SQUARES et JARDINS : Alger, royaume de la flore.
Quelques beaux jardins d'Alger
Pépinière ;
Afrique du nord illustrée du 14-11-1931 - Transmis par Francis Rambert

Les jardins d'Alger.

Il est une croyance donnant au paradis terrestre l'image d'un jardin enchanteur où s'épanouissaient des fleurs aux suaves parfums et où mûrissaient des fruits si beaux, si appétissants, qu'un seul d'entre eux suffit à perdre l'humanité. Cet Éden fut-il réalité ou bien n'est-ce là qu'un mythe enfanté par l'imagination des hommes ?
Toujours est-il que cette image est demeurée en nous comme l'indice certain d'une félicité supra-terrestre. Or, l'imagination va son chemin et nous avons toujours cherché à nous donner l'illusion de posséder un bien que notre manque de sagesse nous a fait perdre. Depuis la plus haute antiquité, les humains se sont représentés les lieux de béatitude éternelle comme étant ceux où les végétaux déployaient toute leur magnificence, toute leur beauté. Par un besoin d'anticipation, que d'aucuns considèrent comme sacrilège, les hommes ont voulu jouir de ces privilèges divins dont ils se croyaient cependant privés à tout jamais. Et c'est de cette idée que sont nés les jardins.

Alger, à ce point de vue, est une ville privilégiée.

En effet, les squares et jardins y sont nombreux, aussi bien que divers dans leur conception artistique. Quelle joie pour le travailleur qui, chaque matin, passant près de l'un d'eux, peut contempler tout à son aise, pendant quelques instants, les teintes chatoyantes des fleurs et des feuillages qui se marient dans une perfection rarement égalée. Là, avant de reprendre le labeur quotidien, que ce soit à l'usine, au bureau, partout où la tâche absorbe ses facultés, le citadin se retrempe avec joie dans un coin de nature arrangé pour concentrer ses beautés éparses. Cette vision de fraîcheur et d'harmonie donne à l'esprit un repos, une quiétude plus grande permettant de supporter avec moins de contrainte les ennuis de la vie matérielle. C'est donc là un bienfait pour tous dont nous sommes redevables à nos édiles.


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mise sur site : oct.2021

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Quelques beaux jardins d'Alger
Quelques beaux jardins d'AlgerLes jardins d'Alger.

Il est une croyance donnant au paradis terrestre l'image d'un jardin enchanteur où s'épanouissaient des fleurs aux suaves parfums et où mûrissaient des fruits si beaux, si appétissants, qu'un seul d'entre eux suffit à perdre l'humanité. Cet Éden fut-il réalité ou bien n'est-ce là qu'un mythe enfanté par l'imagination des hommes ? Toujours est-il que cette image est demeurée en nous comme l'indice certain d'une félicité supra-terrestre. Or, l'imagination va son chemin et nous avons toujours cherché à nous donner l'illusion de posséder un bien que notre manque de sagesse nous a fait perdre. Depuis la plus haute antiquité, les humains se sont représentés les lieux de béatitude éternelle comme étant ceux où les végétaux déployaient toute leur magnificence, toute leur beauté. Par un besoin d'anticipation, que d'aucuns considèrent comme sacrilège, les hommes ont voulu jouir de ces privilèges divins dont ils se croyaient cependant privés à tout jamais. Et c'est de cette idée que sont nés les jardins.

Alger, à ce point de vue, est une ville privilégiée.

En effet, les squares et jardins y sont nombreux, aussi bien que divers dans leur conception artistique. Quelle joie pour le travailleur qui, chaque matin, passant près de l'un d'eux, peut contempler tout à son aise, pendant quelques instants, les teintes chatoyantes des fleurs et des feuillages qui se marient dans une perfection rarement égalée. Là, avant de reprendre le labeur quotidien, que ce soit à l'usine, au bureau, partout où la tâche absorbe ses facultés, le citadin se retrempe avec joie dans un coin de nature arrangé pour concentrer ses beautés éparses. Cette vision de fraîcheur et d'harmonie donne à l'esprit un repos, une quiétude plus grande permettant de supporter avec moins de contrainte les ennuis de la vie matérielle. C'est donc là un bienfait pour tous dont nous sommes redevables à nos édiles.

Ceux-ci ont, en effet, réalisé partout où un petit peu de place le leur permettait des coins de verdure fleurie. MM. Legendre et Poulain, qui dirigent les travaux entrepris à Alger dans ce sens, m'ont dit, avec une légitime fierté, ce qui a été fait et même m'ont fait part de leurs projets. J'ai vu défiler sous mes yeux des plans, des croquis, des photographies y ayant trait. N'est-ce point une chose tenant du prodige que la transformation de ce quartier d'Alger, jadis refuge de la basse pègre, aujourd'hui aménagé en jardin : le boulevard Laferrière. Sur les photographies reproduites plus haut, on peut se rendre compte du changement effectué en très peu de temps. Les pierres tristes des fortifications ont disparu et, à leur place, ont été créées d'abord des pépinières qui ne tardèrent pas à se muer en ces belles pelouses ombragées et étoilées de fleurs qui font aujourd'hui l'une des plus belles parures de notre capitale. Partout où existaient déjà des jardins, des modifications heureuses ont été apportées, des nouveautés artistiques s'y sont fait une place donnant aux flâneurs, aussi bien qu'au simple passant, une vision d'ordre et de beauté. Et, s'inspirant de la pensée de Socrate qui définissait le Beau par l'Utile, chaque aménagement est conçu pour le; plus grand bien et le confort de ceux qui sont appelés à en jouir.

A côté de cela, nombreux aussi sont l"s projets en cours de réalisation et ceux qui vont bientôt être mis en œuvre. Il a été dressé un vaste programme dont des tranches successives sont réalisées chaque jour. Dans ces mêmes colonnes j'ai déjà parlé du beau jardin à peine terminé boulevard Pitolet. La placette de la Croix, rue Michelet, s'est transformée elle aussi en un charmant jardinet où viennent s'ébattre les bambins du voisinage.

Partout où cela est possible, même là où personne n'aurait cru que cela puisse se faire, des parterres fleuris viennent jeter leur note de fraîcheur reposante. Et ce qui surprend le plus le profane, c'est peut-être encore la rapidité avec laquelle sont édifiées ces plates-bandes. Mais grâce aux photos publiées ci-contre, ceux-ci pourront, comme je l'ai fait moi-même, s'expliquer la chose. Voyez, en effet, ces serres où la lumière et les ombres sont judicieusement dosées. Une température invariable maintient la végétation. Il y fait doux et c'est avec délices que l'on respire cette bonne odeur de l'humus où l'eau abonde. Et puis, les fines dentelures des fougères donnent à cet ensemble un aspect délicat qui est une joie pour l'œil. A côté des serres, voyez aussi ces milliers de pots de terre alignés comme le sont des soldats à la parade. Ils sont là, prêts à être transportés aux lieux où ils feront partie, recouverts d'une couche égale de terre, de grands massifs décoratifs. Plus loin encore, des alignements impressionnants de jeunes arbustes attendent patiemment qu'on les arrache d'ici pour leur assigner une place définitive dans un parc.

C'est grâce à ces vastes serres et à ces pépinières conséquentes que la capitale algérienne voit se transformer avec célérité les coins les plus abandonnés en de jolis jardins.

Voici comment Alger devient chaque jour plus plaisante. Chacun d'ailleurs se hâte d'en jouir, depuis le yaouled fatigué de courir qui vient s'étendre sur les bancs, jusqu'au vieux Monsieur, à la boutonnière chargée, poursuivant ses méditations comme au temps jadis le faisaient les philosophes grecs dans les " jardins " du Lycée et de l'Académie. C'est là que des malheureux s'exilent du monde, et, disciples sans le savoir de Bernard Palissy, ils rêvent qu'ils ont dessiné, planté, semé cet asile et qu'à l'ombre des vergers, au bord des sources, ils contemplent une humanité meilleure. Les bambins s'émerveillent devant les teintes vives des corolles, poursuivent les papillons et, déçus de ne pouvoir saisir ces fleurs vagabondes, se vengeraient en cueillant celles plus sages qui demeurent sur leurs tiges. Les vieillards choisissent les coins ensoleillés et, respirant avec délice l'air aux senteurs balsamiques, ils réchauffent au soleil leurs membres engourdis. Et c'est là aussi que viennent muser les amoureux parce que les oiseaux y font leurs nids.