégralité des dépenses 
        d'installation y compris la construction de classes supplémentaires 
        et les frais de ramassage scolaire. Les municipalités, en contrepartie 
        doivent apporter leur soutien moral (sic) ! 248 logements sont prévus. 
        Mais sur chacun des huit chantiers - celui de Collobrières est 
        reporté momentanément-, il convient d'attribuer un logement 
        pour un sous-officier responsable du centre c'est souvent un ancien des 
        Affaires Musulmanes en Algérie-, un autre logement pour une assistante 
        sociale, un troisième pour un préposé des Eaux et 
        Forêts et un quatrième qui servirait de lieu de réunion. 
        Soit un total pour le Var de 216 logements destinés à autant 
        de familles, ce qui représenterait plus d'un millier de personnes. 
         
        La Commission du Ministère des Rapatriés, réunie 
        le 6 mai 1963, précise la répartition des chantiers, les 
        conditions d'implantation et lance un appel d'offres national aux entreprises 
        du bâtiment. Les marchés sont approuvés par le Ministère 
        le 22 juin. Les sociétés ayant emporté les marchés 
        sont invitées à commencer les travaux à compter du 
        10 août 1963 et de les terminer dans un délai de 75 jours. 
         
        Il s'agit de l'entreprise Dasse (domiciliée à Dax) qui est 
        chargée de la construction de 28 logements à Saint Maximin 
        et de 28 à La Londe, de l'entreprise Schroth (domiciliée 
        à Altkirch) qui se voit attribuer les chantiers de Rians et de 
        Montmeyan, 28 logements sur chacun des sites, et qui partage le chantier 
        de Saint Paul en Forêt, 12 logements pour elle et 16 pour l'entreprise 
        Lecorché qui doit par ailleurs construire 28 logements au Muy et 
        52 à Gonfaron. Entre temps, la Commission a décidé 
        d'autres emplacements sur trois autres localités, Réquestéron, 
        l'Escarène et Valbonne sur chacune desquelles seront édifiés 
        28 logements, tous construits par l'entreprise Dasse. Les logements doivent 
        être des préfabriqués et doivent être démontables 
        et récupérables. 
         
        Le 30 octobre, le Ministère de l'Agriculture qui s'est vu confier 
        la surveillance des chantiers adresse une missive aux ingénieurs 
        en chef du Génie Rural leur enjoignant de tout mettre en uvre 
        pour que ces " logements soient utilisables au moins avant l'hiver, 
        c'est-à-dire au premier décembre " (6). Aux 216 logements 
        décomptés plus haut il faut donc en ajouter 72 compte tenu 
        du fait qu'il convient de défalquer sur chaque chantier 4 appartements 
        pour l'encadrement administratif. En tout donc, dans le département 
        du Var, ce sont 288 familles de Harkis qui doivent être accueillies, 
        ce qui correspond à environ 1 800 personnes (7). 
         
        Le 21 décembre 1963, l'Ingénieur en chef du Génie 
        Rural du Var notifiait au Ministère des Rapatriés que l'entreprise 
        Schroth " pour des raisons indépendantes de sa volonté 
        (intempéries, retards causés par les travaux de viabilité) 
        n'était pas en mesure de terminer les travaux dans les délais 
        précités ". Le 7 janvier 1964, le même ingénieur 
        attirait l'attention sur le fait que " les marches d'escalier n'étaient 
        pas réalisées à Montmeyan, Rians, Néoules 
        ". Par ailleurs, il signalait que " les canalisations d'eau 
        étaient installées à une profondeur trop faible et 
        qu'elles risquaient d'exploser en cas de gel, et qu'il en était 
        de même à Saint Paul ". Suit un rappel en date du 28 
        avril 1964. Nouveau courrier le 11 mai : " il convient de remédier 
        aux imperfections signalées et ce dans un délai de quinze 
        jours ". L'ingénieur relève également des défauts 
        d'étanchéité. Nouveau courrier le 20 mai, avec cette 
        fois une mise en demeure d'effectuer les réparations sous peine 
        de pénalités. Sur ces chantiers, le procès-verbal 
        de réception définitive ne sera délivré que 
        le 2 juillet 1965 -alors que des centaines de personnes sont installées 
        depuis plusieurs mois- et le certificat administratif déclarant 
        que " les travaux ont été exécutés selon 
        les règles de l'art et ne donnent à aucune observation " 
        ne sera délivré que le 7 juillet 1965 ! La lecture des archives 
        nous apprend que tous les chantiers ont connu ces désagréments 
        et il serait fastidieux pour le lecteur de les énumérer. 
        On imagine donc aisément la très grande précarité 
        des conditions de vie des Harkis. D'autant que ces installations qui à 
        l'origine devaient être provisoire s'avèrent durables, puisque 
        le 27 septembre 1967 il est prévu des travaux d'agrandissement 
        des centres du Muy et de Gonfaron et les travaux d'alimentation en électricité 
        sont confiés à une entreprise de Fréjus. Le 14 septembre 
        1967 il est décidé la construction d'une station d'épuration 
        au Muy dont les travaux sont confiés à la Société 
        Anonyme des Services Opérationnels d'Assainissement du Sud de la 
        France domiciliée à Vauvert dans le Gard. D'autre part d'autres 
        chantiers ont été ouverts à Bormes-Pignans, à 
        Collobrières et à Saint Raphaël en date du 6 avril 
        1964 et confiés à l'entreprise D'Alberto de Grenoble. Sur 
        le contrat il est stipulé que les travaux de terrassements doivent 
        être effectués par les Harkis car les crédits sont 
        limités (à titre d'exemple, le coût de la construction 
        des bâtiments du Muy, de Gonfaron et de Saint Paul en Forêt 
        facturé à l'état s'élevait à 981 614 
        francs). Les Harkis devaient également procéder au brossage 
        de l'ancien badigeon sur les bâtiments à restaurer. Ici aussi, 
        l'ingénieur déplore la lenteur des travaux. Mais l'entreprise 
        se plaint de la mauvaise volonté des Harkis pour effectuer les 
        tâches qui leur avaient été attribuées. 
         
        Outre ces conditions de vie précaires, on rappellera l'éloignement 
        des hameaux des centres de localités, hameaux isolés, aux 
        confins de bourgs ruraux, les contacts avec l'extérieur étant 
        rares, contacts qui auraient pourtant favorisé l'intégration 
        sur cette terre de France pas très accueillante, il faut hélas 
        le reconnaître ! D'autant que les municipalités sont très 
        réticentes dès qu'il s'agit de construire des H.L.M. pour 
        les Harkis ou d'aménager un carré musulman dans le cimetière 
        communal à dominante chrétien ; comment donc les intégrer 
        à la vie métropolitaine ? 
         
        D'autre part de nombreux observateurs soulignent les conditions de vie 
        très strictes à l'intérieur des hameaux, la discipline 
        quasi militaire. Le courrier serait contrôlé par le personnel 
        d'encadrement qui exercerait même la rétention de certains 
        documents à caractère administratif. Enfin le bakchich était 
        roi.  
         
        En conclusion de ce chapitre, à combien estimer le nombre de Harkis 
        dans le Var et que sont-ils devenus ? 
         
        Le recensement de 1968 qui ne fait pas la distinction entre anciens supplétifs, 
        militaires de carrière, civils rapatriés, fonctionnaires 
        et Algériens de France qui auraient acquis la nationalité 
        française, compte 16 000 Français musulmans rapatriés 
        en P.A.C.A. On peut donc penser aujourd'hui que ce nombre est vraisemblablement 
        plus élevé, car outre l'accroissement naturel il est difficile 
        de savoir combien ont pu s'installer dans des cités H.L.M. de centres 
        urbains échappant à la concentration dans des camps ou des 
        hameaux. En 2002, dans un article du Monde, en date du 30 mai, José 
        Lenzini proposait 18 000 harkis dans le Var, ce nombre englobant nécessairement 
        la deuxième -voire la troisième ? - génération. 
         
        Les hommes étaient affectés à des travaux de reboisement 
        de la forêt domaniale et à des travaux d'équipements. 
        Les enfants étaient scolarisés à l'école du 
        village. Ils étaient quasiment les seuls à avoir un contact 
        régulier avec l'extérieur ; le seul lien que les harkis 
        avaient avec les pouvoirs publics se faisait par le personnel d'encadrement. 
        Les familles, outre le salaire des hommes percevaient une allocation. 
        Enfin des amicales créées surtout à l'initiative 
        d'officiers et sous-officiers de l'armée française, en activité 
        ou non ont joué un rôle important dans l'aide apportée 
        aux anciens supplétifs. (8) 
         
        Il n'en demeure pas moins que les difficultés d'accession à 
        la nationalité française, la quasi impossibilité 
        d'avoir accès à des logements urbains décents, sont 
        autant de facteurs qui vont concourir à la ségrégation. 
        Cette situation conduira en 1975 au premier grand mouvement de contestation 
        des Français musulmans rapatriés, mouvement qui sera surtout 
        celui de jeunes ; les fils de Harkis âgés de vingt ans à 
        cette date, étaient arrivés à l'âge de sept 
        huit ans dans ces hameaux et ne voyaient pas d'issue favorable à 
        leur avenir. Cette première révolte sera hélas suivie 
        de bien d'autres puisqu'en avril 1997, un groupe de Harkis du Var (la 
        troisième génération ?) manifestait devant la Préfecture 
        des Bouches du Rhône ! Certes depuis 1975 l'encadrement militaire 
        des hameaux a été supprimé ; les hameaux eux-mêmes 
        ont progressivement disparu, mais les difficultés d'intégration 
        que nous avons soulignées plus haut, ont entraîné 
        les représentants des deuxièmes et troisièmes générations 
        vers des emplois peu qualifiés, voire un chômage endémique 
        ; quant aux supplétifs, nombreux sont ceux qui attendent encore 
        des indemnisations ou des régularisations de leur service dans 
        l'Armée française. (9) 
         
        Heureusement, le musée des troupes de Marine de Fréjus rappelle 
        le rôle glorieux qu'ont joué les Harkis puisqu'il a exposé 
        le fanion de la harka 823 du 21ème RMIa implantée en 1961 
        en Petite Kabylie et commandée par le sous-lieutenant Michel Taithe 
        mortellement blessé au cours d'un accrochage avec le F.L.N. la 
        même année. Dans une vitrine voisine, on se souvient du comportement 
        héroïque du chef d'équipe de la harka du 3ème 
        régiment de parachutistes coloniaux, HassaÏne Mohamed -médaille 
        militaire, sept citations- qui se sacrifia pour sauver ses camarades d'un 
        accident de tir en se jetant sur une grenade dégoupillée 
        ; il fut proposé pour la légion d'honneur. Enfin, figure 
        également l'écusson de la harka commando du I/75R.I. Ma 
        qui s'illustra dans le nord du Constantinois. 
         
        Quant au niveau le plus haut de l'état, il fallut attendre le 25 
        septembre 2001, pour que Jacques Chirac, alors président de la 
        république, reconnaisse que " la France, en quittant le sol 
        algérien, n'a pas su sauver ses enfants ". 
         
        Notes : 
        (1) La Dépêche d'Algérie, 11 mai 1962. 
         
        (2) Archives de la Marine, Toulon, le La Fayette, côte 16 J 16. 
         
        (3) Archives de la Marine, Toulon, le La Fayette, côte 16 J 17. 
         
        (4) De nombreux ouvrages ont été consacrés aux Harkis 
        ; consulter notamment : Michel Roux, Les Harkis, les oubliés de 
        l'histoire, 1954-1991, La Découverte, Paris, 1991. 
        Mohand Khellil, " Les Français musulmans rapatriés 
        : d'ambiguïtés en malentendus " in Les rapatriés 
        d'Algérie en Languedoc-Roussillon, 1962-1992, Actes du Colloque, 
        Université de Montpellier, 1992. 
        Mohand Hamoumou, Et ils sont devenus Harkis, Fayard, Paris, 1994. 
        Anne Heinis, L'insertion des Français musulmans, étude fondée 
        sur les populations regroupées dans le Midi de la France dans les 
        centres d'ex Harkis, Montpellier III, thèse de IIIème cycle, 
        1977. 
        Jean-Jacques Jordi et Mohand Hamoumou, Les Harkis, une mémoire 
        enfouie, éditions Autrement, 1999. 
        Plus récemment, Fatima Besnaci-Lancou présidente de l'association 
        " Harkis et Droits de l'Homme " a publié en collaboration 
        avec Gilles Manceron Les Harkis dans la colonisation et ses suites aux 
        éditions de l'Atelier avec une préface de Jean Lacouture. 
        Elle a également publié Fille de Harki, aux éditions 
        de l'Atelier en 2003 et Nos mères, paroles blessées, une 
        autre histoire de harkis aux éditions Emina soleil en 2006. 
        A noter également un film documentaire de 26 minutes, " Un 
        mouchoir sur l'Histoire " réalisé pour France 3 Rhône 
        Alpes en 1998 par Farid Haroud dont le père a séjourné 
        quatre ans au hameau forestier de Rians avant de réussir à 
        partir pour s'installer à Vienne en Isère. Et un téléfilm 
        écrit par Dalila Kerchouche et réalisé par Alain 
        Tasma en 2006, Harkis, dans lequel la vie et l'exploitation des Harkis 
        dans les hameaux forestiers sont retracées avec réalisme 
        et émotion mais sans pathos excessif. Dalila Kerchouche est l'auteure 
        de Mon père, ce Harki paru aux éditions du Seuil en 2004. 
         
        (5) Archives Départementales du Var, côte 746 W 63 et 64. 
        Les mesures sont d'autant plus urgentes que des familles de Harkis qui 
        avaient réussi à se cacher en Algérie après 
        l'indépendance, continuent d'arriver en France ; le flux ne cessera 
        réellement que quatre ou cinq ans plus tard. 
         
        (6) Archives du Var, op.cit. Il convient de préciser à l'attention 
        du chercheur que les plans des hameaux et des bâtiments sont disponibles 
        aux archives. 
         
        (7) Selon une enquête de Anne Heinis, enquête réalisée 
        pour les besoins de sa thèse sous la direction de l'ethnologue 
        Jean Servier, le nombre moyen de personnes par famille dans les hameaux 
        forestiers serait de 6,3 en 1970, 6,5 en 1971, 7,1 en 1972 et 7,6 en 1974. 
         
        (8) citons par exemple, l'Association des familles et amis des parachutistes 
        coloniaux, l'Association des Anciens des Affaires Algériennes créée 
        par des officiers S.A.S. ou encore l'Association de l'Amicale de la demi 
        brigade des fusiliers marins (A.A.D.B.F.M.) ; cette dernière association 
        est créée le 9 mars 1962 sous le patronage du C.E.M.M. qui, 
        par une circulaire du 21 avril 1962 se charge de la faire connaître 
        et encourage les dons ; originalité, les officiers d'active peuvent 
        y adhérer. Elle comptera jusqu'à 295 membres actifs et 2000 
        membres bienfaiteurs et donateurs. La D.B.F.M. avait été 
        créée en avril 1956 était constituée de trois 
        bataillons ce qui représentait un total de 3 000 hommes et avait 
        intégré des harkis ; fin avril 1962, les 1er et 2èmes 
        bataillons se replient sur Toulon et le 3° sur Mers el Kébir 
        ; c'est ainsi qu'elle songe à rapatrier ses harkis. 
         
        (9) il existe aujourd'hui une Association Bénévole des Harkis 
        du Var à Vidauban dont une des missions est de défendre 
        les intérêts des membres de cette communauté et l'Union 
        Nationale des Harkis Associés et Sympathisants a son siège 
        à Roquebrune sur Argens. L'Union Nationale des Travailleurs Français 
        d'Origine Nord Africaine et de leurs Amis est à Draguignan. 
         
        On ne saurait conclure ce chapitre sans consacrer quelques lignes à 
        une association, l'A.N.S.S.E. (association nationale des supplétifs 
        de souche européenne) appelée parfois l'association des 
        harkis blancs qui regrouperait environ 300 membres dont une quarantaine 
        dont le Var et une vingtaine dans les Alpes Maritimes. Le président 
        national est un Varois, domicilié au Thoronet ; grièvement 
        blessé par le F.L.N. alors qu'il a dix sept ans, il est plus tard 
        exempté du service militaire. Il s'engage alors dans les supplétifs 
        - " car on ne passait pas de visite médicale " - où 
        il sert cinq années durant, et obtient la médaille militaire. 
        L'association milite pour que soient reconnus à ses adhérents 
        les mêmes droits qu'aux harkis. 
         
      Les Harkis 
        dans les Alpes de Haute Provence.  
      
         
           
              
              (Photo MHeMO / collection Hélène Durand)  
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        Au bord de la Durance, à Manosque, un camp de harkis appelé 
        " les quatre saisons " abrita pendant plusieurs années 
        des dizaines de familles. Mais dans cette localité, résident 
        également de nombreux immigrés algériens qui s'ils 
        n'ont pas tous collaboré avec le F.L.N. ont approuvé la 
        lutte pour l'indépendance. Ceci entraîne une sourde rivalité 
        entre les deux communautés dont les enfants continuaient de se 
        traiter à l'aube du XXIème siècle de " traîtres 
        " ou " d'immigrés (qui auraient dû rester chez 
        eux) ". La rivalité est exacerbée par le silence des 
        parents qui contribue fortement au malaise ambiant. 
         
        C'est pour cela que Hamouche Zerrouki, directeur de l'Office municipal 
        de la jeunesse de Manosque a mené un travail de transmission de 
        la mémoire par une série d'entretiens vidéo. Une 
        association locale, le Créops, présidée par Ali Mekki, 
        a préparé une enquête et un colloque en 2002 dont 
        l'objectif est de permettre aux " Algériens immigrés 
        " et aux Harkis de " maîtriser leur histoire " afin 
        de pouvoir enfin dialoguer. 
         
        Dans le même esprit, Yamina Guebli, fille de harkis et réalisatrice 
        de films interpelle les communautés en affirmant : " Certains 
        jugent leurs voisins pour ne pas avoir à affronter leur propre 
        histoire
Je leur dis : réveillez-vous, regardez où 
        vous êtes et demandez-vous pourquoi ". (1) 
         
        Comme dans le Var, les Harkis furent regroupés très tôt 
        dans des hameaux de forestage à Bayons, Jausiers, Saint André 
        les Alpes et Ongles où dans ce village de 237 habitants, 25 familles 
        de supplétifs furent accueillies entre 1962 et 1971. 
         
        Chaque année à Ongles est organisée une journée 
        de colloque commémorant le drame des Harkis. 
      
        
          
             
              (Extrait du dossier de presse de 
              la MHeMO)  
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      Notes : 
        (1) Lire à ce sujet l'article du Monde paru le 30 juin 2002 et 
        signé Philippe Bernard. L'article signale une publication pour 
        septembre 2002 du Créops, qui est une enquête sur " 
        les héritiers involontaires de la guerre d'Algérie " 
        menée par le sociologue Saïd Bouamama. 
      Gérard Crespo  
       
      
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