Les ports maritimes algériens
LA CALLE
première capitale française en Barbarie
Naissance d'un› " emporium "

LA CALLE
première capitale française en Barbarie
Naissance d'un› " emporium "

A 80 kilomètres de Bône, à 39 de Tabarca, le petit port de La Calle est la dernière escale du littoral algérien dans la direction de l'aurore. Mois son titre de gloire, ce qui fait d'elle un site historique hors de pair, c'est qu'elle fut, avec le Bastion de France voisin, le berceau de l'Algérie française et la première capitale de la France en Algérie - on disait alors Barbarie...

Ici, pendant plus de trois siècles, avec des éclipses il est vrai, flotte le pavillon national, tricolore ou fleurdelisé. Ici, pendant plus de trois siècles, proscrits volontaires, des Français ont souffert et des Français moururent.

Au moment d'évoquer ces héros de l'Aventure, dont l'existence fut plus d'une fois épique, accordons une pensée à leurs prédécesseurs, ces pionniers phéniciens adorateurs de Baâl ct de Tanit, qui, 2.000 ans plus tôt, de l'Est à l'Ouest, de Tyr jusque Carthage, jusqu'à Larache, jusqu'à Gadès, en passant par La Calle, avaient établi dans chaque anse du littoral ces relais commerciaux que les Latins nomment " emporia ".

Ces comptoirs puniques, où se pratiquaient le marché muet et le troc avec les terriens du rivage et de l'arrière-pays, les vieux Libyens régnicoles dont il arrive encore que l'on retrouve les tombes, devaient beaucoup ressembler aux entrepôts français dont je vais maintenant parler.

En sorte que cette évocation nous informera des uns par la connaissance des autres,


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Echo du 25-3-1952- Transmis par Francis Rambert
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première capitale française en Barbarie
LA CALLE
première capitale française en Barbarie
Naissance d'un› " emporium "

A 80 kilomètres de Bône, à 39 de Tabarca, le petit port de La Calle est la dernière escale du littoral algérien dans la direction de l'aurore. Mois son titre de gloire, ce qui fait d'elle un site historique hors de pair, c'est qu'elle fut, avec le Bastion de France voisin, le berceau de l'Algérie française et la première capitale de la France en Algérie - on disait alors Barbarie...

Ici, pendant plus de trois siècles, avec des éclipses il est vrai, flotte le pavillon national, tricolore ou fleurdelisé. Ici, pendant plus de trois siècles, proscrits volontaires, des Français ont souffert et des Français moururent.

Au moment d'évoquer ces héros de l'Aventure, dont l'existence fut plus d'une fois épique, accordons une pensée à leurs prédécesseurs, ces pionniers phéniciens adorateurs de Baâl ct de Tanit, qui, 2.000 ans plus tôt, de l'Est à l'Ouest, de Tyr jusque Carthage, jusqu'à Larache, jusqu'à Gadès, en passant par La Calle, avaient établi dans chaque anse du littoral ces relais commerciaux que les Latins nomment " emporia ".

Ces comptoirs puniques, où se pratiquaient le marché muet et le troc avec les terriens du rivage et de l'arrière-pays, les vieux Libyens régnicoles dont il arrive encore que l'on retrouve les tombes, devaient beaucoup ressembler aux entrepôts français dont je vais maintenant parler.

En sorte que cette évocation nous informera des uns par la connaissance des autres,

Fondation du Bastion de France

En 1450 selon les uns, en 1473 selon d'autres, la France obtint de la Régence d'Alger des concessions pour la pêche du corail, qui foisonnait à cette époque sur les hauts fonds de la côte. Ces concessions s'étendirent avec le temps jusqu'à. Bougie.

Sur ces premiers essais d'établissement nous ne possédons que de rares documents, et tous sont lacunaires et certainement contradictoires.

Mais, vers 1550, Thomasso Lincio, Marseillais d'origine corse, dont nous ferons Thomas Lenches, fondait " La Nostra Compania delle Pesca da Coralli da Buona " et de celle-ci l'histoire nous est exactement connue.

Muni de lettres patentes du roi, Thomas Lenches avait installé son comptoir principal sur un promontoire escarpé de difficile accès parmi les dunes et la brousse ou les fauves pullulaient. entre Bône et La Calle, lieu qui, nommé d'abord Bastion de Massacarès, devint le Bastion de France.

Les concessions d'Afrique deviennent " affaire d'État "

La fondation Lenches ayant prospéré (on l'appelait maintenant " La Magnifique Compagnie du Coralia "), elle suscite des envieux et des rivalités, et d'autres sociétés briguèrent et intriguèrent afin de lui ravir le privilège des concessions.

Réagissant en présence du péril, le neveu du fondateur. qui lui avait succédé, lequel était bien en Cour étant seigneur de Moissac, obtint, en 1597, des lettres patentes de l'autorité royale qui lui conféraient une authentique investiture de gouverneur. Renouvelées en 1602 par Henri IV, ces parchemins témoignent de l'importance que la France attachait dès cette époque aux questions africaines, comme l'indique excellemment M. Picquois. auteur d'une monographie exemplaire de La Calle, les concessions d'Afrique devenaient " affaire d'État ".

Avatars et tribulations

A l'origine, et par la volonté expresse des deys, les installations françaises se limitaient strictement aux logements du personnel et aux magasins. Aucune construction d'ouvrages de défense n'était autorisée, Mais avec le temps les sévérités du début s'étant relâchées, on rusa et tricha et, dès le XVIe siècle, on s'était protégé contre les pillards du bled et les pirates de la mer.

Outre le corail, dont la vente et la récolte subissaient des fluctuations dues à des causes diverses, le Bastion et ses succursales de La Calle et du Cap Rosa, achetaient et exportaient des cuirs, de la laine, de l'huile, de la cire et du miel. Mais surtout des céréales. Trafic plein de danger. Car les années de disette, les Algériens accusaient les Français d'avoir vidé les silos, et des mouvements de jacquerie mettaient leur vie en péril. Les affamés se ruaient sur nos établissements et, malgré les murs de défense et les pièces de canon, on brûlait, on pillait. on tuait… (j'en passe, et des pires !).

Marquons d'une croix, écrit M. Picquois que je citerai encore, les années 1586, 1604, 1637, 1658, 1683, 1744, 1798,. 1807, 1837 qui virent pillages, destructions, incendies... La litanie est longue.

Et je tais le fléau des moustiques, dont les lacs d'alentour sont des bouillons de culture, lesquels, une seule année, auraient fait 400 victimes ! C'est qu'alors l'anophèle n'était pas reconnu comme vecteur du paludisme, et la quinine n'existait pas.

Vous voyez bien, pessimistes, qu'il y a du nouveau et du progrès sous le soleil!

Après ces déchaînements et ces épouvantements, la vie tenace continuait, faite d'une suite d'alternances de prospérité et de tribulations. Flux et reflux, " sol y sombra ".

En 1604, à l'occasion dune nouvelle famine dont nos compatriotes, bouc émissaire impuissant, furent proclamée responsables, le Bastion de France fut détruit par ordre du dey d'Alger. Il devait le rester jusqu'en 1628. date où Samson Napollon obtint,
de la Régence licence de le relever.

Samson Napallon

Corse de Marseille comme son prédécesseur Thomas Lenches, gentilhomme de la Chambre du Roi. ancien consul à Alep, Samson Napollon, qui avait également vécu à Constantinople, avait gardé de son séjour en Turquie des relations avec la Porte ottomane. Aussi est-ce à lui que Richelieu, en 1626, commis la tâche de négocier avec les autorités d'Alger l'autorisation de reconstruire le Bastion démantelé. Diplomate astucieux, expert dans l'art de distribuer le bakchich sésame qui, en Orient, lubrifie toutes les portes, après deux ans de tractations Napollon triomphait. Le 19 septembre 1628, la paix était conclue entre la France et la Régence et une convention accordait à Samson Napollon, " à titre personnel ", précise-t-on, et au prix d'une redevance, l'autorisation de relever les ruines du Bastion de France et des établissements annexes,

Le duc de Guise fournissant les capitaux, grâce à l'activité efficiente de Samson, qui percevait le tiers des bénéfices réalisés, ce qui stimulait ses aptitudes innées, tout fut promptement remis sur pied. et le Bastion et La Calle connurent cinq ans de prospérité.

Mais le commerce. désormais, n'était qu'une " couverture " un trompe-nigaud pacifique. Conquérant masqué, Samson, avec l'approbation royale, ambitionnait d'annexer Tabarca à " ses " Concessions d'Afrique, en vue d'un débarquement de la France en Barbarie, où l'on croyait les indigènes désireux de secouer le joug des Osmanlis.

C'est dans l'exécution de ce dessein expansionniste qu'il devait trouver la mort le 11 mai 1633. Le chef de la garnison (de Tabarca) fit jeter son corps à la mer et clouer sa tête sur une porte de la forteresse. (Picquois.)

La Calle remplace le Bastion de France

Samson Lepage, successeur de Napollon. ayant été proclamé responsable d'une nouvelle disette en 1637, le Bastion de France fut de nouveau incendie et pillé par ordre du Divan d'Alger, avec défense de le réédifier. Cet interdit dura trois ans. Les tribus circonvoisines ayant mesuré les avantages qu'elles retiraient de leur commerce avec nos compatriotes. entrèrent en dissidence et ne firent leur soumission qu'après qu'il leur fut promis de rétablir le Bastion. Le 7 juillet 1640, les Turcs obtempéraient, accordant à Coquel de succéder à Lepage.

Une ère de paix s'ouvrait, qui devait durer 18 ans.

Elle fut interrompue, nous disent les historiens " par la conduite déplorable du docteur Picquet " qui avait succédé a Coquel en 1643.
Quelles forfaitures, quelles turpitudes, avaient commises le toubib-gouverneur pour amener une nouvelle destruction du Bastion ? On nous le tait pudiquement : hier comme aujourd'hui le manteau de Noé était un instrument de règne !

Sautons des avatars toujours recommencés et nous voici en 1679, date où le vieux Bastion héroïque et historique, vingt fois renversé et vingt fois reconstruit, est enfin abandonné " pour cause d'insalubrité ", de même que l'étab1issement mineur du Cap Rosa.
La Calle lui succéda. Elle devenait l'un1que comptoir de la France en Algérie, " la capitale du corail ", dira poétiquement le professeur Emerit, et elle le demeurera jusqu'en 1827, où le coup d'éventail du dey Hussein Pacha au consul Paul Deval consommera. la rupture entre la Régence et la France, et la destruction de La Calle.

La Révolution nationalise La Calle

Quelle fut l'existence de- La Calle, depuis sa promotion au rang de capitale française, en 1679 jusqu'à. sa destruction finale, en 1.827 ?
Devenue une bourgade de 500 habitants, dont la majorité étaient des pêcheurs, La Calle connut une période de bonheur, car le corail se vendait 1.700 livres la caisse à la Compagnie des Indes. qui l'échangeait aux Hindous contre des épices et des soieries.

Mais les échanges ayant périclité, en 1741 l'établissement; devint La Compagnie Royale d'Afrique, laquelle se maintint jusqu'à la Révolution.

Alors survint l'abolition des privilèges et la Concession fut " nationalisée ".

La pêche exterminatrice

Après le Directoire. les marins gênois, qui étaient devenus français grâce à l'annexion de leur pays par Bonaparte, puis les Napolitains, se livrèrent a une exploitation exterminatrice du corail que rien ne protégeait contre leur banditisme. L'année 1807, on dénombrait, à La Calle, 400 balancelles corallines italiennes.

Cette dévastation, sans contrôle ni merci, datait de loin. Dès 1784, l'agent Bourguignon, de Bône. exprimait ces doléances : partout où pénètrent les bateaux italiens, ils balayent le fond de la mer au point qu'ils ne laissent plus un brin de corail ; tout est enlevé par eux.
Ce détail - qui vaut pour toute la côte - explique la disparition du précieux madrépore A force de draguer, de ratisser, de " balayer " les fonds. on l'a exterminé. Comme on fit des autruches au Sahara, comme on fait des gazelles, que l'on "chasse " en jeep et à la mitraillette...

La Calle incinérée

En 1798, répercussion lointaine de l'entrée de Bonaparte en Égypte, La Calle avait été pillée et incendiée. En 1807, les Anglais ayant obtenu les Concessions d'Algérie ils s'y installèrent pour dix ans, mais sans rien restaurer. En 1817, le vent ayant tourné, une convention fut signée qui nous autorisait à la réoccuper, et l'on réédifia, entement ce que l'on put,

Mais, dix ans plus tard, ce fut " le coup d'éventail ",. auquel nous répondîmes par le blocus de la Côte, non sans avoir, au préalable, évacué la Concession. Sage mesure, car, le dey Hussein ordonna de la détruire. .Une fois de plus, La Calle allait périr dans les flammes.
Mais pour renaître encore. En 1836.

Et, cette fois, pour durer, s'accroître et s'épanouir.