-Kerrata, le village hydro-électrique

Kerrata du mot arabe kherata (les laboureurs) est situé sur la route de Sétif à Bougie, à 52 km au nord de Sétif sur l'Oued Agrioun et au pied des Babors (2004m), à l'entrée des gorges du Chabet El Akra (ravin du bout du monde) que personne n'avait franchies avant la création du village.

extrait de "Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui juillet/aout 99 n°103"
+ le 16-12-2009...ici, mars 2016

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Pieds-Noirs d'hier et d'aujourd'hui juillet/aout 99 n°103
Kerrata, le village hydro-électrique

-----Kerrata du mot arabe kherata (les laboureurs) est situé sur la route de Sétif à Bougie, à 52 km au nord de Sétif sur l'Oued Agrioun et au pied des Babors (2004m), à l'entrée des gorges du Chabet El Akra (ravin du bout du monde) que personne n'avait franchies avant la création du village.

La création

-----Kerrata fut fondé par trois déportés politiques après les journées sanglantes de juin 1848 en métropole Girard, Roynel et Lyonel qui avaient fait vœu de célibat.
-----Ils reposent tous trois à l'entrée du cimetière dans un même tombeau.
-----La piste venant de Sétif n'allait pas plus loin.
-----Le percement de la route des gorges fut réalisé de 1863 à 1870. Une plaque commémore ces travaux à l'entrée des gorges en venant de Bougie. Les premiers soldats qui franchirent les gorges par l'Oued Agrioun étaient des Tirailleurs aux ordres du commandant Demaison.
-----Longues de 7 km entre des parois rocheuses d'un millier de mètres de hauteur, les gorges voyaient chaque dimanche des centaines de Sétifiens- retour du week-end à la mer- faire étape à la cascade dite " An Sar Azegra " en kabyle "Source fraîche bleue" Kerrata se situant en Petite Kabylie.
-----Après avoir "monté"le premier moulin à grains de la région entraîné par les eaux de l'Oued Agrioun, les fondareurs du village créèrent les fermes de "Mérouah"(l'éventail) et "Bouramtane" (élevage, céréales, vignes).
De nouveaux arrivants peuplèrent le village, construisirent leurs demeures ainsi que les hôtels de Kherata et du Chabet El Akra, la gendarmerie et d'autres bâtiments administratifs.
-----Le premier médecin fut le docteur Valton. Un pic de la Chaîne des Babors porte son nom à la suite d'une banale mésaventure. En effet, grand amateur d'escalade, notre médecin fut un jour surpris par l'obscurité au sommet d'un pic. Il dut y passer la nuit.
Par la suite les habitants du village n'hésitèrent pas à baptiser ce pic du nom de ce brave toubib.
-----Vers 1900 le village a étédesservi par un service de diligences reliant chaque jour Sétif à Bougie en 13 à 14 heures, avec cinq relais de chevaux en cours de route. Le château Dussaix fut construit en 1913. En 1921 et succédant aux trois fondateurs, M. Eugène Dussaix fit construire l'église. La cloche fut offerte par M. Augustin Calotin.
-----Kerrata faisait partie intégrante de la commune mixte de Takitount dont le siège était à Perigotville.
-----Il convient de rappeler que le département de Sétif fut créé par décret du 28juin 1956, que le département de Bougie le fut par décret du 17 mars 1958 et que par décret du 7 novembre 1959, ce même département fut supprimé et son territoire rattaché pour partie au département de Sétif qui comprenait alors 9 arrondissements dont Kerrata avec siège de la sous-préfecture au même lieu.
Les premiers colons reçurent de l'Administration, un lot de terrains à bâtir, un lot de jardins de 33ares, une concession de 40 ha qu'ils devaient exploiter pendant cinq ans pour avoir le titre de propriété

L'aménagement hydroélectrique

-----A compter de 1949-1953, Kerrata a connu un essor extraordinaire à l'occasion de l'aménagement hydroélectrique de l'Oued Agrioun.
-----Après la mise en service de l'usine de Darguinah en 1952, le barrage de 1'Ighil Emda et l'usine souterraine de Kerrata en 1953, firent de cette région un centre névralgique important d'où partaient des lignes se dirigeant sur Alger et Bône.
-----L'aménagement de l'Oued-Agrioun est entré le premier dans la période de la réalisation en raison d'un certain nombre de facteurs favorables qui étaient la facilité d'accès, la facilité relative des travaux et une meilleure connaissance du régime de cet oued.
Sa production totale est de 198 millions de kWh, soit 25 % de la consommation algérienne actuelle. La puissance installée de 95 000 kW en fait une usine de pointe et de forte charge d'autant plus précieuse que le réservoir amont peut stocker 75 % du débit annuel moyen.
-----Ainsi que beaucoup d'autres, le village a connu, hélas, les émeutes du 9 mai 1945 et dû dénombrer huit victimes parmi la population européenne, Kerrata fut délivré par la Légion Etrangère. Une plaque gravée dans la roche des gorges représentant l'emblème de la Légion et 1945 commémore ces faits d'armes.
-----La guerre d'Algérie (1954-1962)devait à nouveau troubler le village qui connut divers attentats et assassinats.
-----Puis vint l'heure de l'exode. Les Européens durent abandonner leurs biens et leurs morts qui reposent maintenant en terre étrangère.

Henri Sax.

Quinze années exaltantes

-----C'est à Kerrata qu'en 1947 avec mon épouse, nous avons fondé notre foyer. Nos quatre enfants y sont nés entre 1948 et 1961.
Mon épouse a enseigné quelques années à l'école primaire et moi j'ai très modestement participé à l'aménagement hydroélectrique de l'Oued Agrioun. Oued sauvage descendant du massif des Babors et nommé Oued Berd, jusqu'au confluent avec l'oued Embarek. Il traverse Kerrata et s'engouffre dans les gorges du Chabet El Akra et va rejoindre notre mer à Souk El Tenine.
-----C'est dans cette vallée sauvage que j'ai vu naître et grandir le progrès au prix de gigantesques travaux, qui ont demandé beaucoup de peine, de sueur de peurs, de blessés et malheureusement de morts, mais aussi de grandes joies lors de belles réussites techniques. De janvier à février 1948 nous avions subi journellement de très nombreuses secousses sismiques. Au village plusieurs maisons ont été endommagées, le clocher de l'église sectionné mais ne s'est pas écroulé, le moulin Dussaix fissuré sérieusement. Période pénible à vivre, de nombreuses personnes avaient quitte le village pour rejoindre des parents dans des lieux plus calmes, Ces travaux ont engendré, un afflux d'entreprises, de personnes, les commerces ont prospéré. Tout les habitants des lieux ont eu du travail, la vie est devenue plus facile, C'était un mieux être pour toutes les communautés et les relations étaient excellentes. La commune put construire une magnifique mairie, l' hôpital, deux écoles, une mosquée, une station de pompage pour l'alimentation en eau potable du village. Les sources n'arrivaient plus en été à subvenir aux besoin des populations. Le 27 juin 1954, c'était l'inauguration en grande pompe des barrages et usines avec comme slogan " Adieu la bougie, fini le kanoun, Vive l'énergie de l'Oued Agrioun " Et quatre mois plus tard c'était le début de la rébellion,. Les cités ouvrières se sont vidées peu à peu, beaucoup de personnes ont rejoint l'aménagement de l'Oued Djendjen, au dessus de Ziama Mansouriah.
-----Sur ce chantier plusieurs de mes collègues et amis ont perdu la vie, assassinés comme seuls savent le faire les sauvages, laissant jeunes et enfants dans un désarroi abominable.
-----A Kerrata, Darguinah, Djendjen, Ziama Mansouriah, ces huit années de massacre et de destructions, des personnes et des biens, toute cette folie sanguinaire, s'est terminée par l'exode.
-----" Que reste-t-il de nos amours " ???

Albert Camillieri