le Hamma, Alger - L'institut Pasteur d'Algérie fondé le 1er novembre 1894
rue du docteur Laveran ( face au jardin d'essais)
CONTRE LE PALUDISME
Le gambusia en Afrique du Nord

Lorsqu'on 1833 le docteur Maillot arriva à Alger, il fut à la fois surpris et effrayé des ravages inouïs que causait une fièvre inconnue, devant laquelle les praticiens s'avouaient impuissants. Les hôpitaux militaires étaient littéralement envahis de malades. Les uns mouraient lentement, la plupart succombaient en quelques heures à un accès pernicieux. Aussi commençait-on à désespérer sérieusement. La panique semblait même imminente et tandis que le médecin des armées Boudin affirmait catégoriquement que " ni nos soldats, ni nos colons ne résisteraient au climat ", le général du génie Rogniat demandait qu'on entourât la Mitidja d'une immense grille de fer, afin que les hommes n'y puissent accéder.

Maillot, jeune et énergique, ne se laissa nullement décourager. Avec une volonté inébranlable, il se mit au travail et lut notamment les écrits des médecins grecs de l'Antiquité, qui avaient eu à lutter contre la même fièvre. Sa persévérance et son érudition lui permirent de reconnaître en elle la fameuse " fièvre des marais " ou paludisme. Dès lors, il s'attacha à découvrir rapidement le remède efficace et c'est ainsi qu'il préconisa bientôt, à haute dose, de la quinine. Les résultats ne se firent point attendre : en un an. la mortalité diminua d'un quart. Mais Maillot voulut connaître l'origine du mal. Il soupçonna - opinion confirmée plus tard par le docteur Laveran - qu'il se propageait par la piqûre du moustique dont les larves peuplent les eaux stagnantes, les mares, les oueds.

( suite dans l'article.)

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1930. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
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Afrique illustrée du 5-4-1930 - Transmis par Francis Rambert
en ligne : fév.2021

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CONTRE LE PALUDISME

 

Lorsqu'on 1833 le docteur Maillot arriva à Alger, il fut à la fois surpris et effrayé des ravages inouïs que causait une fièvre inconnue, devant laquelle les praticiens s'avouaient impuissants. Les hôpitaux militaires étaient littéralement envahis de malades. Les uns mouraient lentement, la plupart succombaient en quelques heures à un accès pernicieux. Aussi commençait-on à désespérer sérieusement. La panique semblait même imminente et tandis que le médecin des armées Boudin affirmait catégoriquement que " ni nos soldats, ni nos colons ne résisteraient au climat ", le général du génie Rogniat demandait qu'on entourât la Mitidja d'une immense grille de fer, afin que les hommes n'y puissent accéder.

Maillot, jeune et énergique, ne se laissa nullement décourager. Avec une volonté inébranlable, il se mit au travail et lut notamment les écrits des médecins grecs de l'Antiquité, qui avaient eu à lutter contre la même fièvre. Sa persévérance et son érudition lui permirent de reconnaître en elle la fameuse " fièvre des marais " ou paludisme. Dès lors, il s'attacha à découvrir rapidement le remède efficace et c'est ainsi qu'il préconisa bientôt, à haute dose, de la quinine. Les résultats ne se firent point attendre : en un an. la mortalité diminua d'un quart. Mais Maillot voulut connaître l'origine du mal. Il soupçonna - opinion confirmée plus tard par le docteur Laveran - qu'il se propageait par la piqûre du moustique dont les larves peuplent les eaux stagnantes, les mares, les oueds.

Maillot mourut en 1880, ayant découvert le remède et dépisté l'ennemi. Il s'agissait maintenant de livrer, au dangereux moustique, une lutte rationnelle et implacable.
Cette lutte lutte se poursuit de nos jours, acharnée, inlassable, car le paludisme règne encore en maître dans certaines de nos campagnes, où les dessèchements - pour des raisons diverses - n'ont pu être effectués.

Le poisson apparaît, jusqu'à présent, comme le meilleur agent de destruction larvaire et l'importation récente du gambouse en Algérie, par l'Institut Pasteur d'Alger a déjà donné lieu à des expériences fort concluantes, qui laissent entrevoir de magnifiques possibilités.

Nous sommes allés demander à l'Institut Pasteur quelques précisions pour ceux de nos lecteurs - et ils sont certainement nombreux - que la question intéresse. Le docteur L. Parrot nous y accueillit très aimablement et nous fit les déclarations suivantes :
- " On a toujours employé le poisson comme auxiliaire pour la destruction des " cousins ", hôtes assidus des pièces d'eau et des puits, et vous savez que le " poisson rouge " est aujourd'hui fort répandu. Celui-ci rend d'énormes services, mais dans la destruction des anophèles son rôle est assez peu conséquent. Aussi a-t-on recherché un poisson qui pourrait être utilisé plus heureusement. Il fallait qu'il fût en même temps :

Très vorace et que sa bouche fut disposée de telle façon qu'elle lui permette de gober les larves flottant à la surface de l'eau, aussi bien que les larves se mouvant dans la profondeur.

De petite taille, afin de pouvoir passer aisément au milieu des plantes aquatiques.

Très vif dans ses mouvements pour échapper, le cas échéant, à ses ennemis (couleuvres, oiseaux d'eau, etc.) et poursuivre les larves qui se déplacent généralement avec rapidité.
Prolifique, vivipare et, enfin, précoce dans sa reproduction.

Le Dr Trabut pensa, le premier, à utiliser en Afrique du Nord un tout petit poisson des Hauts-Plateaux algériens, le Cyprinodon Iberus. Le commandant Cauvet, à son tour, étudia les poissons barbaresques susceptibles de favoriser la prophylaxie du paludisme. Parmi les poissons indigènes, le commandant Cauvet préconise notamment, et par ordre de préférence :
1° Phoxinellus chaignoni, taille : 70 millimètres, ovipare, très mobile ;
2° Tellia apoda, petit Cyprinodon atteignant 60 millimètres ;
3° Cyprinodon iberus, voisin du précédent, mais plus petit : 50 millimètres ;
4° Cyprinodon fasciatus, on le rencontre souvent dans les sources thermales et sulfureuses du département de Constantine. Longueur : 55 millimètres.

De ces poissons indigènes, c'est le cyprinodon qui a été le plus expérimenté. S'il protège efficacement les eaux domestiques où les plantes sont rares, son action est à peu près nulle dans les eaux sauvages. On a donc essayé des poissons étrangers. Le commandant Cauvet signale bien une épinoche européenne, appelée vulgairement " savetier " - Gaslerosteus aculeatus - mais elle est trop délicate, s'abatardit facilement et ne vit bien que dans les petits ruisseaux herbeux. Il ne parait donc pas nécessaire de propager son espèce. Le poisson-soleil, Eupomolis gibbosus, très vif, très vorace et très prolifique, est mieux indiqué. Cependant, l'importation du gambouse - Gambusia holbrooki - apporte, sans doute, la meilleure solution au problème. Du reste, si vous le voulez bien, je vais vous présenter au docteur Étienne Sergent qui se fera un plaisir de vous montrer ses petits pensionnaires ".

Et c'est la visite des aquariums et des bacs expérimentation sous la direction du docteur Sergent dont l'empressement ne le cède guère à l'affabilité du docteur Parrot. Les gambouses - beaucoup sont minuscules - fourmillent dans les cuves de ciment. Le docteur en enferme quelques-uns dans un flacon afin de mieux, nous les fait voir.
- Massimo Sella, nous dit-il, demanda en 1920, au Bureau des Pécheurs des États-Unis, un envoi de petits poissons du genre Gambusia avec lesquels H. H. Howard avait obtenu de brillants résultats dans la lutte contre les moustiques. Devant ce succès, la gambouse avait été répandu aux îles Hawaï et aux Philippines. M. Sella répandit ces poissons en Italie et en Espagne et publia en 1925 un rapport édifiant sur les essais d'élevage et sur la dispersion de ses Gambusia dans les gîtes à anophèles.

En Espagne, M. Sadi de Buen ; en Corse, M. Boyer, ne furent pas moins heureux dans leurs expériences.

M. Sella voulut bien nous envoyer de Rovigno, en 1926, un important contingent de Gambusia originaires du Texas, dont la latitude est celle de l'Afrique du Nord.
Ces poissons se sont acclimatés facilement en Algérie, mis en élevage en janvier 1926, ils ont pullulé dès le printemps suivant. Très actif même en hiver, ils se reproduisent à partir du mois de mars et donnent six ou sept générations dans une saison. Les jeunes dévorent les larves de moustique sitôt nés !

L'élevage des gambouses, en vue de leur dispersion ultérieure dans le pays, peut être réalisé d'abord dans de petits aquariums propices à l'observation. Les bacs en ciment armé sont plus particulièrement recommandés. Ils doivent être construits de telle façon que les couleuvres n'y puissent pénétrer. Au fond, il est indispensable de mettre de la terre, des plantes d'eau et des mollusques qui font disparaître les détritus. Il faut assurer le renouvellement de l'eau et nourrir 'es poissons avec de la poudre de viande, à intervalles réguliers.

Pour la pratique, l'élevage doit être organisé dans des étangs. On utilisa alors un étang naturel d'environ 300 mètres carrés, ayant tout au plus un mètre de profondeur, à fond vaseux. L'ensemencement des gîtes est effectué de préférence au printemps.

Deux modes de propagation des gambouses peuvent être envisagés eu Afrique du Nord : le peuplement extensif et le peuplement intensif. Sans abandonner la méthode de peuplement généralisé des eaux domestiques et sauvages, on a intérêt à organiser des campagnes de peuplements intensifs localisés.
La méthode la plus prudente consiste à repeupler de gambouses, à chaque printemps, les gîtes à larves de moustiques. Ceux de ses gîtes qui seront les plus favorables à la pullulation des poissons deviendront à leur tour, au cours des années suivantes, des reproducteurs pour ensemencer de nouveaux gîtes. L'emploi des petits poissons exotiques tels que les gambouses constitue une mesure anti-larvaire simple, excellente et peu coûteuse. Il complète les autres méthodes de prophylaxie antipaludique de la façon la plus plus heureuse et la plus efficace.

Ajoutons que l'Institut Pasteur d'Alger distribue gratuitement des gambouses à toutes les personnes qui lui en font la demande quelques jours à l'avance. En les répandant, nos colons et propriétaires de l'intérieur collaboreront étroitement à une œuvre dont la portée sociale n'échappera à personne.